Cass. 3e civ., 19 novembre 2014, n° 12-27.061
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Terrier
Rapporteur :
Mme Proust
Avocat général :
M. Charpenel
Avocats :
Me Haas, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 20 juin 2012), que par acte du 1er février 2005, Mme X... a acquis un fonds de commerce de boucherie, exploité dans un local, propriété de M. et Mme Y... et de leur fille (les consorts Y...), en vertu d'un bail commercial du 19 février 1988 ; que le 2 mars 2007, un feu s'est déclaré dans le conduit de la chaudière à gaz du local ; que les bailleurs ont remplacé le système de chauffage et de production d'eau chaude au gaz par un système électrique ; que Mme X... les a assignés en paiement du coût de l'installation à neuf d'une chaudière au gaz et en indemnisation de sa surconsommation d'électricité et de ses pertes d'exploitation du fait des travaux à intervenir ; Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de les condamner à payer à Mme X... une certaine somme au titre du coût de l'installation d'une chaudière et de la surconsommation d'électricité, alors, selon le moyen :
1°/ que l'expert, dans son rapport du 2 février 2009, se bornait à constater en l'état, « l'absence de chauffage efficace des locaux loués et l'absence de préparation d'eau chaude suffisante pour la fabrication de la charcuterie rendant les locaux impropres à l'usage auquel ils sont destinés », sans relever l'impossibilité d'installer un chauffage électrique efficace ; qu'en estimant dès lors, que selon l'expert, l'installation électrique n'est pas propre à assurer le chauffage des locaux et le chauffage de l'eau, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du rapport d'expertise et violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que le bailleur est seulement tenu envers le preneur d'entretenir la chose louée en bon état de servir à l'usage pour lequel elle est destinée et à lui assurer une jouissance paisible du logement ; que dès lors qu'il satisfait à ces obligations, le bailleur ne peut être contraint de se soumettre aux choix de son locataire ; qu'en conséquence, en présence d'un système de chauffage devenu dangereux et ne permettant plus au locataire de jouir paisiblement des lieux loués, le bailleur est dans l'obligation de changer l'installation de chauffage, mais dispose d'une option entre l'installation d'un chauffage électrique et l'installation d'un chauffage au gaz ; qu'en décidant néanmoins, que les consorts Y..., bailleurs, devaient réparer les conséquences du dommage subi par Mme X..., preneur, en remplaçant la chaudière défectueuse par une chaudière ventouse à gaz préconisée par l'expert, aux motifs propres et adoptés, que l'installation électrique ne correspondait pas aux besoins de la locataire ni à la destination du fonds, sans constater l'impossibilité d'une remise en état de l'installation électrique existante afin de la rendre conforme à la destination du fonds, la cour d'appel a imposé aux bailleurs une installation par chauffage au gaz contre leur gré et ainsi violé les articles 544, 1719 et 1720 du code civil ;
3°/ qu'aucune clause du bail ne faisait état d'un chauffage au gaz, plutôt que d'une chaudière électrique un élément surabondant du contrat ; qu'en relevant néanmoins, par motifs adoptés du jugement, que le passage d'une installation fonctionnant au gaz à une installation électrique modifiait les termes du contrat, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, par une interprétation souveraine de la commune intention des parties, que le bail avait été conclu au regard notamment de la consistance des locaux, des éléments d'équipements de ces locaux, et du montant du loyer correspondant et que l'installation de chauffage desdits locaux et de la production d'eau chaude, nécessaire aux activités de boucherie exercées, figurait au nombre des éléments décisionnels du contrat et des conditions économiques dans lesquelles le preneur exerçait sa profession et constaté, sans dénaturation, que l'expertise révélait que l'installation électrique actuelle ne correspondait pas aux besoins de la locataire ni à la destination du fonds, étant impropre à assurer le chauffage des locaux et le chauffage de l'eau et que ce type d'installation revenait plus cher que le gaz naturel, la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé la perte d'un avantage que le preneur tenait du bail, en a exactement déduit que Mme X... était fondée à réclamer une nouvelle installation du même type que la précédente et que les bailleurs devaient l'indemniser du surcoût de la consommation électrique entraîné par la substitution d'une installation de chauffage électrique à l'installation de chauffage au gaz ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu qu'après avoir, dans ses motifs, alloué à Mme X... la somme de 2 000 euros, compte tenu des éléments versés au débat, en réparation de la perte d'exploitation durant les travaux nécessaires au rétablissement du chauffage au gaz, l'arrêt condamne, dans son dispositif, les consorts Y... à payer solidairement à Mme X... la somme de 3 000 euros de ce chef ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu ¿ il a condamné solidairement les consorts Y... à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la perte d'exploitation, l'arrêt rendu le 20 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée.