Livv
Décisions

Cass. com., 26 mai 2009, n° 08-17.138

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Tric

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Vincent et Ohl

Paris, du 15 mai 2008

15 mai 2008

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2008), que par décision du 1er mars 2007, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) a retenu que M. X..., dirigeant de la société GFI informatique (la société GFI), avait commis des manquements d'initié, d'abord, en cédant des titres GFI au cours des semaines précédant la publication par cette société d'un avertissement sur résultats du 9 novembre 2004, alors qu'il détenait une information privilégiée relative aux prévisions de marge opérationnelle du second semestre 2004, ensuite, en cédant des titres GFI au cours des semaines précédant la publication, le 15 mars 2005, d'un communiqué annonçant les résultats de l'exercice 2004 et faisant apparaître un important résultat net négatif, alors qu'il détenait une information privilégiée sur le résultat net de la société au titre de cet exercice, et a prononcé à son encontre une sanction pécuniaire ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre cette décision, alors, selon le moyen :

1°/ que les analyses financières publiées au sujet de la situation d'un émetteur de titres participent pleinement de l'information du public ; qu'il s'ensuit que le caractère public ou privilégié d'une information relative à la situation d'un émetteur de titres ne peut s'apprécier sans égard pour le contenu des analyses publiées au sujet de cet émetteur ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que de nombreux analystes financiers avaient clairement mis en lumière, bien avant l'annonce faite le 9 novembre 2004 par la société GFI d'un avertissement sur résultats, que les prévisions de marge opérationnelle annoncées par la société GFI ne seraient pas atteintes, recommandant au public de se tenir à l'écart du titre ; qu'il produisait de très nombreux articles de presse et analyses publiés en ce sens et faisait valoir que le marché avait d'ores et déjà intégré l'information selon laquelle la société GFI ne pourrait remplir ses objectifs de marge opérationnelle pour le second semestre 2004 ; qu'en jugeant néanmoins que les analyses financières publiées au sujet du titre GFI, quel que fût leur contenu, n'étaient pas de nature à modifier le caractère de cette information, au prétexte qu'elles ne s'analyseraient que comme des appréciations subjectives émanant de tiers étrangers à la société, la cour d'appel a violé l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, dans sa version applicable à la cause ;

2°/ que seule une information susceptible d'avoir une incidence sensible sur le cours d'un instrument financier peut être qualifiée d'information privilégiée au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, que cette incidence sensible ne peut s'apprécier qu'in concreto, au terme d'un examen précis et circonstancié de l'influence que l'information en cause est susceptible d'exercer sur le cours de l'émetteur, au regard des attentes du marché ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que l'annonce faite par la société GFI le 9 novembre 2004 de ce que ses prévisions de marge opérationnelle pour le second semestre ne seraient pas atteintes avait été largement anticipée par le marché à la suite de nombreuses études négatives publiées par des analystes financiers ; qu'en repoussant ce moyen de défense, à la faveur de l'affirmation abstraite et générale selon laquelle l'annonce par l'émetteur de ce que ses prévisions de résultats ne seront pas atteintes serait, par nature, susceptible d'avoir une incidence sensible sur le cours des titres émis, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

3°/ que la qualification de manquement d'initié suppose que l'agent ait effectivement eu conscience de détenir une information privilégiée, de nature à lui imposer une obligation d'abstention ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'il n'avait pas eu conscience de détenir une information privilégiée en l'état des analyses financières très négatives qui, dès avant l'annonce faite le 9 novembre 2004 par la société GFI d'un avertissement sur résultats, avaient porté à connaissance du public l'effritement de la marge opérationnelle de la société ; qu'en omettant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, dans sa version applicable en la cause ;


Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que s'était tenue, le 20 octobre 2004, une réunion du comité exécutif de la société GFI au cours de laquelle avaient été arrêtées des données précises relatives à la marge opérationnelle du troisième trimestre 2004 ainsi qu'à son incidence sur celle de l'année 2004, et constaté que celle-ci se situait nettement en dessous des attentes des analystes, la cour d'appel en a exactement déduit que cette circonstance constituait une information privilégiée dès lors que, quelle qu'ait été la teneur des commentaires et des analyses financières, le public n'avait su qu'après la publication du communiqué du 9 novembre 2004 que la marge opérationnelle annoncée par l'émetteur et attendue par les investisseurs ne serait pas atteinte ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient exactement que l'annonce par un émetteur du fait que ses prévisions de résultats ne seront pas atteintes est, par nature, susceptible d'avoir une incidence sensible sur le cours des titres émis ;

Et attendu, enfin, qu'ayant constaté que M. X... avait été destinataire dès le 14 octobre 2004 d'un courrier alarmiste émanant du président directeur général et qu'il avait participé, le 20 octobre 2004, à la réunion du comité exécutif au cours de laquelle avait été constaté le non-respect de la prévision annoncée et attendue, la cour d'appel a fait ressortir qu'il avait conscience de détenir une information privilégiée et ainsi légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que seule une information susceptible d'avoir une incidence sensible sur le cours d'un instrument financier peut être qualifiée d'information privilégiée au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF ; que cette incidence sensible ne peut s'apprécier qu'in concreto, au terme d'un examen précis et circonstancié de l'influence que l'information en cause est susceptible d'exercer sur le cours de l'émetteur, au regard des attentes du marché ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir dans ses conclusions d'appel que l'annonce d'un résultat négatif faite par la société GFI le 15 mars 2005 n'était pas, par elle-même, de nature à inquiéter les investisseurs et, partant, à exercer une influence sensible sur le cours du titre, dès lors que ce résultat négatif s'expliquait, pour l'essentiel, par des charges non décaissées provenant de la comptabilisation de la dépréciation des filiales d'Europe du Nord et de l'amortissement des écarts d'acquisition de filiales étrangères ; qu'il ajoutait qu'il résultait des études publiées au lendemain de l'annonce de ce résultat négatif que les analystes financiers avaient estimé que cette information serait sans incidence sur l'appréciation des perspectives de la société ; qu'en se bornant à affirmer de manière péremptoire que l'annonce d'un résultat négatif était par nature susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des titres, sans se livrer à l'appréciation concrète qu'il lui était demandé d'effectuer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

2°/ que M. X... faisait encore valoir dans ses conclusions d'appel que dans le mois qui avait précédé la publication du résultat négatif de la société GFI, le cours de l'action était descendu plusieurs fois en deçà du niveau qui était le sien au lendemain de cette publication, ce dont il s'évinçait que l'annonce de ce résultat négatif faite par la société GFI le 15 mars 2005 n'avait pas exercé d'influence sensible sur le cours du titre ; qu'en se bornant néanmoins, pour affirmer le contraire, à relever que l'annonce de ce résultat négatif avait entraîné une baisse de près de 8 % du cours de l'action dans la journée du 16 mars 2005, sans s'expliquer ainsi qu'elle y était invitée sur l'évolution du cours de l'action au cours des semaines ayant immédiatement précédé cette annonce, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF ;

Mais attendu qu'ayant relevé que si le marché savait depuis décembre 2004 que le résultat net de l'exercice 2004 serait négatif, les prévisions de perte n'excédaient pas alors 10 000 000 euros et que l'ampleur de cette dernière, finalement arrêtée à 27 200 000 euros, de même que le niveau de la dépréciation exceptionnelle des "goodwill", étaient largement inattendus du marché, ce dont elle a déduit que ces informations étaient, par nature, susceptibles d'avoir une incidence sensible sur le cours des titres, la cour d'appel a ainsi, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.