Cass. crim., 28 octobre 2015, n° 14-83.093
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
M. Soulard
Avocat général :
M. Bonnet
Avocat :
SCP Boré et Salve de Bruneton
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. Z..., salarié de la société noiséenne outillage de presse (SNOP), dirigée par M. X..., a été victime, le 6 mars 2008, d'un accident de travail dans une usine dont le responsable était M. Y... ; que la victime a été amputée des deux jambes et a subi une incapacité de travail de cent vingt jours ; que son travail consistait à réceptionner des camions chargés de bobines d'acier de prés de six tonnes chacune, à les décharger à l'aide d'un pont roulant puis à les stocker dans l'usine ; que l'accident s'est produit alors que le salarié venait de décercler deux bobines, l'une d'elles ayant basculé sur lui ; que les prévenus sont notamment poursuivis des chefs de faux pour avoir établi une fausse délégation de pouvoirs, M. X... étant en outre poursuivi des chefs d'usage de faux, de blessures involontaires et d'infractions au code du travail ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 441-1, 441-9, 441-10, 441- 11du code pénal, de l'article 1382 code civil et des articles 388, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt a déclaré MM. X... et Y... coupables de faux, M. X... coupable d'usage de faux, a condamné M. Y... à une amende de euros avec sursis et M. X... au paiement d'une amende de 5 000 euros dont 2 500 avec sursis ;
" aux motifs que MM. X... et Y... sont poursuivis pour avoir, à Villepinte, entre le 18 mai 2010 et le 20 septembre 2010, falsifié une délégation de pouvoir en matière de sécurité du travail datée du 21 mai 2007 couvrant la période à laquelle est survenu l'accident de M. Alain Z... ; que M. X... est aussi poursuivi pour en avoir fait usage dans les mêmes circonstances de temps et de lieu ; que tous deux sont aussi poursuivis pour avoir, à Villepinte et Argentan, entre le 20 septembre 2010 et le 15 mai 2012, en employant des manoeuvres frauduleuses, en l'espèce en fournissant une fausse délégation de pouvoirs, tenté de tromper le tribunal correctionnel d'Argentan pour le déterminer à consentir un acte opérant obligation ou décharge, en l'espèce la décision de justice, ladite tentative, manifestée par un commencement d'exécution, en l'espèce par la production d'une fausse délégation de pouvoirs ; que le tribunal, suivant l'argumentation que les prévenus ont reprise devant la cour, a retenu qu'indépendamment des irrégularités de date et de lieux contenues dans les citations des prévenus, les infractions de faux et d'usage de faux n'étaient pas constituées faute de l'existence d'un préjudice et que ne l'était pas non plus celle de tentative d'escroquerie qui implique que les manoeuvres soient de nature à déterminer autrui à remettre des fonds, fournir un service ou consentir un acte opérant obligation de décharge car tel ne pouvait être le cas d'un tribunal correctionnel dont la mission est d'analyser les moyens de preuves afin de déterminer la culpabilité des prévenus ; qu'en l'espèce, en se présentant le 20 septembre 2010 à la gendarmerie de VIllers sur Mer qui l'avait convoqué pour l'entendre à la suite de l'accident du travail dont M. Z... avait été victime le 6 mars 2008, M. X... a remis une délégation de pouvoirs constituée de trois feuillets en date du 21 mai 2007 consentie par M. X... à M. Y... pour la période allant du 1er juin 2007 au 31 mai 2008 ; que si la citation délivrée aux prévenus vise maladroitement des faits de faux (et d'usage de faux pour M. X...)
commis à Villepinte entre le 18 mai 2010 et le 20 septembre 2010, sans avoir recours à une formulation plus générale du type « en tout cas sur le ressort du territoire national depuis temps non couvert par la prescription », il n'empêche que ni M. X..., ni M. Y... n'ont pu se méprendre sur les faits qui leur étaient reprochés qui résultent clairement de la procédure qui a été régulièrement mise à leur disposition de sorte qu'ils ont pu se défendre (et l'ont d'ailleurs fait) en sachant parfaitement ce qui leur était reproché, à savoir la falsification (et l'usage pour M. X...) de la délégation de pouvoirs susvisée ; que la question se pose maintenant de savoir si cette délégation de pouvoirs est constitutive d'un faux ; que les gendarmes ont établi que le code figurant sur cette délégation de pouvoirs, en date du 21 mai 2007, n'est entré en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2008 ; qu'il en résulte que ce document a été émis postérieurement à la date qu'il mentionne ; que pour sa défense, M. X... a déclaré qu'il avait sans doute signé ce document au milieu de dizaines d'autres sans faire attention, faisant confiance aux personnes qui lui présentent les documents pour signature ; qu'il a affirmé qu'il n'avait pas donné d'instructions pour qu'un faux soit établi et argumente en disant que s'il avait su qu'il s'agissait d'une fausse délégation de pouvoirs, jamais il ne l'aurait remise à la gendarmerie ; que M. Y... indique lui aussi qu'il n'a pas fait attention en signant ce document et que, de toute façon, en tant que responsable de l'usine de Gace, il se considérait pénalement responsable des infractions en matière d'hygiène et de sécurité ; que les affirmations des deux prévenus, au demeurant peu plausibles compte-tenu de l'importance du document, sont contredites par Mme Marie-José A..., directrice des ressources humaines de la SNOP à Villepinte, qui a indiqué qu'en constatant qu'aucune délégation de pouvoirs n'avait été consentie en matière d'hygiène et de sécurité par M. X... à M. Y... à la date de l'accident dont M. Z... a été victime, elle avait pris l'initiative d'en établir une à posteriori que tant M. X... que M. Y... avaient signé en pleine connaissance de cause ; que de ce qui précède, il résulte que la délégation de pouvoirs du 21 mai 2007 est un faux matériel, que MM. X... (qui seul y avait intérêt) et Y... ont signé, quoiqu'ils en disent, en pleine connaissance de cause afin de réparer l'oubli du service juridique du siège social de l'entreprise qui avait omis d'établir une délégation de pouvoirs couvrant la période où l'accident de M. Z... est survenu ; que contrairement à ce que le tribunal a décidé, pour être constituée, l'infraction de faux n'exige pas qu'il existe un préjudice pour un tiers même si, en l'espèce, il est logique de considérer qu'en soi, l'établissement d'une fausse délégation de pouvoirs lèse les intérêts de la société toute entière, qui plus est, quand elle émane de dirigeants d'entreprise qui jouissent, en raison de leurs fonctions de responsabilité, d'une légitimité certaine aux yeux de leurs concitoyens ; que par suite, MM. X... et Y... devront être déclarés coupables de faux commis sur le ressort du territoire national, depuis temps non couvert par la prescription puisque l'enquête a déterminé que ce faux avait été commis entre le 1er janvier 2008 et le 20 septembre 2010, date à laquelle M. X... n'a pu que remettre en pleine connaissance de cause ce faux, qui le disculpait, à la gendarmerie ; qu'en conséquence, M. X... devra aussi être déclaré coupable d'usage de faux commis à Villers sur Mer le 20 septembre 2010 ; que par contre, MM. X... et Y... devront être renvoyés des fins de la poursuite du chef de tentative d'escroquerie au jugement car la fausse délégation de pouvoirs, remise à la gendarmerie par M. X..., n'a pas été produite devant le tribunal à l'audience duquel les prévenus ont tout de suite acquiescé quand le président leur a dit qu'au moment des faits, il n'existait pas de délégation de pouvoirs valablement consentie à M. Y... ;
" 1°) alors que les juges sont tenus de statuer dans la limite des faits dont ils sont saisis ; que MM. X... et Y... rappelaient, dans leurs écritures d'appel, que la juridiction appelée à statuer était liée par les termes de la prévention qui visaient des faits de faux commis entre le 18 mai 2010 et le 20 septembre 2010 alors qu'il résultait des déclarations de Mme A..., ancienne responsable des ressources humaines au sein de la SNOP, que la délégation de pouvoirs incriminées avait été éditée et signée en 2008 à sa seule initiative ; qu'en déclarant, sur la foi des déclarations de Mme A..., MM. X... et Y... coupables de faux en écritures privées commis entre le 1er janvier 2008 et le 20 septembre 2010 tout en constatant que la prévention visait des faits de faux commis entre le 18 mai 2010 et le 20 septembre 2010 sans avoir recours à une formulation plus générale du type « depuis temps non couvert par la prescription », la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation des textes susvisés ;
" 2°) alors que les juges sont tenus de statuer dans la limite des faits dont ils sont saisis ; qu'en déclarant M. X... coupable d'usage de faux commis à Villers sur Mer tout en constatant qu'elle était saisie des faits d'usage de faux commis par M. X... à Villepinte et Argentan sans avoir recours à une formulation plus générale du type « en tout cas sur le ressort du territoire national », la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation des textes susvisés ;
" 3°) alors que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en déclarant MM. X... et Y... coupables de faux commis depuis temps non couverts par la prescription et M. X... coupable d'usage de faux commis à Villers-sur-Mer le 20 septembre 2010 au motif inopérant que si la citation délivrée aux prévenus vise maladroitement des faits de faux (et d'usage de faux pour M. X...) commis à Villepinte entre le 18 mai 2010 et le 20 septembre 2010, sans avoir recours à une formulation plus générale du type en tout cas sur le ressort du territoire national depuis temps non couvert par la prescription, il n'empêche que ni M. X..., ni M. Y... n'ont pu se méprendre sur les faits qui leur étaient reprochés qui résultent clairement de la procédure qui a été régulièrement mise à leur disposition de sorte qu'ils ont pu se défendre (et l'ont d'ailleurs fait) en sachant parfaitement ce qui leur était reproché, à savoir la falsification (et l'usage pour M. X...) de la délégation de pouvoirs susvisée », sans relever que les prévenus avaient expressément accepté d'être jugés pour des faits commis hors de lieux visés à la prévention et pour une période non couverte par celle-ci, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs en violation des textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la date mentionnée dans la citation, relative aux faits de faux et usage, procédait d'une erreur matérielle que la cour d'appel pouvait rectifier sans modifier l'étendue de sa saisine, les prévenus ayant été préalablement mis en mesure d'en débattre contradictoirement ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 441-1, 441-9, 441-10, 441- 11du code pénal, de l'article 1382 code civil et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt a déclaré MM. X... et Y... coupables de faux, M. X... coupable d'usage de faux, a condamné M. Y... à une amende de euros avec sursis et M. X... au paiement d'une amende de 5 000 euros dont 2 500 avec sursis ;
" aux motifs que M. X... et M. Y... sont poursuivis pour avoir, à Villepinte, entre le 18 mai 2010 et le 20 septembre 2010, falsifié une délégation de pouvoir en matière de sécurité du travail datée du 21 mai 2007 couvrant la période à laquelle est survenu l'accident de M. Z... ; que M. X... est aussi poursuivi pour en avoir fait usage dans les mêmes circonstances de temps et de lieu (¿) ; que le tribunal, suivant l'argumentation que les prévenus ont reprise devant la cour, a retenu qu'indépendamment des irrégularités de date et de lieux contenues dans les citations des prévenus, les infractions de faux et d'usage de faux n'étaient pas constituées faute de l'existence d'un préjudice et que ne l'était pas non plus celle de tentative d'escroquerie qui implique que les manoeuvres soient de nature à déterminer autrui à remettre des fonds, fournir un service ou consentir un acte opérant obligation de décharge car tel ne pouvait être le cas d'un tribunal correctionnel dont la mission est d'analyser les moyens de preuves afin de déterminer la culpabilité des prévenus ; qu'en l'espèce, en se présentant le 20 septembre 2010 à la gendarmerie de Villers-sur-Mer qui l'avait convoqué pour l'entendre à la suite de l'accident du travail dont M. Z... avait été victime le 6 mars 2008, M. X... a remis une délégation de pouvoirs constituée de trois feuillets en date du 21 mai 2007 consentie par M. X... à M. Y... pour la période allant du 1er juin 2007 au 31 mai 2008 ; que si la citation délivrée aux prévenus vise maladroitement des faits de faux (et d'usage de faux pour M. X...) commis à VIllepinte entre le 18 mai 2010 et le 20 septembre 2010, sans avoir recours à une formulation plus générale du type « en tout cas sur le ressort du territoire national depuis temps non couvert par la prescription », il n'empêche que ni M. X..., ni M. Y... n'ont pu se méprendre sur les faits qui leur étaient reprochés qui résultent clairement de la procédure qui a été régulièrement mise à leur disposition de sorte qu'ils ont pu se défendre (et l'ont d'ailleurs fait) en sachant parfaitement ce qui leur était reproché, à savoir la falsification (et l'usage pour M. X...) de la délégation de pouvoirs susvisée ; que la question se pose maintenant de savoir si cette délégation de pouvoirs est constitutive d'un faux ; que les gendarmes ont établi que le code figurant sur cette délégation de pouvoirs, en date du 21 mai 2007, n'est entré en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2008 ; qu'il en résulte que ce document a été émis postérieurement à la date qu'il mentionne ; que pour sa défense, M. X... a déclaré qu'il avait sans doute signé ce document au milieu de dizaines d'autres sans faire attention, faisant confiance aux personnes qui lui présentent les documents pour signature ; qu'il a affirmé qu'il n'avait pas donné d'instructions pour qu'un faux soit établi et argumente en disant que s'il avait su qu'il s'agissait d'une fausse délégation de pouvoirs, jamais il ne l'aurait remise à la gendarmerie ; que M. Y... indique lui aussi qu'il n'a pas fait attention en signant ce document et que, de toute façon, en tant que responsable de l'usine de Gace, il se considérait pénalement responsable des infractions en matière d'hygiène et de sécurité ; que les affirmations des deux prévenus, au demeurant peu plausibles compte-tenu de l'importance du document, sont contredites par Mme A..., directrice des ressources humaines de la SNOP à Villepinte, qui a indiqué qu'en constatant qu'aucune délégation de pouvoirs n'avait été consentie en matière d'hygiène et de sécurité par M. X... à M. Y... à la date de l'accident dont M. Z... a été victime, elle avait pris l'initiative d'en établir une à posteriori que tant MM. X... qu'Y... avaient signé en pleine connaissance de cause ; que de ce qui précède, il résulte que la délégation de pouvoirs du 21 mai 2007 est un faux matériel, que M. X... (qui seul y avait intérêt) et M. Y... ont signé, quoiqu'ils en disent, en pleine connaissance de cause afin de réparer l'oubli du service juridique du siège social de l'entreprise qui avait omis d'établir une délégation de pouvoirs couvrant la période où l'accident de M. Z... est survenu ; que contrairement à ce que le tribunal a décidé, pour être constituée, l'infraction de faux n'exige pas qu'il existe un préjudice pour un tiers même si, en l'espèce, il est logique de considérer qu'en soi, l'établissement d'une fausse délégation de pouvoirs lèse les intérêts de la société toute entière, qui plus est, quand elle émane de dirigeants d'entreprise qui jouissent, en raison de leurs fonctions de responsabilité, d'une légitimité certaine aux yeux de leurs concitoyens ; que par suite, MM. X... et Y... devront être déclarés coupables de faux commis sur le ressort du territoire national, depuis temps non couvert par la prescription puisque l'enquête a déterminé que ce faux avait été commis entre le 1er janvier 2008 et le 20 septembre 2010, date à laquelle M. X... n'a pu que remettre en pleine connaissance de cause ce faux, qui le disculpait, à la gendarmerie ; qu'en conséquence, M. X... devra aussi être déclaré coupable d'usage de faux commis à Villers-sur-Mer le 20 septembre 2010 ;
" 1°) alors qu'il n'y a faux punissable qu'autant que la pièce contrefaite ou altérée est susceptible d'occasionner à autrui un préjudice ; qu'en affirmant, comme un principe, que l'infraction de faux n'exige pas qu'il existe un préjudice pour un tiers et en entrant en voie de condamnation nonobstant l'absence de préjudice, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" 2°) alors que dès lors qu'il admet l'existence d'un faux en écriture privée, le juge du fond est tenu de caractériser le préjudice ; que seul le faux dans un acte authentique ou un document administratif est de nature à causer un préjudice résultant de l'atteinte portée à la foi publique et à l'ordre social ; qu'en affirmant que l'infraction de faux était constituée dès lors qu'elle n'exige pas qu'il existe un préjudice pour un tiers et qu'une fausse délégation de pouvoirs lèse les intérêts de la société toute entière qui plus est quand elle émane de dirigeants d'entreprise qui jouissent, en raison de leurs fonctions de responsabilité, d'une légitimité certaine aux yeux de leurs concitoyens alors que le préjudice résultant d'un faux en écritures privées est un élément constitutif de l'infraction qui ne saurait résulter de la seule atteinte portée à l'ordre social dont la défense appartient au Ministère public dans la poursuite de toute infraction, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucun préjudice, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables de faux et d'usage de faux en ce qui concerne M. X..., l'arrêt énonce que celui-ci a remis à la gendarmerie une délégation de pouvoirs consentie à M. Y..., datée du 21 mai 2007, et que cet écrit a été rédigé postérieurement à la date qu'il mentionne, le code figurant sur ce document n'étant entré en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2008 ; que les juges ajoutent que, selon le témoignage de la directrice des ressources humaines, aucune délégation n'existait à la date de l'accident et que les prévenus avaient signé en connaissance de cause la délégation de pouvoirs qu'elle avait pris l'initiative de rédiger après l'accident ; qu'ils énoncent, enfin, que l'établissement, par des dirigeants d'entreprise, d'une telle délégation, en matière d'hygiène et de sécurité, lèse, en soi, les intérêts de la société tout entière ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations fondées sur l'appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, et dès lors que le faux avait des conséquences juridiques sur la responsabilité de chacun des prévenus dans la réalisation de l'accident, la cour d'appel a, sans insuffisance, caractérisé tous les éléments constitutifs des délits dont elle a reconnu les prévenus coupables, notamment l'existence d'un préjudice susceptible d'affecter soit des intérêts privés, soit un intérêt social ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 121-3, 222-19, 222-44, du code pénal, de l'article L. 263-2-1 du code du travail, de l'article 1382 code civil et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt a déclaré M. X... coupable de faux, M. X... coupable de blessures involontaires, l'a condamné à une peine d'amende de 5 000 euros dont 2 500 avec sursis et l'a déclaré solidairement responsable du préjudice subi par M. Z... ;
" aux motifs qu'il résulte du dossier, sans qu'il soit besoin d'un supplément d'information, que M. X... ne saurait se soustraire à ses obligations en rejetant la responsabilité de l'accident sur la victime alors même qu'en tant que président directeur général de l'entreprise employant M. Z..., il aurait dû évaluer les risques de l'opération de manutention de bobines d'acier de plusieurs tonnes, ce qu'il n'a pas fait puisque la genèse de l'accident a au contraire démontré que M. Z... qui travaillait sur un poste non sécurisé (la bobine, seulement bloquée par le roll block, ne l'était pas forcément par le haut et les salariés pouvaient se déplacer le long alors qu'il n'y avait aucune barrière de chaque côté du rail) n'avait pas reçu par écrit de consignes claires et précises du protocole à suivre alors que ses activités étaient particulièrement dangereuses compte tenu du poids des bobines manipulées ; que ce risque, qui n'avait d'ailleurs même pas été identifié, ne figurait, en conséquence, pas dans le document unique d'évaluation des risques ; qu'en agissant comme rappelé précédemment, M. X... a commis une faute caractérisée à l'origine de l'accident dont M. Z... a été victime ; que par suite, M. X... devra être déclaré coupable des délits susvisés, de même que la SNOP, employeur de la victime ;
" 1°) alors que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage ne sont responsables pénalement que s'il est établi qu'elles ont commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; que M. X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la prévention du risque de basculement existait puisqu'elle se concrétisait par l'utilisation systématique de rails de stockage dénommés « roll block » en application de l'item n° 6 du document unique d'évaluation des risques en vigueur sur le site de Gage ; qu'il faisait également état des déclarations de M. Laurent C...qui rappelait, dans son audition datée du 7 mars 2008, que « M. Z... comme tous les employés a signé une définition de fonctions dans laquelle apparaissent les principes de sécurité. En ce qui concerne ce poste précisément, les consignes sont que chaque bobine doit être calée afin d'éviter tout roulis de même que la bobine doit être positionnée correctement sur le support » ; qu'en affirmant que M. X... avait commis une faute caractérisée dès lors qu'il n'avait pas évalué les risques de l'opération de manutention des bobines d'acier de plusieurs tonnes et que M. Z... n'avait pas reçu par écrit de consignes claires et précises du protocole à suivre, sans répondre aux conclusions d'appel rappelant que le document unique d'évaluation des risques préconisait l'utilisation systématique de rails de sécurité et que M. Z... avait reçu des consignes sur la nécessité de positionner correctement les bobines sur ce rail de sécurité, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation des textes susvisés ;
" 2°) alors que les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage ne sont responsables pénalement que s'il est établi qu'elles ont commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; que M. X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que l'opération de décerclage d'un fardeau composé de deux bobines est censée être sécurisée dès lors que ces deux bobines sont posées correctement sur un rail de sécurité et que l'accident était dû à un mauvais positionnement de l'une des bobines sur le rail de sécurité ; qu'il résulte des constatation de l'arrêt que l'enquête avait permis d'établir que si la bobine d'une largeur de 39 centimètres, avait basculé, c'était parce qu'elle n'avait pas été entièrement posée sur ses cales (rollblock) mais en dépassait de 24 centimètres ; qu'en imputant à M. X... une faute caractérisée à l'origine de l'accident dont M. Z... a été victime, tout en constatant que le basculement des bobines provenait d'un mauvais positionnement de celles-ci sur les rails de sécurité en sorte que l'accident trouvait sa cause dans une négligence de M. Z... au regard des consignes de sécurité imposant de veiller au positionnement correct de ces bobines sur ces rails, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des textes susvisés ;
" 3°) alors qu'en toute hypothèse, la faute caractérisée n'engage la responsabilité de son auteur que s'il est établi qu'il avait connaissance du risque d'une particulière gravité auquel la victime était exposée ; que M. X... faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que le risque de basculement d'une bobine qui est censée être posée sur un rail de sécurité n'était pas identifiable avant l'accident puisqu'il n'avait fait l'objet d'aucune détection de la part des intervenants à la prévention des risques et que le comité d'hygiène et de sécurité, lors de la réunion extraordinaire du 6 mars 2008, jour de l'accident, avait décidé de poursuivre l'activité du secteur après remise en état de l'installation sans même que l'inspection du travail ne formule la moindre objection à la poursuite de l'activité ou ne délivre des conseils sur la méthode de décerclage ; qu'en affirmant que M. X... avait commis une faute caractérisée dès lors que le risque de basculement des bobines n'avait pas même été identifié, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si ce risque était identifiable avant l'accident et si par conséquent M. X... était en mesure d'avoir eu connaissance d'un risque d'une particulière gravité auquel la victime était exposée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable de blessures involontaires, l'arrêt énonce qu'en tant que président directeur général de l'entreprise employant la victime, il aurait dû évaluer les risques de l'opération de manutention de bobines d'acier de plusieurs tonnes, que celle-ci, qui travaillait sur un poste non sécurisé, n'avait pas reçu par écrit des consignes claires et précises du protocole à suivre alors que ses activités, particulièrement dangereuses, ne figuraient pas dans le document unique d'évaluation des risques ; que les juges en déduisent que le prévenu a commis une faute caractérisée à l'origine de l'accident ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance comme de contradiction, d'où il résulte que M. X..., en sa qualité de dirigeant de l'entreprise, qui n'a pas pris les mesures permettant d'éviter la réalisation du dommage, a commis, au sens de l'article 121-3 du code pénal, une faute caractérisée ayant exposé autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.