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Décisions

Cass. com., 17 juin 1997, n° 94-14.671

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M; Tricot

Avocat général :

M. Mourier

Avocat :

Me Baraduc-Benabent

Versailles, 13e ch., du 10 mars 1994

10 mars 1994

Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 10 mars 1994), qu'après la mise en redressement judiciaire de la société Rustdène France, son administrateur a demandé que soit ouvert le redressement judiciaire de M. X..., président du conseil d'administration de cette société, en application de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985, et que soit prononcée à l'encontre de ce dirigeant une interdiction de gérer; que le Tribunal a accueilli ces demandes ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir ouvert son redressement judiciaire et de lui avoir interdit de gérer pendant une durée de dix ans alors, selon le pourvoi, d'une part, que la cour d'appel était tenue de répondre aux conclusions dans lesquelles M. X... faisait valoir que les locaux habités par sa famille depuis 1969 n'avaient jamais été affectés à l'exploitation commerciale, de sorte que la société n'avait pas subi de préjudice de ce fait et que M. X... n'avait pas disposé des biens propres de cette société; qu'en s'en abstenant, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait encore s'abstenir de répondre aux conclusions soutenant que les actes réalisés l'avaient été en vertu de conventions de trésorerie mentionnées dans le rapport du commissaire aux comptes pour l'année 1990; qu'ainsi, elle a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; et alors, enfin, que les juges du fond doivent respecter les termes du litige qui leur sont soumis et ne peuvent dénaturer les conclusions dont ils sont saisis; que M. X..., dans ses conclusions d'appel, critiquait aussi les motif propres du Tribunal sans se borner à réitérer ses moyens initiaux; qu'en décidant que M. X... développait les mêmes moyens que devant le Tribunal, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que les locaux du Moulin de Longreau avaient été donnés à bail à la société Rustdène, la cour d'appel, qui a relevé que la famille de M. X... avait occupé ces locaux pendant de nombreuses années sans bail ni versement d'un loyer, n'était pas tenue de répondre au moyen inopérant énoncé à la première branche pour retenir que M. X... avait fait des biens de la société un usage contraire à l'intérêt de celle-ci ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que des avances de trésorerie très importantes avaient été consenties par la société Rustdène à la société CEAI, la cour d'appel, qui a relevé que ces avances, faites à une société d'un même groupe à des conditions telles qu'un remboursement était exclu, avaient constitué des transferts de fonds sans contrepartie, n'était pas tenue de répondre au moyen inopérant énoncé à la deuxième branche pour retenir que M. X... avait fait du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci ;

Attendu, enfin, que le Tribunal ayant retenu que M. X... avait omis de faire, dans le délai de quinze jours, la déclaration de l'état de cessation des paiements, la cour d'appel, qui a constaté que le redressement judiciaire de la société Rustdène avait été ouvert le 15 octobre 1991, et que la date de la cessation des paiements de cette société avait été fixée au 15 avril 1990, soit dix-huit mois avant le jugement ouvrant la procédure collective sur assignation de créanciers, n'a pas encouru le grief énoncé à la troisième branche en prononçant l'interdiction de gérer, en application des dispositions des articles 189.5° et 192 de la loi du 25 janvier 1985, dès lors que, sans contester dans ses conclusions l'état de cessation des paiements de la société Rustdène et la date de celle-ci, M. X... se bornait à soutenir qu'il avait "bien satisfait aux obligations de l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985" ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. X... reproche encore à l'arrêt d'avoir dit que le passif de la procédure collective comprendra, outre son passif personnel, celui de la société Rustdène France alors, selon le pourvoi, que les juges du fond ne peuvent relever d'office un moyen, même d'ordre public, sans mettre les parties à même d'en débattre, ni faire droit à une demande non formulée; qu'il ressort de l'arrêt qu'aucun des administrateurs judiciaires n'a conclu; qu'en rectifiant dès lors d'office le jugement entrepris pour se prononcer sur une chose non demandée, sans provoquer les explications des parties, la cour d'appel a violé les articles 4 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que les juges du fond ayant été saisis par l'acte introductif d'instance d'une demande de l'administrateur du redressement judiciaire de la société Rustdène tendant à l'ouverture du redressement judiciaire de M. X... sur le fondement de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985, la cour d'appel était tenue, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel formé par M. X... et sans qu'il y ait lieu de faire application des dispositions de l'article 16, alinéa 3, du nouveau Code de procédure civile, de se prononcer sur les chefs du jugement qui dépendaient de ceux qui étaient expressément critiqués pour trancher le litige conformément aux règles de droit qui leur sont applicables et de faire ainsi application d'office des dispositions de l'article 182, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, selon lesquelles en cas de redressement judiciaire du dirigeant le passif comprend outre son passif personnel celui de la personne morale; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.