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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 31 juillet 2009, n° 09/14577

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Comité d'Entreprise de la Caisse d'Epargne d'Ile de France (Sté), Sud (Syndicat), Syndicat CGT du Personnel de la Caisse d'Epargne Ile de France Paris

Défendeur :

Caisse d'Epargne Ile de France (Sté), Caisse Nationale des Caisses d'Epargne (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Taillandier

Conseillers :

Mme Bezio, Mme Montpied

Avoués :

Me Bodin-Casalis, SCP Duboscq-Pellerin

Avocats :

Me Bouaziz, Me Jammet, Me Wulverick

TGI Paris, du 10 juill. 2009, n° 09/5594…

10 juillet 2009

Statuant sur l'appel formé par à l'encontre d'une ordonnance de référé rendue le 10 juillet 2009 par le président du Tribunal de Grande Instance de PARIS qui a rejeté les exceptions d'irrecevabilité soulevées par la Caisse d'Epargne d'Ile-de- France, déclaré irrecevables les demandes formées contre la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et la Banque Fédérale des Banques populaires et débouté le comité d'entreprise de la Caisse d'Epargne Ile- de- France et les syndicats demandeurs de l'ensemble de leurs prétentions dirigées contre la Caisse d'Epargne Ile- de- France ;

Vu les dernières écritures en date du 27 juillet 2009 du comité d'entreprise de la Caisse d'Epargne Ile- de- France, du syndicat SUD et du syndicat CGT du personnel de la Caisse d'Epargne Ile- de- France, appelant, qui demandent à la Cour de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les exceptions d'irrecevabilité soulevées par la Caisse d'Epargne Ile- de- France, de l'infirmer pour le surplus et de :

- déclarer SUD recevable dans son action contre la CNCE,

A la demande du comité d'entreprise, des syndicats SUD et CGT :

Dire et juger que la Caisse d'Epargne Ile de France n'a pas valablement informé son comité d'entreprise sur le projet Sequana,

Dire et juger que la Caisse d'Epargne Ile de France n'a pu valablement recueillir l'avis de son comité d'entreprise sur ce projet lors de la réunion du 23 juin 2009,

Annuler ou suspendre les effets de cette réunion en ce qu'elle permet à la Caisse d'Epargne Ile de France de mettre en oeoeuvre le projet Sequana,

Dire et juger qu'en conséquence, le conseil d'orientation et de surveillance n'a donc pu valablement délibérer sur le projet et se prononcer sur celui-ci,

Dire et juger que le conseil d'orientation et de surveillance devra se réunir à nouveau pour délibérer sur le projet après avoir reçu l'avis du comité d'entreprise.

Dire et juger que si la caisse d'épargne entend poursuivre la mise en oeuvre du projet Sequana, la Caisse d'Epargne Ile de France devra reprendre le processus d'information à l'origine et :

1) remettre au comité d'entreprise et à son expert les documents et informations suivants :

- Le projet industriel qui définit la stratégie future du Groupe, ses objectifs, les moyens mis en oeuvre, les conséquences sociales,

- Le business plan Groupe, le business plan de l'Ensemble des Caisses, le business Plan de la Caisse IDF, qui découlent de ce projet industriel, avec donc les conséquences chiffrées en termes de PNB, charges (donc frais de personnel et donc effectifs), résultats et donc santé financière,

- L'impact sur l'emploi tant au niveau du NOC que des différents établissements et structures qu'il chapeaute

2) après remise d'un rapport complémentaire par l'expert, réunir pour une première réunion d'information en vue de la consultation son comité d'entreprise avec un délai de 7 jours compte tenu de l'importance du projet et de ses conséquences,

3) organiser une seconde réunion dans un nouveau délai de 7 jours afin de permettre à la direction de répondre aux questions posées par les élus.

4) après un nouveau délai de 7 jours recueillir l'avis du comité d'entreprise

Faire défense à la Caisse d'Epargne Ile de France de mettre en oeuvre le projet dénommé Sequana sous astreinte journalière de 100 000 euros, et ce tant qu'elle n'aura pas loyalement et complètement informé son comité d'entreprise.

Ordonner la transmission de l'arrêt à intervenir à l'ensemble des salariés de la Caisse d'Epargne Ile de France par le biais de l'intranet de l'entreprise,

Condamner la Caisse d'Epargne Ile de France et la CNCE, chacune, à verser aux concluants la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE,

A la demande du syndicat Solidaires, unitaires et démocratiques dans les Caisses d'épargne :

- Tant que le comité d'entreprise de la CEICDF n'aura pas loyalement et complètement été informé et consulté sur le projet Sequana par la CEIDF et dans la mesure où ledit projet ne peut se faire qu'avec toutes les caisses régionales :

Faire défense à la CNCE de mettre en oeuvre ledit projet et ce sous astreinte journalière de 100 000 euros.

Interdire, sous la même astreinte, la tenue de l’assemblée générale de la CNCE ayant pour ordre du jour celui défini par l'article 9 de la loi du 18 juin 2009 précité, c'est-à-dire l'assemblée générale devant approuver les apports de participations à l'Organe Central des Caisses d'Epargne et des Banques Populaires par la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance et décidant l'émission d'actions en rémunération des dits apports

- Condamner la CEIDF aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront pour ces derniers recouvrés par Maître Chantal Rodène B., conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures de la Caisse d'Epargne Ile de France, (CEIDF), intimée, en date du 27 juillet 2009 qui demande à la Cour de :

- Constater que les demandes du Comité d'entreprise et des Syndicats sont irrecevables et mal fondées,

- En conséquence,

Confirmer l'ordonnance du 10 juillet 2009, et débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes.

A titre subsidiaire.,

- Juger que le juge des référés n'a pas le pouvoir d'annuler la réunion du COS,

- Juger que le quantum de l'astreinte sollicitée n'est pas fondé,

En conséquence,

- Débouter les appelants de leur demande d'annulation de la réunion du COS,

- Réduire le montant de l'astreinte sollicitée à de plus justes proportions.

En tout état de cause

Condamner solidairement le Comité d'entreprise et les Syndicats appelants à la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner les appelants aux entiers dépens dont le recooeuvrement sera poursuivi par la SCP DUBOSCQ & PELLERIN, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures de la Caisse Nationale des Caisses d'Epargne et de Prévoyance,(CNCE), intimée, en date du 24 juillet 2009 qui demande à la Cour de :

- Constater que les demandes du Comité d'entreprise et des Syndicats sont irrecevables et mal fondées,

- En conséquence,

Confirmer l'ordonnance du 10 juillet 2009, et débouter les appelants de l'intégralité de leurs demandes.

A titre subsidiaire.,

- Juger que le juge des référés n'a pas le pouvoir d'annuler la réunion du COS,

- Juger que le quantum de l'astreinte sollicitée n'est pas fondé,

En conséquence,

- Débouter les appelants de leur demande d'annulation de la réunion du COS,

- Réduire le montant de l'astreinte sollicitée à de plus justes proportions.

En tout état de cause

Condamner solidairement le Comité d'entreprise et les Syndicats appelants à la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner les appelants aux entiers dépens dont le recooeuvrement sera poursuivi par la SCP DUBOSCQ & PELLERIN, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

Vu les observations du Ministère Public.

Vu la réouverture des débats à l'audience du 29 juillet 2009 et les nouvelles conclusions de la CNCE et de la Caisse d'Epargne Ile-de France de ce jour tendant aux mêmes fins ;

Sur ce, la Cour

Considérant qu'il est constant que dans le cadre du projet de rapprochement des Caisses d'épargne et des Banques populaires, la Caisse d'épargne d'Ile-de-France a mis en place une procédure d'information et de consultation de son comité d'entreprise ; que 5 réunions ont eu lieu, la dernière s'étant tenue le 23 juin 2009 avec l'ordre du jour suivant : Information en vue de la consultation du comité d'entreprise sur le projet de rapprochement de la CNCE et de la BFBP ; remise d'avis et particulièrement sur la prise de participation de la CEIDF dans le capital du nouvel organe central dans le cadre du projet de rapprochement de la BFBP et la CNCE et ses conséquences pour la CEIDF';

que contestant avoir été régulièrement informé et consulté, le comité d'entreprise auquel se sont joints les organisations syndicales SUD et CGT ont saisi le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de PARIS qui a rendu la décision déférée à la Cour ;

Sur l'exception de nullité de l'assignation délivrée par le comité d'entreprise

Considérant que les intimées invoqué l'absence de délibération du comité d'entreprise sur le mandat de sa secrétaire pour agir en justice et soutiennent que cette question ne figurait pas à l'ordre du jour de la réunion ;

Mais considérant que c'est par de justes motifs que la Cour adopte que le premier juge a rejeté cette exception en jugeant qu'un vote sur le mandat donné à la secrétaire d'agir en justice avait bien eu lieu lors de la réunion du 23 juin 2009 et que si cette délibération n'était pas inscrite à l'ordre du jour de la séance, elle se rattachait, par un lien suffisant, au point qui y figurait ;

que l'exception sera rejetée ;

Sur l'irrecevabilité de l'action du syndicat SUD à l'encontre de la CNCE, tant au nom du comité d'entreprise de la CEIDF qu'en son nom propre ;

Considérant que la CNCE soutient que le syndicat SUD ne justifie d'aucun intérêt à agir à son encontre, dès lors qu'elle est totalement étrangère au litige existant au sein de la CEIDF et que le syndicat SUD ne saurait être l'interprète du comité d'entreprise appelant qui n'est nullement concerné personnellement par les décisions de la CNCE dont il n'est pas une émanation ;

Considérant néanmoins, que force est de constater que le syndicat SUD n'agit nullement pour le compte du comité d'entreprise de la CEIDF mais en son nom propre et que ce moyen est, dès lors, sans objet ;

Considérant par ailleurs, que la CNCE soutient également que le syndicat SUD ne justifie d'aucun intérêt à agir en son nom propre puisqu'il n'invoque aucun manquement propre de la CNCE et que les griefs émis ne concernent que la CEIDF ;

Considérant néanmoins, qu'en application de l'article 2132-3 du code du travail, les organisations syndicales sont habilitées à agir en justice pour défendre les intérêts collectifs de la profession qu'ils représentent ; qu'en l'espèce, le syndicat SUD fonde ses demandes sur l'irrégularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise de l'une des caisses régionales qui serait de nature à vicier la mise en oeuvre du projet global, celui-ci ne pouvant être réalisé que si toutes les caisses régionales y participent, et partant, de méconnaître les droits des salariés ; qu'en conséquence, il y a lieu de considérer que l'intérêt à agir du syndicat SUD est établi et d'infirmer de ce chef, l'ordonnance entreprise ;

Sur la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise de la CEIDF

Considérant qu'en premier lieu, la CEIDF soutient que la demande ne saurait valablement prospérer en référé dans la mesure où le comité d'entreprise, lors de sa réunion du 23 juin 2009, a bien émis un avis et qu'il ne saurait, aujourd'hui, revenir sur celui-ci ;

Mais considérant que la lecture du procès-verbal de la réunion du 23 juin permet de constater que les débats, particulièrement houleux, n'ont pas permis aux membres du comité d'entreprise d'émettre le moindre avis, compte tenu de la confusion existante ; que si certains membres du comité, se faisant l'interprète de leurs organisations syndicales, ont pris la parole pour indiquer la position adoptée par leur syndicat, aucun vote relatif à la consultation du comité sur l'ordre du jour de la séance n'a été émis de façon claire et non ambiguë ;

Que dans ces conditions, il convient d'écarter le moyen soulevé de ce chef par la CEIDF ;

Considérant, sur l'insuffisance de l'information fournie au comité d'entreprise, que les appelants font valoir que les documents qui ont été communiqués aux élus dans le cadre des réunions d'information sont notoirement insuffisants pour permettre une lisibilité minimum du projet ; qu'aucun projet industriel précis définissant la stratégie du nouveau groupe, ni business plan, ni étude d'impact sur l'emploi ne leur ont été communiqués, que l'expert auquel le comité a fait appel a relevé ces carences et n'a pu émettre que des hypothèses fondées sur les seules informations dont il disposait, et que la majorité des autres comités d'entreprise du réseau, s'ils ont émis des avis, pour la plus part négatifs, l'ont fait en constatant l'insuffisance des informations produites ;

que l'intimée conteste l'insuffisance qui lui est imputée en soutenant qu'au cours de cinq réunions, les élus ont reçu une documentation complète et précise sur le projet ; que celui-ci, qui est d'une grande complexité, doit être mené selon plusieurs étapes et que le comité d'entreprise sera consulté à l'occasion de chacune de celles-ci ; que l'expert du comité a eu accès à tous les documents existants et a pu rencontrer l'ensemble des responsables du projet ; que le projet industriel a été clairement défini et qu'il appartiendra à l'organe central institué par la loi du 18 juin 2009 de définir la stratégie du nouveau groupe après la tenue en septembre d'universités ; qu'en qui concerne les conséquences sur l'emploi de la mise en oeuvre du projet, Monsieur P. a personnellement indiqué aux organisations syndicales, qu'il n'y aurait pas de départs contraints au niveau de l'organe central dans les deux prochaines années et que les adaptations nécessaires s'effectueront par gestion des flux naturels ;

Considérant qu'en application de l'article L. 2323-6 du code du travail, le comité d'entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise et notamment sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d'emploi, de travail et de formation professionnelle ; qu'en application de l'article L. 2323-19 du code du travail, il est informé et consulté sur les modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise, notamment en cas de fusion, de cession, de modification importante des structures de production de l'entreprise ;

que l'information fournie aux représentants du personnel doit être complète, précise et loyale et doit leur permettre d'exprimer un avis éclairé et utile ; que les documents et les informations fournis doivent assurer une lisibilité du projet afin d'en assurer la parfaite compréhension ;

qu'en cas de projet particulièrement complexe, s'il est nécessaire d'informer et de consulter le comité d'entreprise à chaque étape du projet, il n'en demeure pas moins que l'information fournie dès l'origine doit être suffisamment détaillée pour que les représentants du personnel puissent se prononcer en ayant une vision satisfaisante des objectifs poursuivis, des moyens pour y parvenir et des conséquences en termes d'emploi ;

Considérant qu'en l'espèce, à l'occasion des cinq réunions qui se sont tenues d'avril à juin 2009, la CEIDF a communiqué au comité, deux dossiers, comportant pour le premier, la description du contexte du rapprochement, le projet industriel et les principes de l'opération envisagée, et pour le second, la description du projet, les modalités de réalisation de l'opération, l'impact financier et économique de l'opération, l'organisation du NOC(Nouvel organe central), les conséquences sociales du projet et son calendrier ; qu'il a été produit un dernier document relatif aux impacts financiers potentiels pour la CEIDF et au transfert des conventions antérieures conclues entre la CNCE et la CEIDF ; que le comité d'entreprise a désigné un expert-comptable, la société SACEF, qui a déposé un rapport le 18 juin 2009 ;

Que la lecture de ces documents fait apparaître que les deux dossiers communiqués par la CEIDF ne comportent que des généralités quant à la description du projet, que si les modalités du rapprochement avec nécessité d'intervention du législateur sont décrites avec précision, il n'en va pas de même en ce qui concerne la définition du projet industriel, la stratégie du nouveau groupe, le business plan et les conséquences sur l'emploi ; qu'en effet s'il est affirmé la volonté de créer le second groupe bancaire français fondé sur la notion de banque de détail et de proximité tout en maintenant l'autonomie des deux réseaux, il n'est apporté aucune précision concrète sur la configuration du groupe, sur la coordination et l'harmonisation des activités des deux réseaux, alors qu'il ne peut être contesté que ceux-ci, qui demeureront concurrents au plan commercial, devront trouver des modalités de fonctionnement complémentaires puisqu'étant regroupés au sein du même groupe et étant soumis à la même autorité, à savoir le Nouvel Organe Central ;

que de même, aucune information précise quant à la stratégie du groupe n'a été communiquée pas plus que n'est produit le business plan du nouveau groupe, celui communiqué à l'expert n'étant constitué que de la simple addition des business plan des groupes Caisses d'épargne et Banques populaires ;

que d'ailleurs, l'absence de production d'information de ces chefs est reconnue par la CEIDF qui dans un courrier du 9 juin 2009 adressé à l'expert, indique :

En ce qui concerne le projet stratégique, il n’est pas dans les capacités de la CEIDF de vous fournir ce document car ;

-au niveau de l'Intranet du Groupe des Caisses d'épargne (Sequana Actu n°6 du 4 juin 2009), il est indiqué par la nouvelle direction de la CNCE : « la première université conjointe prévue les 31 août et Ier septembre prochains ... sera l'occasion d'engager une réflexion sur le projet stratégique du nouvel ensemble »,

- dans la presse (La Tribune du 30 avril 2009), il est indiqué : « entendu hier par la commission des Finances du Sénat, François P. a anticipé sur la présentation -prévue début septembre- du plan stratégique du futur 2eme groupe bancaire français ». La direction de la CEIDF ne peut donc vous fournir un document dont elle ne connaîtra aucun élément avant que le projet ait été finalisé à la suite des travaux menés au mois de septembre.

Par construction, il en est de même en ce qui concerne la communication du business plan qui en découle.

En ce qui concerne l'impact sur l'emploi, ni présenté ni mesuré, aussi bien au niveau du nouvel organe central (NOC), que des entreprises du réseau Caisse d'épargne et des filiales du Groupe, il ne nous est toujours pas possible d'imaginer les conséquences du projet stratégique dont les travaux d'élaboration débuteront en septembre et que nous ne connaissons pas. C'est pourquoi, le seul document qui peut répondre à la demande des élus du Comité d'entreprise est le projet Optimisation de la CEIDF pour lequel le Comité d'entreprise vous a mandaté comme expert le 24 mars 2009 et qui a conduit à la remise de votre rapport d'expertise le 20 mai 2009.

En ce qui concerne la communication du business plan de la Caisse d'Epargne Ile de France dans le cadre du projet stratégique, nous vous prions de trouver ci-joint le dernier business plan de la CEIDF ainsi que les documents remis au Comité d'entreprise du 5 juin 2009 où sont traités, en particulier, la nouvelle chronique des dividendes, tant du NOC que de la Holding CE Participations et la variation des cotisations du fonctionnement de l'Organe central. Ces deux éléments sont les deux seuls, dont nous ayons connaissance, qui modifient le business plan d'origine de la Caisse d'Epargne Ile de France.

Que le moyen soutenu par l'intimée selon lequel, aux termes de la loi du 18 juin 2009, il appartiendra au Nouvel Organe Commun de définir la stratégie du groupe avec ses conséquences quant au business plan et à l'impact sur l'emploi, ne résiste pas à l'examen, la loi du 18 juin qui a institué cet organe central, et en a défini le statut et les prérogatives ne disposant que pour l'avenir, une fois, la fusion réalisée et seules les deux entités à l'origine de la fusion ayant la capacité de définir la nature de leur projet et ses conséquences ;

que l'absence d'information est confirmée par l'annonce de la tenue d'universités courant septembre 2009 qui auront pour mission de définir, justement, le projet industriel, la stratégie du groupe et de déterminer les conséquences de la fusion sur l'emploi ;

qu'à ce titre, il convient, notamment, de relever que l'intimée n'a pu fournir aucune indication quant à l'évolution de l'emploi, se contentant d'invoquer un courrier de Monsieur P. adressé à certaines organisations syndicales le 8 juin 2009 par lequel celui-ci propose la mise en place d'un comité stratégique' et indique que :

En outre, dans le cas où les évolutions des activités, pendant la phase de construction du nouveau Groupe en France, nécessiteraient des projets d'adaptation ou réduction des effectifs, je m'engage sur la mise en oeuvre de dispositifs et mesures incitatives basées sur le volontariat destinés à éviter les départs contraints dans les entités du Groupe susceptibles d'être concernées. Les mesures mises en oeuvre concerneraient, par exemple :

- proposition d'un « diagnostic de compétences », il s'agirait de donner l'occasion aux salariés de faire le point sur leurs aptitudes, leurs compétences ou leurs souhaits, d'envisager les possibilités d'orientation, voire d'actions nécessaires ;

- aides à la mobilité tant fonctionnelle que géographique, sur le périmètre du nouveau Groupe et dans cette perspective je suis prêt à envisager des mesures facilitant la mobilité au sein du Groupe ;

- aides aux projets personnels, à la création ou à la reprise d'entreprise, au bénéfice des salaries justifiant d'un projet professionnel à l'extérieur du Groupe qui serait matérialisé par un nouveau contrat de travail, une promesse d'embauche, un dossier de création ou reprise d'entreprise, par exemple ;

- aides à la réalisation d'un parcours de formation en vue d'un projet professionnel supposant une mobilité externe.

Ces mesures, compte tenu de la taille et de la diversité des entreprises et des métiers du futur ensemble économique, devraient être de nature à permettre de trouver la réponse adaptée aux situations susceptibles de se présenter et dont vous craignez les effets.

Qu'il est par ailleurs, versé au débat par les appelants, le rapport de Monsieur C., député, au nom de la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale qui fait état des déclarations de Monsieur P., lors de son audition le 25 mars 2009 selon lesquelles, le rapprochement des deux groupes devrait conduire à des doublons sur lesquels des synergies seraient réalisées et qui relève qu'il est difficile d'anticiper l'impact social du rapprochement sur les établissements régionaux et la possibilité de restructurations ;

qu'il est ainsi démontré que contrairement aux affirmations de l'intimée, l'opération de fusion aura des conséquences sur l'emploi alors qu'aucun état de la situation des salariés n'a été, à ce jour, dressé pas plus que n'a été établie une situation prévisionnelle de l'emploi suite à la mise en oeoeuvre du projet

; que dès lors, le comité d'entreprise appelant est bien fondé à invoquer l'insuffisance d'information de ce chef ;

Considérant enfin, qu'il doit être relevé que le moyen tiré du fait que l'ensemble des comités d'entreprise des caisses régionales (à l'exception de celle de Toulouse) ont fourni un avis, n'apparaît pas vraiment pertinent, ces avis, pour la plus part, négatifs, étant fondés sur l'absence d'informations fournies ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, que le comité d'entreprise appelant n'a pas été complètement et loyalement informé et que l'information fournie au comité d'entreprise de la CEIDF sur le projet de rapprochement des groupes Caisses d'épargne et Banques populaires est en l'état insuffisante ; qu'il doit, en conséquence, être jugé que la procédure prévue aux articles L.2323-6 du code du travail et suivants ne s'est pas achevée le 23 juin 2009 et qu'il y a lieu d'en ordonner la reprise en faisant injonction à la CEIDF de fournir aux représentants du personnel des informations et documents complets et précis quant au projet industriel et à la stratégie du groupe à venir, au business plan du groupe et des caisses y compris celui de la CEIDF et aux conséquences détaillées sur l'emploi du projet ; qu'il sera fait interdiction à la CEIDF de poursuivre la mise en oeoeuvre de ce projet tant qu'elle n'aura pas satisfait à ses obligations ci-dessus énumérées et ce, sous astreinte journalière de 100.000 euros ;

Considérant en revanche, qu'il n'y a pas lieu à annulation de la décision du Conseil d'orientation et de surveillance de la caisse en date du 23 juin 2009, la compétence du juge des référés étant limitée à la prise de mesures conservatoires de nature à faire cesser un trouble manifestement illicite, ce qui exclut son intervention en l'espèce ;

Sur les demandes à l'encontre de la CNCE

Considérant que le syndicat SUD demande à la Cour de faire interdiction à la CNCE de mettre en oeuvre le projet concerné et de tenir l'assemblée générale extraordinaire prévue pour le 31 juillet 2009 devant approuver les apports de participations au nouvel organe central et émettre des actions en rémunération de ces apports ;

Mais considérant qu'il y a lieu de considérer que les irrégularités constatées et l'interdiction prononcée concernent exclusivement la CEIDF et le comité d'entreprise de celle-ci, que la CNCE y est étrangère, chaque caisse conservant son autonomie, et que dès lors, il n'existe, au niveau de la CNCE, aucun trouble manifestement illicite avéré justifiant les mesures sollicitées ;

que les demandes du syndicat SUD seront, en conséquence rejetées ;

Considérant que les circonstances de l'espèce conduisent à faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de chacun des appelants à hauteur de la somme de 2.000 euros ;

que la CEIDF qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ceux-ci étant recouvrés par Maître BODIN CASALIS, avoué, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit recevables les demandes des appelants à l'encontre de la CEIDF ;

L'INFIRME pour le surplus ;

STATUANT à nouveau :

DÉCLARE le syndicat SUD recevable en ses demandes à l'encontre de la CNCE ;

CONSTATE que le comité d'entreprise de la CEIDF n'a pas été valablement informé et consulté sur le projet de rapprochement de la CNCE et de la BFFP, sur la prise de participation de la CEIDF dans le capital du nouvel organe central et sur ses conséquences pour la CEIDF ;

FAIT injonction à la CEIDF de fournir aux représentants du personnel des informations et documents complets et précis quant au projet industriel et à la stratégie du groupe à venir, au business plan du groupe et des caisses y compris celui de la CEIDF et aux conséquences détaillées sur l'emploi du projet de rapprochement des deux groupes et de reprendre la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise ;

FAIT interdiction à la CEIDF de mettre en oeuvre le projet en cause, dénommé Sequana tant qu’elle n'aura pas respecté les obligations ci-dessus énoncées et ce sous astreinte journalière de 100.000 euros, à compter de la signification du présent arrêt ;

DÉBOUTE les appelants du surplus de leurs demandes à l'encontre de la CEIDF ;

DÉBOUTE le syndicat SUD de ses demandes à l'encontre de la CNCE ;

CONDAMNE la CEIDF à payer à chacun des appelants la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

DÉBOUTE la CNCE de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à l'égard du syndicat SUD ;

CONDAMNE la CEIDF aux dépens de première instance et d'appel, ceux-ci étant recouvrés par Maître BODIN CASALIS, avoué, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.