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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 22 septembre 2020, n° 20/00471

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MBH Développement (SAS), Wautot (ès qual.)

Défendeur :

C Electroportatif Machines & Accessoires ' Fema (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Peyron

Conseillers :

Mme Douillet, M. Thomas

Avocats :

Me Oudinot, Me Martin-Teillard, Me Havet, Me Weil

TGI Paris, du 21 nov. 2019, n° 16/16486

21 novembre 2019

EXPOSE DU LITIGE

La société C ELECTROPORTATIF MACHINES ET ACCESSOIRES FEMA (ci-après, FEMA) a été créée en 1990 pour distribuer en France les produits fabriqués et commercialisés par la société de droit allemand C ELEKTROWERKZEUGE (ci-après, C), principalement des appareils et outillages électroportatifs, notamment des ponceuses et meuleuses, vendus sous la marque C.

En 2011, le capital social de la société FEMA était détenu, pour l’essentiel, à parts équivalentes :

— d’une part, par la société C,

— d’autre part, par la société MBH DEVELOPPEMENT, créée en 2000, détenue intégralement par M. I X et Mme J Y, le solde du capital de la société FEMA étant détenu par ces dernières personnes.

La société FEMA comme la société MBH DEVELOPPEMENT étaient dirigées par M. I X.

La société ACCESSA, créée en 1995, fournisseur d’accessoires pour la société FEMA, filiale à 100 % de la société MBH DEVELOPPEMENT, était également dirigée par M. X, en son nom propre jusqu’au 12 juillet 2014, puis en qualité de représentant de la société MBH DEVELOPPEMENT.

Le 11 juin 2014, les sociétés FEMA et ACCESSA ont signé un contrat de distribution comportant une clause d’obligation d’exclusivité incombant à la société FEMA au bénéfice de la société ACCESSA.

Par contrat du 17 décembre 2014, la société C a acquis, à effet au 9 janvier 2015, 50 % du capital de la société FEMA détenu par la société MBH DEVELOPPEMENT et M. X et Mme Y, de sorte que la société C détenait 99,8% du capital de la société FEMA.

A la suite de cette cession, la société C a été nommée présidente de la société FEMA en remplacement de M. X.

Par exploits d’huissier du 9 novembre 2016, la société FEMA a fait assigner M. X et les sociétés MBH DEVELOPPEMENT et ACCESSA devant le tribunal de grande instance de Paris, en contrefaçon de brevet et en revendication de la propriété de demandes de brevets et brevets.

Par jugement du 20 octobre 2017, le tribunal de commerce de Roanne a ouvert une procédure de sauvegarde judiciaire à l’égard de la société ACCESSA. Par jugement du 2 mars 2018, la procédure de sauvegarde a été convertie en redressement judiciaire. Enfin, par jugement du 25 avril 2018, le tribunal de commerce de Roanne a prononcé la liquidation judiciaire de la société ACCESSA, désignant la SELARL H, en la personne de Me Geoffroy H en qualité de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 28 mars 2018, le tribunal de commerce de Roanne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société MBH DEVELOPPEMENT, nommant la SELARL AJ UP, en la personne de Me Grégory WAUTOT, administrateur avec un pouvoir de représentation, et la SELARL H, en la personne de Me Geoffroy H en qualité de mandataire judiciaire. Par jugement du 27 septembre 2019, le tribunal de commerce de Roanne a arrêté un plan de redressement de la société sur huit ans, désignant la SELARL AJ UP, en la personne de Me Grégory WAUTOT, administrateur et également commissaire à l’exécution du plan et la SELARL H, en la personne de Me Geoffroy H en qualité de mandataire judiciaire.

Par un jugement rendu le 21 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :

— déclaré nulle la revendication 1 du brevet FR 2 825 310,

— débouté la société FEMA de ses demandes formées à l’encontre de la société ACCESSA en liquidation judiciaire au titre de la contrefaçon de ce brevet,

— ordonné le transfert de propriété au profit de la société FEMA des demandes de brevets et brevets suivants :

— demande de brevet FR 3 026 668 A1 dénommé 'PONCEUSE DE SOL PERFECTIONNEE', déposée le 2 octobre 2014,

— demande de brevet FR 3 025 447 A1 dénommé '[…]', déposée le 5 septembre 2014,

— demande de brevet FR 3 024 063 A1 dénommé '[…]', déposée le […],

— brevet FR 3 021 889 B1 dénommé 'DISPOSITIF DE REFROIDISSEMENT D’UN CIRCUIT DE COMMANDE D’UN MOTEUR ELECTRIQUE D’UNE MACHINE ELECTROPORTATIVE, ET MACHINE ELECTROPORTATIVE D’UN TEL DISPOSITIF DE REFROIDISSEMENT PAR AIR D’ASPIRATION POLLUE', déposé le 5 juin 2014 et délivré le 1er juillet 2016,

— brevet FR 2 980 502 B1 dénommé 'STRUCTURE ROULANTE DE MANUTENTION ET DE POSE DE PANNEAUX OU PLAQUES', déposé 1e 23 septembre 2011 et délivré le 11 octobre 2013,

— brevet FR 2 980 501 B1 dénommé 'SUPPORT DE PLAQUE POUR APPAREIL DESTINE A LA POSE DE PLAQUES', déposé le 23 septembre 2011 et délivré le 21 mars 2014,

— brevet EP 2 572 828 B1 dénommé 'STRUCTURE ROULANTE POUR OUTILS A BRAS INCLUANT UN DISPOSITIF DE BASCULEMENT', déposé le 19 septembre 2012 et délivré 1e 2 avril 2014,

— brevet EP 2 314 422 B1 dénommé 'STRUCTURE ROULANTE MULTIFONCTIONS POUR TRAVAUX D’ENTRETIEN ET RENOVATION DE PAROIS ET PLAFONDS POUR CONSTRUCTIONS', déposé le 6 août 2010 et délivré le 30 mai 2012,

— brevet FR 2 936 439 B1 dénommé 'CARTER DE PROTECTION POUR MACHINE

[…]', déposé le 29 septembre 2008 et délivré le 22 octobre 2010,

— brevet EP 2 113 338 B1 dénommé 'TETE PORTATIVE DE TRAVAIL POUR UNE MACHINE

OPERANT PAR ENLEVEMENT DE MATIERE ET UNE TELLE MACHINE', déposé 1e 16 février 2009 et délivré le 28 juil1et 2010,

— brevet FR 2 882 913 B1 dénommé 'STRUCTURE POUR LE RANGEMENT STOCKAGE ET TRANSPORT D’AU MOINS UNE PONCEUSE GIRAFE ET DE SES COMPOSANTS DE FONCTIONNEMENT', déposé le 14 mars 2005 et délivré le 30 avril 2010,

— brevet EP […]', déposé le […] et délivré le […],

— brevet EP 1 570 932 B1 dénommé 'FORET POUR MACHINE ET DISPOSITIF D’EMMANCHEMENT POUR CELUI CI', déposé le 24 janvier 2005 et délivré le 10 août 2011,

— ordonné la transmission de la décision pour inscription sur les registres national et européen 'des marques',

— ordonné la résolution de tous les contrats de licence, de cession et d’exploitation portant sur les brevets susvisés conclus entre les sociétés MBH DEVELOPPEMENT et FEMA,

— dit que la société MBH DEVELOPPEMENT doit restituer à la société FEMA les sommes versées au titre de l’exploitation de ces brevets,

— ordonné la communication de toutes pièces comptables et financières par la société MBH DEVELOPPEMENT permettant d’établir la totalité des sommes perçues au titre de l’exploitation des brevets susvisés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ladite astreinte commençant à courir passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement,

— dit que le tribunal se réservait la liquidation de l’astreinte,

— renvoyé les parties, après communication des pièces comptables et financières, à la fixation judiciaire au passif du redressement judiciaire de la société MBH DEVELOPPEMENT de la créance de la société FEMA au titre des sommes versées dans le cadre de 1'exploitation des brevets, par voie d’assignation,

— dit n’y avoir lieu à fixation d’une créance provisionnelle au passif du redressement judiciaire de la société MBH DEVELOPPEMENT,

— condamné la société MBH DEVELOPPEMENT, représentée par la SELARL AJ UP, prise en la personne de Me Grégory WAUTOT, ès qualités d’administrateur, et la SELARL H, prise en la personne de Me Geoffroy H, ès qualités de mandataire judiciaire, aux dépens et au paiement à la société FEMA de la somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties du surplus de leurs demandes,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 2 janvier 2020, la société MBH DEVELOPPEMENT, la SELARL AJ UP, prise en la personne de Me Grégory WAUTOT, ès qualités d’administrateur judiciaire et de commissaire à l’exécution du plan de redressement de cette société, la SELARL H, prise en la personne de Me Geoffroy H, ès qualités de mandataire judiciaire de cette même société et de liquidateur judiciaire de la société ACCESSA, ont interjeté appel de ce jugement.

Le 4 mars 2020, la société FEMA a fait délivrer à M. X une assignation à fin d’appel provoqué.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 3 transmises le 26 mai 2020, les appelants et M. X demandent à la cour :

—  à titre principal :

— de réformer le jugement et en conséquence :

— de juger que la société MBH DEVELOPPEMENT est titulaire des demandes de brevets et brevets suivants :

' demande de brevet FR 3 026 668 A1 dénommé PONCEUSE DE SOL PERFECTIONNEE, déposée le 2 octobre 2014,

' demande de brevet FR 3 025 447 A1 dénommé […], déposée le 5 septembre 2014,

' demande de brevet FR 3 024 063 A1 dénommé […], déposée le […],

' brevet FR 3 021 889 B1 dénommé DISPOSITIF DE REFROIDISSEMENT D’UN CIRCUIT DE COMMANDE D’UN MOTEUR ELECTRIQUE D’UNE MACHINE ELECTROPORTATIVE, ET MACHINE ELECTROPORTATIVE D’UN TEL DISPOSITIF DE

REFROIDISSEMENT PAR AIR D’ASPIRATION POLLUE, déposé le 5 juin 2014 et délivré le 1er juillet 2016,

' brevet FR 2 980 502 B1 dénommé STRUCTURE ROULANTE DE MANUTENTION ET DE POSE DE PANNEAUX OU PLAQUES, déposé le 23 septembre 2011 et délivré le 11 octobre 2013,

' brevet FR 2 980 501 B1 dénommé SUPPORT DE PLAQUE POUR APPAREIL DESTINE A LA POSE DE PLAQUES, déposé le 23 septembre 2011 et délivré le 21 mars 2014,

' brevet EP […], déposé le 19 septembre 2012 et délivré le 2 avril 2014,

' brevet EP 2 314 422 B1 dénommé STRUCTURE ROULANTE MULTIFONCTIONS POUR TRAVAUX D’ENTRETIEN ET RENOVATION DE PAROIS ET PLAFONDS POUR CONSTRUCTIONS, déposé le 6 août 2010 et délivré le 30 mai 2012,

' brevet FR 2 936 439 B1 dénommé CARTER DE PROTECTION POUR MACHINE […], déposé le 29 septembre 2008,

' brevet EP 2 113 338 B1 dénommé TETE PORTATIVE DE TRAVAIL POUR UNE MACHINE OPERANT PAR ENLEVEMENT DE MATIERE ET UNE TELLE MACHINE, déposé le 16 février 2009 et délivré le 28 juillet 2010,

' brevet FR 2 882 913 B1 dénommé STRUCTURE POUR LE RANGEMENT STOCKAGE ET TRANSPORT D’AU MOINS UNE PONCEUSE GIRAFE ET DE SES COMPOSANTS DE FONCTIONNEMENT, déposé le 14 mars 2005 et délivré le 30 avril 2010,

' brevet EP […], déposé le […] et délivré le […],

' brevet EP 1 570 932 B1 dénommé FORET POUR MACHINE ET DISPOSITIF D’EMMANCHEMENT POUR CELUI CI, déposé le 24 janvier 2005 et délivré le 10 août 2011,

— d’annuler le transfert de propriété au profit de la sociétés FEMA des demandes de brevets et brevets susvisés,

— de juger que la société MBH DEVELOPPEMENT, titulaire du brevet EP 1 632 311 substituant le brevet FR 2 874 191 pour la France, est fondée à obtenir réparation du préjudice qu’elle a personnellement subi du fait des actes de contrefaçon commis par la société FEMA,

— faire injonction à la société FEMA de communiquer des documents comptables certifiés permettant de déterminer les quantités exactes des produits couverts par le brevet EP 1 632 311 substituant le brevet FR 2 874 191 vendus par FEMA en France et sur le territoire de l’Union Européenne depuis le 1er janvier 2015, sous astreinte de 500 € par jour de retard, passé le délai de huit jours suivant la signification 'du jugement à intervenir',

— de condamner la société FEMA à régler à la société MBH DEVELOPPEMENT la somme provisionnelle de 600 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice à parfaire après justification de l’intégralité de la masse contrefaisante,

— d’ordonner à la société FEMA de cesser immédiatement toute offre en vente ou commercialisation des produits couverts par le brevet EP1 632 311 substituant le brevet FR 2 874 191 I et de modifier en conséquence tous les moyens de communications où de tels produits pourraient apparaître, et ce sous astreinte de 1000 € par jour,

— de condamner la société FEMA à payer à la société MBH DEVELOPPEMENT, à la SELARL H es qualités de liquidateur de la société ACCESSA et à Monsieur I X, la somme de 50 000 € chacune, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— de confirmer le jugement pour le surplus,

—  à titre subsidiaire :

— d’ordonner la communication de toutes les pièces comptables et financières permettant d’établir la totalité des sommes perçues au titre de l’exploitation des brevets susvisés,

— de renvoyer en conséquence les parties, après communication des pièces comptables, à la fixation judiciaire au passif du redressement judiciaire de la société MBH DEVELOPPEMENT de la créance de la société FEMA au titre des sommes versées dans le cadre de l’exploitation des brevets, par voie d’assignation,

— de condamner la société FEMA au paiement d’une somme de 1 900 000 € à la société MBH DEVELOPPEMENT en remboursement des frais exposés pour déposer et conserver les brevets revendiqués,

—  en tout état de cause :

— de rejeter toute demande de condamnation solidaire de M. I X, des sociétés MBH DEVELOPPEMENT et ACCESSA, ainsi que toute demande de fixation aux passifs des procédures collectives de ces dernières sociétés, au titre d’une créance provisionnelle de restitution des fruits perçus,

— de rejeter toute autre demande complémentaire de la société FEMA,

— de condamner la société FEMA à régler à la société MBH DEVELOPPEMENT, à la SELARL H ès qualités de liquidateur de la société ACCESSA et à M. I X la somme de 30 000 euros chacune, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions numérotées 3 transmises le 13 juin 2020, la société FEMA demande à la cour :

— de recevoir la société FEMA dans son appel provoqué de M. I X,

— de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sur l’action en revendication de la propriété des demandes de brevet et brevets suivants :

' demande de brevet FR 3 026 668 A1 dénommé PONCEUSE DE SOL PERFECTIONNEE, déposée le 02.10.2014, et demande de brevet EP 3 002 082 A1 dénommée PONCEUSE DE SOL PERFECTIONNEE, déposée le 02.10.2015,

' demande de brevet FR 3 025 447 A1 dénommé […], déposée le 05.09.2014, et demande de brevet […], déposée le 02.09.2015

' demande de brevet FR 3 024 063 A1 dénommé […], déposée le 24.07.2014, et demande de brevet EP 2 952 294 A1 dénommé MACHINE ELECTROPORTATIVE EQUIPEE D’UN DISPOSITIF DE REFROIDISSEMENT D’UN CIRCUIT DE COMMANDE D’UN MOTEUR ELECTRIQUE PAR AIR D’ASPIRATION POLLUE, déposée le 04.06.2015

' brevet FR 3 021 889 B1 dénommé DISPOSITIF DE REFROIDISSEMENT D’UN CIRCUIT DE COMMANDE D’UN MOTEUR ELECTRIQUE D’UNE MACHINE ELECTROPORTATIVE, ET MACHINE ELECTROPORTATIVE D’UN TEL DISPOSITIF DE REFROIDISSEMENT PAR AIR D’ASPIRATION POLLUE, déposé le 05.06.2014 et délivré le 01.07.2016

' brevet FR 2 980 502 B1 dénommé STRUCTURE ROULANTE DE MANUTENTION ET DE POSE DE PANNEAUX OU PLAQUES, déposé le 23.09.2011 et délivré le 11.10.2013

' brevet FR 2 980 501 B1 dénommé SUPPORT DE PLAQUE POUR APPAREIL DESTINE A LA POSE DE PLAQUES, déposé le 23.09.2011 et délivré le 21.03.2014

' brevet EP […], déposé le 19.09.2012 et délivré le 02.04.2014

' brevet EP 2 314 422 B1 dénommé STRUCTURE ROULANTE MULTIFONCTIONS POUR TRAVAUX D’ENTRETIEN ET RENOVATION DE PAROIS ET PLAFONDS POUR CONSTRUCTIONS, déposé le 06.08.2010 et délivré le 30.05.2012

' brevet FR 2 936 439 B1 dénommé CARTER DE PROTECTION POUR MACHINE […], déposé le 29.09.2008 et délivré le 22.10.2010

' brevet EP 2 113 338 B1 dénommé TETE PORTATIVE DE TRAVAIL POUR UNE MACHINE

OPERANT PAR ENLEVEMENT DE MATIERE ET UNE TELLE MACHINE, déposé le 16.02.2009 et délivré le 28.07.2010

' brevet FR 2 882 913 B1 dénommé STRUCTURE POUR LE RANGEMENT STOCKAGE ET TRANSPORT D’AU MOINS UNE PONCEUSE GIRAFE ET DE SES COMPOSANTS DE FONCTIONNEMENT, déposé le 14.03.2005 et délivré le 30.04.2010

' brevet EP […], déposé le 29.07.2005 et délivré le 11.04.2007

' brevet EP 1 570 932 B1 dénommé FORET POUR MACHINE ET DISPOSITIF D’EMMANCHEMENT POUR CELUI-CI, déposé le 24.01.2005 et délivré le 10.08.2011

' b r e v e t F R 2 8 5 6 3 2 3 B 1 d é n o m m é D I S Q U E A B R A S I F P O U R M A C H I N E ELECTROPORTATIVE A MEULER, déposé le 18.06.2003 et délivré le 24.12.2004,

— y ajoutant :

— de juger M. I X civilement responsable des fautes de gestion commises dans l’exercice de ses mandats de Président et directeur général de la société FEMA,

— de condamner la société MBH DEVELOPPEMENT et M. I X solidairement au paiement de la somme provisionnelle de 1 166 676, 55 euros,

— de fixer la créance de la société FEMA au passif de la liquidation judiciaire de la société ACCESSA à la somme de 1 166 676, 55 euros,

— de désigner tel expert financier qu’il plaira avec pour mission de déterminer l’entier préjudice subi par la société FEMA du fait de l’exploitation par la société MBH DEVELOPPEMENT des titres de propriété industrielle restitués,

— d’ordonner à la société MBH DEVELOPPEMENT de résilier, dans un délai de 30 jours après la signification de l’arrêt, tous les contrats de licence, d’exploitation et/ou de cession de tous droits portant sur l’un des titres de propriété industrielle compris dans la liste susvisée conclut avec tout tiers, ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé,

— de se réserver expressément la liquidation de l’astreinte prononcée,

— de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté les sociétés ACCESSA représentée par la SELARL AJ UP ès qualités et MBH DEVELOPPEMENT de l’ensemble de leurs demandes,

— y ajoutant,

— de rejeter la demande de condamnation au remboursement des frais de brevet de la société FEMA,

— de condamner solidairement les sociétés MBH DEVELOPPEMENT, LA SELARL AJ UP en la personne de Me WAUTOT ès qualités, la SELARL H en la personne de Me H ès qualités de mandataire judiciaire de la société MBH DEVELOPPEMENT, la SELARL H en la personne de Me H ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ACCESSA, et M. I X au paiement de la somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre celle de 20 000 euros pour procédure abusive.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 juin 2020.

MOTIFS DE L’ARRÊT

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les chefs du jugement non critiqués

Le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a :

— déclaré nulle la revendication 1 du brevet FR 2 825 310 de la société FEMA,

— débouté la société FEMA de ses demandes formées à l’encontre de la société ACCESSA en liquidation judiciaire, au titre de la contrefaçon de ce brevet.

Ces dispositions du jugement qui ne sont pas remises en cause seront confirmées.

Sur la mise en cause de M. X en cause d’appel

Il convient, au vu de l’article 549 du code de procédure civile, de recevoir la société FEMA dans son appel provoqué de M. I X, co-défendeur en première instance aux côtés des sociétés MBH DEVELOPPEMENT et ACCESSA représentées par les organes de leurs procédures collectives.

Sur la revendication par la société FEMA de la propriété de demandes de brevets et brevets de la société MBH DEVELOPPEMENT

Sur la recevabilité de l’action en revendication : la question de la prescription

Les appelants et M. X soutiennent que compte tenu de l’absence de toute mauvaise foi imputable à M. X, le délai de prescription quinquennale prévu par l’article L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle a commencé à courir à compter de la publication de la délivrance des brevets d’invention et qu’en conséquence, six brevets délivrés avant le 9 novembre 2011 (l’assignation étant du 9 novembre 2016) ne peuvent être revendiqués par la société FEMA, soit les brevets FR2936439Al (22/1 0/2010) ; EP 2 113 338 A1 (28/07/2010) ; FR 2 882 913 A1 (30/04/2010) ; EP 1 632 311 A1 (11/04/2007) ; EP 1 570 932 A1 (10/08/2011) ; FR 2 856 323 A1 (24/12/2004).

La société FEMA objecte, pour l’essentiel, que la mauvaise foi de M. X, qui était soumis à des obligations renforcées de loyauté en sa qualité de dirigeant et qui a abusé de sa position pour détourner les inventions mises au point par elle, étant caractérisée, la prescription ne peut lui être valablement opposée.

L’article L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle dispose :

'Si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l’inventeur ou à ses ayants cause, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré.

L’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la délivrance du titre de propriété industrielle.

Toutefois, en cas de mauvaise foi au moment de la délivrance ou de l’acquisition du titre, le délai de prescription est de cinq ans à compter de l’expiration du titre'.

Ceci étant exposé, il sera rappelé que dans le jugement déféré, le tribunal a considéré que la mauvaise foi de M. X était caractérisée dès lors que ce dernier s’était engagé, aux termes du procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de la société FEMA du 1er décembre 1992 à ne pas, sans autorisation préalable du conseil d’administration, concourir à la fondation d’une société ou faire apport à une société de tout ou partie des biens sociaux, et qu’il avait néanmoins créé la société MBH DEVELOPPEMENT sans l’accord du conseil d’administration de la société FEMA, puis fait déposer les titres de propriété intellectuelle par cette société dont il était l’associé unique, de sorte que la prescription ne pouvait être opposée à la société FEMA.

Le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de la société FEMA du 1er décembre 1992, signé par M. X, mentionne : 'M. X I est nommé président du conseil d’administration (…) Sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux assemblées d’actionnaires et au conseil d’administration, le président assumera la direction générale de la société et jouira des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom et pour le compte de la société et pour faire et autoriser tous les actes et opérations dans les limites de l’objet social. Toutefois et à titre de mesure interne, il ne pourra sans autorisation préalable du conseil d’administration contracter au nom de la société des emprunts autres que les crédits de banque, vendre ou échanger des immeubles sociaux ou fonds de commerce, constituer une hypothèque sur des immeubles sociaux ou un nantissement sur un fonds de commerce, concourir à la fondation d’une société, ou faire apport à une société de tout ou partie des biens sociaux

1:

Mise en gras ajoutée.

. Il ne pourra non plus se porter garant ou caution de tout tiers ou société quelconque'. La lecture de cette délibération dans sa totalité laisse apparaître que l’engagement de ne pas concourir à la fondation d’une société consistait, ainsi que le plaident les appelants, en une 'mesure interne' de limitation des pouvoirs du président es qualités, comme le permet l’article L. 225-56 du code de commerce, et non en un engagement personnel de non-concurrence à la charge de M. X. Par cette délibération, ce dernier ne s’est donc nullement engagé de manière générale et absolue à ne pas créer une société avec ses fonds propres mais seulement à ne pas créer une société avec les moyens de la société FEMA. La mauvaise foi de M. X ne peut donc résulter de la souscription de cet engagement et de la création ultérieure des sociétés MBH DEVELOPPEMENT ET ACCESSA.

Pour autant, il ressort des pièces au dossier que M. X, qui était mandataire social de la société FEMA, président du conseil d’administration et directeur général de la société anonyme depuis décembre 1992, puis président de la société par actions simplifiée à partir de 2011, a dissimulé au coactionnaire C la création de la société ACCESSA en 1995, puis celle de la société MBH DEVELOPPEMENT en 1999, alors même que ces deux sociétés devaient intervenir dans le même domaine d’activité que la société FEMA, ainsi que le rôle qu’il exerçait en leur sein et le dépôt de brevets par la société MBH DEVELOPPEMENT.

Cette dissimulation ressort à suffisance :

— du courrier du 20 décembre 2005 adressé par M. Z (C Allemagne) à M. X : '… vous avez fait enregistrer par une société contrôlée par vous-même, les marques 'ASFLEX', 'GIRAFETTE', 'GIRAFON’ et autres, les catégories de marchandises protégées desquelles étaient presque identiques à la gamme de produits de la société C (…) commercialisée en France par la société FEMA. Nous n’avons pas pris connaissance de cet état de choses en notre qualité de sociétaire de FEMA SA mais dans le cadre de la surveillance de marque effectuée de routine par nos agents en brevets. Cet état de chose constitue une violation grave de la relation de confiance. En outre, je suis d’avis que l’état de chose constitue également un manquement à vos devoirs de PDG et sociétaire de FEMA SA, d’autant plus que la déclaration des marques fut effectuée sans nous en informer. Nous vous demandons (…) 1. De déclarer de manière obligatoire d’ici le 30 décembre 2005 que vous avez fait le nécessaire pour un retrait de la déclaration des marques par la société MBH ; 2. également de nous informer d’ici le 30 décembre 2005 si la société MBH (…) est déjà, d’une manière quelconque, entrée en compétition avec la société FEMA. Nous nous réservons expressément des démarches judiciaires

(…) Malheureusement cet incident nous rappelle des incidents similaires dans le passé (…)' ;

il est constant que 'cet incident' a abouti, après engagement d’une procédure contentieuse par la société C, à la cession à celle-ci de quatre marques ('ASFLEX', 'GIRAFON', 'GIRAFETTE', 'GIRAFE') déposées par la société MBH DEVELOPPEMENT (convention de cession du 30 janvier 2007),

— du procès-verbal des délibérations du conseil d’administration de la société FEMA du 19 avril 2006 qui mentionne que M. Z 'fait part fait part de son grand étonnement sur l’existence et la nature d’autres activités exercées par Monsieur X dans le cadre de sociétés qu’il contrôle directement ou indirectement et dont la société C ELEKTROWERKZEUGE GmbH n’a découvert l’existence qu’au cours des derniers mois. Monsieur Z s’étonne que Monsieur X n’en ait jamais averti les administrateurs de la société auparavant et de sa propre initiative', propose que lors d’une prochaine réunion soient évoquées la 'régularisation de la situation créée par le dépôt de la marque 'ASFLEX’ par la société MBH, contrôlée par M. X' et une 'analyse et clarification des relations de la société ACCESSA, contrôlée par M. X, avec la société FEMA', ainsi que la désignation d’un expert-comptable afin notamment d’analyser, sur les trois derniers exercices, les comptes des sociétés FEMA, ACCESSA et MBH, M. X ne contestant ni ne s’opposant mais marquant son accord avec ces propositions,

— du courrier du 20 avril 2006 adressée par la société C à M. X : 'Concernant les sociétés que vous avez créées, les brevets et marques déposés et dont nous ignorions l’existence jusqu’à il y a quelques semaines encore, nous avons convenu sur proposition de Maître A de réfléchir à une solution commune qui permette de sortir de la situation actuelle aux meilleurs des intérêts des sociétés C et FEMA. Des propositions constructives doivent être formulées en vue de la prochaine assemblée générale de la société FEMA (')',

— du procès-verbal des délibérations du conseil d’administration de la société FEMA du 30 juin 2006 qui mentionne que M. Z 'exprime le souhait que le Groupe C (…) soit informé par Monsieur X de toute création par lui-même ou indirectement de toute société, afin que ces créations ne s’inscrivent pas en opposition avec la stratégie du groupe. Il souhaite également que Monsieur X informe le Groupe de tout nouveau mandat social. Monsieur X prend acte de ces souhaits, exprimant son intention d’y satisfaire',

— du courriel du 12 juillet 2006 par lequel M. Z écrit à M. X : 'Nous faisons suite à la dernière assemblée générale de la société FEMA, tenue à LYON le 30 juin dernier. Nous avons évoqué au cours de cette assemblée la nécessité que vous nous informiez préalablement de toute nouvelle activité concurrente à laquelle vous serez amené à participer, ce que vous avez accepté.',

— du courrier du 5 décembre 2007 adressé par M. B (C Allemagne) à M. X : 'Je fais suite à notre rendez-vous en date du 24 octobre 2007, au cours duquel nous avons notamment souligné la nécessité d’une bonne coopération entre la société C et vous-même, qui doit se poursuivre pour assurer la pérennité de la société FEMA. Une telle coopération repose sur un lien étroit de confiance entre vous et nous. Nous venons en effet d’être informés par notre conseil en brevet que vous avez pris l’initiative de faire déposer deux brevets portant sur la technologie que nous avons développée et équipant l’un de nos produits phares, la girafe. Un brevet français n° FR

0451832 puis un brevet européen n°EP 1 632 311, ayant tous deux pour titre 'Ponceuse girafe à tête interchangeable’ ont ainsi été délivrés. Le titulaire de ces brevets est votre société MBH Developpement et l’inventeur vous-même. Bien entendu, vous n’avez jamais pris soin de nous informer de ces démarches, pas même quand nous nous sommes rencontrés dernièrement. Or, il était de votre devoir de le faire en tant que Président de FEMA. A mon avis, ces brevets touchent d’une manière fondamentale les intérêts des sociétés FEMA et C. Veuillez s.v.p. nous informer à court terme à quelle date dans le courant des premières semaines du mois de janvier 2008 vous serez disponible pour un rendez-vous (…)' ; il est constant qu’après des réserves émises par la société C après de l’OEB concernant le dépôt réalisé par la société MBH DEVELOPPEMENT au titre de la 'ponceuse girafe', les parties se sont entendues sur une licence d’exploitation exclusive au profit de la société C, sans contrepartie financière, la société MBH DEVELOPPEMENT renonçant au paiement de redevances (convention de licence de brevets du 24 juin 2008).

Il apparaît ainsi que M. X a manqué au devoir général de loyauté qui s’imposait à lui en sa qualité de mandataire social et dirigeant de la société FEMA et qui l’obligeait à être parfaitement transparent sur les activités qu’il pouvait créer et développer de son côté, en particulier si ces activités pouvaient interférer avec celles de la société FEMA qu’il dirigeait. La dissimulation caractérise la déloyauté qui démontre la mauvaise foi de M. X.

La mauvaise foi de M. X peut être opposée à la société MBH DEVELOPPEMENT, titulaire des demandes de brevet et brevets revendiqués, dès lors qu’il n’est pas contesté que M. X détient près de 100 % du capital de cette société qu’il a créée et qu’il dirige seul depuis sa création.

Les appelants ne peuvent utilement arguer que l’existence de la société MBH DEVELOPPEMENT était connue de tous dans la mesure où une substitution de celle-ci à M. X avait été sollicitée par la société C dès 2003 afin de parer d’éventuelles difficultés successorales en cas de décès de M. X (qui détenait initialement les actions de la société FEMA en propre). Le procès-verbal de la réunion des 26 et 27 novembre 2003 qu’ils invoquent à cet égard se borne, en effet, à mentionner que 'Les actions de Monsieur X seront à transmettre à une société qui reste à être fondée afin d’éviter en cas de décès de Mr X des litiges avec les héritiers', ce qui révèle littéralement que l’existence de la société n’était pas connue de la société C à cette date et, en tout état de cause, ne démontre pas qu’il était envisagé que la société à venir déposerait des brevets dans le même domaine d’activité que la société FEMA.

Pour ces motifs, et alors que les titres en cause ne sont pas expirés, la fin de non-recevoir tirée de la prescription sera rejetée et l’action de la société FEMA en revendication de la propriété de demandes de brevet et brevets sera déclarée recevable.

Sur le bien-fondé de la demande en revendication

Pour demander l’infirmation du jugement et contester le bien-fondé de la demande, les appelants et M. X K notamment :

— que la société C, co-actionnaire de la société FEMA, a clairement accepté que les demandes de brevet soient déposées par M. X pour le compte de la société MBH DEVELOPPEMENT et non au nom de la société FEMA, la situation étant connue et acceptée par tous comme en témoignent notamment i) les contrats de licence de brevets passés entre les sociétés MBH et FEMA, d’une part, et MBH et C, d’autre part, ii) l’entrée de la société MBH DEVELOPPEMENT dans le capital de la société FEMA en 2011 après son agrément par la société C, iii) le fait que dès 2008, les sociétés C et FEMA étaient informées chaque année de l’état des mandats détenus par M. X au sein des sociétés MBH et ACCESSA, iv) le fait qu’en 2014, la société C a fait auditer les trois sociétés FEMA, ACCESSA et MBH, en ce compris leurs droits de propriété intellectuelle, et a envisagé d’acquérir les brevets détenus par la société MBH DEVELOPPEMENT,

— que la société C, actionnaire égalitaire de la société MBH DEVELOPPEMENT, qui avait connaissance des faits litigieux dès 2006, aurait pu exercer une action ut singuli contre M. X et/ou la société MBH en responsabilité sur le fondement du droit des société sans attendre le terme du mandat social de M. X, ce qu’elle n’a pas fait ; que cette inertie est d’autant plus surprenante qu’une procédure a été engagée en revendication de la propriété de plusieurs marques déposées par M. X ; que si la société C a bien saisi l’OEB, en janvier 2007, de réserves concernant le dépôt par la société MBH DEVELOPPEMENT de brevets concernant la 'ponceuse girafe', ces réserves n’ont pas été maintenues,

— que le tribunal a fait une confusion, en violation du principe de la personnalité morale des sociétés, entre la société MBH DEVELOPPEMENT et M. X, son actionnaire principal, qui sont des personnes juridiques distinctes,

— que le demandeur du brevet étant présumé en être le légitime titulaire, la qualité d’inventeur ou de co-inventeur de la société FEMA n’a pas été démontrée ; que la société MBH DEVELOPPEMENT n’est pas une société de pur O mais une société de recherche et développement (R&D) et a payé tous les frais de recherche, de dépôt et de gestion afférents aux brevets litigieux (pour près de 2 millions d’euros) alors que la société FEMA n’a jamais déposé de brevets, pas plus après qu’avant le départ en 2014 de M. X qui est le seul inventeur des brevets litigieux.

La société FEMA répond, pour l’essentiel :

— que la société C s’est plainte à plusieurs reprises, en 2006 et 2007, des dépôts de demandes de brevets effectués à son insu par la société MBH DEVELOPPEMENT et qu’à la suite de discussions, une licence d’exploitation exclusive a été consentie en 2008 à la société C sans contrepartie financière concernant une ponceuse girafe à tête interchangeable,

— que la société C a été empêchée d’agir en revendication du fait de la présence comme co-actionnaire à 50 % et dirigeant opérationnel de M. X, jusqu’à la prise de contrôle par C intervenue en 2015,

— que M. X, par le biais de la société MBH DEVELOPPEMENT et profitant de sa position de dirigeant opérationnel, a procédé pendant des années, jusqu’à la cession de ses actions détenues dans la société FEMA et la fin de ses mandats sociaux, au dépôt de brevets concernant des inventions réalisées avec les moyens humains, matériels et financiers de la société FEMA ; que M. X n’est pas le titulaire légitime des brevets en cause, les inventions étant toutes rattachées à l’activité de la société FEMA et portant sur des accessoires commercialisés par celle-ci,

— que rien ne démontre que M. X était l’inventeur pour les brevets litigieux ni avec quels moyens il aurait développé les inventions ; qu’en tout état de cause, il était rémunéré comme mandataire social et les inventions ont donc été nécessairement développées par M. X à ce titre, de sorte que c’est la société FEMA et non la société MBH DEVELOPPEMENT qui aurait dû être désignée comme demandeur puis titulaire des brevets ; que la société FEMA, qui était au départ une société de distribution, a vu son activité élargie à la recherche et développement au début des années 2000 et est en mesure de fournir diverses preuves de cette activité R&D (emploi de salariés, plans et dessins, factures…) ; que la société MBH DEVELOPPEMENT, simple O (MBH pour I X O), ne peut justifier d’aucune activité de recherche et développement, même si à compter de 2008 elle a déclaré une activité R&D afin de bénéficier du crédit impôt recherche et de ne pas être redevable de l’impôt sur les sociétés.

Ceci étant exposé, il est constant que les demandes de brevets litigieux ont été déposées, entre janvier 2005 et octobre 2014, par la société MBH DEVELOPPEMENT – à l’exception du brevet relatif à la 'ponceuse girafe à tête interchangeable’ qui a été déposé par M. X en son nom propre -, et désignent ce dernier en qualité d’inventeur.

Le demandeur du brevet est présumé en être le légitime propriétaire ('foi est due au titre') et il appartient au demandeur en revendication de démontrer, soit qu’il s’agit d’une invention soustraite au véritable inventeur, soit d’une demande déposée en violation d’une obligation légale ou conventionnelle.

La société FEMA produit, à l’appui de sa thèse selon laquelle elle est à l’origine des brevets litigieux, les éléments suivants :

— le contrat de travail à durée indéterminée, en date du 2 juin 1998, de M. L D recruté en qualité de technicien et l’avenant à ce contrat de travail, en date du 25 avril 2007, signé comme le contrat initial par M. X, par lequel M. D est promu comme responsable d’études techniques, statut agent de maîtrise, devant exercer notamment des fonctions de 'recherche et développement',

— les organigrammes de la société FEMA de 2011 à 2014 faisant apparaître un service recherche et développement au sein duquel officie M. D,

— des plans et modèles – certains mentionnant M. D comme 'dessinateur' – portant l’en-tête de la société 'C' à St Romain la Motte (42), siège de la société FEMA, concernant, entre autres, le plan d’un 'plateau supérieur S 40" qui comporte ce qui apparaît comme la date du 8 mars 2005 ('8/03/2005") et présente de fortes ressemblances avec la figure 4 d’un des brevets revendiqués (FR 2 882 913) déposé le 14 mars 2005 (pièce 57),

— une facture émise en février 2007 par la société A3R INFORMATIQUE, relative notamment à l’achat d’un équipement AUTTOCAD LT consistant, selon la société FEMA non contestée sur ce point, en un logiciel de conception assistée par ordinateur 3D,

— des courriels échangés entre la société FEMA (Mme E, assistante de M. X) et le cabinet de conseils en propriété industrielle LAURENT & CHARRAS concernant des dépôts de marque et de brevets.

- la convention de cession du 25 avril 2002 par laquelle la société MBH DEVELOPPEMENT, représentée par son gérant M. X, a cédé à la société FEMA une demande de brevet n° 0107342 du 31 mai 2001 ayant pour titre 'plateaux diamant abrasif pour outils de surfaçage’ et qui indique que 'c’est la société FEMA qui a pris en charge les frais de dépôt de brevet et de développement de l’invention', ce qui est de nature à confirmer que la société FEMA n’était pas, dès cette époque, seulement une société de distribution.

A l’inverse, les rapports de gestion de la société MBH DEVELOPPEMENT produits par la société FEMA et tous signés par M. X, qui ne font pas mention d’une activité de recherche et développement au cours des années 2001 à 2004 mais seulement d’une activité de prestation de services, de O et de dépôt de brevets, et qui au titre des années 2006 et 2007 indiquent expressément que la société a poursuivi une activité de prestation de services vis-à-vis des sociétés ACCESS et FEMA et effectué des dépôts de brevets mais n’a effectué 'aucune activité de recherche et de développement', ne permettent pas de comprendre comment la société a pu, dans ces conditions, être en mesure de prendre en charge les frais de recherche et développement afférents aux brevets FR 2 882 913, EP 1 632 311 et EP 1 570 932, tous déposés au cours de l’année 2005. Le rapport de gestion pour 2008 indique que la société – qui n’avait jusque-là 'aucune' activité de R&D – 'a fortement accentué ses travaux de recherche, ce qui lui a valu de bénéficier d’un crédit d’impôt en faveur de la recherche de 65 754 Euros' et qu’elle a déposé six brevets, les rapports pour les années 2009 et 2010 faisant aussi mention de travaux de recherche et développement à l’origine de crédits d’impôt. Cependant ces indications révèlent que la société avait une activité de dépôt de brevets et bénéficiait de crédits d’impôt au titre d’une activité déclarée de recherche mais ne peuvent suffire à démontrer l’effectivité de cette activité de recherche. Il sera encore relevé que le rapport de l’administrateur judiciaire de la société MBH DEVELOPPEMENT établi en 2019 dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire indique que le projet de redressement de la société repose sur l’exploitation du portefeuille de brevets via la société IETS et la gestion de ses actifs immobiliers sans faire aucune mention d’une quelconque activité de recherche et développement.

Les éléments mis en avant par la société MBH DEVELOPPEMENT pour justifier de la réalité de son activité de R&D n’emportent pas la conviction. Il en est ainsi de la liste simplifiée des immobilisations de la société pour l’exercice 2019 établie par le cabinet J Y qui fait état, outre de frais de brevets et licences, de frais de recherche et développement engagés depuis 2011 (17 800 €) et d’achat de matériels et d’outillages depuis 2001, mais qui n’est pas un document certifié par un expert-comptable alors qu’il est constant que Mme J Y, ancienne actionnaire de la société FEMA et qui a cédé ses actions à la société C en même temps que M. X et la société MBH DEVELOPPEMENT, est actuellement opposée à la société FEMA dans une autre procédure pendante devant cette cour (pôle 5, chambre 11). Les deux contrats de prêt à taux zéro pour l’innovation consentis par la société OSEO en novembre 2011 ne peuvent suffire à établir la réalité de l’activité R&D pour la période considérée (2005/2014) et les rapports de recherche adressés à l’administration fiscale concernent la période postérieure (2014, 2015, 2016). Sont encore fournis des 'tableaux fiscaux crédit impôt recherche’ portant sur les années 2013 à 2016 : outre que ces tableaux couvrent très partiellement la période concernée, il s’agit de pièces internes, non signées et qui n’ont donc qu’une valeur probante relative.

Les six factures émises en 2006, 2007 et 2008 par la société IPC SOTECO concernant notamment des commandes de moules par la société MBH DEVELOPPEMENT ne prouvent pas une activité de R&D de cette dernière, étant rappelé que M. X en sa qualité de dirigeant de cette société n’a déclaré aucune activité de R&D pour les exercices 2001 à 2004, 2006 et 2007. Enfin, les factures du cabinet de conseils en propriété industrielle LAURENT CHARRAS portant sur le dépôt et la maintenance de brevets et concernant les années 2010 à 2014 ne prouvent en rien l’effectivité d’une activité recherche et développement mais seulement celle d’une activité de dépôt de brevets.

Ainsi, si M. X justifie qu’il figure comme inventeur pour de nombreux brevets déposés par la société MBH DEVELOPPEMENT (pièce 7C des appelants), il résulte des pièces soumises à la cour que les moyens mis en oeuvre pour parvenir aux inventions objets des demandes de brevets et des brevets revendiqués ont été ceux de la société FEMA et non ceux de la société MBH DEVELOPPEMENT.

Le fait, souligné par les appelants, que la société FEMA n’a jamais déposé de brevets s’explique par le fait que M. X, qui contrôlait la société FEMA jusqu’à la fin de l’année 2014, a déposé les brevets obtenus grâce aux moyens de cette société au nom de la société MBH DEVELOPPEMENT qu’il dirigeait parallèlement.

Il est acquis qu’à compter de 2006, la société C, coactionnaire de la société FEMA avec la société MBH DEVELOPPEMENT, avait connaissance de l’existence de celle-ci et du rôle qu’y jouait M. X, ainsi que du dépôt de demandes de brevets par cette société. Pour autant, contrairement à ce qui est soutenu par les appelants, il n’est pas démontré que la société C ait clairement consenti à ce que les demandes de brevet soient déposées par M. X pour le compte de la société MBH DEVELOPPEMENT.

Ainsi, le contrat de licence de brevet conclu le 1er janvier 2009 entre les sociétés MBH DEVELOPPEMENT et FEMA, signé par M. X en sa double qualité de dirigeant de l’une et de l’autre de ces deux sociétés, ne peut être utilement invoqué pour démontrer l’acceptation de la situation par la société C. Le contrat signé le 24 juin 2008 entre la société MBH DEVELOPPEMENT, représentée par M. X, et la société C, représentée par M. B, n’est pas beaucoup plus probant dès lors que, comme il a été dit, la conclusion de ce contrat a fait suite aux discussions intervenues entre les parties courant 2006/2007 au sujet du dépôt du brevet concernant la 'ponceuse girafe’ qui avait d’abord conduit la société C à saisir l’Office Européen des Brevets de diverses réserves et qu’une licence d’exploitation exclusive a été consentie à la société C au plan mondial (hors France et DOM TOM réservés à la société FEMA) sans contrepartie financière, ce qui est de nature à confirmer qu’il s’agissait d’une concession faite par la société MBH DEVELOPPEMENT pour que la société C ne donne pas suite à ses réserves. En tout état de cause, la signature de ce contrat de licence concernant le brevet EP 1 632 311 ('ponceuse girafe à tête interchangeable') déposé en juillet 2005 ne peut démontrer l’accord de la société C pour les dépôts litigieux concernant d’autres brevets, effectués ultérieurement à sa signature, entre septembre 2008 et octobre 2014.

De même, le fait qu’en mai 2011, le conseil d’administration de la société FEMA ait agréé la société MBH DEVELOPPEMENT en qualité de nouvelle associée ou la circonstance qu’à partir de 2008, les sociétés C et FEMA étaient informées chaque année de l’état des mandats détenus par M. X au sein des sociétés MBH DEVELOPPEMENT et ACCESSA, ne valent pas acquiescement par la société FEMA ou l’associé C au dépôt de demandes de brevets concernant des inventions réalisées avec les moyens de la société FEMA, effectués au seul profit de la société MBH DEVELOPPEMENT. Le fait qu’en 2014, dans la perspective du rachat des titres de la société FEMA, la société C ait fait réaliser un audit de cette société, en ce compris ses droits de propriété intellectuelle, et qu’en mai 2014, M. F de la société FEMA, mais dont la position au sein de cette société n’est pas précisée (en 2016, M. F est directeur général de la société FEMA selon l’extrait Kbis fourni), se soit interrogé (dans un courriel qu’il s’adresse à lui-même) sur l’opportunité d’acheter '1 par 1" les brevets détenus par MBH DEVELOPPEMENT 'concernés par C' n’est pas plus révélateur de cet acquiescement.

Comme le tribunal l’a retenu, il ne peut être utilement opposé à la société FEMA d’avoir agi tardivement en justice pour revendiquer la propriété des brevets litigieux, soit 10 ans après la découverte de la création de la société MBH DEVELOPPEMENT par M. X et du dépôt de demandes de brevets par cette société. La présence jusqu’à la fin de l’année 2014 de M. X, qui détenait la moitié du capital de la société FEMA, directement ou par l’intermédiaire de la société MBH DEVELOPPEMENT, et qui assurait seul la direction opérationnelle de la société, constituait en effet un empêchement suffisant justifiant cette inaction. Du reste, comme il a été dit, des protestations ont été exprimées par la société C qui ont abouti à une rétrocession de marques et à la concession d’une licence d’exploitation exclusive et gratuite sur un brevet ('ponceuse girafe à tête interchangeable') au profit de la société FEMA.

Pour ces motifs, la cour estime que M. X s’est servi, à travers son statut de dirigeant de la société FEMA, des moyens financiers, matériels et humains de cette société pour développer, au profit de la société MHB DEVELOPPEMENT qu’il avait créée et qu’il dirigeait, des inventions qui devaient bénéficier à la société FEMA, qui aurait dû en être titulaire, portant sur des produits faisant l’objet de son activité.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a ordonné le transfert de propriété au profit de la société FEMA des demandes de brevet et des brevets suivants :

— demande de brevet FR 3 026 668 A1 dénommé PONCEUSE DE SOL PERFECTIONNEE, déposée le 2 octobre 2014,

— demande de brevet FR 3 025 447 A1 dénommé […], déposée le 5 septembre 2014,

— demande de brevet FR 3 024 063 A1 dénommé […], déposée le […],

— brevet FR 3 021 889 B1 dénommé DISPOSITIF DE REFROIDISSEMENT D’UN CIRCUIT DE COMMANDE D’UN MOTEUR ELECTRIQUE D’UNE MACHINE ELECTROPORTATIVE, ET MACHINE ELECTROPORTATIVE D’UN TEL DISPOSITIF DE REFROIDISSEMENT PAR AIR D’ASPIRATION POLLUE, déposé le 5 juin 2014 et délivré le 1er juillet 2016,

— brevet FR 2 980 502 B1 dénommé STRUCTURE ROULANTE DE MANUTENTION ET DE POSE DE PANNEAUX OU PLAQUES, déposé le 23 septembre 2011 et délivré le 11 octobre 2013,

— brevet FR 2 980 501 B1 dénommé SUPPORT DE PLAQUE POUR APPAREIL DESTINE A LA POSE DE PLAQUES, déposé le 23 septembre 2011 et délivré le 21 mars 2014,

— brevet EP […], déposé le 19 septembre 2012 et délivré 1e 2 avril 2014,

— brevet EP 2 314 422 B1 dénommé STRUCTURE ROULANTE MULTIFONCTIONS POUR TRAVAUX D’ENTRETIEN ET RENOVATION DE PAROIS ET PLAFONDS POUR CONSTRUCTIONS, déposé le 6 août 2010 et délivré le 30 mai 2012,

— brevet FR 2 936 439 B1 dénommé CARTER DE PROTECTION POUR MACHINE

[…], déposé le 29 septembre 2008 et délivré le 22 octobre 2010,

— brevet EP 2 113 338 B1 dénommé TETE PORTATIVE DE TRAVAIL POUR UNE MACHINE OPERANT PAR ENLEVEMENT DE MATIERE ET UNE TELLE MACHINE, déposé 1e 16 février 2009 et délivré le 28 juil1et 2010,

— brevet FR 2 882 913 B1 dénommé STRUCTURE POUR LE RANGEMENT STOCKAGE ET TRANSPORT D’AU MOINS UNE PONCEUSE GIRAFE ET DE SES COMPOSANTS DE FONCTIONNEMENT, déposé le 14 mars 2005 et délivré le 30 avril 2010,

— brevet EP […], déposé le […] et délivré le […],

— brevet EP 1 570 932 B1 dénommé FORET POUR MACHINE ET DISPOSITIF D’EMMANCHEMENT POUR CELUI CI, déposé le 24 janvier 2005 et délivré le 10 août 2011.

Le jugement est également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de transfert de propriété du brevet FR 2 856 323 B1 dénommé DISQUE ABRASIF POUR MACHINE ELECTROPORTATIVE A MEULER, déposé le 18 juin 2003 et délivré le 24 décembre 2004 dont le tribunal a relevé, sans être critiqué en appel par la société FEMA, qu’il avait été déposé, non pas au profit de la société MBH DEVELOPPEMENT, mais d’une société tierce PREMINES INDUSTRIES.

Il y a lieu également d’ordonner la résolution de tous les contrats de licence, de cession et d’exploitation portant sur les brevets susvisés conclus entre les sociétés MBH DEVELOPPEMENT et FEMA, mais aussi, complétant le jugement sur ce point, entre les sociétés MBH DEVELOPPEMENT et ACCESSA, la résolution ne pouvant en revanche être étendue à d’autres entités, non désignées par la société FEMA, et qui ne sont pas parties à cette procédure. Il n’y a lieu d’ordonner d’astreinte à ce titre.

C’est à juste titre que le tribunal a dit que le transfert de propriété des brevets susvisés, ayant un caractère rétroactif, entraîne l’obligation pour la société MBH DEVELOPPEMENT de restituer à la société FEMA les sommes indûment perçues au titre de leur exploitation.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné, sans expertise complémentaire, la communication par la société MBH DEVELOPPEMENT de pièces comptables et financières devant permettre d’établir le montant total des sommes perçues au titre de l’exploitation des brevets susvisés. Cette communication sera prononcée sous astreinte de 50 € par jour de retard, commençant à courir passé un délai d’un mois à compter de la signification de cet arrêt.

Le jugement sera encore confirmé en ce qu’il a renvoyé les parties, après communication des pièces comptables et financières, à la fixation judiciaire par voie d’assignation, de la créance de la société FEMA.

Il y a lieu d’accorder à la société FEMA une provision de 100 000 € à valoir sur sa créance. En application de l’article L. 622-22 du code de commerce, cette provision sera fixée au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société MBH DEVELOPPEMENT. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Comme le plaident les appelants, seule la société MBH DEVELOPPEMENT doit être tenue à restitution des sommes indûment perçues et au paiement de la provision allouée, aucune soustraction de brevets ou perception de redevances au titre des brevets litigieux n’étant caractérisée ou même alléguée à l’encontre de la société ACCESSA (en liquidation judiciaire).

Sur la demande subsidiaire de la société MBH DEVELOPPEMENT en restitution par la société FEMA des sommes versées au titre du dépôt et de la protection des brevets litigieux

La société MBH DEVELOPPEMENT demande en appel, sur le fondement de l’enrichissement injustifié, la restitution par la société FEMA des sommes correspondant aux frais qu’elle a engagés pour déposer, gérer et protéger les brevets dont le transfert de propriété serait ordonné.

La société FEMA s’oppose en faisant valoir notamment que la société MBH DEVELOPPEMENT, dont la mauvaise foi et la fraude ont été démontrées, ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1303 du code civil.

L’article 1303 du code civil dispose : 'En dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement'. L’article 1303-1 du même code prévoit que 'L’enrichissement est injustifié lorsqu’il ne procède ni de l’accomplissement d’une obligation par l’appauvri ni de son intention libérale' et l’article 1303-2 alinéa 1qu''Il n’y a pas lieu à indemnisation si l’appauvrissement procède d’un acte accompli par l’appauvri en vue d’un profit personnel'.

C’est à juste raison que la société FEMA observe que l’appauvrissement invoqué par la société MBH DEVELOPPEMENT, qui lui a soustrait ses brevets, procède d’une faute qui empêche cette dernière d’invoquer le bénéfice de l’article 1303 du code civil. La société MBH DEVELOPPEMENT, qui a agi à ses risques et périls et en vue d’un intérêt personnel au sens de l’article 1302-2 précité, sera déboutée de sa demande.

Sur la demande de la société FEMA de condamnation de M. X pour fautes dans la gestion de la société FEMA

La société FEMA demande, pour la première fois en appel, la condamnation de M. X à réparer son préjudice solidairement avec la société MBH DEVELOPPEMENT, arguant qu’il a engagé sa responsabilité, en sa qualité d’ancien mandataire social, pour faute commise dans sa gestion.

Les appelants et M. X soulèvent l’irrecevabilité de la demande, d’une part, en ce qu’il s’agit d’une demande nouvelle en appel et, d’autre part, en ce qu’elle est prescrite.

La demande n’apparaît pas nouvelle dès lors qu’en première instance, la société FEMA sollicitait déjà, au titre de la revendication des demandes de brevet et brevets, la condamnation solidaire des sociétés MBH DEVELOPPEMENT, ACCESSA et de M. X à lui payer les fruits et revenus indûment perçus du fait de l’exploitation des titres de propriété industrielle.

Mais il résulte des articles L. 225-254 et L. 227-8 du code de commerce que l’action en responsabilité contre le dirigeant d’une société par actions simplifiée se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s’il a été dissimulé, de sa révélation, sauf lorsque le fait est un crime, auquel cas la prescription est de dix ans. En l’espèce, c’est au plus tard en 2006 que la société FEMA a eu connaissance des faits qu’elle reproche à M. X, de sorte qu’au jour de l’assignation (9 novembre 2016), l’action était prescrite.

La société FEMA sera par conséquent déclarée irrecevable en sa demande.

Sur la demande de la société MBH DEVELOPPEMENT en contrefaçon du brevet EP 1 632 311

La demande en revendication portant sur le brevet EP 1 632 311ayant été accueillie, les demandes en contrefaçon formées par la société MBH DEVELOPPEMENT portant sur ce même brevet seront nécessairement rejetées.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande pour procédure abusive de la société MBH DEVELOPPEMENT, de la SELARL H, ès qualités de liquidateur de la société ACCESSA, et de M. X

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande formée par les appelants et M. X pour procédure abusive. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande formulée en première instance.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La société MBH DEVELOPPEMENT, la SELARL AJ UP, prise en la personne de Me WAUTOT, ès qualités d’administrateur judiciaire et de commissaire à l’exécution du plan de redressement, et la SELARL H, en la personne de Me Geoffroy H, ès qualité de mandataire judiciaire de la société MBH DEVELOPPEMENT, parties perdantes, seront condamnées aux dépens d’appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu’elles ont exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société MBH DEVELOPPEMENT, de la SELARL AJ UP, prise en la personne de Me WAUTOT, ès qualités d’administrateur judiciaire et de commissaire à l’exécution du plan de redressement, et de la SELARL H, en la personne de Me Geoffroy H, ès qualités de mandataire judiciaire de la société MBH DEVELOPPEMENT au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société FEMA en appel peut être équitablement fixée à 15 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Reçoit la société FEMA dans son appel provoqué de M. I X,

Déclare l’action de la société FEMA en revendication de la propriété de demandes de brevet et brevets recevable,

Confirme le jugement déféré si ce n’est en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à fixation d’une créance provisionnelle au passif du redressement judiciaire de la société MBH DEVELOPPEMENT,

Statuant à nouveau de ce chef,

Fixe au passif du redressement judiciaire de la société MBH DEVELOPPEMENT une provision d’un montant de 100 000 euros à valoir sur les sommes devant revenir à la société FEMA,

Complétant et y ajoutant,

Ordonne la résolution de tous les contrats de licence, de cession et d’exploitation portant sur les brevets susvisés conclus entre les sociétés MBH DEVELOPPEMENT et FEMA, mais aussi, entre les sociétés MBH DEVELOPPEMENT et ACCESSA,

Dit que la communication par la société MBH DEVELOPPEMENT de pièces comptables et financières devant permettre d’établir le montant total des sommes perçues par elle au titre de l’exploitation des brevets susvisés est ordonnée sous astreinte de 50 € par jour de retard, commençant à courir passé un délai d’un mois à compter de la signification de cet arrêt,

Déboute la société MBH DEVELOPPEMENT de sa demande subsidiaire en restitution par la société FEMA des sommes versées au titre du dépôt et de la protection des brevets litigieux,

Déclare la société FEMA irrecevable en sa demande de condamnation de M. I X pour fautes de gestion,

Rejette la demande pour procédure abusive de la société MBH DEVELOPPEMENT, de la SELARL H, ès qualités de liquidateur de la société ACCESSA, et de M. I X,

Ordonne la transmission de la décision pour inscription sur les registres national et européen des brevets,

Condamne la société MBH DEVELOPPEMENT, la SELARL AJ UP, prise en la personne de Me WAUTOT, ès qualités d’administrateur judiciaire et de commissaire à l’exécution du plan de redressement de cette société, et la SELARL H, en la personne de Me Geoffroy H, ès qualité de mandataire judiciaire de la société MBH DEVELOPPEMENT aux dépens d’appel et au paiement à la société FEMA de la somme de 15 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.