Livv
Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 6 janvier 2020, n° 19/02314

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Van Den (SAS)

Défendeur :

Montpezat Home Factory (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

M. Gagnaux, Mme Granier

Avocats :

Me Meissonnier Cayez, Me Robert, Me Autric, Me Datavera

T. com. Nîmes, du 30 nov. 2017, n° 2017J…

30 novembre 2017

EXPOSÉ : Vu l'appel interjeté le 11 janvier 2018 par la sas van den à l'encontre du jugement prononcé le 30 novembre 2017 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l'instance n° 2017J89.

Vu les dernières conclusions déposées le 22 janvier 2019 par l'appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions déposées le 22 novembre 2019 par la société civile immobilière Montpezat home factory, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu l'ordonnance de clôture de la procédure intervenue le 28 novembre 2019.

* * *

Le 2 mars 2016, la sas van den établit un devis accepté par la société civile immobilière Montpezat home factory portant sur le lot 7 'doublage cloisons faux plafonds portes' en vue d'une transformation d'une maison de village en deux logements sur Montpezat pour 28 034,40 euros TTC.

S'en suivra la signature d'un marché de travaux le 27 mai 2016 entre la sas van den et la société civile immobilière Montpezat home factory représentée par son maître d'oeuvre la sarl rd factory, ainsi que le jour même la signature d'un acte d'engagement entre la société civile immobilière Montpezat home factory et la sas van den dans lequel cette dernière s'engage à réaliser les travaux dans un délai déterminé.

Par mail du 3 novembre 2016, le maître d'oeuvre informe la sas van den de la décision de travailler avec une autre entreprise sur le projet ;

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 17 novembre 2016, la sas van den met en demeure la société civile immobilière Montpezat home factory de prendre position sur la rupture unilatérale à l'inititiave du maître d'oeuvre et l'indemnisation en découlant ;

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 21 novembre 2016, la société civile immobilière Montpezat home factory a prononcé la résiliation du contrat avec effet immédiat ;

Par exploit du 20 février 2017, la sas van den a fait assigner la société civile immobilière Montpezat home factory en dommages et intérêts devant le Tribunal de Commerce de Nîmes qui, par jugement du 30 novembre 2017, a :

Vu les dispositions de l'article L. 211-3 du Code de l'Organisation judiciaire,

Vu l'article L. 110-1 et L. 721-3 du Code de Commerce,

Rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SCI MONTPEZAT HOME FACTORY,

S'est déclaré compétent,

Constaté que les motifs de résiliation du marché sont justes et raisonnables.

Constaté la résiliation du marché

Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts,

Condamné la SAS VAN DEN à régler à la SCI MONTPEZAT HOME FACTORY la somme de 1.500 € par application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires;

Condamné la SAS VAN DEN aux dépens de l'instance que le Tribunal liquide et taxe à la somme de 78,04 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.

La sas van den a relevé appel de ce jugement pour voir :

Vu les dispositions de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction en vigueur à la date des faits

Vu les dispositions de l'article 1794 du Code civil,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de NÎMES en date du 30 novembre 2017,

DIRE ET JUGER recevable et bien fondé l'appel interjeté par la SAS VAN DEN ;

PRONONCER le rabat de l'ordonnance de clôture au jour de l'audience de plaidoirie ;

Et sur le fond,

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de NIMES en date du 30 novembre 2017 en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SCI MONTPEZAT HOME FACTORY et s'est déclaré compétent ;

INFIRMER pour le surplus le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de NIMES en date du 30 novembre 2017 ;

Et statuant à nouveau :

DIRE ET JUGER que la rupture unilatérale du contrat par le maître de l'ouvrage justifie l'indemnisation de l'entreprise VAN DEN ;

CONDAMNER en conséquence la Société civile immobilière MONTPEZAT HOME FACTORY à payer à la SAS VAN DEN la somme de 16.981,25 euros HT à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du mois de novembre 2016 ;

DEBOUTER la Société civile immobilière MONTPEZAT HOME FACTORY de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNER la Société civile immobilière MONTPEZAT HOME FACTORY à payer à la SAS VAN DEN la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la Société civile immobilière MONTPEZAT HOME FACTORY aux entiers dépens.

La société civile immobilière Montpezat home factory a conclu pour voir :

Vu les articles 33 et suivants et 75 et suivants du code de procédure civile,

Vu l'article L. 211-3 du code de l'organisation judiciaire,

Vu les articles L110-1 et L721-3 du code de commerce,

Vu les articles 1147, 1149, 1134, 1315 et 1794 du code civil dans leur version applicable à la cause,

CONSTATER l'existence de motifs justes et raisonnables de résiliation,

CONSTATER l'absence de faute, de préjudice et de lien de causalité,

En conséquence,

CONFIRMER le jugement du tribunal en toutes ses dispositions à savoir:

« constate que les motifs de résiliation du marché sont justes et raisonnables

Constate la résiliation du marché

Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts,

Condamne la SAS VAN DEN à régler à la SCI MONTPEZAT HOME FACTORYla somme de 1.500 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;

Condamne la SAS VAN DEN aux dépens de l'instance que le Tribunal liquide et taxe à la somme de 78,04 euros en ce non compris le coût de la citation introductive d'instance, le coût, de la signification de la présente décision, ainsi que tous autres frais et accessoires ''.

Y AJQUTANT,

CONDAMNER S. A.S VAN DEN au paiement de la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du CPC à titre d'indemnisation des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur le fond :

Le jugement déféré appliquant l'article 14 du CCAP liant les parties a retenu la perte de confiance du maître de l'ouvrage envers l'entrepreneur comme motif juste et raisonnable tenant les nombreux courriers de tiers attestant des défaillances de l'entreprise dans le cadre de plusieurs marchés de travaux. Le jugement déféré a déclaré malvenue l'indemnité sollicitée par l'entreprise comme étant équivalente à la marge commerciale dégagée par ce chantier ;

La sas van den objecte, au visa des articles 1134 et 1794 du Code civil, que la résiliation unilatérale du maître de l'ouvrage est fautive imposant l'indemnisation de son préjudice constitué de la perte de marge sur les travaux qu'il n'a pu réaliser moins l'achat des matières premières non effectué. Elle indique que commet une faute le maître de l'ouvrage qui, sans informer son contractant et sans faute de ce dernier, confie l'exécution des travaux à une autre entreprise et verse un procès-verbal de constat d'huissier en ce sens. Elle fait valoir qu'elle n'a jamais eu d'ordre de service, qu'elle n'avait aucune obligation de fournir un planning d'exécution des travaux ni des documents préparatoires au chantier, cette mission revenant à la maîtrise d'oeuvre et justifie n'en avoir rien fait dans des chantiers précédents ayant donné entière satisfaction et verse par ailleurs des comptes rendus de chantier qui font état de l'avancement de travaux menés sur un autre chantier à X. Elle relève que le maître d'oeuvre, postérieurement à la rupture, sollicitera à nouveau la concluante pour un chantier.

La société civile immobilière Montpezat home factory fait valoir l'article 1134 et 1147 du code civil, l'article 1.6 du marché de travaux et l'article 14 du CCAP aménageant l'article 1794 du Code civil qui n'est pas d'ordre public. Elle soutient que l'entreprise était tenue, avant le démarrage des travaux, de présenter un dossier étayé techniquement et administrativement conformément au CCAG puis un dossier d'exécution contenant des plans, des fiches techniques des matériaux et des échantillons ainsi qu'un planning d'exécution. Elle indique que le silence de l'entreprise a été rompu par la seule mise en demeure du 17 novembre 2016 entraînant la perte de toute confiance, qu'en outre l'entreprise a été défaillante sur de nombreux autres chantiers suivis par le maître d'oeuvre sur les périodes d'août à octobre 2016 et que la prise de contact pour un chantier en 2019 est une erreur d'aiguillage. Sur les dommages et intérêts revendiqués elle relève l'absence de faute, l'absence de démonstration du préjudice établi sur la base d'un devis incomplet de sorte que le montant retenu de marge brute est infondé et surévalué et estime que l'exercice légitime du droit de résiliation unilatérale n'a causé aucun préjudice à l'entreprise qui n'avait accompli aucune diligence aucune démarche et aucun travail sur le chantier.

* * * *

Les contrats conclus avant le 1er octobre 2016, ne pouvant se voir appliquer les dispositions de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, sont soumis à l'application de la loi ancienne. En l'espèce, le contrat est signé le 27 mai 2016.

Les parties sont en l'état d'un marché à forfait dont la résiliation fait l'objet d'une réglementation particulière conformément à l'article 1794 du Code civil qui prévoit que le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait quoi que l'ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise.

Les parties ont contractuellement prévu dans le 'marché de travaux ccap' signé le 27 mai 2016 une clause de résiliation, en son article 14, uniquement pour des motifs justes et raisonnables, citant comme exemples la perte de confiance et la violation de leurs obligations par les parties ;

Il est constant que la règle posée par l'article 1794 du Code civil n'est pas d'ordre public et que les parties peuvent y déroger contractuellement.

En l'espèce, les parties ont souhaité déroger à la règle légale s'agissant d'une résiliation intervenant pour des motifs justes et raisonnables s'agissant de la perte de confiance en opposition à la résiliation sans motif du maître de l'ouvrage dont le prix est défini à l'article 1794 précité.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la rupture des relations contractuelles est intervenue le 21 novembre 2016 à la seule initiative de la société civile immobilière Montpezat home factory, le maître de l'ouvrage pour perte de confiance ;

Il résulte de l'attestation de M. Z chef d'entreprise d'ep3, ayant remplacé la sas van den sur le chantier, établie le 9 octobre 2018 que ce dernier a démarré les travaux le 22 novembre 2016, ce que corrobore le constat du huissier effectué à l'initiative de la sas van den le 23 novembre 2016 ;

Le contrat de marché du 27 mai 2016 prévoit :

- en son article 1.6 les documents constituant le marché, dont le calendrier prévisionnel général d'exécution,

- en son article 5 que le calendrier prévisionnel général est complété d'un calendrier détaillé d'exécution précisant pour chacun des lots la durée et la date probable de départ des délais particuliers correspondant aux interventions successives, étant prévu qu'à défaut d'accord sur le calendrier détaillé, le calendrier prévisionnel devient contractuel ;

L'acte d'engagement signé le 27 mai 2016 entre la société civile immobilière Montpezat home factory et la sas van den contient l'obligation pour cette dernière, connaissance prise du CCAP et des documents annexés, d'exécuter les travaux doublage cloisons faux plafond et porte au prix TTC de 28 034,40 euros selon planning détaillé de cette semaine maximum avec un démarrage le 22 août 2016 et une réception définitive le 7 octobre 2016 ;

Il est donc contractuellement prévu un démarrage des travaux au 22 août 2016.

Il résulte des pièces versées aux débats que le maître d'oeuvre et l'entreprise appelante ont réalisé plusieurs chantiers ensemble sur A E et X, ce dernier étant préalable à celui de Monpezat.

Il ne fait aucun doute que la sarl rd factory, maître d'oeuvre, est à l'origine du choix de la sas van den par le maître de l'ouvrage ;

L'analyse des éléments produits démontre que la réception des travaux à charge de la sas van den pour le chantier de X ne s'est pas faite dans les délais prévus et est intervenue le 26 juillet 2016 avec réserves qui, au lieu d'être levées dans les 7 jours comme prévu à la réception, l'ont été le 10 octobre 2016 ; Des entreprises intervenantes sur le chantier de X attestent des difficultés posées par la sas van den en raison de cotes mal faites et de nombreuses absences ou retards sur le chantier; il résulte d'un mail du maître d'oeuvre le 26 juillet 2016 adressé à B D Y lui donnant les réserves avec photos lui demandant pourquoi notamment une des portes est trop courte et recollée en partie basse. L'attestation de Monsieur C, du 26 janvier 2016 ne fait référence à aucun chantier précis et n'est donc pas probante. Enfin, la sas van den interroge par mail du 9 novembre 2016 le maître d'oeuvre sur sa décision de ne plus la faire intervenir sur le chantier de Montpezat. Par mail du 14 novembre suivant, le maître d'oeuvre fait état d'un défaut de fiabilité en raison de nombreuses absences qui ne permettent plus de travailler en confiance.

C'est dans ces conditions que le maître de l'ouvrage, se reposant sur le maître d'oeuvre, prend l'initiative de la rupture le 21 novembre 2016 invoquant une perte de confiance étant resté sans nouvelles de la sas van den exceptée la mise en demeure du 17 novembre précédent sollicitant une indemnisation ;

Il ne ressort d'aucun élément du dossier que la sas van den a contacté le maître d'oeuvre, dont le contrat le définit comme coordonnateur du chantier, ni le 22 août 2016, ni le 11 octobre 2016 date à laquelle il a terminé les travaux sur réserves du chantier de X ; La sas van den est défaillante à démontrer que le démarrage du chantier se faisait par ordre de service, le contrat ne le prévoyant pas et les pièces versées au soutien des chantiers précédemment exécutés ne visant pas le démarrage des chantiers ;

Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la résiliation unilatérale du contrat à l'initiative du maître de l'ouvrage pour perte de confiance, motif de résiliation envisagé par le contrat, dérogeant ainsi à la résiliation sans motif de l'article 1794 du Code civil; En conséquence, les dommages et intérêts prévus à l'article 1794 ne sont pas applicables au cas d'espèce et la sas van den est déboutée de sa demande;

Sur les frais de l'instance :

La sas van den, qui succombe, devra supporter les dépens de l'instance sans que l'équité et les circonstances de l'espèce conduisent à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ni au profit de la société civile immobilière Montpezat home factory ni au profit de la sas van den.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Déboute la sas van den et la société civile immobilière Montpezat home factory de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la sas van den supportera les dépens de première instance et d'appel.

Dit que la s. c.p. d'avocats « Meissonnier cayez » pourra recouvrer directement contre la partie ci-dessus condamnée, ceux des dépens d'appel dont elle aura fait l'avance sans en recevoir provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.