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Décisions

CA Rouen, 2e ch. civ., 9 octobre 1997, n° 9504725

ROUEN

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Credeville

Conseillers :

M. Dragne, M. Perignon

Avoués :

Me Couppey, SCP Hamel-Fagoo

Avocats :

Me Havelette, Me Vettes, Me Doudet

T. com. Elbeuf, du 22 sept. 1995

22 septembre 1995

LES FAITS ET LA PROCEDURE :

Par jugement du 17 janvier 1992, le Tribunal de Commerce d’ELBEUF a prononcé le redressement judiciaire de la société I.T.P. ayant pour activité la vente par correspondance de produits diffuses sous l’enseigne « LABBE », import-export, commerce de gros à titre sédentaire et ambulant, dont le siège social se trouvait à SAINT AUBIN LES ELBEUF. Le tribunal a nommé Maitre NIAUDOT en qualité de représentant des créanciers.

Par jugement rendu le 19 juin 1992, le tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société et désigne Maitre NIAUDOT en qualité de liquidateur.

Par requête du 23 avril 1993, Maitre NIAUDOT es-qualité, a saisi le Tribunal de Commerce d’ELBEUF d’une demande en comblement de passif à l’encontre de Mme D. BOURHIS et de M. TISNE, dirigeants successifs de la société.

Par jugement du 4 novembre 1994, Maitre BEREL a été nomme en qualité de liquidateur aux lieu et place de Maitre NIAUDOT.

Par jugement rendu le 22 septembre 1995, le Tribunal de Commerce d’ELBEUF a dit que Mme D. BOURHIS et M. TISNE supporteront sans solidarité une partie des dettes sociales à hauteur de 60 000,00 Francs pour chacun d’eux.

Le 12 octobre 1995, Mme D. BOURHIS a régulièrement interjeté appel de cette décision.

LES PRETENTIONS DES PARTIES :

Mme D. BOURHIS expose qu’a la date d’ouverture de la procédure collective, elle n’était plus gérante de la société depuis plus d’un an et demi ; que sa responsabilité ne peut être recherchée que s’il est établi que la société se trouvait en situation de cessation de paiement à la fin de ses fonctions de gérante, ce qui n’est pas le cas ; que par ailleurs le liquidateur n'apporte pas la preuve de la moindre faute de gestion à son encontre, la vente d’un stock d’invendus a la société SONDEYKER au début de l’année 1990 répondant a un souci de bonne gestion et non pas à une volonté fautive de brader l'actif de la société au profit d’un tiers ; que les conventions conclues ultérieurement a son départ avec la société SONDEYKER et qui auraient pu être désavantageuses pour la société ITP, ne lui sont pas opposables ; que le fait de s’être fait rembourser I ‘avance sur compte courant consentie à la société après la cession de ses parts relevé de l’exercice d’un droit légitime et n’est en rien fautif ; qu’enfin, il n’existe aucun lien de causalité entre les faits allégués par le mandataire liquidateur et I ‘insuffisance d'actif.

Elle demande en conséquence à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de débouter Maitre BEREL es-qualité, de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer une somme de 10 000,00 Francs par application de I ‘article 700 du N.C.P.C.

Maitre BEREL, es-qualité, demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a retenu le principe de la responsabilité de Mme D. BOURHIS et son infirmation sur le quantum de sa contribution dont il demande la fixation au montant total de I ‘insuffisance d’actif ou, subsidiairement, a une somme plus élevée que celle retenue par le tribunal. Il sollicite en outre le paiement d’une somme de 15 000,00 Francs par application de I ‘article 700 du N.C.P.C.

Il soutient que Mme D. BOURHIS a mis fin à ses fonctions dès le 15 février 1990 alors qu’elle avait créé la société le 3 avril 1989 avec M. GUILLET ; que, contrairement à ce qu’elle affirme, le premier bilan a fait apparaitre un déficit important eu égard au niveau d'activité de la société ; qu’en cédant ses parts sociales moins d’un an après la constitution de la société, Mme D. BOURHIS a cherché à se débarrasser d’une affaire qu’elle savait compromise et a récupérer le montant de son compte courant ; que ses fautes de gestion résident également dans le lancement d’une campagne publicitaire couteuse et désastreuse en septembre 1989 et dans la vente à perte du stock de la société en février 1990 a la société SONDEYKER dont le gérant, M. GUILLET, n’était autre que son ancien associé ; que cette opération très défavorable à la société mais qui lui a permis de solder son compte courant alors qu’elle savait que la situation était gravement compromise, est, ainsi que celles qui ont précédé, constitutive d’une faute de gestion en relation directe avec la réalisation du passif ; qu’enfin, les éléments comptables établissent que la situation de cessation de paiement existait objectivement avant le départ de Mme D. BOURHIS dont la responsabilité peut donc être retenue.

SUR CE LA COUR :

Attendu qu’aux termes de I ‘article 180 de la loi du 25 janvier 1985, lorsque le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaitre une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, avec ou sans solidarité, par tous les dirigeants de droit ou de fait, rémunères ou non, ou par certains d’entre eux ;

Attendu que le dirigeant retire peut encore être poursuivi en comblement de passif ou être I ’objet d’une demande d’extension pour des faits antérieurs à la cessation de ses fonctions, si la situation ayant abouti à la cessation des paiements existait lors de son départ et qu’elle avait été créé ou aggravée alors qu’il était en fonction, peu important la date à laquelle a été fixée la cessation de paiement ;

Attendu qu'en l'espèce la Cour constate que :

-la société ITP, au capital de 100 000,00 Francs, a été constituée le 3 avril 1989 entre M. GUILLET et Mme D. BOURHIS, cette dernière ayant été nommée gérante ;

-Mme D. BOURHIS et M. GUILLET ont cédé leurs parts dès le 19 février 1990 à M. TISNE et M. FOURCIN pour le prix de 100 000,00 Francs ; que le même jour, Mme D. BOURHIS a démissionné de ses fonctions de gérante ;

Attendu que la Cour relevé également que :

-contrairement aux affirmations de Mme D. BOURHIS selon lesquelles le premier exercice aurait été bénéficiaire, le premier bilan affère à la période du 3 avril 1989 au 31 aout 1990, qui couvre la plus grande partie de la période ou elle a exercé ses fonctions de gérante, fait apparaitre un déficit de 110 875,00 Francs ;

- en octobre 1989, alors qu’elle assurait encore la gérance de la société, Mme D. BOURHIS a engagé une importante campagne publicitaire et fait l’acquisition d’un stock considérable de marchandises pour un montant de 952 000,00 Francs H.T. finance par deux billets à ordre a échéance de fin janvier et de fin février 1990 ; que cette opération a échoué, laissant le stock invendu ;

- ce stock, constitue de sous-vêtements, d’une valeur de 900 000,00 Francs, a été racheté par la société SONDEYKER, dont il convient de remarquer que I ’activité est la photographique et le gérant, M. GUILLET, pour le prix total de 503 385,60 Francs, soit seulement 56 % de sa valeur ;

-bien que cette vente ait été conclue par M. TISNE, nouveau gérant, le 19 février 1990, jour même de la cession des parts, aux termes d’une convention qui figure en annexe au contrat de cession, il apparait que cette opération, très désavantageuse pour la société, n’a pu être préparée et organisée que par Mme BOURHIS antérieurement a la cession ;

-             Mme D. BOURHIS s’est immédiatement fait rembourser la totalité de l’avance sur compte courant qu’elle avait consentie à la société pour un montant de 205 044,93 Francs, M. GUILLET se faisant de son côté rembourser une somme de 106 046,74 Francs ;

-             si ces remboursements sont autorisés par la loi, il n’en demeure pas que les conditions d’exercice de ce droit dépendent nécessairement de la situation financière de la société ; qu’en particulier, Mme D. BOURHIS ne pouvait ignorer que ces remboursements allaient immédiatement placer celle-là dans une situation financière très difficile et compromettre son activité future ;

-             sans la conclusion de la convention de vente à perte du stock a la société SONDEYKER, qui ne reposait sur aucune considération commerciale valable compte tenu de l'activité tout à fait différente de l’acquéreur, la société ITP ne disposait pas de la trésorerie suffisante pour rembourser les comptes courants des associes ;

-             Mme D. BOURHIS ne peut prétendre valablement que cette manoeuvre, très avantageuse pour elle-même et très préjudiciable à la société, relevait d’une volonté de bonne gestion ; qu’en réalité, il apparait clairement que cette opération, justement qualifiée de « providentielle » par le tribunal, n’avait pour but que de permettre aux deux associes et donc à Mme D. BOURHIS, de récupérer les sommes avancées à la société ;

Attendu qu'au vu de ces éléments, il convient de considérer comme Font fait à juste titre les premiers juges, que le comportement de Mme D. BOURHIS est constitutif d’une faute de gestion ;

Attendu qu’au vu des documents verses aux débats, le bilan correspondant à la période du 1er septembre 1990 au 31 aout 1991 fait apparaitre un résultat négatif de 803 000,00 Francs pour un chiffre d'affaires de 1 500 000,00 Francs ; qu’a la date de cessation de paiement fixée au 17 janvier 1992 par le jugement prononçant le redressement judiciaire, l’insuffisance d’actif s'élevait à 708 669,05 Francs ;

Attendu que le rapport déposé le 20 février 1992 devant le Tribunal de Commerce dans le cadre de la procédure collective, souligne que, à la date de la cession des parts et de la conclusion de la convention avec la société SONDEYKER, Mme D. BOURHIS ne pouvait ignorer la situation objective de cessation de paiement de la société et le fait que sa survie était compromise ;

Attendu qu'il résulte de ces éléments que les fautes de gestion retenues centre Mme D. BOURHIS et commises antérieurement à la cession de ses parts ont effectivement contribue pour partie à l’insuffisance d’actif ;

Attendu que c’est par une juste appréciation des faits de la cause que les premiers juges ont fixé à 60 000,00 Francs la contribution de Mme D. BOURHIS a l’insuffisance d'actif ;

Attendu qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions relatives à Mme BOURHIS ;

Attendu qu’il est inéquitable de laisser à la charge de Maitre BEREL, es-qualité, les frais exposes en marge des dépens en cause d’appel ; qu’il y a donc lieu de lui allouer une somme que la Cour arbitre à 6 000,00 Francs par application de l’article 700 du N.C.P.C.

Attendu qu’il y a lieu de laisser les dépens d’appel a la charge de Mme D. BOURHIS ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour :

Déclare l’appel recevable en la forme ;

Au fond :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions relatives à Mme D. BOURHIS ;

Dit que Mme D. BOURHIS devra payer à Maitre BEREL, es- qualité, la somme de 6 000,00 Francs par application de l’article 700 du N.C.P.C.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Laisse les dépens d’appel a la charge de Mme D. BOURHIS, avec droit de recouvrement direct au profit des avoues de la cause, conformément aux dispositions de l’article 699 du Nouveau code de procédure civile.