Livv
Décisions

CA Pau, 2e ch. sect. 1, 5 novembre 2020, n° 18/02120

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Jill (SAS)

Défendeur :

Les Pitchounes (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Alzeari

Conseiller :

M. Darracq

Avocats :

Me Ledain, Me Filippi, Me Estrade

T. com. Pau, du 17 janv. 2017

17 janvier 2017

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES

La SAS JILL a pour activité la conception, la fabrication et la vente au détail et en gros d'articles vestimentaires pour enfants.

Le 31 décembre 2013, elle a conclu un contrat intitulé « contrat d'affiliation JILL » avec la SARL LES PITCHOUNES.

Il est stipulé que la SARL LES PITCHOUNES a le droit d'utiliser la marque MARESE à titre d'enseigne et de disposer, pour les vendre aux consommateurs, d'un stock de marchandises en dépôt défini et financé par la SAS JILL.

L'article 8.1 du contrat précise que les marchandises ainsi déposées restent la propriété de la SAS JILL jusqu'à ce qu'elles soient vendues et payées par les clients.

Le contrat prévoit également que sur la base du chiffre d’affaires mensuel réalisé par l'affilié au titre de la vente pour le compte de la SAS JILL des marchandises déposées par cette dernière, l'affilié percevra une commission fixée à 42 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé dans le magasin. Cette commission est payée sur facture par compensation avec des sommes encaissées par la SARL LES PITCHOUNES pour le compte de la SAS JILL et déposées sur un compte bancaire spécial.

Le 24 septembre 2015, la SAS JILL a mis en demeure la SARL LES PITCHOUNES de payer le solde débiteur d'un montant de 10 164,49 euros.

Le 21 décembre 2015, par courrier recommandé avec accusé de réception, la SAS JILL a indiqué souhaiter le renouvellement du contrat d'affiliation et ce, dans le délai de deux mois prévus au contrat.

Par courrier recommandé en date du 15 février 2016, la SARL LES PITCHOUNES a confirmé le renouvellement du contrat d'affiliation.

Pour le premier trimestre 2016, il a été invoqué un montant de factures impayées pour une valeur de 8407,86 euros.

À compter du 30 juin 2016, la SAS JILL n'a plus rien livré à la SARL LES PITCHOUNES.

Par acte en date du 17 novembre 2016, la SAS JILL a fait assigner en paiement la SARL LES PITCHOUNES.

Par jugement en date du 17 janvier 2017, la SARL LES PITCHOUNES a été placée en liquidation judiciaire et la SELARL François LEGRAND a été nommée en qualité de mandataire liquidateur.

La SAS JILL a déclaré sa créance le 8 mars 2017 pour un montant de 23 726,15 euros.

La SELARL François LEGRAND est intervenue volontairement à l'instance initiée le 17 novembre 2016.

Par jugement en date du 23 janvier 2018, le tribunal de commerce de Pau a :

- Dit qu'il y avait lieu de s'en tenir au contrat d'affiliation passé entre les parties,

- Fixé le montant de la créance de la SARL LES PITCHOUNES à la somme de 23 726,15 euros avec intérêts et pénalités de retard,

- Débouté la SAS JILL de sa demande en revendication des marchandises, du matériel et de l'enseigne,

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- Dit que chaque partie supporterait ses propres dépens.

Par déclaration du 26 juin 2018, la SAS JILL a interjeté appel à l'encontre de cette décision.

Par dernières conclusions du 3 août 2020, elle prétend à la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé le montant de sa créance à la somme de 23 726,15 euros augmentés des intérêts et pénalités de retard.

Elle sollicite l'infirmation pour le surplus et demande qu'il soit ordonné à la SARL EKIP' anciennement dénommée SELARL François LEGRAND de lui restituer aux frais de la SARL LES PITCHOUNES la totalité du stock lui appartenant et mis en dépôt avec astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et de faire disparaître du point de vente de la SARL LES PITCHOUNES tout signe distinctif de l'enseigne « MARESE » et de restituer aux frais de cette dernière, dans ses locaux, tout matériel et mobilier commercial lui appartenant avec astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.

Dans l'hypothèse où tout ou partie du stock lui appartenant aurait été vendu, elle demande qu'il soit ordonné à la SARL EKIP' anciennement dénommée SELARL François LEGRAND de produire l'inventaire des marchandises en stock lui appartenant avec l'indication des marchandises encore détenues et la liste de celles vendues comportant le nom de l'acheteur et le prix de cession sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et de lui reverser intégralement ce prix sous la même astreinte.

En tout état de cause, elle sollicite le paiement de la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon dernières écritures du 7 septembre 2020, la SARL LES PITCHOUNES et la SARL EKIP' anciennement dénommée SELARL François LEGRAND concluent à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la SAS JILL de sa demande en revendication des marchandises, du matériel de l'enseigne.

À titre incident, elles sollicitent la réformation du jugement en ce qu'il a fixé le montant de la créance de la SAS JILL au passif à la somme de 23 726,15 euros et débouté le mandataire liquidateur de sa demande indemnitaire.

Elles soutiennent que la SAS JILL a manqué à ses obligations contractuelles tant dans le cadre de l'exécution du contrat d'affiliation que lors de sa rupture.

En conséquence, elles prétendent qu'il n'y a pas lieu à fixation de la moindre créance de la SAS JILL au passif de la procédure collective.

En réparation du préjudice subi, elles réclament le paiement de la somme de 67 338,68 euros à titre de dommages intérêts, outre le paiement de la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance et de la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

L'ordonnance de clôture est en date du 9 septembre 2020.

MOTIFS,

Sur l'appel incident et la fixation de créance, les intimés estiment que la SAS JILL a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité contractuelle vis-à- vis de la SARL LES PITCHOUNES.

Ils lui font grief de ne pas avoir approvisionné le magasin dans des conditions prévues au contrat d'affiliation ce qui n'a pas permis à la société de rentabiliser l'acquisition du fonds de commerce.

À cet égard, elle conclut donc à ce qu'il n'y ait pas lieu à fixation de créance et sollicite le paiement de dommages et intérêts destinés à indemniser du préjudice né de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et de la perte du fonds de commerce.

Il doit être rappelé que l'article 13 du contrat d'affiliation prévoit que sur la base du chiffre d'affaires mensuel réalisé par l'affilié au titre de la vente pour le compte de la SAS JILL de ses marchandises, l'affilié percevra une commission dont le taux sera de 42 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé dans son magasin.

Les commissions sont payées sur facture par compensation avec les sommes encaissées par la SARL LES PITCHOUNES pour le compte de la SAS JILL et doivent être déposées sur un compte bancaire spécial.

Il n'est pas pertinemment contesté que le produit des ventes encaissé n'a pas été reversé sur un compte spécial. Ainsi le compte de la SARL LES PITCHOUNES présentait un solde débiteur qui a contraint la SAS JILL à adresser une mise en demeure le 24 septembre 2015.

Il est tout aussi constant qu'en dépit de l'assignation du 17 novembre 2016, la SARL LES PITCHOUNES a continué de vendre des marchandises sans reverser le produit des ventes.

Surtout, l'intimé n'apporte nullement la démonstration qu'elle se serait retrouvée en difficulté économique en raison de la politique commerciale de la SAS JILL.

A l'opposé, il est tout aussi constant que les livraisons n'ont jamais été interrompues. Il est d'ailleurs justifié d'un courrier du président de la SAS JILL qui demandait d'effectuer au minimum les règlements correspondant à la vente des produits de la collection été 2016.

Au demeurant, au terme de l'article 7 § 2 du contrat d'affiliation, il est prévu que la nature et les quantités des marchandises remises en dépôt à l'affilié au début de chaque saison, ainsi que la nature et les quantités de marchandises remises en dépôt en réapprovisionnement en cours de saison sont déterminées par la SAS JILL.

Dans cette mesure, il est compréhensible, selon l'appelante, mais également conforme au contrat d'affiliation que la SAS JILL ait agi avec prudence en modulant ses livraisons au regard d'une affiliée qui n'a pas respecté ses obligations contractuelles en ne versant pas les sommes encaissées sur un compte dédié, s'appropriant ainsi la totalité du produit des ventes.

Ainsi dans sa lettre de mise en demeure du 24 septembre 2015, la SAS JILL a demandé à son affilié de respecter ses engagements au regard de l'autorisation de prélèvement sur son compte bancaire.

En ne versant pas à son cocontractant les sommes qui lui appartenaient ainsi qu'elle s'y était engagée, la SARL LES PITCHOUNES a évidemment manqué à son obligation contractuelle essentielle.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé le montant de la créance de la SAS JILL au passif de la SARL LES PITCHOUNES et écarté les demandes en paiement de dommages et intérêts et de compensation éventuelle.

Sur l'appel principal, la SAS JILL fait valoir que le contrat d'affiliation est un contrat de distribution spécifique qui n'est pas un contrat de franchise et qui relève plutôt du contrat de dépôt vente et s'apparente au mandat d'intérêt commun.

Elle rappelle que selon l'article 8.1, les articles déposés restent la propriété de la SAS JILL jusqu'à ce qu'ils soient vendus et payés par les clients consommateurs.

L'article 8.4 stipule que l'affilié ne sera jamais propriétaire des articles déposés.

Dans cette mesure elle fait valoir que sa demande n'est pas une demande en revendication fondée sur une clause de réserve de propriété sur des biens livrés mais non payés mais une demande en restitution de biens en dépôt.

Elle estime donc qu'elle n'était pas tenue de se soumettre aux obligations déclaratives de l'article L. 624-9 du code de commerce du fait de l'instance en cours au moment du prononcé de la procédure collective.

Il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 624-9 du code de commerce, la revendication des meubles doit être exercée dans un délai de 3 mois suivant la publication du jugement d'ouverture au BODACC.

Ce délai est préfixe et ne peut donner lieu à un relevé de forclusion. Il court à compter de la publication du jugement.

Ainsi, par courriel du 19 mai 2017, le liquidateur a informé la SAS JILL qu'en l'absence de revendication, son droit de propriété était devenu inopposable à la procédure collective et qu'il en résultait la possibilité pour le mandataire de vendre les actifs qui étaient devenus le gage des créanciers.

Ainsi par courrier du 4 mai 2017, le liquidateur a informé la SAS JILL de ce qu'il allait procéder à la vente des actifs en l'absence de revendication initiée par cette dernière.

Sur ce point, l'appelante estime qu'elle n'avait pas à revendiquer la marchandise dans la mesure où il s'agissait d'un dépôt de choses sans transfert de propriété.

Toutefois, il doit être rappelé que les dispositions de l'article L. 624-16 s'appliquent y compris pour le dépôt qui constitue une détention précaire. Ainsi en cas de dépôt sans transfert de propriété, le déposant doit revendiquer les meubles et objets du contrat à la procédure collective du débiteur resté en possession de ses biens.

En réalité, le fait que la SAS JILL n'ait pas revendiqué dans le délai de 3 mois ne la prive pas de son droit de propriété. Elle ne peut toutefois plus s'en prévaloir à l'égard de la procédure collective.

Enfin, l'appelante ne peut valablement soutenir qu'elle était dispensée de l'action en revendication en raison d'une instance en cours au moment du placement en liquidation judiciaire en l'absence de dispositions légales à cet égard.

Sur ce point les intimés rappellent utilement que seul l'article L. 624-10 prévoit l'absence de nécessité d'une revendication lorsque le contrat porte sur un bien ayant fait l'objet d'une publicité avant le jugement d'ouverture. À défaut, le contrat est inopposable à la procédure collective.

Il est constant que le contrat d'affiliation n'a pas fait l'objet d'une publicité.

D'autre part, l'action en revendication est soumise à des règles strictes de forme et de délais qui, en l'espèce, n'ont pas été respectées par la SAS JILL. La réclamation formulée par voie de conclusions le 6 mars 2019 ne peut certainement pas constituer une demande de revendications valable.

Il en est de même s'agissant du contentieux évoqué sur la restitution des marchandises antérieurement à l'ouverture de la procédure collective.

À l'inverse, il doit être observé que l'existence de ce contentieux aurait dû rendre la SAS JILL beaucoup plus vigilante sur les démarches à entreprendre dès qu'elle a été informée du placement en liquidation judiciaire de la SARL LES PITCHOUNES.

Dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la SAS JILL de sa demande de revendications des marchandises, du matériel et de l'enseigne.

La SAS JILL, qui succombe sur son appel principal, doit être condamnée aux dépens et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, il ne sera pas fait application de cet article au profit de l'intimée qui succombe sur son appel incident.

PAR CES MOTIFS,

La cour après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort

Confirme le jugement du tribunal de commerce de PAU en date du 23 janvier 2018 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SAS JILL aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Camille ESTRADE en application des articles 696 et 690 9 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Marie Paule ALZEARI, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.