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Décisions

Cass. crim., 3 mai 2012, n° 11-82.431

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Canivet-Beuzit

Avocat général :

M. Gauthier

Avocats :

SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Gaschignard

Paris, du 9 févr. 2011

9 février 2011

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des droits de la défense, de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles préliminaire, 388 et 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable d'usage de faux en écriture, puis l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis avant de statuer sur les intérêts civils ;

"aux motifs que le tribunal a caractérisé l'infraction dans tous ses éléments par des motifs pertinents que la cour fait siens et auxquels il convient d'ajouter, d'une part, que si le règlement avait été effectué par des compensations, comme l'affirme M. X..., celles-ci d'ailleurs postérieures aux actes, auraient été mentionnées dans ceux-ci au lieu de la mention après le prix de cession que le cessionnaire a versé au cédant que le reconnaît et en consent quittance et, d'autre part, que les actes falsifiés ont été présentés dans le cadre de la procédure commerciale en juillet 2003 et avaient pour objet de priver les époux Y... d'une partie de leur patrimoine, qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité ainsi que sur la peine qui constitue une juste application de la loi pénale au regard de la gravité des faits et de la personnalité du prévenu ;

"et aux motifs adoptés que, sur la culpabilité, les deux expertises en écriture apportent des éléments décisifs dans l'appréciation de la culpabilité ; que toutes deux concluent à la fausseté des mentions et signatures de M. et Mme Y... ; que le conseil de M. X... fait valoir que la signature de M. Y... a beaucoup varié ; que M. Y... lui-même indique que sa main tremble ; que les experts attribuent la paternité des écritures à M. X... avec plus ou moins de fermeté ; que M. X... a, en dernier état, affirmé que les actes avaient été signés au Liban par M. et Mme Y... mais le second expert en écriture a précisé que l'encre était la même pour la plupart des mentions ; qu'il est totalement exclu que M. X... ait adressé au Liban, outre les actes, le stylo déjà utilisé pour les premières signatures ; que M. X... prétend par ailleurs qu'un particulier a apporté les actes en 1999 au Liban où se trouvaient alors les époux Y... ; qu'il est incapable, à l'audience, d'indiquer quelle est la personne qui a procédé à ce transport ce qui paraît invraisemblable, compte tenu de l'importance de cet acte ; qu'il apparaît de plus que les actes sont censés avoir été établis à Paris ; qu'on ne comprend pas pourquoi, dans la version de M. X..., les actes n'ont pas été établis conformément à sa propre version, c'est-à-dire en indiquant comment avait été réglé réellement le prix et comment avaient été signés ces actes ; qu'au total, la version de M. X..., la dernière en tout cas, M. X... ayant varié dans ses moyens de défense, apparaît incohérente et invraisemblable ; qu'à l'appui de cette version, M. X... essaie de prouver que des mouvements de patrimoine ont été constatés de M. X... à M. Y... ; que les relations complexes entre ces deux hommes et leurs commerces ou sociétés sont imposables à démêler ; qu'elles ne peuvent en aucun cas servir de preuve d'une cession d'actions compte tenu de leur ambiguïté ; que, sur la personnalité, M. X..., 46 ans, né le 24 septembre 1962 à Le-Koubbe (Liban), demeurant ..., de nationalité française depuis 1996 ; qu'il est arrivé en France en 1990 pour des raisons de travail ; qu'il est marié, père de trois enfants ; qu'actuellement il est toujours dirigeant de la NAS ; que ses revenus sont de 24 000 euros par an ; que le casier judiciaire est vierge ; que, sur la peine, le procureur de la République demande une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et une amende de 5 000 euros ; que les stricts faits dont le tribunal est saisi, à savoir l'usage de faux devant une juridiction commerciale, ont causé un trouble réel à l'ordre public ; qu'ils ont eu pour conséquence indirecte de priver les époux Y... d'une partie de leur patrimoine ; que M. X... n'a pas d'antécédent ; qu'il sera en conséquence condamné à titre d'avertissement à six mois d'emprisonnement avec sursis ;

"alors que le juge correctionnel ne peut légalement statuer que sur les faits dont il est saisi par l'ordonnance de renvoi, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux de la prévention ; que la prévention énoncée dans l'ordonnance de renvoi ne visait que le fait d'avoir, « courant septembre 2003 », fait usage d'un faux ; qu'aussi bien, la chambre des appels correctionnels ne pouvait, sauf à violer les textes susvisés, retenir, pour caractériser matériellement l'usage de faux, que le prévenu avait présenté les actes falsifiés « dans le cadre de la procédure commerciale en juillet 2003 »" ;

Attendu que, dès lors qu'il se fonde sur une erreur matérielle contenue dans l'arrêt attaqué, susceptible d'être rectifiée suivant la procédure prévue aux articles 710 et 711 du code de procédure pénale, le moyen est irrecevable ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3, alinéa 1er, 441-1, 441-9, 441-10, 441-11 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable d'usage de faux en écriture, puis l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis avant de statuer sur les intérêts civils ;

"aux motifs que le tribunal a caractérisé l'infraction dans tous ses éléments par des motifs pertinents que la cour fait siens et auxquels il convient d'ajouter, d'une part, que si le règlement avait été effectué par des compensations, comme l'affirme M. X..., celles-ci d'ailleurs postérieures aux actes, auraient été mentionnées dans ceux-ci au lieu de la mention après le prix de cession que le cessionnaire a versé au cédant que le reconnaît et en consent quittance et, d'autre part, que les actes falsifiés ont été présentés dans le cadre de la procédure commerciale en juillet 2003 et avaient pour objet de priver les époux Y... d'une partie de leur patrimoine, qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité ainsi que sur la peine qui constitue une juste application de la loi pénale au regard de la gravité des faits et de la personnalité du prévenu ;

"et aux motifs adoptés que, sur la culpabilité, les deux expertises en écriture apportent des éléments décisifs dans l'appréciation de la culpabilité ; que toutes deux concluent à la fausseté des mentions et signatures de M. et Mme Y... ; que, le conseil de M. X... fait valoir que la signature de M. Y... a beaucoup varié ; que, M. Y... lui-même indique que sa main tremble ; que, les experts attribuent la paternité des écritures à M. X... avec plus ou moins de fermeté ; que, M. X... a, en dernier état, affirmé que les actes avaient été signés au Liban par M. et Mme Y... mais le second expert en écriture a précisé que l'encre était la même pour la plupart des mentions ; qu'il est totalement exclu que M. X... ait adressé au Liban, outre les actes, le stylo déjà utilisé pour les premières signatures ; que, M. X... prétend, par ailleurs, qu'un particulier a apporté les actes en 1999 au Liban où se trouvaient alors les époux Y... ; qu'il est incapable, à l'audience, d'indiquer quelle est la personne qui a procédé à ce transport ce qui paraît invraisemblable, compte tenu de l'importance de cet acte ; qu'il apparaît de plus que les actes sont censés avoir été établis à Paris ; qu'on ne comprend pas pourquoi, dans la version de M. X..., les actes n'ont pas été établis conformément à sa propre version, c'est-à-dire en indiquant comment avait été réglé réellement le prix et comment avaient été signés ces actes ; qu'au total, la version de M. X..., la dernière en tout cas, M. X... ayant varié dans ses moyens de défense, apparaît incohérente et invraisemblable ; qu'à l'appui de cette version, M. X... essaie de prouver que des mouvements de patrimoine ont été constatés de M. X... à M. Y... ; que les relations complexes entre ces deux hommes et leurs commerces ou sociétés sont imposables à démêler ; qu'elles ne peuvent en aucun cas servir de preuve d'une cession d'actions compte tenu de leur ambiguïté ; que, sur la personnalité, M. X..., 46 ans, né le 24 septembre 1962 à El-Koubbe (Liban), demeurant ..., de nationalité française depuis 1996 ; qu'il est arrivé en France en 1990 pour des raisons de travail ; qu'il est marié, père de trois enfants ; qu'actuellement il est toujours dirigeant de la NAS ; que ses revenus sont de 24 000 euros par an ; que le casier judiciaire est vierge ; que, sur la peine, le procureur de la République demande une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et une amende de 5 000 euros ; que les stricts faits dont le tribunal est saisi, à savoir l'usage de faux devant une juridiction commerciale, ont causé un trouble réel à l'ordre public ; qu'ils ont eu pour conséquence indirecte de priver les époux Y... d'une partie de leur patrimoine ; que M. X... n'a pas d'antécédent ; qu'il sera en conséquence condamné à titre d'avertissement à six mois d'emprisonnement avec sursis ;

"1) alors que l'usage de faux n'est punissable qu'autant qu'il y a un fait positif d'utilisation de la pièce falsifiée en vue du but auquel elle est destinée ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer le prévenu coupable des faits qui lui étaient reprochés, que « les actes falsifiés ont été présentés dans le cadre de la procédure commerciale en juillet 2003 », la chambre des appels correctionnels qui n'a tenu aucun compte de ce que cette « présentation » ne venait à cette date, au soutien d'aucune prétention, mais intervenait exclusivement en exécution d'une ordonnance du président du tribunal de commerce statuant en référé, en date du 24 juillet 2003, enjoignant sous astreinte au prévenu de communiquer une copie desdits actes pour expertise calligraphique, a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

"2) alors que l'usage de faux n'est punissable que s'il existe un faux, c'est-à-dire une pièce falsifiée dans le dessein de nuire ; qu'il n'y a pas d'intention frauduleuse lorsqu'il est établi que le prétendu faussaire a agi avec l'autorisation de la personne dont la signature a été imitée ; d'où il suit que, sauf à priver sa décision de base légale au regard des textes susvisés, la chambre des appels correctionnels ne pouvait légalement déclarer M. X... coupable d'usage de faux sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si M. et Mme Y... n'autorisaient pas habituellement l'imitation de leur signature dans les actes de la gestion de la société depuis 1991 ;

"3) alors que l'usage de faux n'est punissable qu'autant que le faux altérant la vérité est de nature à causer un préjudice ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer le prévenu coupable des faits qui lui étaient reprochés, que «les actes falsifiés (…) avaient pour objet de priver les époux Y... d'une partie de leur patrimoine», quand le demandeur faisait valoir et offrait de rapporter la preuve qu'il avait effectivement acquitté le prix des cessions litigieuses par plusieurs chèques et transferts de différents biens, notamment immobiliers, au profit de M. et Mme Y..., la chambre des appels correctionnels qui n'a pas apprécié la réalité de ce paiement, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, que le président du tribunal de commerce, statuant en référé, a, le 24 juillet 2003, ordonné à M. X... de communiquer des actes de cession argués de faux par M. et Mme Y... ; que ces pièces ont été produites par le prévenu le 18 septembre 2003 ; que les époux Y... ont porté plainte et se sont constitués parties civiles des chefs de faux et usage le 13 octobre 2003 ; que deux expertises en écritures, diligentées au cours de l'information, ont conclu que les signatures figurant sur ces actes n'étaient pas de la main des époux Y... mais de celle de M. X... ; que, constatant que le délit de faux était prescrit, le juge d'instruction a renvoyé ce dernier devant le tribunal correctionnel du seul chef d'usage de faux ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de cette infraction, l'arrêt prononce par les motifs propres et adoptés repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dont il résulte que les documents litigieux, qui constituaient des faux au soutien des prétentions de M. X... et ont été produits en justice par celui-ci, peu important que cette production ait été spontanée ou effectuée en exécution d'une décision de justice, la cour d'appel, qui a caractérisé en tout ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit d'usage de faux poursuivi, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.