Cass. 2e civ., 6 avril 2009, n° 08-11.163
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gillet
Rapporteur :
M. Vigneau
Avocat général :
M. Maynial
Avocats :
SCP Bachellier et Potier de La Varde, SCP Capron
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 novembre 2007), que la société Mutua équipement (la société) ayant été mise en liquidation judiciaire, M. Jacques X..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société, a obtenu en référé la désignation de deux experts judiciaires chargés de rechercher l'origine et les causes des difficultés financières de la société puis a engagé une action en comblement du passif social à l'encontre de plusieurs anciens dirigeants de droit et de fait de la société, parmi lesquels M. Jean-Claude Y..., dirigeant de fait de la société Sifac ; que le tribunal a condamné M. Y... à payer au liquidateur judiciaire une certaine somme sur le fondement de l'article L. 624-3 du code de commerce alors applicable ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de nullité du rapport d'expertise, alors, selon le moyen, que l'exigence d'impartialité, à laquelle est soumis tout tribunal, doit être appréciée subjectivement et objectivement ; que l'un des experts au vu du rapport duquel le tribunal s'était prononcé ayant été en relation d'affaires avec M. Y..., ce qui l'avait conduit, en raison d'un souci d'impartialité exagéré, à négliger les arguments que ce dernier avait fait valoir pour défendre sa position lors des opérations d'expertise et, ainsi, à adopter une attitude partiale et finalement défavorable à celui-ci, la cour d'appel, en négligeant de vérifier l'impartialité subjective de l'expert, comme il le lui était pourtant demandé, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que l'arrêt relève que l'un des experts ayant rédigé et signé le rapport d'expertise judiciaire était, entre 1988 et 1990, le commissaire aux comptes d'une société dont M. Y... était le dirigeant, que son cabinet d'expertise-comptable avait effectué, en 1986 et 1987, des travaux comptables et des analyses financières pour plusieurs sociétés également dirigées par M. Y..., et que celui-ci avait participé aux opérations d'expertise en présence de l'expert en cause, sans soumettre de problème d'incompatibilité ni demander sa récusation ; que M. Y..., qui avait nécessairement connaissance des missions d'expertise comptable préalablement menées par l'expert auprès de sociétés qu'il dirigeait, n'est pas recevable à invoquer devant la Cour de cassation la violation de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il n'a pas fait usage de la possibilité d'en obtenir le respect en récusant l'expert par application de l'article 234 du code de procédure civile et qu'en s'abstenant de le faire avant le début des opérations d'expertise, il a ainsi renoncé sans équivoque à s'en prévaloir ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner, comme dirigeant de fait de la société Mutua équipement, à combler le passif de cette dernière, alors, selon le moyen, que l'autorité de la chose jugée au pénal interdit à la juridiction civile de méconnaître ce qui a été définitivement jugé par le juge répressif ; que la cour d'appel de Paris ayant, par un arrêt confirmatif du 29 mars 2006, jugé que la société Sifac, dirigée par M. Y..., s'était comportée comme simple mandataire de la société Mutua ce qui excluait l'accomplissement, au sein de celle-ci, d'actes de gestion fautive, la cour d'appel en condamnant M. Y..., en tant que dirigeant de fait de la société Mutua, à combler le passif de cette société à hauteur de 100 000 euros, a violé le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ;
Mais attendu que l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s'étend qu'a ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait qui forme la base commune de l'action civile et de l'action pénale, à sa qualification et à la culpabilité ou à l'innocence de celui à qui ce fait est imputé ; qu'après avoir constaté que les décisions de relaxe étaient intervenues lors de poursuites dirigées à l'encontre de M. Y... pour escroquerie et de la société Sifac pour exercice illégal de la profession de banquier, c'est sans méconnaître l'autorité de la chose jugée que la cour d'appel, relevant que les fautes reprochées sur le fondement de l'article L. 624-3 du code de commerce alors applicable n'étaient pas identiques à celles écartées par les décisions de relaxe, a retenu que M. Y... avait accompli des actes de gestion fautifs ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société Mutua équipement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.