Livv
Décisions

Cass. crim., 10 septembre 2014, n° 13-83.483

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Nocquet

Rapporteur :

M. Germain

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Waquet, Farge et Hazan

Rennes, du 23 avr. 2013

23 avril 2013

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1, 31-3, 313-7, 313-8, 441-1, 441-10, 441-11, 132-10, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l'arrêt attaqué a relaxé M. Y... des fins de la poursuite des chefs d'usage de faux et de tentative d'escroquerie au jugement ;

« aux motifs que les documents litigieux ayant été produits en justice le 8 mars 2005, le délai de prescription de l'action publique a valablement été interrompu par la plainte avec constitution de partie civile déposée le 3 février 2006 et par les actes d'instruction et de poursuites ultérieurs ; que constituent un faux matériel et le délit d'usage de faux, la falsification de tout document pour servir de preuve et sa production même sous la forme de photocopie, au cours d'une instance civile, dès lors que le document est de nature à avoir valeur probatoire et à entraîner des effets juridiques, alors même que la fausseté des mentions qu'il contient ne serait pas établie ; que le délit d'usage de faux suppose, par conséquent, que l'auteur ait fait usage en connaissance de cause d'un support qu'il savait falsifié et que cet usage était de nature à nuire et à porter préjudice à autrui ; qu'en l'espèce, s'il est acquis que M. Y... est bien l'auteur matériel de l'adjonction a posteriori de mots, tracés ou chiffres sur les quinze souches originales de chèques litigieuses, il n'est pas objectivement démontré, comme précédemment exposé, que les modifications a posteriori des libellés d'origine écrits de la main de Mme Z... par l'ajout de mots, tracés ou chiffres aient été apposées contre la volonté de celle-ci ou après son décès, ni qu'elles aient eu pour effet de dénaturer le sens et la portée des libellés d'origine rédigés de manière aléatoire et parfois sommaires, et partant d'altérer la vérité de ces pièces et de les rendre ainsi non conformes à la vérité ; que, quoi qu'il en soit, et indépendamment de la fausseté des mentions et ajouts apposés sur les pièces litigieuses, les souches de chèques même originales ne sont dotées par elles-mêmes d'aucune force probante et ne constituent pas des titres ; qu'elles sont de simples allégations qui comme telles sont soumises à discussion et à vérification par les parties et sont en conséquence dépourvues de valeur probatoire ; que dès lors la production en justice au cours de l'instance civile ayant opposé la partie civile et le prévenu de ces seuls documents en l'absence de toute autre pièce permettant d'en éclairer le sens et la portée, n'était pas de nature à entraîner des effets juridiques ni par conséquent à influer sur la solution du litige et à nuire aux intérêts de la partie civile et à lui porter préjudice ; que les circonstances dans lesquelles les mentions litigieuses ont été apposées sur les souches par M. Y... n'étant pas, en l'espèce déterminées, le préjudice allégué par la partie civile ne peut s'induire de la seule apposition matérielle de ces mentions sur des documents qui sont dépourvus de valeur probatoire ; que l'allégation par le prévenu dans ses conclusions d'appel déposées le 8 mars 2005 concomitamment à la communication des pièces litigieuses selon laquelle « (¿) Mme X... avait au surplus bénéficié de dons de sommes d'argent importantes tel qu'il en est justifié (¿) » n'est pas de nature à conférer aux dites pièces une valeur probatoire ni à entraîner, en conséquence, des effets juridiques, étant relevé d'ailleurs et au surplus que la cour d'appel a rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la partie civile après avoir estimé précisément que les talons de chèques litigieux produits par M. Y... sous la référence de la pièce cotée 27 n'étaient pas utiles à la solution du litige et a statué, en conséquence, au fond sur les demandes en annulation du mariage et des actes de donation et testament, et dommages-intérêts dont elle était saisie, indépendamment de l'issue du procès pénal ; que l'élément intentionnel du délit ne saurait par ailleurs s'induire des précédentes condamnations prononcées contre le prévenu pour des faits de même nature ; que l'analyse des quarante-cinq souches originales de chèques produites par M. Y... a montré que vingt-trois souches écrites exclusivement de la main de Mme Madeleine Z... se rapportaient à des chèques ou versements faits par celle-ci à sa fille et que quatre autres souches écrites par Mme Annie Z... elle-même se rapportaient à des remboursements de dépenses ; qu'au regard de ce contexte, il ne résulte pas davantage des éléments soumis à l'appréciation de la cour que l'allégation par M. Y... dans le cadre de l'instance civile l'opposant à la partie civile selon laquelle Mme X... aurait reçu des versements sous forme de dons manuels et la production en justice des documents incriminés aient pu porter atteinte à la considération ou à l'honneur de celle-ci ; qu'il s'ensuit que les éléments constitutifs du délit d'usage de faux ne sont pas en l'espèce réunis à l'encontre du prévenu et qu'il y a donc lieu de le relaxer des fins de la poursuite ; que les éléments de l'espèce ne permettent pas davantage d'établir que les documents incriminés, alors qu'ils sont dépourvus de valeur probatoire, étaient de nature à tromper la religion des juges et à caractériser une tentative d'escroquerie au jugement ;

"1°) alors que constitue l'usage de faux la production en justice et en connaissance de cause par l'agent d'un support qu'il sait falsifié ; qu'en l'espèce, où elle a constaté que M. Y... avait personnellement falsifié, par adjonction a posteriori de mots, tracés ou chiffres, quinze souches originales de chèques, et qu'il les avait ensuite produites en justice, la cour d'appel qui l'a cependant relaxé du chef d'usage de faux n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et n'a pas justifié légalement sa décision ;

"2°) alors que le délit de faux, et d'usage de celui-ci, est constitué, en cas de faux matériel, quelle que soit la valeur de l'écrit et même s'il n'est pas une source de droit ; qu'en l'espèce, en se fondant sur l'absence de valeur probatoire des souches de chèques litigieuses et sur le fait qu'elle n'était pas de nature à entraîner des effets juridiques, pour relaxer M. Y... du chef d'usage de faux, cependant qu'il résulte de ses propres constatations que ces souches de chèques constituaient des faux matériels, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, n'a pas justifié légalement sa décision ;

"3°) alors que le délit de faux, et par suite d'usage de celui-ci, est constitué en cas de faux matériel quand un préjudice peut en résulter ; que l'absence de préjudice pour la partie civile ne saurait se déduire de ce qu'un faux matériel ne constitue pas un titre et ne fait pas preuve ; qu'en l'espèce, en déduisant l'absence de préjudice de la partie civile de ce que les souches de chèques que le prévenu avait falsifiées ne valaient pas titre et ne pouvaient produire d'effets juridiques et qu'elles étaient dépourvues de valeur probatoire, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants pour relaxer M. Y... du chef d'usage de ces faux matériels, n'a pas justifié légalement sa décision ;

"4°) alors que des souches de chèques d'un tiers ont en toute hypothèse une valeur probatoire dans le cadre d'un litige relatif à la succession de ce tiers opposant le prévenu à la partie civile, en ce qu'elles ont pour effet d'établir la preuve des versements de fonds qui seraient constitutifs de dons manuels en faveur de celle-ci, héritier réservataire, qu'invoque le prévenu, légataire universel, et ainsi de produire des conséquences juridiques sur les droits respectifs de chacun dans la succession ; qu'en l'espèce, en retenant, pour relaxer M. Y... des chefs d'usage de faux et de tentative d'escroquerie au jugement, que les souches de chèques litigieuses, dont elle a expressément constaté qu'elles avaient été falsifiées par M. Y..., étaient dépourvues de valeur probatoire et ne pouvaient entraîner des effets juridiques, en ce qu'elles constitueraient de simples allégations soumises à discussion et à vérification par les parties, cependant qu'appartenant à Mme Z... et ayant pour effet de constater des versements d'argent prétendument faits par celle-ci à sa fille, elles constituaient des éléments de preuve que M. Y..., légataire universel de Mme Z..., pouvait valablement lui opposer dans le cadre de la succession de cette dernière, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"5°) alors que les jugements et arrêts doivent comporter des motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en l'espèce, en retenant d'abord que la production en justice des souches de chèques litigieuses « en l'absence de toute autre pièce permettant d'en éclairer le sens et la portée » n'était pas de nature à entraîner des effets juridiques ni, par conséquent, à influer sur la solution du litige et à nuire aux intérêts de la partie civile et à lui porter préjudice, et en constatant ensuite que le prévenu a fait valoir, dans ses conclusions d'appel déposées le 8 mars 2005 concomitamment à la communication des pièces litigieuses que « Mme X... avait au surplus bénéficié de dons de sommes d'argent importantes tel qu'il en est justifié », ce dont il résulte que la production des souches de chèques litigieuses a été accompagnée de conclusions en éclairant le sens et la portée, la cour d'appel, qui a statué par des motifs contradictoires, a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;

"6°) alors que les juges doivent statuer sur tous les chefs de conclusions dont ils sont saisis ; qu'en l'espèce, Mme X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que l'objectif recherché à travers la production de documents falsifiés était ostensiblement de démontrer un comportement cupide et intéressé de sa part envers sa mère, Mme Z... et de dénigrer leurs relations mère-fille, ce qui lui a causé un préjudice moral dont les répercussions physiques ont été établies ; qu'en relaxant M. Y... des fins de la poursuite, sans répondre à ces conclusions péremptoires, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"7°) alors que si l'élément intentionnel ne peut se déduire de précédentes condamnations prononcées, il appartenait néanmoins à la cour d'appel de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la mauvaise foi de M. Y... ne résultait pas de ce qu'il avait été sanctionné à deux reprises pour des faits identiques commis selon le même mode opératoire et contestés selon le même système de défense » ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.