CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 10 juin 2014, n° 13/13659
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hirigoyen
Conseillers :
Mme Delbès, M. Boyer
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 5 juin 2013 qui, statuant en matière de sanctions personnelles, a, au visa des articles L 653-1 et suivants du code de commerce , prononcé à l'encontre de M. X, en sa qualité de gérant de l'Eurl Coloris, une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale d'une durée de huit ans ;
Vu l'appel interjeté par M. X à l'encontre de cette décision par déclarations des 1er et 5 juillet 2013 qui ont donné lieu, le 12 novembre 2013, à jonction d'instances ;
Vu les écritures déposées le 5 octobre 2013 par l'appelant qui demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, d'annuler la sanction d'interdiction de gérer prononcée à son encontre et, subsidiairement, d'en réduire la durée et d'exclure de son périmètre les sociétés actuellement gérées par lui, à savoir la Sasu Genesis Installations, la Sarl VGSM et la SCI Océane ;
Vu la signification de la déclaration d'appel et des conclusions d'appelant effectuée à l'adresse de la Selarl SMJ, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Coloris, selon acte du 9 octobre 2013 remis à une personne habilitée et non suivie d'une constitution d'avocat ;
Entendu M. l'avocat général en ses observations tendant à la diminution de la durée de l'interdiction de gérer et à l'exclusion de son périmètre des autres sociétés gérées par l'appelant ;
SUR CE
Considérant que par jugement du 4 mars 2010, le tribunal de commerce de Paris a, sur déclaration de cessation des paiements du 18 février 2010, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de l'Eurl Coloris, entreprise générale du bâtiment, et a fixé la date de cessation des paiements au 4 septembre 2008 ; que par jugement du 22 juillet 2011, cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire, la Selarl EMJ, en la personne de Maître Y, étant désignée comme liquidateur; qu'à la requête du ministère public et par acte d'huissier du 5 février 2013, M. X a été cité à comparaître devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de sanctions personnelles en sa qualité de gérant de la débitrice ;
Considérant que la citation à comparaître a été régulièrement délivrée le 5 février 2013 à M. X, [...], adresse que l'appelant indique dans ses conclusions d'appel, et ce, selon acte remis en l'étude de l'huissier instrumentaire, qui précise que le nom du destinataire figure sur la boîte aux lettres et que l'adresse de l'intéressé lui a été confirmée par le facteur ;
Considérant que les opérations de liquidation judiciaire ont mis en évidence une insuffisance d'actif de 240.579,49 euros ;
Considérant que les premiers juges ont retenu les deux griefs formulés dans l'acte introductif d'instance à l'encontre de M. X, à savoir l'omission de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal(L 653-8) et le détournement ou la dissimulation de tout ou partie de l'actif ou l'augmentation frauduleuse du passif (L. 653-4);
Considérant que M. X expose, au soutien de son appel, qu'il a acquis en juillet 2005 la totalité des parts de la société Coloris à la demande expresse de son gérant qui souhaitait se retirer, que la société étant entouré de professionnels, un directeur commercial, un cabinet d'assistance et de Gestion Intégrale, la société AGI, et d'un cabinet d'expert comptable, et ses résultats étant bons, il a accepté d'en prendre la gérance de droit et a fait confiance à ces professionnels, et plus particulièrement à la société AGI, pour assurer sa gestion, que la société AGI ne lui a rien dit de la dégradation de la situation de la société à partir de 2008 et qu'il a été mis devant le fait accompli lorsque l'intéressée a procédé à la déclaration de cessation des paiements ; qu'arguant de la gestion de fait ainsi assurée par la société AGI, il conteste être l'auteur des faits qui lui sont reprochés et fait plaider que la date effective de cessation des paiements se situe au 31 décembre 2009 et, à tout le moins, courant 2009, et qu'il n'a commis aucun détournement ;
Considérant que l'implication dans la vie sociale de la société AGI n'est pas de nature à exonérer le gérant de droit qu'était M. X de la responsabilité qu'il encourt en cette qualité et n'est pas un fait justificatif pour échapper aux sanctions personnelles ;
Considérant que le grief de détournement ou dissimulation de tout ou partie de l'actif ou d'augmentation frauduleuse du passif tient au non-paiement d'un précompte de cotisations salariales (29.000 euros) et d'une dette de TVA (39.000 euros) ; que si cette omission volontaire est, à la supposer établie, pénalement répréhensible, elle ne constitue ni un détournement ou une dissimulation de l'actif, lequel se trouve au contraire artificiellement augmentée par l'utilisation des sommes non reversées comme facilité de trésorerie, ni une augmentation frauduleuse du passif qui consiste à se reconnaître sciemment débiteur de sommes que la personne morale ne doit pas, de sorte que le grief de l'article L 653-4 ne sera pas retenu ;
Considérant qu'il résulte de l'article R 653-1, alinéa 2, du code de commerce que pour l'application de l'article L 653-8, la date de cessation des paiements retenue dans le cadre de l'instance en sanctions personnelles ne peut être différente de celle retenue par le jugement d'ouverture, sauf jugement en report, de sorte que ladite date ayant été fixée au 4 septembre 2008, la déclaration de cessation des paiements déposées le 18 février 2010 était tardive ; que le passif s'est aggravé durant la période suspecte de 137.000 euros ;
Considérant qu'en l'état du seul grief retenu, la mesure d'interdiction de gérer prononcée par les premiers juges sera confirmée en son principe ; que sa durée sera, en revanche, ramenée à quatre ans ;
Considérant que la situation de M. X, gérant de trois autres sociétés, mérite d'être préservée de sorte qu'il convient d'exclure ces entités du périmètre de l'interdiction prononcée ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré sauf sur la durée et le périmètre de l'interdiction de gérer prononcée,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Fixe la durée de la mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale prononcée à l'encontre de M. X à quatre ans et exclut de son périmètre la Sasu Genesis Installations, la Sarl VGSM et la SCI Océane,
Rejette toute autre demande,
Condamne M. X aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.