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Décisions

Cass. 3e civ., 17 novembre 2016, n° 15-18.345

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Richard, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Bastia, du 11 mars 2015

11 mars 2015

Donne acte à M. Bernard X..., ès qualités, de sa reprise d'instance en qualité de liquidateur de la société DM production ;

Donne acte à la société DM production et à M. Bernard X..., ès qualités, de leur désistement du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société France assurance consultants, ès qualités ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 11 mars 2015), que la société DM production a pris à bail commercial divers locaux situés en rez-de-chaussée et sous-sol d'un immeuble appartenant à M. Y... ; que, se plaignant de l'état d'abandon de l'immeuble dans lequel s'est trouvé le local loué et d'infiltrations apparues en 2009 l'empêchant d'exercer son activité, elle a assigné M. Y..., en remise en état de l'immeuble et indemnisation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles 1134, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1755 du code civil ;

Attendu qu'aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure ;

Attendu que, pour limiter la condamnation du bailleur au paiement d'une somme correspondant au coût des seules grosses réparations, l'arrêt retient que les travaux de remise en état des baies vitrées et la fourniture, ainsi que la pose des pavés de verre, n'étant pas des grosses réparations, elles ne sont pas à la charge du bailleur et que les travaux préconisés par l'expert pour permettre la reprise de l'activité commerciale sont, par application de l'article 6 du bail, à la charge de la société DM production en sa qualité de preneur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf disposition expresse du bail, le locataire, nonobstant la clause du bail mettant à sa charge l'entretien et les réparations autres que celles de l'article 606 du code civil, ne peut être tenu des réparations réputées locatives qui sont la conséquence de la vétusté, la cour d'appel, qui a constaté que les désordres causés aux locaux loués étaient directement liés à la vétusté, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;

Sur le deuxième moyen :

Vu les articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et 1149, devenu 1231-2, du code civil, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice ;

Attendu que, pour fixer à une certaine somme le montant des dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance subi par la locataire, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la persistance des infiltrations durant plusieurs années a causé un trouble de jouissance qu'il convient d'évaluer de façon forfaitaire à 20 000 euros et, par motifs propres, qu'une telle somme paraît suffisante au regard du préjudice subi par celle-ci dans la jouissance de son activité ;

Qu'en fixant ainsi forfaitairement le préjudice, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés ;

Et sur le quatrième moyen :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que, pour rejeter la demande de la société locataire en suspension des loyers, l'arrêt retient qu'il est constant que cette société n'exploite plus de commerce dans le local qu'elle continue à louer à M. Y..., que, cependant, les pertes récurrentes au cours des exercices précédant l'apparition des premières infiltrations démontrent que son exploitation était déjà défaillante en 2009 et qu'elle n'est pas fondée à invoquer des désordres affectant le local pour obtenir une suspension des loyers ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'absence d'exécution par le bailleur des travaux destinés à mettre un terme aux infiltrations n'avait pas eu pour conséquence une impossibilité pour la locataire de poursuivre son activité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les troisième et cinquième moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

Condamne M. Joseph Marie Y... à payer à la SARL DM Production la somme de (trente deux mille sept cent soixante quatre euros huit centimes) (32 764,08 euros) TVA de 5,5 % comprise (31 056,00 euros hors taxe) correspondant au coût des grosses réparations du local loué que devra faire la SARL DM Production à savoir :

a- terrasse :

- démolition du revêtement du sol de la terrasse, du palier et des escaliers d'accès compris arrachage de l'ancienne étanchéité ; évacuation des gravats dans une décharge publique agréée ; réalisation d'un plot pour le passage de la canalisation de descente d'eaux pluviales compris fourreau et joint d'étanchéité ; réalisation d'emplacement pour la pose des platines d'évacuation des eaux compris boîtes à eau, grilles et gargouilles (2) ; réalisation d'engravure dans les murs porteurs ; fourniture et pose d'une étanchéité multicouches sur l'ensemble de la terrasse du palier et de l'escalier ; fourniture et pose de relevés ; fourniture et pose d'une protection sur les relevés (grillage et mortier ciment) ainsi que fourniture et pose revêtement de sol compris plinthes,

b- bâtiment élévation :

- réalisation d'une étanchéité soudée entre les deux parties du bâtiment, réalisation d'une étanchéité au niveau de la gaine d'extraction ou suppression et rebouchage de la paroi et traitements des fissures en façade,

c- bâtiment VRD :

- dégagement des terres de la jardinière et terrassement de l'ensemble, démolition de la paroi translucide compris piquetage du support et scellement de fers, réalisation d'une maçonnerie en agglomérés de béton scellée par des fers à béton sur la maçonnerie existante et dépassant du sol d'au moins 0,20 mètre, réalisation d'un appui en béton y compris reprise des tableaux, réalisation d'un enduit intérieur et extérieur à base de résine époxy sur l'ensemble de la maçonnerie nue, fourniture et pose d'un enduit d'application à chaud et d'un feutre bitumé soudé compris solin d'arrêt ainsi que réalisation d'un trottoir avec pente donnant côté chaussée compris bordurage de la cour anglaise,

d- travaux d'embellissement :

- traitement et mise en peinture des parois et du plafond du hall d'accueil, de la cuisine et du magasin attenant ainsi que du bar, de la piste de danse et du couloir,

l'arrêt rendu le 11 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.