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Décisions

CA Rennes, 4e ch., 6 février 2020, n° 17/04149

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Piscine Evolution (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rauline

Conseillers :

Mme Bourdon, Mme Malardel

Avocats :

Selarl Avocats Partenaires, Selarl Alpha Legis

CA Rennes n° 17/04149

6 février 2020

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat du 23 juillet 2010, M. et Mme P. ont confié à M. B., architecte, la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un pavillon de jardin, d'un bâtiment annexe et d'un bassin décoratif extérieur, outre l'aménagement paysager et minéral du jardin.

Le 26 juillet 2012, ils ont signé un marché d'entreprise avec la société Piscine Evolution pour la réalisation du bassin moyennant la somme de 33 488 euros TTC.

Tous les travaux ont été suspendus le 15 novembre 2012 à la demande des maîtres de l'ouvrage suite à une erreur de métrés de l'architecte.

Le 23 novembre 2012, la société Piscine Evolution a adressé une facture à M. et Mme P. pour un montant de 13 204 euros TTC, afin d'obtenir le paiement de la fourniture du matériel commandé.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 15 mars 2013, les maîtres de l'ouvrage ont refusé de régler la facture et dénoncé le marché d'entreprise. Ils ont été mis en demeure de payer par la société Piscine Evolution par courriers recommandés des 3 avril et 23 mai 2013.

Par acte d'huissier en date du 25 juin 2013, la société Piscine Evolution a fait assigner les époux P. en paiement devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo.

Par acte d'huissier du 16 mai 2014, M. et Mme P. ont fait assigner M. B. en intervention forcée.

Les procédures ont été jointes par ordonnance du 4 juillet 2014.

Par un jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 3 mai 2017, le tribunal a :

- condamné solidairement M. et Mme P. à payer à la société Piscine Evolution les sommes suivantes :

- 9 209 euros TTC au titre des dépenses engagées, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 mai 2013 ;

- 4 000 euros de dommages-intérêts au titre de la perte du bénéfice escompté, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- débouté les époux P. de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamné solidairement les époux P. à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de :

- 2 000 euros à la société Piscine Evolution ;

- 1 000 euros à M. B. ;

- condamné les mêmes aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 8 juin 2017, M. et Mme P. ont interjeté appel de ce jugement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 novembre 2019.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions en date du 12 décembre 2017, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, M. et Mme P. demandent à la cour de :

- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par les époux P. ;

Y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise ;

Statuant à nouveau,

- débouter la société Piscine Evolution et M. B. de l'ensemble de leurs argumentations et de leurs demandes ;

- ordonner le remboursement des sommes qui auront pu être versées en vertu de l'exécution provisoire de la décision entreprise, en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement, et ce au besoin à titre de dommages-intérêts ;

S'agissant des relations contractuelles entre les époux P. et M. B.,

- dire et juger la responsabilité contractuelle de M. B. engagée, en application des dispositions de l'article 1147 du code civil ;

- condamner M. B. à payer à M. et Mme P. une somme de 21 593,11 euros à titre de dommages-intérêts ;

S'agissant des relations contractuelles entre les époux P. et la société Piscine Evolution,

- dire et juger inapplicables les dispositions de l'article 1794 du code civil, relatives au marché à forfait ;

- en application des dispositions de l'article 1184, prononcer la résolution du contrat d'entreprise liant les époux P. à la société Piscine Evolution aux torts de cette dernière ;

- condamner la société Piscine Evolution à payer à M. et Mme P. une somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts ;

En tout état de cause,

- condamner in solidum M. B. et la société Piscine Evolution au paiement d'une somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 6 novembre 2017, M. B. demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

- dire et juger que M. B. n'a commis aucune faute ;

- débouter les époux P. et la société Piscine Evolution de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre M. B. ;

- condamner solidairement les époux P., et subsidiairement la société Piscine Evolution au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'instance et d'appel

Dans ses dernières conclusions en date du 14 décembre 2017, au visa des articles 1134, 1147, 1184 et 1794 du code civil, la société Piscine Evolution demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Malo rendu le 3 mai 2017 ;

- dire et juger recevable et fondée la société Piscine Evolution en ses demandes ;

- condamner solidairement M. et Mme P. à payer à la société Piscine Evolution la somme en principal de 9 209 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 avril 2013 et jusqu'à parfait règlement de la dette au titre des dépenses engagées ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité l'indemnisation de la société Piscine Evolution à 4 000 euros au titre du gain escompté par l'opération ;

En conséquence,

- condamner solidairement M. et Mme P. à payer à la société Piscine Evolution la somme en principal de 10 354,61 euros de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 avril 2013 et jusqu'à parfait règlement de la dette au titre du gain escompté dans cette entreprise ;

En tout état de cause,

- débouter les époux P. de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

Subsidiairement,

- condamner M. B. à garantir et relever indemne la société Piscine Evolution de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de M. et Mme P. ;

- condamner solidairement M. et Mme P. à payer à la société Piscine Evolution une somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS

Dans les rapports entre les maîtres de l'ouvrage et l'entrepreneur

Sur la résolution

La résolution judiciaire d'un contrat peut être prononcée en cas d'inexécution des obligations d'une partie présentant un caractère de gravité suffisant sur le fondement de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

M. et Mme P. sollicitent la résolution du contrat conclu avec la société Piscine Evolution sur le fondement de l'article 1184 du code civil.

Il résulte de la procédure que par courrier du 15 mars 2013 M. P. a dénoncé le contrat d'entreprise. Il convient en conséquence de constater que le contrat a été résilié unilatéralement par les maîtres de l'ouvrage à cette date.

C'est à tort que le premier juge, validant l'argumentation de la société Piscine Evolution, a fait application de l'article 1794 du code civil. Un bassin ne pouvant être considéré comme un bâtiment (3e Civ., 29 octobre 2003, n°02-16542 et n°13.460), la résiliation unilatérale du maître de l'ouvrage ne pouvait intervenir que sur le fondement de l'article 1184 du code civil.

Il convient dès lors de rechercher si la résiliation était justifiée par une faute de la société Piscine Evolution.

M. et Mme P. dénoncent l'attitude déloyale de la société Piscine Evolution et son absence de volonté d'intervenir à nouveau sur le chantier en ne présentant pas de nouveau devis après l'interruption des travaux. Ils lui reprochent encore un manquement à son obligation de bonne foi et de conseil soutenant qu'elle ne leur a apporté aucune précision sur le matériel devant être installé ce qui ne leur a pas permis d'effectuer des comparaisons avec d'autres propositions antérieurement à la souscription du contrat.

Il résulte du dossier que :

- le 15 novembre 2012, les maîtres d'ouvrage ont constaté une erreur de métrés de l'architecte et ont notifié à tous les corps de métier l'interruption du chantier pour une semaine,

- le 23 novembre 2012, une première facture a été émise par la société Piscine Evolution au titre des matériels commandés et livrés pour la somme de 13 204 euros TTC, validée par le maître d'oeuvre le 14 décembre 2012,

- le 22 janvier 2013, M. et Mme P. ont adressé à la société Piscine Evolution une demande par mail de marque, modèle et fournisseur pour une liste de matériels visés au devis,

- le 31 janvier 2013, la société Piscine Evolution a transmis à M. et Mme P. les informations demandées,

- par courrier du 15 mars 2013, M. P. a dénoncé le marché d'entreprise du 26 juillet 2012 et informé la société qu'il n'entendait pas régler une quelconque situation intermédiaire en l'absence d'intervention de la société depuis l'interruption du chantier.

Il s'en déduit que, suite à une erreur de métré sur l'implantation des bâtiments qui n'entraînait aucune conséquence sur la réalisation des travaux du bassin, M. et Mme P. ont décidé, après avoir fait réaliser de nouveaux devis, de rompre unilatéralement le 15 mars 2013 le contrat souscrit avec la société Piscine Evolution. Ils ne justifient à l'égard de la société Piscine Evolution d'aucune demande ou mise en demeure d'exécuter les travaux.

Dès lors ils sont mal fondés à reprocher à la société Piscine Evolution de ne pas avoir réalisé les travaux convenus alors qu'ils remettaient en cause le devis initial et refusaient de régler la première situation validée par le maître d'oeuvre.

M. et Mme P. font également plaider que la société Piscine Evolution a manqué à ses obligations de bonne foi et de conseil en ne leur remettant pas un devis suffisamment précis de nature à effectuer des comparaisons.

Or le devis de deux pages est, contrairement à ces allégations, détaillé et précis et ne peut caractériser un manquement de la société à son devoir de conseil et a fortiori une inexécution grave du contrat par la société Piscine évolution.

Les appelants sont déboutés de leur demande de résolution du contrat aux torts de la société Piscine Evolution. Ils doivent en conséquence indemniser l'intimée du préjudice résultant de cette rupture unilatérale du contrat.

Sur l'indemnisation

La société Piscine Evolution sollicite la condamnation des appelants à lui payer la somme de 9 209 euros TTC au titre du matériel commandé et livré pour la piscine et 10 354,61 euros au titre du gain escompté.

M. et Mme P. soutiennent qu'en l'absence d'intervention de l'intimée sur le chantier, elle est mal fondée à réclamer paiement du matériel qu'elle n'avait pas obligation de commander par avance et qu'elle pouvait réutiliser sur d'autres chantiers.

Le contrat entre la société Piscine Evolution et Mme P. ayant été conclu le 26 juillet 2012, les appelants sont mal fondés à reprocher au pisciniste d'avoir commandé et livré le matériel nécessaire à l'exécution du contrat. C'est à juste titre que le premier juge les a condamnés au paiement de ce matériel spécifique, notamment par sa couleur gris clair, à hauteur de 9 209 euros TTC.

S'agissant de la marge dont elle a été privée, la société Piscine Evolution ne s'appuie que sur des projections.

Le tribunal a procédé à une juste appréciation en lui allouant la somme de 4 000 euros pour l'indemniser de ce préjudice.

Le jugement est confirmé et l'appel incident rejeté.

Dans les rapports entre les maîtres de l'ouvrage et le maître d'oeuvre

Les maîtres de l'ouvrage soutiennent que la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre est engagée en l'absence de mise en concurrence et d'assistance pour le choix de l'entreprise.

M. B. réplique que le contrat de maîtrise d'oeuvre signé avec les maîtres de l'ouvrage ne lui imposait pas de procéder à des appels d'offres. Il ajoute qu'il n'est pas rapporté la preuve qu'à prestations équivalentes et matériaux similaires, la prestation de la société Piscine Evolution était surévaluée.

Le 23 juillet 2010, M. et Mme P. ont confié la maîtrise d'oeuvre complète de leurs travaux à M. B. pour un montant de 192 934, 78 euros HT, l'architecte percevant des honoraires à hauteur de 12% de cette somme.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a retenu que l'article G3.5.1 du contrat de maîtrise d'oeuvre stipule que le maître d'ouvrage décide de faire appel ou non à la concurrence entre les entreprises, que M. et Mme P. ne justifient pas avoir saisi l'architecte pour qu'il procède ainsi, qu'ils ne peuvent dès lors le lui reprocher.

S'agissant du caractère excessif des prix allégué, M. et Mme P. produisent plusieurs devis distincts de celui de la société Piscine Evolution. Or ces devis sont soit insuffisamment précis en ce qu'ils n'identifient pas le matériel (pompe du devis de la société Ouest Piscine dont la puissance n'est pas mentionnée) ou les quantités du matériel proposé sont différentes de celles du premier devis (devis piscine Gatel cinq leds contre neuf sur celui de Piscine Evolution).

Il n'est ainsi pas justifié par comparaison d'un matériel de même qualité d'un coût excessif du devis de la société Piscine Evolution.

C'est par des motifs pertinents que le tribunal a conclu qu'aucune faute n'est démontrée à l'égard de M. B.. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme P. de leur demande d'indemnisation par M. B..

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Les condamnations de première instance au titre des frais irrépétibles et dépens sont confirmés.

M. et Mme P. seront condamnés à payer à la société Piscine Evolution la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et 1 000 euros au même titre à M. B..

M. et Mme P. seront condamnés aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement :

CONFIRME le jugement du 15 février 2017,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. et Mme P. à payer à la société Piscine Evolution la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE M. et Mme P. à payer à M. B. la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE M. et Mme P. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.