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Décisions

Cass. com., 13 décembre 2017, n° 16-21.498

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Avocats :

SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Yves et Blaise Capron

Poitiers, du 3 mai 2016

3 mai 2016

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 650-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les 4 et 12 mai 2007, M. et Mme X...-Y...et l'EARL Le Roulerie (l'EARL) (les débiteurs) ont conclu avec leurs principaux créanciers, dont la caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres (la banque), un accord de règlement amiable prévoyant la restructuration de prêts consentis par celle-ci aux débiteurs et l'octroi de deux nouveaux prêts de restructuration : le premier, de 325 000 euros, consenti à M. et Mme X...-Y..., le second, de 89 000 euros, octroyé à l'EARL ; que le premier, qui s'est en définitive élevé à 365 000 euros, était garanti par un nantissement des parts sociales détenues par M. et Mme X...-Y...dans l'EARL et une hypothèque inscrite sur leurs biens ; que le second a été garanti par le cautionnement solidaire de M. et Mme X...-Y...; qu'en 2008, à la suite d'un avenant au rapport de conciliation, la banque a consenti à l'EARL un nouveau prêt de 24 100 euros destiné à l'acquisition d'un tracteur, en constituant un warrant sur ce bien ; qu'après l'échec d'une nouvelle procédure de règlement amiable, M. et Mme X...-Y...et l'EARL ont été mis en redressement judiciaire, le 12 septembre 2012 ; que la banque a déclaré sa créance au titre des trois prêts ; que le 5 avril 2013, M. et Mme X...-Y...et l'EARL l'ont assignée en responsabilité pour soutien abusif, sur le fondement de l'article L. 650-1 du code de commerce, afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices et l'annulation des garanties prises au titre des trois prêts ; que la société Delphine Raymond est intervenue volontairement à l'instance en qualité de mandataire judiciaire, puis de commissaire à l'exécution du plan à la suite de l'arrêté d'un plan de redressement, le 14 mai 2014 ;

Attendu que, pour condamner la banque à indemniser les préjudices subis par M. et Mme X...-Y...et par L'EARL, et annuler les garanties assortissant les trois prêts, l'arrêt, après avoir reproduit les termes des articles L. 650-1 du code de commerce et L. 351-6 du code rural et de la pêche maritime, et rappelé que M. et Mme X...et l'EARL invoquaient la fraude de la banque, constate qu'après la signature de l'accord de conciliation par les débiteurs, la banque a, au mépris de cet accord, pris l'initiative de modifier le montant du prêt de consolidation accordé à M. et Mme X...-Y..., en accordant un prêt notarié de 365 000 euros au lieu de 325 000 euros, et pris de nouvelles sûretés en garantie de ce prêt ; qu'il relève encore que la banque a, le 25 juillet 2007, demandé le cautionnement solidaire de M. et Mme X...-Y...en garantie du prêt de 89 000 euros consenti à l'EARL, et, en 2008, constitué un warrant agricole sur le tracteur agricole financé par le prêt de 24 100 euros consenti à l'EARL ; qu'il retient ensuite qu'outre le fait qu'il n'a pas donné lieu à un accord du conciliateur, le prêt de 365 000 euros a été consenti au mépris des intérêts de M. et Mme X...-Y...dont la situation financière était particulièrement tendue, au vu du rapport du conciliateur du 4 mai 2007, qui évaluait leur capacité de remboursement à 55 000 euros par an pour un prêt de 325 000 euros ; que l'arrêt en déduit que, par ces agissements, notamment en ne respectant pas l'accord de conciliation amiable et en prenant de nouvelles garanties au mépris des dispositions de l'article L. 351-6 du code rural et de la pêche maritime régissant le règlement amiable agricole, la banque a commis des fautes engageant sa responsabilité ;

Qu'en se déterminant par ces motifs, impropres à caractériser, à l'encontre de la banque, une fraude, laquelle s'entend, en matière civile ou commerciale, comme un acte réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu, ou réalisé avec l'intention d'échapper à l'application d'une loi impérative ou prohibitive, et sans caractériser l'une des deux autres causes de déchéance du principe de non-responsabilité édicté par l'article L. 650-1 du code de commerce que sont l'immixtion caractérisée et l'obtention de garanties disproportionnées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.