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Décisions

Cass. crim., 22 juin 1999, n° 98-85.258

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

M. Desportes

Avocat général :

M. Launay

Avocat :

SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin

Toulouse, ch. corr., du 28 mai 1998

28 mai 1998

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 177 et 179 de l'ancien Code pénal, L. 152-6 du Code du travail, 6.2 de la Convention européenne de sauvegarde, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un prévenu (Franck X..., le demandeur) coupable du délit de corruption et l'a condamné de ce chef non seulement à 1 an d'emprisonnement avec sursis et à 30 000 francs d'amende mais, en outre, à payer la somme de 10 000 francs à la partie civile ;

"aux motifs que le prévenu reconnaissait avoir reçu de la société Schindler, à titre de dons, une chaîne hi-fi et un objectif Canon ; que, s'il démentait que le caisson étanche lui était destiné, avaient été recueillis au cours de l'information des éléments de conviction suffisants pour en déduire que ce matériel lui était adressé puisque, après la découverte du chèque, l'achat de l'appareil n'avait pas été réalisé, que le représentant de la société à laquelle il était destiné avait déclaré n'avoir pas eu connaissance de ce projet et que la proposition de RCS n'avait pas été retenue, que les explications de Franck X... se heurtaient à des invraisemblances et se trouvaient démenties par les propos du responsable commercial de la société Atoll Sud qui avait précisé que la facturation du matériel avait été annulée avec la mention "devis syndic, régularisation décembre, annulation" ; qu'en réalité, l'acquisition du caisson était identique aux autres cadeaux ;

qu'ainsi, l'intéressé avait bénéficié de cadeaux conséquents excédant les dons d'usage puisqu'il avait reçu une chaîne d'une valeur de 4 500 francs aux environs du 3 mars 1992, un objectif et un caisson étanche d'une valeur totale voisine de 10 000 francs en juillet 1993 et ce, à l'insu de son employeur qui l'avait cependant avisé de la nécessaire distance qu'il devait maintenir à l'égard des fournisseurs ; qu'il était constant que l'entreprise Schindler avait bénéficié de l'attribution de contrats de maintenance des ascenseurs installés dans les copropriétés dont le Cabinet de France avait la gérance chaque fois que s'était posée la question du renouvellement d'un tel contrat et que Franck X... ne pouvait se justifier par le quitus qui aurait été donné par l'assemblée générale de la gestion du syndic dès lors qu'en sa qualité de mandataire, il avait pour mission de gérer les copropriétés au mieux de leurs intérêts en recherchant la prestation aux meilleurs prix et en arrêtant un choix après avoir mis les entreprises en concurrence ; que des contrats de maintenance avaient été confiés à la société Schindler par l'entremise du prévenu dans huit copropriétés ; qu'il était ainsi parfaitement établi que, par son action personnelle, notamment en s'abstenant d'organiser la concurrence entre les sociétés ou en faussant le jeu de cette concurrence, Franck X... avait influencé les organes de copropriétés ou s'était abstenu de les consulter pour finalement contracter avec la société Schindler ; que les dons successifs avaient provoqué des actes successifs et avaient appelé le renouvellement d'actes coupables dont l'enchevêtrement démontrait l'entreprise de corruption ; que les dons de la société Schindler excédaient notablement par leur valeur les cadeaux d'usage et avaient provoqué les avantages octroyés à cette société par les copropriétaires dont le demandeur était le syndic ; que le délit était constitué et la déclaration de culpabilité devait être confirmée ;

"alors que le délit de corruption n'est caractérisé que si se trouve établie l'existence d'une convention passée entre le corrupteur et le corrompu antérieurement à l'acte que la promesse ou le don était censé provoquer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait retenir le demandeur dans les liens de la prévention, après s'être contentée de relever qu'il avait reçu des cadeaux de la société Schindler et que, dans diverses copropriétés dont il assurait la gestion, les contrats de maintenance des ascenseurs avaient été attribués à cette société-là, sans caractériser aucun élément démontrant la réalité d'un accord intervenu entre lui et l'entreprise concernée antérieurement aux agissements qu'il aurait eu pour objet de rémunérer ;

"alors que, en outre, pour prouver qu'une convention antérieure aux agissements reprochés a existé entre les intéressés, il faut, à tout le moins, que les avantages reçus aient été consentis de façon régulière pendant la période durant laquelle ont été commis les faits argués de corruption, de manière à pouvoir en déduire qu'ils ont précédé les agissements du corrupteur et déterminé le corrompu ; que, dès lors qu'il s'inférait tant de ses énonciations que des actes de la procédure que, dans un certain nombre de copropriétés auxquelles elle s'est référée, le choix s'était porté sur l'entreprise Schindler pour assurer la maintenance des ascenseurs plusieurs années avant que le moindre cadeau fût offert au demandeur, la cour d'appel ne pouvait justifier sa décision en affirmant que la preuve de l'entreprise de corruption serait résultée du fait que les dons successifs à l'intéressé auraient provoqué et appelé de sa part le renouvellement des avantages octroyés par les copropriétés ;

"alors que, enfin, toute personne poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été légalement établie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a caractérisé aucun élément établissant que le caisson étanche de caméra vidéo était personnellement destiné au demandeur lorsqu'elle a relevé qu'après la découverte du chèque de 7 030 francs, l'achat du matériel n'avait pas été réalisé, que le représentant de la société à laquelle il était destiné avait déclaré que la proposition de la société Schindler n'avait pas été retenue, que les explications du prévenu se heurtaient à des invraisemblances puisqu'elles suscitaient des questions et que le responsable commercial de la société venderesse de l'appareil avait précisé que, si le matériel avait été commandé, sa facturation avait été annulée avec la mention "devis syndic régularisation décembre, annulation"" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué incomplètement reprises au moyen mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.