Cass. com., 28 juin 2017, n° 14-29.936
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Ricard, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 5 novembre 2014), que la société Compo conseil (la société Compo), dont M. X... était le gérant, qui avait été condamnée par un arrêt du 12 octobre 2010 à payer la somme de 410 000 euros à la société Black Sea Fish Llc, a été mise en liquidation judiciaire, sur l'assignation de ce créancier, par un jugement du 20 avril 2011, la société Chistophe Mandon étant désignée liquidateur ; que le 20 novembre 2012, le liquidateur a assigné M. X... en responsabilité pour insuffisance d'actif ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer, à ce titre, au liquidateur la somme de 200 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, alors, selon le moyen :
1°/ que la cessation des paiements se caractérise par l'impossibilité de faire face, avec son actif disponible, à ses dettes certaines, non contestées, échues et ne faisant l'objet d'aucun moratoire ; qu'en se bornant, pour juger que M. X... avait tardé à déclarer la cessation des paiements, à faire référence à la date de cessation de paiement fixée provisoirement par le jugement ayant ouvert la procédure de liquidation judiciaire sans caractériser l'impossibilité pour la société de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
2°/ que l'état de cessation des paiements ne s'évince pas de pertes comptables ; qu'en relevant cependant que le résultat de la société Compo était déficitaire selon le bilan 2009 et 2010, pour retenir l'état de cessation des paiements au 12 octobre 2010 et ainsi imputer à faute à M. X... d'avoir tardé à déclarer cette situation, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 651-2 du code de commerce ;
3°/ que l'état de cessation des paiements ne s'évince pas de la seule existence d'un passif ; qu'en relevant cependant que la créance de la société Black « consacrée par deux décisions de justice, dont l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux définitif, remontait au mois de novembre 2007 », pour retenir l'état de cessation des paiements au 12 octobre 2010 et ainsi imputer à faute à M. X... d'avoir tardé à déclarer cette situation, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 651-2 du code de commerce ;
4°/ que la poursuite d'une activité déficitaire n'est pas fautive lorsqu'existent des perspectives de redressement ; qu'en imputant à faute à M. X... d'avoir poursuivi l'activité de la société Compo conseil au seul motif que cette société enregistrait des pertes comptables et que son résultat était déficitaire, sans rechercher, comme elle y était ainsi invitée, si les résultats déficitaires n'étaient pas justifiés par des événements ponctuels autorisant légitimement la poursuite de l'activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
5°/ que l'insuffisance d'actif résulte de la différence entre le passif et l'actif ; qu'en se bornant à retenir, pour évaluer l'insuffisance d'actif à la somme de 445 000 euros, qu'aucun actif de valeur n'avait « pu être recouvré par le liquidateur du fait de la quasi inexistence au moment de l'ouverture de la procédure collective d'un compte client à recouvrer » sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la société Compo conseil ne demeurait pas créancière du groupe Pipa à concurrence de près de 500 000 euros, créance que le liquidateur avait renoncé à recouvrer en raison de la nationalité étrangère du débiteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
6°/ que la faute de gestion n'engage la responsabilité du dirigeant que si elle a contribué à l'insuffisance d'actif ; qu'en se bornant à relever que les fautes imputées à M. X..., qui auraient été commises en 2010, avaient été « à l'origine de l'insuffisance d'actif » cependant qu'elle constatait elle-même que la principale dette de la société Compo conseil « remont [ait] au mois de novembre 2007 », la cour d'appel a privé sa décision base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion au sens de l'article L. 651-2 du code de commerce, s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report ; qu'ayant constaté que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire avait fixé au 12 octobre 2010 la date de cessation des paiements de la société Compo, soit sept mois avant l'ouverture de la procédure, le 20 avril 2011, sur assignation d'un créancier, la cour d'appel, qui a retenu que M. X..., gérant de droit de cette société, avait commis la faute consistant à ne pas déclarer l'état de cessation des paiements de celle-ci dans le délai légal de quarante-cinq jours, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que les résultats de la société Compo ont été déficitaires, d'une façon importante au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2010, faisant apparaître, pour cet exercice, un chiffre d'affaires de 65 536 euros pour une perte de 100 860 euros liée à des charges d'exploitation s'élevant à 149 595 euros, dont plus de 51 000 euros correspondant à la rémunération en salaires et charges sociales de M. X..., tandis que le bilan, au titre de ce même exercice, faisait apparaître, au poste " autre créance ", une somme de 69 810 euros correspondant aux avances dont a bénéficié la société Windsiberica, dont M. X... était le dirigeant ; qu'il retient que, dans ce contexte de dégradation du chiffre d'affaires de la société débitrice, le fait que la rémunération de M. X... ait été maintenue, voire augmentée, à un niveau très important pour représenter, charges incluses, le montant du chiffre d'affaires de la société débitrice et que, dans cette même période, des avances aient été consenties sur la trésorerie de celle-ci au bénéfice d'une autre société de M. X... constituent des fautes de gestion en lien direct avec l'insuffisance d'actif s'élevant à la somme de 445 000 euros, soit la quasi-totalité du passif déclaré, aucun actif de valeur n'ayant pu être recouvré par le liquidateur du fait de la quasi-inexistence, au moment de l'ouverture de la procédure, d'un compte client à recouvrer ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.