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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 12 janvier 2016, n° 14/06201

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hebert-Pageot

Conseillers :

M. Boyer, M. Bedouet

T. com. d'Evry, du 16 déc. 2013, n° 2013…

16 décembre 2013

La Sarl Mevix a été créée en novembre 2004 par M. D. pour exercer une activité de mécanique générale, de commercialisation et sous-traitance de machines-outils et de panneaux photovoltaïques.

Sur déclaration de cessation des paiements déposée le 27 septembre 2010, le tribunal de commerce d'Evry par jugement du 4 octobre 2010 a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Mevix, fixé la date de cessation des paiements au 27 septembre 2010 et désigné Maître S. en qualité de liquidateur judiciaire.

Le passif vérifié s'élève à 1,36 million d'euros pour un actif recouvré de 68 700 euros, soit une insuffisance d'actif certaine de 1 301 000 euros.

Il sera relevé qu'un système de fausse facturation mis en oeuvre au sein de la société Mevix a été mis au jour qui a donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire initialement contre x.

Par acte en date du 30 mars 2012, Maître S. a fait assigner M. D. en sanctions, notamment pécuniaire au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif.

M. D. a alors communiqué par conclusions du 6 novembre 2012 divers documents de nature à établir la gestion de fait et les fautes de M. Philippe M. associé avec sa compagne à hauteur de 80% du capital de Mevix au sein de laquelle il occupait un emploi salarié.

C'est dans ces circonstances et au visa des pièces communiquées par M. D. que Maître S. a fait assigner M. M. en poursuivant sa condamnation en sa qualité de dirigeant de fait à contribuer à l'insuffisance d'actif.

Les assignations ont été jointes et par jugement du 16 décembre 2013, le tribunal a condamné M. M., dont la qualité de dirigeant de fait a été retenue, à payer au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif la somme de 300 000 euros à Maître S., ès qualités, et M. D. la somme de 60 000 euros du même chef, a prononcé à l'encontre de M. M. une mesure de faillite personnelle d'une durée de 12 ans et une mesure d'interdiction de gérer, diriger, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale, artisanale et toute personne morale à l'encontre de M. D. d'une durée de 6 ans, M. M. étant en outre condamné à payer à Maître S., ès qualités, la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire, les dépens étant employés en frais privilégiés de procédure collective.

M. M. a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 18 mars 2014.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 7 septembre 2015, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de dire et juger que M. D. est le seul et véritable gérant de la société Mevix, de dire et juger que M. D. supportera seul et personnellement le montant du passif à hauteur de 360 000 euros et de condamner ce dernier à payer cette somme, de condamner les intimés au paiement de la somme de 4 000 euros a titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 octobre 2015, Maître S., ès qualités, demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, de condamner M. M. à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

M. M. et Maître S. ont signifié, le premier sa déclaration d'appel, les deux leurs dernières conclusions à M. D. qui n'a pas constitué avocat.

M. l'avocat général conclut à la confirmation du jugement déféré.

SUR CE

Sur la gérance de fait de M. M.

Pour retenir la gérance de fait de M. M., les premiers juges ont essentiellement relevé qu'il résultait tant de pièces émanant de l'administration fiscale que de l'information judiciaire ouverte notamment contre MM. D. et M. à raison de faits de fausses facturations commis au sein de la société Mevix au préjudice de tiers, que M. M. disposait d'un pouvoir de direction et de contrôle de la société débitrice, qu'il avait sciemment placé M. D. à la tête de la société alors que ce dernier était dépourvu de pouvoir réel, que M. M. était l'animateur et le décisionnaire de la société et que c'est sur ses ordres que M. D. signait les chèques correspondant à de fausses facturations destinées à dissimuler les prélèvements de sommes sur la société.

Pour contester cette qualité, M. M. fait essentiellement valoir :

- que la société a été créée par M. D. qui en a toujours été le gérant de droit, alors qu'il n'est lui-même devenu associé de Mevix qu'en 2007 de sorte qu'il est inexact de soutenir comme l'ont fait les premiers juges qu'il aurait 'placé' M. D. en qualité de gérant,

- que ce dernier signait seul tous les chèques, ordres de virement et factures émis par la société débitrice,

- que le pouvoir de direction de M. D. est encore confirmé par le fait qu'il a procédé en 2010 à son licenciement et à celui de sa compagne

- et que si certains agissements peuvent lui être reprochés sur le plan pénal, liés à un système de fausses facturations, le préjudice en résultant pour la société débitrice ensuite notamment d'un redressement fiscal, de l'ordre de 400 000 euros, ne saurait rendre compte de l'ampleur de l'insuffisance d'actif évaluée à 1, 2 millions d'euros.

Mais il sera relevé, sans égard à la qualité de gérant de droit qui a toujours été celle de M. D. depuis la création de la société Mevix et qui n'exclut nullement une co-gérance de fait, qu'il ressort des pièces produites par le liquidateur judiciaire et des écritures de ce dernier citant les pièces de l'administration fiscale ou le résultat des investigations accomplies dans le cadre de l'information judiciaire ouverte des chefs notamment d'abus de confiance, escroquerie et blanchiment, pièces et écritures auxquelles l'appelant ne réplique pas :

- qu'il disposait de 40% des parts de la société Mevix et avec sa compagne de 80%,

- qu'il percevait un salaire plus élevé que la rémunération du gérant en titre,

- qu'il effectuait seul les démarches commerciales et concluait seul les contrats engageant l'entreprise dans le domaine mécanique,

- qu'il se trouvait à l'origine des virements opérés par la société Mevix à l'étranger sur le compte de Mme Rose Marie B. avec laquelle il réalisait des agissements frauduleux,

- qu'il avait seul la haute main sur la comptabilité, le comptable se déplaçant même à son domicile personnel pour présenter la comptabilité et vérifier les lignes d'enregistrement des factures,

- que c'est encore lui qui a mis en relation la société Mevix avec la société Capital Invest et qui s'occupait des factures Atix Aero et Cryospace, principales victimes ou protagonistes du système de fausses facturations.

Ces éléments constituent un faisceau d'indices qui établit à suffisance que M. M. disposait aux côtés de M. D., d'un pouvoir de direction et de gestion en toute indépendance de ce dernier, agissant comme un véritable co-gérant de fait, peu important que dans la répartition de leurs rôles M. D. ait seul disposé de la signature bancaire.

Sur les fautes de gestion reprochés à M. M.

Les fautes de gestion liées à la tenue d'une comptabilité incomplète et fictive résultent du seul fait des agissements frauduleux résultant des fausses facturations, que M. M. ne conteste pas sérieusement dans le cadre de la présente instance et qui se trouvent encore accrédités par le rapport entre les chiffres d'affaires réalisés par la société Mevix de l'ordre de 700 à 900 000 euros par exercice pour un résultat dégagé de 18 à 51 000 euros selon l'année.

Il est pareillement établi que la société débitrice n'a pas régulièrement et sincèrement déclaré ses charges sociales ;

Le système de fausses factures qui a conduit le tribunal correctionnel de Versailles à prononcer condamnation à l'encontre de l'intéressé par jugement du 4 décembre 2014, caractérise l'augmentation frauduleuse du passif de la personne morale, qui consiste précisément à se reconnaître sciemment débiteur de sommes que la personne morale ne doit pas.

En revanche, l'omission de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal ne sera pas retenue, la date de cessation des paiements fixée par le jugement d'ouverture, ou le cas échéant, le jugement de report, s'imposant au juge de la sanction.

Les trois fautes retenues sont de nature à engager la responsabilité de M. M. au titre de l'insuffisance d'actif.

Sa part contributive, fixée à 300 000 euros par les premiers juges en considération particulière à la créance déclarée par la société Cryospace, principalement victime des agissements de M. M., pour 362 335 euros sera confirmée et l'appelant sera débouté de la demande en garantie qu'il dirige contre M. D., laquelle n'est ni justifiée ni fondée.

Ces trois griefs justifient également pleinement la mesure de faillite personnelle d'une durée de douze ans qui a été prononcée par les premiers juges à l'encontre de l'intéressé.

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement déféré concernant M. D., qui ne font l'objet d'autre critique des organes de la poursuite en cause d'appel, seront confirmées pour le surplus aux motifs retenus par les premiers juges et que la cour fait siens.

Compte tenu de l'issue de l'instance, Maître S., ès qualités, se verra allouer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel seront comptés en frais privilégiés de procédure collective, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne M. M. à payer la somme de 2 500 euros à Maître S. ès qualités, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.