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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 16 juin 2016, n° 16/05266

PARIS

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franchi

Conseillers :

Mme Picard, Mme Rossi

T. com. Bobigny, du 16 févr. 2016, n° 20…

16 février 2016

Monsieur X exerce une activité de boucherie triperie volaille ambulant sous la forme personnelle à Saint Denis. Il est locataire gérant du fonds de commerce. Sur assignation de l'Urssaf se prévalant d'une créance impayée de 6.150 euros monsieur X a été placé en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 16 février 2016.

Le tribunal a relevé que monsieur X avait des perspectives de redressement.

Il a désigné Maître Y en qualité de mandataire judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 16 août 2014.

Monsieur X a interjeté appel de cette décision le 26 février 2016.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 2 mai 2016 monsieur X demande à la cour d'appel de :

Vu l'état de cessation des paiements de Monsieur X,

Vu les pièces versées aux débats,

- Voir constater que celui-ci ne peut pas faire face à son passif exigible avec son actif disponible et qu'il remplit les conditions d'ouverture d'une procédure liquidation judiciaire et de rétablissement professionnel.

En conséquence,

- Voir prononcer la liquidation judiciaire de Monsieur X et l'ouverture d'une procédure de rétablissement professionnel.

- Voir statuer ce que de droit sur les dépens.

Maître Y a signifié ses conclusions par voie électronique le 28 avril 2016.

Elle demande à la cour d'appel de :

Vu les dispositions des articles L.640-1, L. 645-1, L. 645-2 et L. 645-3 du Code de commerce,

- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 16 février 2016

- Prendre les dépens en frais privilégiés de la procédure collective.

L'Urssaf a signifié ses conclusions par voie électronique le 23 mai 2016. Elle demande à la cour d'appel de constater que monsieur X ne remplit pas les conditions cumulatives qui lui permettraient de demander l'ouverture d'une procédure de rétablissement professionnel, de constater que monsieur X se trouve en état de cessation des paiements et l'absence réelle de perspective de redressement, en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et d'ouvrir à l'égard de monsieur X une procédure de liquidation judiciaire.

Le ministère public a communiqué son avis le 7 avril 2016. Il demande la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, constatant que le redressement de monsieur X est manifestement impossible.

SUR CE

Monsieur X expose que son commerce est situé à proximité de la gare dans un quartier en pleine rénovation et qu'il a été pénalisé par les travaux entraînant une baisse constante de son chiffre d'affaires. Il sollicite la mise en place d'une procédure de rétablissement professionnel, nouvelle procédure destinée aux entrepreneurs individuels qui n'ont pas de salariés et dont l'actif est inférieur à 5.000 euros.

Il expose que pour que cette procédure soit ouverte les conditions suivantes doivent être remplies :

- Être en état de cessation des paiements et son redressement manifestement impossible

- Ne pas faire l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ou d'un procès prud'homal en cours

- Ne pas avoir fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif dans les 5 ans précédent la demande,

- N'avoir employé aucun salarié au cours des 6 derniers mois

- Détenir un actif dont la valeur est inférieure à 5.000 €.

Tel est bien le cas en l'espèce selon lui.

Il fait valoir qu'il n'est pas en mesure de payer son passif et qu'il n'a pas de perspectives de redressement. C'est la raison pour laquelle il demande sa liquidation judiciaire et son rétablissement professionnel.

Maître Y soutient que monsieur X ne justifie pas que son actif soit inférieur à 5.000 euros. De même il ne justifie pas de l'absence de salarié et de contentieux salarial. Ainsi les cinq conditions de l'ouverture d'une procédure de rétablissement ne sont pas réunies.

Elle ajoute qu'il existe des conditions implicites outre les conditions expresses. Ainsi le débiteur doit être en état de cessation des paiements et doit justifier que son redressement est manifestement impossible condition qui n'est pas remplie en l'espèce puisqu'il ne verse aucun bilan ni aucun compte de résultat.

L'Urssaf fait valoir que monsieur X ne justifie pas d'un actif inférieur à 5.000 euros et que ce n'est pas ce qui ressort de sa déclaration fiscale pour l'exercice 2014. Il est par ailleurs redevable de cotisations salariales pour l'année 2015 et le 1er trimestre 2016 et il a fait l'objet d'un PV de constat de travail dissimulé. La condition de l'absence de salarié n'est donc pas remplie.

En l'espèce la cour relève que le passif déclaré de monsieur X s'élève à la somme de 595.512, 27 euros et que l'actif disponible est insuffisant pour y faire face.

Monsieur X est donc en état de cessation des paiements.

Il affirme que son redressement est impossible. Il produit nombre de demandes en justice émanant de créanciers non payés.

La cour constate que le passif particulièrement important de monsieur X ne lui permet pas d'envisager une poursuite d'activité. Les pièces comptables produites de 2014 montrant un résultat positif de 24.000 euros environ, montant insuffisant pour apurer le passif.

La situation de monsieur X apparaissant irrémédiablement compromise, il convient de constater que les conditions d'ouverture de la liquidation judiciaire sont remplies.

Il convient donc d'examiner s'il remplit les conditions d'ouverture de la procédure de rétablissement professionnel.

Aux termes de l'article L 645-1 du code de commerce 'Il est institué une procédure de rétablissement professionnel sans liquidation ouverte à tout débiteur, personne physique, mentionné au premier alinéa de l'article L. 640-2, qui ne fait l'objet d'aucune procédure collective en cours, n'a employé aucun salarié au cours des six derniers mois et dont l'actif déclaré à une valeur inférieure à un montant fixé par décret en Conseil d'Etat.

La procédure ne peut être ouverte à l'égard d'un débiteur qui a affecté à l'activité professionnelle en difficulté un patrimoine séparé de son patrimoine personnel en application de l'article L. 526-6.

Elle ne peut être davantage ouverte en cas d'instance prud'homale en cours impliquant le débiteur'.

Le montant fixé par décret est de 5.000 euros.

En l'espèce la cour relève que monsieur X ne produit aucune pièce comptable postérieure à 2014. Le tribunal a constaté qu'il avait fait l'objet d'un constat de travail dissimulé, constat qui n'est pas produit en cause d'appel. Cependant l'Urssaf a produit une créance de cotisations salariales pour l'année 2015 et le 1er trimestre 2016. La condition liée à l'absence de salarié depuis six mois n'apparaît donc pas remplie.

La cour relève également qu'en l'absence de pièces comptables récentes monsieur X n'établit pas avoir un actif inférieur à 5.000 euros. Les comptes 2014 montrent qu'il avait un résultat bénéficiaire d'environ 24.000 euros. De plus il apparaît dans le bilan des immobilisations corporelles pour un montant de 43.000 euros environ. Ces immobilisations étant des actifs physiques détenus par l'entreprise, la cour, en l'absence d'autres éléments, considère donc que la condition relative à l'actif inférieur à 5.000 euros n'est pas remplie.

Au surplus, la cour relève que la date de cessation des paiements a été fixée au 16 août 2014, soit 18 mois avant l'ouverture de la procédure collective. La tardiveté de l'ouverture de la procédure collective après la cessation des paiements, ouverte au surplus sur assignation d'un créancier, montre que monsieur X n'a pas respecté son obligation légale de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours imposé par la loi de sorte que la faveur du rétablissement professionnel ne peut lui être accordé.

Il convient en conséquence de rejeter la demande de monsieur X.. Le jugement entrepris sera infirmé et la liquidation judiciaire de monsieur X sera prononcée.

PAR CES MOTIFS,

Rejette la demande de monsieur X tendant à l'ouverture d'une procédure de rétablissement professionnel,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny le 16 février 2016,

Prononce la liquidation judiciaire de monsieur X,

Désigne Maître Y en qualité de mandataire liquidateur,

Renvoie l'affaire au tribunal de commerce de Bobigny pour désignation des autres organes de la procédure collective et le suivi de celle-ci,

Mets les dépens de première instance et d'appel à la charge de monsieur X et précise qu'ils seront recouvrés en frais privilégiés de redressement judiciaire,

Admet en tant que de besoin les avocats postulants de la cause chacun pour ce qui le concerne au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.