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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 20 mars 2014, n° 13/00549

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bouygues Immobilier Entreprise Ile-de-France (SNC), Scrim Ile-de-France (Sté)

Défendeur :

Sogeprom Entreprise Ile-de-France (SAS), Société de Participations A S 2 (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franchi

Conseillers :

M. Picque, Mme Picard

Avocats :

Me Richard, Me Lanoir, Me Claude, Me Herscovici, Me Moreau, Me Olivier, Me Huchet

T. com. Paris, 1re ch. A, du 18 déc. 201…

18 décembre 2012

Le 4 juin 1999, les sociétés SCRIM et BOUYGUES ont cédé leurs parts aux sociétés COPRIM (devenue ultérieurement SOGEPROM), et COMPAGNIE IMMOBILIÈRE PHÉNIX PROMOTION PATRIMOINE -CIPPP- anciennement PROGEMO (et qui deviendra ultérieurement SOCIÉTÉ DE PARTICIPATIONS AS2 (société AS2). Les cédants ont expressément indiqué qu'ils conservaient chacun la charge de la quote part leur incombant dans le redressement fiscal en cours,' en principal, intérêts ou pénalités [...] ainsi que toutes conséquences financières découlant des notifications de redressement'. D'autres cessions de part sont intervenues ultérieurement outre des fusions successives concernant des sociétés associées de la SNC GARE VICTOR HUGO, de sorte que depuis le 5 octobre 2006, la SOCIÉTÉ DE PARTICIPATIONS -AS2- en est devenue l'unique associée et ayant droit.

Antérieurement, les 7 avril et 22 mai 1997, le SIE de Levallois-Perret a notifié deux redressements à la SNC GARE VICTOR HUGO totalisant 38.914.429 F (soit 5.932.466,46 €), Maître Jean LUCIANI ayant alors été chargé de la défense de la SNC par la société COPRIM (aujourd'hui devenue SOGEPROM), l'un des quatre gérants d'alors.

Le 2 avril 1998, Maître LUCIANI a conclu avec la société COPRIM, agissant tant pour son compte que pour le compte des sociétés qu'elle contrôle formant le groupe COPRIM, une convention générale d'honoraires prévoyant :

- des honoraires de travail sur la base de 1.500 F de l'heure (soit 228,67 €/h),

- des honoraires de résultat correspondant à 10 % du montant de l'économie fiscale réalisée.

Le 30 juillet 1999, la direction des services fiscaux des Hauts de Seine a opéré un dégrèvement total et définitif des redressements initialement notifiés à la SNC GARE VICTOR HUGO.

Le 9 septembre 1999, Maître LUCIANI a adressé à la SNC GARE VICTOR HUGO une note d'honoraire d'un montant de 4.750.967,05 F (soit 724.280,26 €) annulée et remplacée le 22 mai 2000, 'à titre dérogatoire à la convention d'honoraires [...] et à la condition d'un règlement effectué au plus tard le 26 mai 2010 ', ramenant les honoraires de résultat d'un montant de 3.891.442 F HT à un montant de 2.880.000 F HT (soit 4 fois 720 KF HT). La note d'honoraire a été partiellement réglée le 14 juin 2000 par la SNC VICTOR HUGO à hauteur de 2.320.240 F (soit 353.718,31 €), les sociétés COPRIM (désormais SOGEPROM) et CIPPP (désormais AS2) ayant chacune contribué au paiement à hauteur de 720.000 F HT (soit 109.763,29 € HT), tandis que la société BOUYGUES y a contribué à hauteur de 500.000 F HT seulement (soit 76.224,51 € HT), la société SCRIM refusant d'y participer en précisant qu'elle avait rémunéré son propre avocat.

Le 18 mars 2008, Maître LUCIANI a mis la société AS2, prise en sa qualité d'ayant droit de la SNC GARE VICTOR HUGO, en demeure de payer le total restant dû d'un montant de 361.764 € (réclamant ainsi une somme supérieure à celle résultant de la minoration d'honoraires opérée le 22 mai 2000 dont la condition de règlement rapide n'avait pas été respectée), tandis que le 1er avril 2008, le conseil de Maître LUCIANI a demandé le paiement total restant dû à la société SOGEPROM, prise en sa qualité d'ayant droit de la SNC COPRIM et Cie.

À défaut de paiement, sur requête de Maître LUCIANI, le Bâtonnier de l'Ordre, par décision du 12 janvier 2009, a fixé les honoraires à hauteur globale de 600.564,06 € HT (soit 3.939.442 F HT) laissant un solde impayé d'un montant de 299.947 €, en déclarant la décision opposable à tous les anciens associés de la SNC GARE VICTOR HUGO qui avaient été attraits devant lui par la société SOGEPROM.

Sur recours, le magistrat délégataire du Premier président de cette cour [ch 2-6] a, par ordonnance du 9 mars 2009, confirmé la fixation du montant des honoraires restant dû à hauteur de 299.947 € mais a précisé que ceux-ci étaient dus uniquement par la société SOGEPROM venant aux droits de la société COPRIM en raison de la transmission universelle de patrimoine du 30 novembre 2005, en estimant que, saisi d'une demande de fixation de la totalité des honoraires dus par la société SOGEPROM cliente de Maître LUCIANI, il n'appartenait pas au Bâtonnier de l'Ordre de dire quelles sociétés en étaient débitrices.

Le pourvoi à l'encontre de l'ordonnance du 9 mars 2009, a été rejeté par arrêt du 12 mai 2011 de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

Les 8 et 10 septembre 2010, la société SOGEPROM a attrait les sociétés AS2, SCRIM et BOUYGUES devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de (dans le dernier état des prétentions formulées en première instance à l'audience du 18 juin 2012 du tribunal) de condamner à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 7 septembre 2010 :

- la société BOUYGUES : 87.699,11 € TTC,

- la société SCRIM : 178.863,82 € TTC,

- la société AS2 : 47.586,92 € TTC,

Outre solidairement 10.000 € de frais irrépétibles.

La société SCRIM a soulevé l'irrecevabilité des demandes à son encontre et les autres sociétés défenderesses se sont opposées aux demandes en soutenant que la convention d'honoraires du 2 avril 1998 leur est inopposable.

Retenant essentiellement que les associés de la SNC restaient tenus du passif né antérieurement à leur retrait, outre que les cédants du 4 juin 1999 s'étaient engagés à supporter leur quote part des conséquences du redressement fiscal, et que :

- d'une part, les honoraires de Maître LUCIANI étaient une conséquence financière dont le principe de l'obligation de paiement est né au jour de sa désignation concomitamment à la notification des redressements fiscaux en avril et mai 1997, les quatre associés originels ayant bénéficié du résultat positif des diligences de l'avocat,

- d'autre part, qu'en contribuant au paiement effectué le 14 juin 2010, les sociétés AS2 et BOUYGUES ont reconnu en être débitrices aux côtés de la société COPRIM, le tribunal, par jugement contradictoire du 18 décembre 2012 assorti de l'exécution provisoire, a fait droit aux demandes de la société SOGEPROM.

La société SCRIM a interjeté appel le 10 janvier 2013 et la société BOUYGUES a interjeté appel le 27 février suivant. Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 17 avril 2013 du conseiller de la mise en état.

Vu les ultimes écritures télétransmises le 26 juin 2013, par la société SCRIM appelante, réclamant 5.000 € de frais irrépétibles à l'encontre de la société SOGEPROM et poursuivant l'infirmation du jugement en demandant sa mise hors de cause et :

- à titre principal, en soulevant à nouveau l'irrecevabilité des demandes à son encontre, en raison de l'ordonnance définitive du 9 mars 2009 du délégataire du Premier président dont il résulte [selon l'appelante] que la société SOGEPROM est seule redevable des honoraires réclamés,

- subsidiairement, en soulevant l'inopposabilité de la convention d'honoraires, à laquelle elle n'est pas partie ni davantage la SNC GARE VICTOR HUGO, et le rejet des demandes de la société SOGEPROM en ce que n'étant pas une filiale de COPRIM, cette dernière ne pouvait pas l'engager et que, par ailleurs, la société COPRIM a, en tout état de cause, outrepassé ses pouvoirs de gérant de la SNC GARE VICTOR HUGO en souscrivant la convention litigieuse d'honoraires, sans l'accord des autres gérants au mépris de l'article 16 des statuts,

- plus subsidiairement, en priant la cour de dire que seule la société AS2 'pourrait éventuellement être redevable des honoraires réclamés' ;

Vu les dernières conclusions télétransmises le 28 août 2013, par la société SOGEPROM intimée, réclamant 10.000 € de frais non compris dans les dépens à l'encontre des parties 'succombantes' et poursuivant essentiellement la confirmation du jugement ;

Vu les dernières conclusions télétransmises le 23 avril 2013, par la société AS2 également intimée, réclamant aussi 10.000 € de frais irrépétibles à l'encontre de la société SOGEPROM et poursuivant :

- à titre principal, en formant appel incident, le rejet de la demande de la société SOGEPROM à son encontre d'un montant de 358.737,50 € [en fait, la demande à son encontre n'est que de 47.586,92 € TTC] en soutenant que la convention d'honoraires du 2 avril 1998 est inopposable aux sociétés AS2, SCRIM et BOUYGUES,

- subsidiairement, la confirmation du jugement tout en priant la cour de déclarer la société SCRIM 'irrecevable et mal fondée' en sa demande très subsidiaire de voir la société AS2 seule redevable des honoraires réclamés ;

Vu les dernières conclusions télétransmises le 23 juillet 2013, par la société BOUYGUES intimée et appelante, réclamant aussi 10.000 € de frais irrépétibles à l'encontre de la société SOGEPROM et poursuivant l'infirmation intégrale du jugement en priant la cour de condamner la seule société SOGEPROM aux dépens ;

SUR CE, la cour :

Considérant liminairement, qu'il n'est pas contesté qu'aujourd'hui les sociétés SOGEPROM, AS2, SCRIM et BOUYGUES sont les ayant-droit successeurs des quatre associés originaires de la SNC VICTOR HUGO au jour de la notification du redressement fiscal ;

Qu'en précisant, dans l'ordonnance du 9 mars 2009, que le solde des honoraires restant dû à hauteur de 299.947 € incombait à la société SOGEPROM, en estimant qu'il n'appartenait pas au Bâtonnier de l'Ordre de dire quelles sociétés en étaient débitrices, le délégataire du Premier président a uniquement statué dans les limites de la saisine initiale du Bâtonnier par l'avocat vis-à-vis du client donneur d'ordre sans statuer sur les personnes ayant éventuellement bénéficié au final des prestations objet des honoraires ainsi fixés, de sorte que l'irrecevabilité soulevée par la société SCRIM (et approuvée par la société BOUYGUES dans les motifs de ses conclusions, mais sans en déduire de demande spécifique la concernant dans le dispositif de ses écritures) n'est pas fondée ;

Qu'en saisissant le Bâtonnier de l'Ordre des avocats d'une requête en fixation de ses honoraires globaux pour ses diligences dans la défense des intérêts de la SNC VICTOR HUGO face à l'Administration, Maître LUCIANI a implicitement, mais nécessairement, renoncé à invoquer l'application de la convention d'honoraires contestée, de sorte que les moyens invoqués par les sociétés AS2, SCRIM et BOUYGUES sur l'éventuelle inopposabilité de ladite convention d'honoraires sont ici inopérants ;

Considérant que les honoraires de l'avocat ayant assuré la défense des intérêts de la SNC VICTOR HUGO sont une conséquence financière dont le principe de l'obligation de paiement par la SNC est né au jour de sa désignation concomitamment à la notification des redressements fiscaux en avril et mai 1997 ;

Que l'article 16 des statuts de la SNC VICTOR HUGO stipule que :

- dans les rapports entre associés, la gérance est investie des pouvoirs nécessaires à la réalisation de l'objet social

- dans les rapports avec les tiers, les gérants, agissant ensemble ou séparément, engagent la société par les actes entrant dans l'objet social ;

Qu'en procédant simplement à la désignation de l'avocat en charge du dossier fiscal, la société COPRIM (aujourd'hui devenue SOGEPROM) a agi dans la limite de ses pouvoirs de gérant dans l'intérêt de la SNC, étant surabondamment observé que, d'une part, les autres associés-gérants ne justifient pas s'y être opposés à l'époque et, d'autre part, que la signature de la convention d'honoraires n'est plus en cause dès lors qu'il a été constaté que Maître LUCIANI a implicitement renoncé à l'invoquer à l'encontre de la SNC VICTOR HUGO ;

Considérant que les associés de la SNC à l'époque de la désignation de Maître LUCIANI pour assurer la défense de la société, demeurent tenus du passif né antérieurement à leur retrait ;

Qu'en se bornant à prétendre ne pas être débitrices du solde desdits honoraires, les sociétés AS2, SCRIM et BOUYGUES n'ont pas véritablement contesté que la société SOGEPROM en a assumé le paiement à hauteur de 358.737,50 € TTC (soit le montant de 299.947 € HT fixé par l'ordonnance du 9 mars 2009 du délégataire du Premier président) ni le décompte effectué par cette dernière pour la répartition entre les quatre associés d'origine en tenant compte des paiements partiels antérieurement effectués ;

Considérant que succombant dans son recours, la société SCRIM ne saurait prospérer dans sa demande d'indemnisation de ses frais irrépétibles et que les sociétés AS2 et BOUYGUES ont sollicité des frais non compris dans les dépens à l'encontre de la seule société SOGEPROM vis-à-vis de laquelle elles succombent également ;

Qu'en revanche il serait inéquitable de laisser à la société SOGEPROM, la charge définitive des frais irrépétibles supplémentaires qu'elle a dû exposer en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne solidairement la sarl SCRIM ILE DE FRANCE, la SOCIÉTÉ DE PARTICIPATIONS AS2 et la SNC BOUYGUES IMMOBILIER ENTREPRISE ILE DE FRANCE aux dépens et, sous la même solidarité, à verser 10.000 € de frais irrépétibles à la société SOGEPROM ENTREPRISE ILE DE FRANCE,

Admet la selarl HJYH, avocat postulant, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.