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Décisions

Cass. com., 9 septembre 2020, n° 17-27.208

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

Mme Brahic-Lambrey

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SCP Alain Bénabent, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP L. Poulet-Odent, SCP Thouin-Palat et Boucard

Bordeaux, du 4 sept. 2017

4 septembre 2017

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 4 septembre 2017) et les productions, la société Oxygen a été mise en liquidation judiciaire le 21 mai 2010, la date de cessation des paiements étant provisoirement fixée au 22 avril 2010 et la société Pimouguet Leuret Devos Bot désignée liquidateur. A la requête du liquidateur, un technicien a été désigné par ordonnance du juge-commissaire afin d'examiner la comptabilité de la société.

2. Après dépôt du rapport, le liquidateur a assigné Mme B... et Mme U..., respectivement présidente et directrice générale de la société Oxygen, en responsabilité pour insuffisance d'actif. Celles-ci ont appelé en garantie les sociétés H Audit, NSK Fiduciaire venant aux droits de la société ACGI, Hoche et associés, et @com.A2CE, commissaire aux comptes et experts comptables successifs de la société, la société Hoche et associés Bergerac intervenant volontairement à l'instance à ce titre.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses troisième, cinquième et sixième branches et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches

Enoncé du moyen

4. Mmes B... et U... font grief à l'arrêt de dire qu'elles ont commis des fautes de gestion ayant conduit à l'insuffisance d'actif dont pâtit la liquidation judiciaire, de constater qu'elles engagent leur responsabilité en qualité de dirigeant de droit de la société Oxygen, et de les condamner solidairement au paiement d'une somme de 1 296 760,11 euros au liquidateur, de les débouter de toutes demandes contraires et de prononcer leur faillite personnelle pour une durée de cinq ans alors :

1°/ « que le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée unilatéralement à la demande de l'une des parties ; que pour retenir l'existence de plusieurs fautes de gestion à l'encontre des exposantes, la cour d'appel s'est appuyée exclusivement sur le rapport établi non contradictoirement par M. E... désigné à la demande du liquidateur ; qu'en statuant ainsi, sans asseoir sa décision sur d'autres éléments du débat, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile » ;

2°/ « qu'en disant que Mme B... a commis une faute de gestion pour avoir injecté le montant de la prime d'un montant de 30 000 euros dans l'augmentation du capital lors de la transformation de la société Oxygen en SAS, de sorte que cette augmentation aurait été réalisée à partir de fonds appartenant initialement à la société, quand cette prime constituait une partie de sa rémunération et avait dès lors quitté le patrimoine social, la cour d'appel s'est déterminée par un motif impropre à caractériser une faute de gestion, violant ainsi l'article L. 651-2 du code de commerce ».

Réponse de la Cour

5. M. E... ayant été désigné en application de l'article L. 621-9, alinéa 2, du code de commerce, par le juge-commissaire qui a déterminé sa mission, le moyen procède, en sa première branche, du postulat erroné que ce technicien aurait réalisé unilatéralement une expertise à la demande de l'une des parties.

6. Ayant ensuite relevé, par motifs propres et adoptés, que la prime de 30 000 euros perçue par la dirigeante lui avait été attribuée indûment, aux seules fins d'augmentation du capital, la cour d'appel, qui en a déduit que cette augmentation avait été réalisée à partir de fonds sociaux, a caractérisé une faute de gestion de Mme B... à ce titre.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. Mmes B... et U... font le même grief à l'arrêt, alors « qu'un dirigeant social ne peut être condamné à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif que s'il est établi un lien de causalité entre chaque faute de gestion retenue à son encontre et l'insuffisance d'actif constatée ; que pour les condamner au paiement d'une somme de 1 296 760,11 euros au liquidateur, la cour d'appel a retenu qu'elles avaient incontestablement contribué à l' insuffisance d'actif en laissant perdurer le fonctionnement déficitaire de la société, de sorte que le lien de causalité entre les fautes de gestion et l' insuffisance d'actif était établi ; qu'en statuant ainsi, sans nullement caractériser leur lien causal avec l'insuffisance d'actif constatée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du code de commerce ».

Réponse de la Cour

9. L'arrêt relève d'abord que des loyers d'immeubles occupés par Mme B... et son fils ont été pris en charge par la société Oxygen, que cette société a connu divers changements d'adresse pour des motifs obscurs ayant généré d'importants loyers au profit de SCI dans lesquelles Mmes B... et U... étaient associées, que Mme B... s'est fait attribuer une prime indue de 30 000 euros pour procéder à une augmentation de capital à partir de fonds initialement présents dans la société, qu'elle a détourné une somme de 100 000 euros à son profit, appréhendant la totalité du résultat de l'année 2007 et amputant les comptes de la société de fonds dont celle-ci avait besoin, que Mme U... a perçu la somme de 22 200 euros, bien qu'elle ne fût pas encore salariée, et celle, indue, de 29 222 euros et que des charges supplémentaires et salaires également indus ont été supportés par la société Oxygen au profit de tous les membres de la famille de Mme B... pour des rémunérations considérables et qui, s'agissant de M. M... B..., traduisent une évolution salariale fulgurante et non justifiée. Ayant ensuite constaté que le passif de la société Oxygen s'élevait à la somme définitive de 1 306 170,11 euros tandis que l'actif réalisé n'était que de 9 410 euros et retenu que les deux dirigeantes avaient laissé perdurer le fonctionnement déficitaire de la société en 2008, 2009 et 2010, le passif augmentant encore de 408 819 euros entre le 1er janvier 2010 et le 21 mai 2010, date de l'ouverture de la liquidation judiciaire, la cour d'appel a fait ressortir que les fautes de gestion mentionnées ci-dessus étaient à l'origine du passif et de la quasi-absence d'actif et, par conséquent, qu'elles avaient contribué à l'insuffisance d'actif, justifiant ainsi légalement sa décision.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

11. Mmes B... et U... font grief à l'arrêt de les condamner in solidum à payer aux sociétés NSK, H Audit, Hoche et associés et Hoche & associés Bergerac chacune la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts alors :

1°/ « que les dommages-intérêts pour procédure abusive ont pour fonction de réparer le préjudice subi par le défendeur, et non de sanctionner le demandeur ; que, pour les condamner à payer des dommages-intérêts pour procédure abusive aux comptables appelés en garantie, la cour d'appel s'est bornée à retenir que la réitération devant elle de demandes manifestement vouées à l'échec revêtait un caractère abusif qui devait être sanctionné ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »

2°/ « que les dommages-intérêts pour procédure abusive ont pour fonction de réparer le préjudice subi par le défendeur, et non de sanctionner le demandeur ; que, pour condamner les exposantes à payer des dommages-intérêts pour procédure abusive aux comptables appelés en garantie, la cour d'appel s'est bornée à retenir que la réitération devant elle de demandes manifestement vouées à l'échec revêtait un caractère abusif qui devait être sanctionné ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

12. L'arrêt ayant retenu que, sous le couvert de l'appel en garantie des sociétés d'expertise comptable, réitéré en appel bien que manifestement voué à l'échec, les dirigeantes de la société Oxygen voulaient seulement accéder à des informations, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine, par la cour d'appel, de l'existence du préjudice qui résultait, pour ces sociétés, du fait d'avoir été attraites en justice sans motif procédural valable.

13. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.