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Décisions

Cass. crim., 8 novembre 2017, n° 16-86.247

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

Mme Zerbib

Avocats :

SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Foussard et Froger

Bordeaux, du 24 août 2016

24 août 2016

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. X..., courtier, a fabriqué dix-sept faux devis de travaux de bâtiment, censés avoir été établis par des entreprises pour des particuliers, qu'il a fait verser au soutien de dossiers de demandes de prêts formulées par ces derniers, afin de financer leur chantier de construction, auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charente, qui a accepté d'accorder son concours à deux maîtres d'ouvrage, et qui, s'apercevant de la falsification de ces pièces, l'a refusé aux autres ;

Que poursuivi pour tentative d'escroquerie, M. X...a été condamné par le tribunal pour escroquerie ; qu'il a interjeté appel de cette décision de même que le ministère public et l'établissement bancaire, partie civile ; que la cour d'appel a annulé le jugement et, évoquant, a requalifié les faits en faux et usage ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 441-1 et 441-10 du code pénal, de l'article 1382, devenu 1240, du code civil et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt, requalifiant les faits, a déclaré M. X...coupable de faux et usage de faux, l'a condamné à la peine d'un an d'emprisonnement assorti du sursis avec mise à l'épreuve et, sur l'action civile, l'a condamné à payer à la Banque coopérative Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes, la somme de 4 043, 73 euros en réparation de son préjudice matériel ;

" aux motifs que l'enquête a mis à jour, notamment sur la base de la plainte initiale et des pièces documentaires jointes par l'organisme bancaire, l'existence de 17 devis établis par M. X...pour le compte de plusieurs clients de la société « TP Finances », pièces documentaires ayant par nature, vocation à établir la réalité d'un fait emportant des conséquences juridiques, en l'occurrence la fixation supposée réelle d'un coût de postes travaux réservés, permettant la détermination de l'enveloppe globale du prêt immobilier sollicité ; que ces devis, sur la période retenue par la prévention, ont été matériellement confectionnés par M. X..., au lieu et place des responsables habilités des sociétés du bâtiment société « TP Girondins » et la société « David Davitec » dont les enseignes commerciales ou sociales avaient été usurpées et furent versés par lui, au soutien des demandes de prêts de ses clients ; que ces devis renfermaient des relevés d'informations légales ainsi que des chiffrages de postes de travaux totalement fantaisistes ; que les faits initialement retenus dans la prévention sous la qualification de tentatives d'escroqueries, sont en réalité constitutifs des seuls délits de faux en écritures privées et usage de faux en écritures privées, prévus aux articles 441-1, 441-10 du code pénal ; que M. X...régulièrement assisté de son conseil, accepte de comparaître volontairement et de se défendre en cause d'appel, sur le contenu de ces nouvelles qualifications pénales, applicables aux faits pour lesquels il est poursuivi ; que le prévenu reconnaît avoir été l'auteur matériel des falsifications intégrales de ces devis et de leur usage, expliquant avoir agi par facilité, sans intention de nuire à quiconque, dans l'unique but d'accélérer les dossiers de demandes de prêt de ses clients, persuadé que les documents produits n'avaient aucun caractère déterminant pour l'obtention des prêts ; que cependant les arguments de défense, invariablement invoqués par le prévenu, ne sont pas recevables et de nature à retentir défavorablement sur la caractérisation des délits de faux en écritures privées et usage de faux en écritures privées ; que le prévenu ne pouvait en effet, ignorer le caractère indispensable de ces pièces et de leur production pour la constitution régulière des demandes de prêts soumise à la banque, ce qui constituait d'ailleurs l'un des ressorts principaux de son passage à l'acte ; que le prévenu ne pouvait davantage ignorer la nature préjudiciable ou potentiellement préjudiciable de ses agissements frauduleux, les pièces litigieuses contribuant de façon certaine à la détermination de l'assiette globale du prêt sollicité et heurtant de surcroît, le principe de loyauté des conventions ; qu'il peut moins encore soutenir ne pas avoir eu une représentation infractionnelle de ses agissements délictueux, dans la mesure où est rapportée en procédure, la démonstration d'une démarche écrite et personnelle du prévenu auprès d'un représentant légal de la société « TP Girondins » pour inciter ce dernier à attester faussement de la réalité de devis produits au nom de sa société, une fois les faits révélés ; que les éléments matériels et intentionnels des délits de faux en écritures privées et usage de faux en écritures privées sont donc caractérisés ; que M. X...sera en conséquence déclaré coupable de ces infractions ; que la peine, déterminée en fonction des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale, a pour finalité de sanctionner la personne déclarée coupable, de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion, tout en veillant à assurer la protection de la société, à prévenir tout renouvellement d'infractions, à restaurer l'équilibre social et les intérêts de la victime ; que M. X...a fait l'objet d'une précédente condamnation à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis, outre une interdiction d'exercice durant 3 ans d'une activité professionnelle de courtier et de conseiller financier, prononcée le 15 avril 2008 par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Bordeaux, pour des faits d'escroquerie, de faux et usage de faux en écritures commis de juillet 2001 à février 2005 ; qu'il convient de lui infliger un nouvel avertissement en le sanctionnant d'une peine d'un an d'emprisonnement et de dire qu'il sera intégralement sursis à l'exécution de cette condamnation, en le plaçant sous le régime d'une mise à l'épreuve pour une durée de 2 ans, ladite mesure emportant obligation d'indemnisation de la victime ; qu'il convient à titre de peine complémentaire de prononcer à son encontre une interdiction d'exercice, pour une durée de trois ans, de toute activité professionnelle de courtage bancaire ; que sur l'action civile, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes étant en mesure de se prévaloir de l'existence de préjudice directement en lien avec les infractions dont s'est rendu coupable M. X..., sera déclarée recevable en sa constitution de partie civile ; que M. X...sera en conséquence déclaré entièrement responsable des préjudices résultant de ses agissements coupables ; qu'il conviendra d'allouer à la partie civile, en réparation de son préjudice matériel, le montant exact des commissions de courtage effectivement déboursées au titre des seuls contrats de prêts débloqués, pour l'instruction desquels ont été versés des devis falsifiés, soit en l'espèce les dossiers Toni Y.../ Z...(commission d'un montant de 3 000, 00 euros) Kevin A.../ Elodie B..., commission de 1 043, 73 euros, représentant un préjudice global de 4 043, 73 euros ; que M. X...sera en conséquence condamné à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes, la somme de 4 043, 73 euros en réparation de son préjudice matériel ;

" 1°) alors que les devis, qui sont par leur nature soumis à discussion et vérification, ne constituent pas des titres entrant dans les prévisions de l'article 441-1 du code pénal et sont comme tels dépourvus de valeur probatoire ; qu'en entrant en voie de condamnation des chefs de faux et usage de faux pour avoir établi 17 faux devis pour le compte de plusieurs clients, aux motifs qu'il s'agit de pièces documentaires ayant, par nature, vocation à établir la réalité d'un fait emportant des conséquences juridiques, en l'occurrence la fixation supposée réelle d'un coût de postes travaux réservés, permettant la détermination de l'enveloppe globale du prêt immobilier sollicité alors que les devis qui sont, par leur nature, soumis à discussion et vérification par les parties, sont, comme tels dépourvus de valeur probatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 2°) alors qu'en tout état de cause, seul le faux matériel susceptible d'occasionner un préjudice entre dans les prévisions de l'article 441-1 du code pénal ; que M. X...faisait valoir, dans ses conclusions d'appel que, s'agissant de prêts immobiliers, les devis en cause avaient traits à des travaux réservés qui ont effectivement été réalisés, que la banque ne débloquait les fonds que sur présentation des factures et que ces factures ont été adressées directement par les particuliers, en sorte que la banque ne pouvait se prévaloir d'aucun préjudice résultant des faux devis, les emprunts souscrits ayant, au contraire généré un profit pour la banque ; qu'en entrant en voie de condamnation des chefs de faux et usage de faux pour avoir établi 17 faux devis aux motifs que « le prévenu ne pouvait davantage ignorer la nature préjudiciable ou potentiellement préjudiciable de ses agissements frauduleux, les pièces litigieuses contribuant de façon certaine à la détermination de l'assiette globale du prêt sollicité et heurtant de surcroît, le principe de loyauté des conventions » sans répondre aux chefs péremptoires des conclusions d'appel du demandeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Attendu que, pour déclarer M. X...coupable des chefs de faux et usage, l'arrêt énonce que, d'une part, il a reconnu avoir sciemment fabriqué à l'insu des entreprises, dont ils affichaient mensongèrement la raison sociale, des devis imaginaires comportant des postes et des montants de travaux fantaisistes puis les avoir joints aux dossiers de demande de crédits de ses clients adressés à la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charente, d'autre part, il ne pouvait ignorer que ces pièces, qui matérialisaient une altération frauduleuse de la vérité, étaient susceptibles d'occasionner au prêteur de deniers un préjudice actuel ou éventuel en ce qu'il se fondait sur leurs énonciations, dont il ignorait la fausseté, pour déterminer l'assiette des crédits sollicités ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et dès lors que les faux devis avaient pour objet ou pouvaient avoir pour effet d'établir la preuve du projet de construction, le coût des travaux de bâtiment programmés qui y figuraient conditionnant le montant d'un prêt bancaire, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires de conclusions déposées devant elle et qui n'était pas tenue de suivre le prévenu dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 441-1 et 441-10 du code pénal, de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt a condamné M. X...à payer à la Banque coopérative Caisse d'épargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes, la somme de 4 043, 73 euros en réparation de son préjudice matériel ;

" aux motifs que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes étant en mesure de se prévaloir de l'existence de préjudice directement en lien avec les infractions dont s'est rendu coupable M. X..., sera déclarée recevable en sa constitution de partie civile ; que M. X...sera en conséquence déclaré entièrement responsable des préjudices résultant de ses agissements coupables ; qu'il conviendra d'allouer à la partie civile, en réparation de son préjudice matériel, le montant exact des commissions de courtage effectivement déboursées au titre des seuls contrats de prêts débloqués, pour l'instruction desquels ont été versés des devis falsifiés, soit en l'espèce les dossiers Toni Y.../ Z...(commission d'un montant de 3 000, 00 euros) Kevin A.../ Elodie B..., commission de 1 043, 73 euros), représentant un préjudice global de 4 043, 73 euros ; que M. X...sera en conséquence condamné à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes, la somme de 4 043, 73 euros en réparation de son préjudice matériel ;

" 1°) alors qu'en tout état de cause, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; que M. X...faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la commission versée par la banque n'était basée que sur le montant effectivement emprunté par les clients et donc celui effectivement débloqué au moyen de factures adressées directement par les particuliers en sorte que la Caisse d'Epargne n'avait subi aucun préjudice réel, les prêts souscrits générant au contraire un profit pour elle ; qu'en accordant à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes en réparation de son préjudice matériel, le montant exact des commissions de courtage effectivement déboursées au titre des seuls contrats de prêts débloqués, pour l'instruction desquels ont été versés des devis falsifiés sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les prêts souscrits par l'intermédiaire de M. X...n'avaient pas généré un profit pour la Caisse d'Epargne exclusif de tout préjudice matériel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 2°) alors que le préjudice n'est indemnisable que s'il est la conséquence directe du fait dommageable ; que M. X...faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la commission versée par la banque n'était basée que sur le montant effectivement emprunté par les clients et donc celui effectivement débloqué au moyen de factures adressées directement par les particuliers en sorte que le versement de commissions sur les dossiers souscrits auprès de la Caisse d'Epargne n'entretenait pas de lien de cause à effet avec les devis litigieux ; qu'en accordant à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Aquitaine Poitou-Charentes en réparation de son préjudice matériel, le montant exact des commissions de courtage effectivement déboursées au titre des seuls contrats de prêts débloqués, pour l'instruction desquels ont été versés des devis falsifiés sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les conditions dans lesquelles les commissions étaient versées au courtier n'étaient pas indépendante des devis litigieux en sorte qu'aucun lien de causalité directe ne pouvait être établi entre les devis en cause et le versement des commissions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés " ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant des délits pour la Caisse d'épargne et de prévoyance Aquitaine Poitou Charente, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né des faux et usage ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.