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Décisions

Cass. crim., 28 mai 1997, n° 96-81.191

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Culie

Rapporteur :

M. Roman

Avocat général :

M. Foyer de Costil

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Dijon, ch. corr., du 7 févr. 1996

7 février 1996

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 150 du Code pénal, 441-1 du nouveau Code pénal, 131-26 du même Code, 509 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre Y... coupable de faux et usage de faux, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis et a prononcé à son encontre , pour une durée de 5 ans, l'interdiction des droits prévus par l'article 131-26, 1°, 2° et 3°, du Code pénal ;

"aux motifs que " la preuve que les factures litigieuses ne correspondaient pas à des commandes résulte des déclarations des dirigeants des entreprises concernées et des constatations faites dans une comptabilité; que, par ailleurs, le représentant de la banque conteste formellement avoir été d'accord avec de telles pratiques; que ces faux étaient générateurs d'un préjudice pour le Crédit Lyonnais puisque celui-ci ne pouvait pas se faire payer par les soi-disant débiteurs" ;

1°) "alors, d'une part, que Pierre Y... a tout au plus procédé, ainsi que cela résulte des éléments du débat et notamment du rapport expertal de M. X..., à des facturations anticipées correspondant réellement aux stocks de bois commandés pour le compte de ses clients réguliers , et qui étaient, par conséquent, causées; qu'il ne s'agissait là que d'un simple procédé comptable destiné à anticiper la demande et non point une altération frauduleuse de la vérité qui aurait été commise sciemment par Pierre Y... , lequel n'a jamais eu le dessein de tromper quiconque; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2° ) "alors, d'autre part, que le faux n'est punissable que s'il cause ou est susceptible de causer un préjudice à autrui; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, certes, retenu que les faux étaient générateurs d'un préjudice pour le Crédit Lyonnais; que, cependant, le Crédit Lyonnais, qui bénéficiait de la caution personnelle de Pierre Y... et n'a subi aucune perte, ne s'est jamais prévalu d'aucun préjudice et a même refusé de déposer plainte; que, dans ces conditions, la cour d'appel, qui n'était saisie d'aucun fait préjudiciel et d'aucune demande de ce chef du Crédit Lyonnais, ne pouvait décider d'office que celui-ci avait subi un préjudice sans violer les articles susvisés et outrepasser les limites de sa saisine" ;

Attendu que, pour déclarer Pierre Y... coupable de faux et d'usage de faux, l'arrêt attaqué et le jugement qu'il confirme retiennent qu'il a cédé à une banque, des créances commerciales qui se sont avérées être inexistantes et qu'il avait émises, à ses propres dires, pour constituer un stock en vue de satisfaire des commandes futures ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que les factures ou bordereaux cédés au titre de la loi du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises constituent des titres dont la falsification, de nature à porter préjudice, entre dans les prévisions des articles 150 ancien et 441-1 nouveau du Code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 197 de la loi du 25 janvier 1985, 198, 200, 201 et 192 de la même loi, de l'article 131-26 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale , défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Pierre Y... coupable de banqueroute et lui a fait application des peines prévues par les textes de répression ;

"aux motifs que "les agissements du prévenu, qui ont porté sur environ 1,4 M, engendraient le paiement d'agios sans contrepartie commerciale, lesquels venaient s'ajouter aux majorations de retard consécutives au défaut de paiement des cotisations dues à la MSA, dont la créance est d'environ 3,4 M, pour constituer des moyens ruineux de se procurer des fonds, en vue de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire" ;

"alors que le délit de banqueroute suppose, pour être constitué, qu'un débiteur, en état de cessation des paiements, ait employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire; que l'arrêt, qui condamne Pierre Y... pour banqueroute, sans, cependant, préciser la date de cessation des paiements, n'a pu donner une base légale à sa décision" ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de banqueroute par emploi de moyens ruineux de se procurer des fonds, les juges relèvent que la société dont il était le gérant, admise au redressement judiciaire le 10 avril 1989 (et déclarée en liquidation judiciaire le 11 décembre 1989), a connu des incidents de paiement dès 1987; que son bilan a présenté pendant deux années consécutives des pertes supérieures à la moitié du capital social et atteignant 2 500 000 francs en 1988; que la mobilisation, à hauteur de 1 400 000 francs, de créances fictives a engendré des agios sans contrepartie commerciale; que les frais financiers se sont élevés à 13 % du chiffre d'affaires de l'exercice 1988 ;

Que l'arrêt ajoute que Pierre Y... savait que sa société était en état de cessation des paiements bien avant qu'intervienne le redressement judiciaire et connaissait le caractère ruineux des moyens qu'il employait pour retarder l'ouverture de la procédure collective ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la juridiction du second degré, loin de violer les textes visés au moyen, en a fait l'exacte application ;

Que, dés lors, le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.