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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. A, 21 juin 2012, n° 11/17117

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

L'Oréal Produits de Luxe (SNC)

Défendeur :

Antoine Parfumerie Groupe (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schmitt

Conseillers :

Mme Durand, Mme Verdeaux

Avocats :

SCP Cohen Guedj, Me Dupré, SCP Badie-Simon-Thibaud-Juston, Me Gomez

T. com. Manosque, du 27 sept. 2011, n° 2…

27 septembre 2011

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE SNC a livré pour un montant total de 911'565,28 euros des marchandises commandées par la société ANTOINE PARFUMERIE GROUPE SAS, sous réserve de propriété.

Par jugement du 13 juillet 2010, le tribunal de Commerce de Manosque a ouvert une procédure de sauvegarde de la société ANTOINE PARFUMERIE GROUPE SAS.

La société L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE SNC a revendiqué les marchandises livrées et réceptionnées par la société ANTOINE PARFUMERIE GROUPE SAS par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 juillet 2010 ; à défaut d'acquiescement de Me Frédéric AVAZERI, administrateur judiciaire, dans le délai d'un mois à compter de la réception de cette demande, la société L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE SNC a saisi le juge commissaire de sa demande en revendication par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 septembre 2010 .

Par ordonnance en date du 1er mars 2011, le juge commissaire a rejeté la demande en revendication formée par la société ATRADIUS pour le compte de la société L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE SNC.

Par jugement en date du 27 septembre 2011, le tribunal de Commerce de Manosque a déclaré recevable l'opposition de la SNC L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE, confirmé l'ordonnance du 1er mars 2011, débouté la SAS ANTOINE PARFUMERIE GROUPE, Maître AVAZERI de qualités d'administrateur judiciaire et Maître LAURE, ès qualités de mandataire judiciaire, ainsi que la SNC L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées le 6 avril 2012 par la SNC L'OREAL PRODUITS DE LUXE, appelante ;

Vu les conclusions déposées le 25 avril 2012 par la SAS ANTOINE PARFUMERIE GROUPE, Me Frédéric AVAZERI, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SAS ANTOINE PARFUMERIE GROUPE, et par Me Simon LAURE, ès qualités de mandataire judiciaire à la procédure de sauvegarde de la SAS ANTOINE PARFUMERIE GROUPE, intimés ;

Attendu que par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé des prétentions et moyens des parties ;

MOTIFS

Attendu qu'en application de l'article 117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale ;

Attendu que la requête en revendication en date du 17 septembre 2010, signée par Madame Hélène GELU, émane de la société ATRADIUS laquelle déclare agir en qualité de mandataire de la société L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE SNC ;

Attendu que l'appelante verse aux débats un pouvoir en date du 1er avril 2010, signé de Mme Gaëlle LAIGO aux termes duquel la SNC L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE donne mandat irrévocable à la société ATRADIUS CREDIT INSURANCE pour engager toute action en justice en recouvrement de créances, et notamment faire toute déclaration de créances ;que Madame LAIGO est présentée comme étant délégataire du pouvoir de déclarer des créances de la société L'OREAL PRODUITS DE LUXE et de procéder aux revendications au nom et pour le compte de cette société;

Attendu que par acte du 22 mars 2010, les associés en nom de la société L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE FRANCE SNC ont délégué « à compter du 1er avril 2010, les pouvoirs administratifs et bancaires généraux (...) à Mme LAIGO, directrice des achats et des opérations, aux fins notamment de :

« Représenter la société vis-à-vis des tiers, auprès des administrations publiques, des contributions directes ou indirectes, des services des douanes et autres, quelle que soit leur dénomination (...) ;

Représenter ou faire représenter la société devant les tribunaux compétents, y soutenir ou faire soutenir, oralement ou par écrit, tout moyen d'actions ou de défense (...) » ;

Attendu que ce pouvoir de représentation, qui n'a pas à revêtir date certaine, mentionne expressément la procédure de sauvegarde ouverte par jugement du 13 juillet 2010 du tribunal de commerce de Manosque à l'égard de la part SAS ANTOINE PARFUMERIE GROUPE ;qu'il a donc, malgré l'erreur concernant la date du 1er avril 2010 qui y est mentionnée , été nécessairement établi postérieurement à cette procédure et a manifestement vocation à produire ses effets dans le cadre de la procédure de sauvegarde de l'intimée;

Attendu, s'agissant de la régularité de la délégation de pouvoir, que la SNC L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE fait valoir que tous les associés étant gérants dans une SNC, Mme LAIGO, signataire du pouvoir susvisé, s'est vue régulièrement déléguer, par les associés et donc par les cogérants, qui auraient seul le pouvoir de désigner un fondé de pouvoir, un pouvoir général de représentation de la société ;

Attendu qu'aux termes des articles L221 - 3 et L 221-5 du code de commerce, « Tous les associés sont gérants, sauf stipulation contraire des statuts qui peuvent désigner un ou plusieurs gérants, associés ou non, ou en prévoir la désignation par un acte ultérieur », et, « Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant en objet social » ;

Attendu qu'il résulte de l'article 15 de l'article 16 des statuts de la société L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE que « La société est administrée par un ou plusieurs gérants associés ou non désignés par décision collective prise à l'unanimité des associés » et « A l'égard des tiers, les gérants où chacun des gérants engage la société par tous actes entrant dans l'objet social » ;

Attendu en l'espèce ,qu'il résulte de l'extrait K-bis de la SNC L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE que Messieurs Florian CHANET et Xavier VEY sont co-gérants non associés de la société ;que dès lors, eux seuls avaient le pouvoir, en leur qualité de gérants de droit, de conférer à un tiers le soin de représenter la société L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE en justice, et également de déléguer à Mme LAIGO la faculté de procéder au nom de la société L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE à une revendication, ainsi que , le droit de donner mandat spécial à un tiers le droit de représenter la société L'ORÉALPRODUITS DE LUXE en justice et de revendiquer ; que les statuts de la SNC L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE ne confèrent nullement la qualité de gérant à chacun des associés ;

Attendu qu'aux termes de l'article 20 des statuts, les décisions collectives des associés ont notamment pour objet « d'autoriser les gérants pour des opérations excédant leurs pouvoirs »; que les gérants ,en application de l'article 16 des mêmes statuts peuvent faire tous actes de gestion dans l'intérêt de la société, à l'exception toutefois des « nomination et révocation de tout fondé de pouvoir » qui doivent être préalablement autorisés à l'unanimité des associés ;

Attendu qu'il s'ensuit que la collectivité des associés de la société SNC L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE, dont aucun n'avait la qualité de gérant, ne disposait pas du pouvoir de représenter de la société et ne pouvait donc pas agir au nom et pour le compte de cette société et déléguer à Mme LAIGO le pouvoir de représenter ou faire représenter cette société en justice ,alors qu'il résulte des dispositions susvisées, de la loi et des statuts, que seul le gérant engage la société vis-à-vis des tiers et que, s'agissant de la nomination d'un fondé de pouvoir, cette décision ne peut être prise par le gérant qu'après avoir obtenu l'autorisation des associés par décision prise à l'unanimité;

Attendu que Mme LAIGO, dépourvue du pouvoir de représenter la société ou de la faire représenter, ne pouvait donc valablement conclure au nom et pour le compte de la société un mandat spécial investissant la société ATRADIUS du pouvoir de former une requête en revendication au nom et pour le compte de la SNC L'OREAL PRODUITS DE LUXE ;

Attendu que la société ATRADIUS n'était donc pas valablement habilitée à procéder à former une requête en revendication au jour de cette requête, le 17 septembre 2010, ni même dans le délai de revendication qui expirait le 6 octobre 2010, un mois après l'expiration du délai de réponse d'un mois imparti à l'administrateur judiciaire pour acquiescer à la demande à compter de la réception de la lettre recommandée avec accusé de réception du 6 août 2010 ;

Attendu en effet que la délibération du 22 mars 2010, n'autorisait nullement le gérant à déléguer un quelconque pouvoir dès lors qu'aux termes de cette délibération, les associés avaient eux-mêmes décidé de conférer directement à Madame LAIGO tous pouvoirs afin d'assurer l'administration de la société alors qu'ils n'en avaient pas le pouvoir ;

Attendu que l'attestation établie le 4 janvier 2012 par M. Xavier VEY, gérant de la SNC L'ORÉAL PRODUITS DE LUXE, selon laquelle que Mme LAIGO était dûment habilitée, depuis le 1er avril 2010, à représenter ou faire représenter la société vis-à-vis des tiers et notamment à engager toute action en justice devant les tribunaux compétents , y compris toute action en revendication, par décision de la gérance ratifiée à l'unanimité des associés, a été produite hors délai et ne saurait régulariser l'absence , dans le délai de revendication, d'une délégation régulière de pouvoir accordé par le gérant à Madame LAIGO ;

Attendu, en tout état de cause, que la délégation revendiquée par l'appelante, ne prévoit pas la possibilité pour Madame LAIGO de subdéléguer à un préposé de la société L'OREAL PRODUITS DE LUXE, ni a fortiori de donner elle-même mandat spécial à un tiers de revendiquer, et que cette irrégularité affecte la validité de la revendication; que le pouvoir d'accorder un pouvoir spécial à un tiers ne résulte pas davantage de l'attestation du gérant du 4 janvier 2012; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Attendu que l'appelante sera condamnée à verser une indemnité de 3000 € à la société SAS ANTOINE PARFUMERIE GROUPE par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que, partie perdante, elle sera condamnée aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière commerciale,

Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions,

Condamne l'appelante à payer à la SAS ANTOINE PARFUMERIE GROUPE une indemnité de 3000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'appelante aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.