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Décisions

Cass. 3e civ., 26 mai 2016, n° 15-11.307

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Avocats :

Me Blondel, SCP Bénabent et Jéhannin

Paris, du 26 nov. 2014

26 novembre 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2014), que les sociétés SCPI, Edissimo et Rivoli avenir patrimoine ont acquis en 2007 un centre commercial « Chelles 2 » ouvert en 1996 et réparti sur plusieurs niveaux dont deux réservés aux commerces et destinés à accueillir cent-vingt commerces et un hypermarché ; que, se prévalant du manque d'entretien des locaux, de l'absence d'animation commerciale et de la désertification du centre, plusieurs locataires dont la société Laucyl et la société Agate, aujourd'hui représentée par son liquidateur, la société Garnier-Guillouet, et les gérants respectifs de ces sociétés ont demandé réparation des divers préjudices subis ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident :

Attendu que la société Laucyl et M. X..., la société Agate, représentée par son liquidateur, et M. et Mme D... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir constater que les sociétés bailleresses avaient manqué à leur obligation d'entretien par violation de l'obligation de délivrance conforme, alors, selon le moyen :

1°/ que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; qu'en conséquence, le bailleur d'un local situé dans un centre commercial est tenu d'entretenir les parties communes du centre, accessoires nécessaires à l'usage de la chose louée ; qu'en l'espèce, les appelants faisait expressément valoir, dans leurs conclusions d'appel , que l'entretien du centre n'avait pas été assuré entre 2007 et 2012 ; qu'à cet égard, la cour d'appel a expressément relevé qu'un constat du 22 octobre 2008 faisait état de ce que deux verrières étaient salies par des déjections de volatiles, que des points lumineux n'étaient plus en état de fonctionnement, de l'existence d'une fuite au niveau d'une canalisation d'eaux usées du parking, de fissures au sol de la galerie, de l'absence de certaines dalles de plafond et du blocage de l'un des ascenseurs menant au parking ; qu'un constat du 27 mai 2009 avait relevé le gondolage général du dallage posé face à la porte d'accès n° 3, un disjointement général et des enfoncements des dalles sur la voie d'accès à la porte n° 2, entraînant une condamnation d'une partie des voies, de même qu'au niveau de l'entrée du parking haut du centre, ainsi que le soulèvement dangereux des dalles du sol dans la galerie commerciale au niveau de la boutique Clean City ; qu'elle a également constaté que lors de sa réunion du 14 décembre 2007, l'assemblée générale avait refusé de voter les travaux d'étanchéité des édicules extérieurs du centre, la réfection de l'étanchéité des dalles des voies d'accès pompiers du centre, l'entretien du local onduleurs et du poste central de sécurité, l'entretien de la climatisation, la remise en peinture des murs des parkings extérieurs, la réfection du trottoir du rond-point, l'étanchéité de la toiture-terrasse, le remplacement de l'infrastructure du système de sécurité incendie, les travaux de relamping du niveau -1 du parking, l'étude préalable au remplacement des roof-top, le pompage et le curage de la chambre de rétention des eaux pluviales, l'entretien de la borne pompier, la rénovation des sanitaires, le remise en état des portes coupe-feu du parking -1, l'entretien de la source centralisée d'éclairage de secours, le remplacement des mécanismes des portes automatiques, l'aménagement d'un local infirmerie, le remplacement des mains courantes des travelators, l'entretien de la verrière porte 1, la mise en conformité avec les prescriptions de la commission de sécurité (bloc de secours, issues de secours), les travaux d'amélioration (détection sortie voie de livraison, création d'une cloison pour masquer les containers des restaurants) ; qu'en décidant que les bailleresses n'avaient pas failli à leur obligation d'entretien des parties communes en se fondant sur des constatations effectuées en 2010 et 2011, impropres à établir le respect par les bailleresses de leur obligation d'entretien des parties communes et l'absence de troubles de jouissance entre les années 2007 et 2010, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1719 du code civil ;

2°/ que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; qu'en conséquence, le bailleur d'un local situé dans un centre commercial est tenu d'entretenir les parties communes du centre, accessoires nécessaires à l'usage de la chose louée ; qu'en l'espèce, les appelants invoquaient, dans leurs conclusions d'appel l'absence d'accessibilité au centre commercial du fait de la dégradation de la voirie du centre ; produisant un rapport d'expertise en date du 25 avril 2009 indiquant qu'un bon nombre des parkings étaient volontairement fermés par des chaînes, « soit pour des problèmes de surveillance ou d'entretien et de nettoyage », ainsi qu'un procès-verbal de constat du 30 juin 2009 établissant l'indisponibilité de certaines parties du parking ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, de nature à établir le manquement des bailleresses à leur obligation d'entretien des parties communes ayant pour effet de priver les preneurs des avantages qu'ils tenaient du bail, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant souverainement apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve soumis et sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, la cour d'appel, qui a relevé que les parties communes du centre commercial étaient dans un état en rapport avec l'âge du centre ouvert en 1996 mais non dans un état d'abandon faute d'entretien et retenu que les locataires ne démontraient pas la réalité ni l'ampleur des manquements allégués, a pu en déduire que les bailleresses n'avaient pas failli à leur obligation d'entretien des parties communes ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi incident :

Attendu que la société Laucyl et M. X..., la société Agate, représentée par son liquidateur, et M. et Mme D... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir constater que les sociétés bailleresses avaient manqué à leur obligation de garantir la jouissance paisible aux preneurs, que leur carence était à l'origine de la perte des facteurs de commercialité ainsi que de la violation à leur obligation de recommercialisation des locaux vacants, alors, selon le moyen, qu'après avoir expressément retenu que les bailleresses avaient contracté l'obligation de fournir et de maintenir aux locataires du centre commercial un environnement commercial favorable, peu important la forme suivant laquelle elles choisissaient de remplir cette obligation, la cour d'appel ne pouvait juger que les bailleresses justifiaient avoir rempli leur obligation de maintenir un environnement commercial favorable, tout en constatant que, selon l'expert, seuls 80 emplacements sur 120 étaient occupés en 2010, que 40 commerces avaient fermé depuis 2007, que les commerces avaient été regroupés au rez-de-chaussée au niveau de l'hypermarché, et que cette situation était imputable aux bailleresses qui n'avaient pas investi suffisamment et en tout cas avaient différé les investissements nécessaires pour les concentrer selon lui sur une phase de rénovation complète qui avait tardé à être mise en oeuvre, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que l'obligation de maintenir un environnement commercial favorable était une obligation de moyens et relevé, par motifs propres et adoptés, que les bailleresses devenues propriétaires en 2007, avaient, par un mandat exclusif, donné mission à une société gestionnaire à la compétence reconnue de mettre en oeuvre les actions nécessaires à la recherche de nouveaux locataires pour les locaux vacants, laquelle en avait rendu compte, et engagé dans un délai raisonnable, à partir de son acceptation en 2011 par la commission départementale d'aménagement commercial, un projet de restructuration du centre destiné à offrir aux commerçants un cadre totalement rénové, la cour d'appel a pu décider que les bailleresses avaient satisfait à leur obligation contractuelle ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi incident.