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Décisions

Cass. 3e civ., 25 juin 2020, n° 19-11.412

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

M. Nivôse

Avocats :

SCP Buk Lament-Robillot, SCP Colin-Stoclet

Nouméa, du 29 oct. 2018

29 octobre 2018


Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. N... et à la société Dark du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Mary-Laure Gastaud, prise en sa qualité de liquidatrice de la société Dark.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 29 octobre 2018), M. N... F... Bin Tshamala (M. N...) a confié à la société BDR concept (la société BDR), assurée auprès de la société QBE insurance (la société QBE), la rénovation et l'aménagement d'une villa.

3. La société BDR a, après expertise, assigné M. N... en paiement d'un solde du marché. La société Dark, ayant pour gérant M. N..., est intervenue volontairement à l'instance et a formé une demande reconventionnelle en indemnisation des préjudices liés à l'existence de désordres dans l'immeuble.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre premières branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

5. M. N... et la société Dark font grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme le montant des condamnations au titre des réfections, alors « qu'application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir, sur le fondement du premier moyen de cassation, du chef du dispositif ayant dit que le contrat liant M. N... à la société BDR ne constituait pas un marché à forfait, emportera, par voie de conséquence, celle du chef de dispositif de l'arrêt ayant limité l'indemnisation due par la société BDR Concept à M. N... au titre des réfections à la somme de 2 271 000 F CFP en retenant que les autres critiques des appelantes en relation avec la nature du contrat (prise en compte des travaux supplémentaires et non du seul marché à forfait) seront écartés comme étant inopérantes. »

Réponse de la Cour

6. La disposition attaquée par ce grief ne se rattachant pas par un lien de dépendance nécessaire au chef critiqué par le premier moyen, la cassation de l'arrêt sur le premier moyen n'entraîne pas l'annulation de la disposition relative à l'indemnisation due à la société Dark au titre de la reprise des désordres.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. M. N... et la société Dark font grief à l'arrêt de dire que le contrat conclu entre M. N... et la société BDR ne constitue pas un marché à forfait et de condamner, en conséquence, M. N... à payer à la société BDR une certaine some au titre du solde du marché et M. N... et la société Dark à prendre en charge une part des frais d'expertise, alors « que le prix global et définitif, condition de l'existence d'un forfait, peut ne concerner qu'une partie de la construction, de sorte que l'existence d'un aléa susceptible d'affecter le prix de seulement certains des postes du marché n'est pas de nature à exclure que les autres postes, dont le prix a été fixé de manière définitive et globale constituent un marché à forfait ; que dès lors, en retenant, pour écarter la qualification de marché à forfait résultant expressément des termes du devis accepté le 1er décembre 2008, que si le marché pouvait comporter des postes forfaitaires et d'autres non, encore fallait-il que tous les postes entrant dans le champ d'application du marché soient budgétisés et qu'en l'occurrence le marché ne prévoyait pas de prix définitif pour certains des postes, la cour d'appel, qui s'est fondée sur une circonstance inopérante à écarter la qualification de marché à forfait partiel pour ceux des lots dont le prix était fixé de manière définitive et forfaitaire, a violé l'article 1793 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1793 du code civil :

9. Selon ce texte, est un marché à forfait le contrat par lequel un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol.

10. Pour dire que le contrat conclu entre M. N... et la société BDR ne constitue pas un marché à forfait, l'arrêt retient que le devis est insuffisamment précis et détaillé, renvoyant pour certains lots à des prévisions ou à des travaux à définir ultérieurement, que le marché ne prévoit qu'un estimatif pour les travaux d'électricité, qu'il ne fixe aucun budget pour les placards, qu'il accorde au maître de l'ouvrage le choix de certains matériaux et qu'il laisse subsister trop d'aléas susceptibles d'influer sur la nature et le volume du descriptif arrêté pour le second oeuvre et le lot peinture et enduits.

11. En statuant ainsi, alors qu'un marché peut être forfaitaire pour une partie seulement des travaux convenus, la cour d'appel, qui a relevé que le marché en cause comprenait d'autres lots que ceux pour lesquels le caractère forfaitaire n'était pas établi, a violé le texte susvisé.

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. M. N... et la société Dark font grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société BDR au titre du préjudice de jouissance, alors « que l'exercice d'une action en justice est un droit qui ne dégénère en abus que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol ; que dès lors, en énonçant, pour réduire l'indemnisation allouée à la SCI Dark au titre de la réparation de son préjudice de jouissance de 2 000 000 F CFP à la somme de 1 000 000 FCP, que la multiplicité des procédures engagées par les appelants avait retardé la résolution du litige participant à l'aggravation du préjudice qui a perduré dans le temps, sans constater que ces procédures avaient été engagées de manières abusives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1382 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

13. Selon ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

14. Pour limiter l'indemnisation du préjudice de jouissance subi par la société Dark, l'arrêt retient que, si celui-ci est réel, la multiplicité des procédures engagées par M. N... a retardé la résolution du litige, participant à l'aggravation du préjudice.

15. En se déterminant ainsi, sans constater que les procédures engagées par M. N... ou la société Dark présentaient un caractère abusif, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Demande de mise hors de cause

16. Le pourvoi ne critiquant pas les chefs de dispositif mettant hors de cause la société QBE insurance et déclarant irrecevable la demande formée contre elle en appel, il y a lieu de la mettre hors de cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

Met hors de cause la société QBE insurance ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le contrat conclu par M. N... F... P... et la société BDR concept ne constitue pas un marché à forfait, condamne M. N... F... P... à payer à la société BDR concept la somme de 11 640 315 F Pacifique au titre du solde du marché, condamne la société BDR concept à payer à la société Dark la somme de 1 000 000 F Pacifique au titre du préjudice de jouissance et répartit la charge des frais d'expertise entre M. N... F... P... et la société Dark, d'une part, et la société BDR concept, d'autre part, l'arrêt rendu le 29 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée.