Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 24 janvier 2017, n° 14/25549

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Brevetix (SARL)

Défendeur :

Newmat (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rajbaut

Conseillers :

Mme Douillet, Mme Picard

Avocats :

Me Levy, Me Valentie, Me Bizollon

TGI Paris, du 21 nov. 2014, n° 12/16314

21 novembre 2014

E X P O S É D U L I T I G E

La SARL BREVETIX exploite les inventions de M. Jean Marc S. qui concernent essentiellement des produits dans le domaine des plafonds tendus ;

Elle est titulaire du brevet français n° FR 2 843 142 déposé le 02 août 2002 par MM Jean Marc S. et Jean Paul S., délivré le 01 juillet 2005 et qui lui a été cédé par acte inscrit au Registre national des brevets le 30 mars 2012 ;

La SAS NEWMAT fabrique et commercialise des plafonds tendus, ainsi que, sous la dénomination MIR. O.DAL, des panneaux autoportants avec une armature en tube d'aluminium revêtue d'un film PVC en double peau, généralement destinés à être suspendus pour constituer un plafond ;

Exposé des faits

Estimant que la SAS NEWMAT exploite par sa gamme MIR. O.DAL des parois et des plafonds reproduisant selon elle les caractéristiques couvertes par son brevet n° FR 2 843 142, la SARL BREVETIX a d'abord fait procéder le 17 janvier 2012 à un constat d'huissier sur Internet, sur le site <www. mirodal. com>, puis, autorisée par ordonnance présidentielle du 18 octobre 2012, a fait procéder le 24 octobre 2012 à une saisie contrefaçon au siège de la SAS NEWMAT avant de la faire assigner le 23 novembre 2012 devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de la revendication 1 de son brevet n° FR 2 843 142 ;

Reconventionnellement, la SAS NEWMAT a soulevé la nullité des opérations de saisie contrefaçon du 24 octobre 2012 et la nullité de la revendication 1 du brevet n° FR 2 843 142 ;

Par jugement contradictoire du 21 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :

annulé la saisie contrefaçon effectuée le 24 octobre 2012 au siège de la SAS NEWMAT à Haubourdin,

annulé pour défaut d'activité inventive la revendication 1 du brevet n° FR 2 843 142 appartenant à la SARL BREVETIX,

dit que sa décision, une fois devenue définitive, sera inscrite au Registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente,

débouté la SARL BREVETIX de ses demandes,

• condamné la SARL BREVETIX à payer à la SAS NEWMAT la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la saisie contrefaçon fautive,

condamné la SARL BREVETIX à payer à la SAS NEWMAT la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

rejeté le surplus des demandes ;

La SARL BREVETIX a interjeté appel de ce jugement le 17 décembre 2014 ;

Par ses dernières conclusions, transmises par RPVA le 20 juin 2016, la SARL BREVETIX demande :

d'infirmer le jugement entrepris,

• de débouter la SAS NEWMAT de son appel incident et de l'intégralité de ses demandes,

• de juger que la SAS NEWMAT a commis des actes de contrefaçon de la revendication 1 de son brevet n° FR 2 843 143 en offrant à la vente, mettant dans le commerce, utilisant et détenant à ces fins, des parois et des plafonds reproduisant les caractéristiques brevetées,

d'interdire à la SAS NEWMAT d'offrir à la vente, de mettre dans le commerce, d'utiliser et de détenir à ces fins les produits contrefaisant son brevet n° FR 2 843 142, sous astreinte de 2.000 € par jour de retard à compter de la signification du 'jugement' (sic) à intervenir,

d'ordonner la confiscation de tous les produits contrefaisants,

• de condamner la SAS NEWMAT à lui verser une indemnité forfaitaire de 200.000 € en réparation de son préjudice matériel,

de condamner la SAS NEWMAT à lui verser une indemnité de 50.000 € en réparation du préjudice moral subi du fait de l'atteinte à son droit exclusif,

de condamner la SAS NEWMAT à lui verser une indemnité de 50.000 € en réparation du préjudice moral subi du fait de la banalisation de son droit de brevet,

d'ordonner la publication judiciaire du 'jugement' (sic) à intervenir dans cinq journaux à son choix et aux frais de la SAS NEWMAT pour un montant global de 4.000 € par insertion,

de condamner la SAS NEWMAT à lui payer la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, compris les frais de saisie contrefaçon du 24 octobre 2012 ;

Par ses dernières conclusions n° 2, transmises par RPVA le 18 octobre 2016, la SAS NEWMAT demande :

• de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a estimé le préjudice lié à la saisie contrefaçon abusive à 10.000 €,

de débouter la SARL BREVETIX de l'intégralité de ses demandes,

• de porter à 100.000 € la condamnation de la SARL BREVETIX pour saisie contrefaçon abusive,

de condamner la SARL BREVETIX à lui payer la somme de 100.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive,

de condamner la SARL BREVETIX à lui payer la somme complémentaire de 60.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

de condamner la SARL BREVETIX aux entiers dépens d'appel ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2016 ;

M O T I F S D E L ' A R R Ê T

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;

I SUR LA VALIDITÉ DU PROCÈS VERBAL DE SAISIE CONTREFAÇON DU 24 OCTOBRE 2012 :

Considérant que la SARL BREVETIX soutient que la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon ne pouvait être demandée que par le biais d'un référé rétractation dans la mesure où la SAS NEWMAT ne conteste pas le déroulement des opérations mais conteste la présentation du brevet FR 2 843 142 qui est faite dans la requête ;

Qu'à titre subsidiaire elle soutient que le moyen de nullité est mal fondé puisque la requête visait expressément le brevet délivré dont une copie figurait en annexe et que la saisie contrefaçon a dès lors été requise sur le brevet tel que délivré et non sur la demande de brevet et qu'elle n'était tenue par aucun texte de citer in extenso les revendications du brevet qu'elle estimait contrefaites ;

Qu'elle ajoute que la présentation de la requête aux fins de saisie contrefaçon était dépourvue de tout caractère frauduleux et la SAS NEWMAT ne pouvait se méprendre sur les droits qui lui étaient opposés ;

Qu'elle ajoute encore que l'huissier de justice n'a pas dépassé la mission qui lui était conférée par l'ordonnance en décrivant les faux plafonds correspondant aux produits litigieux couverts par son brevet ;

Considérant que la SAS NEWMAT conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon qui est fondée sur la demande de brevet et non sur le brevet tel que délivré, la requête s'appuyant exclusivement sur des pièces relatives à des lisses alors que celles-ci ne sont plus couvertes par le brevet tel que délivré qui protège un faux plafond lumineux ;

Qu'elle fait ainsi valoir que la requête en saisie contrefaçon a été demandée et l'ordonnance délivrée sur la base d'un titre n'étant plus en vigueur, ce qui entraîne la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon ;

Motifs

Qu'elle ajoute que l'huissier de justice a excédé ses pouvoirs en décrivant les dalles alors que l'ordonnance ne l'autorisait pas à effectuer de saisie description d'un autre produit que les lisses 'GHOST 2LS ALU' et 'DOUBLE GHOST ALU' arguées de contrefaçon ;

Considérant ceci exposé, que les dispositions de l'article 496 alinéa 2 du code de procédure civile ne font pas obstacle à ce que le juge du fond, appréciant la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis, puisse annuler un procès-verbal de saisie contrefaçon pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l'ordonnance sur requête ;

Que dès lors la SAS NEWMAT est bien recevable à demander dans le cadre de l'instance au fond, la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 24 octobre 2012 pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l'ordonnance ayant autorisé cette saisie contrefaçon ;

Considérant sur le fond que si le requérant n'est pas tenu de reproduire le texte des revendications du brevet qu'il invoque, dès lors qu'il le fait, il doit citer le texte exact de la revendication du titre qui lui a été délivré ;

Que comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, le requérant expose dans sa requête que la revendication principale de son brevet est caractérisée en ce que les lisses fixées sur les parois d'un local et sur lesquelles est tendue la toile du faux plafond, sont caractérisées par la présence d'un élément profilé comportant à ses parties supérieure et inférieure des moyens d'accrochage permettant d'assurer le maintien sous tension de deux éléments de toile superposés ;

Qu'il demande ainsi que l'huissier de justice soit autorisé à procéder à la constatation de la fabrication, la détention et l'offre en vente de lisses arguées de contrefaçon de son brevet et référencées 'GHOST 2LS ALU' et 'DOUBLE GHOST ALU' ;

Mais considérant que la SARL BREVETIX a en réalité cité dans sa requête le texte de la revendication telle que figurant dans la demande de brevet et non pas le texte de la revendication 1 telle que délivrée qui ne protège plus la structure de la lisse mais simplement un faux plafond caractérisé par l'existence d'éléments d'éclairage entre les deux toiles constituant ce faux plafond ;

Que c'est à juste titre que les premiers juges en ont conclu que la présentation inexacte, dans la requête, de la protection conférée par la revendication, même si le brevet délivré était joint en annexe, affecte l'objet même des mesures autorisées par l'ordonnance et, par voie de conséquence, la validité de la saisie contrefaçon ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation des opérations de saisie contrefaçon du 24 octobre 2012 ;

II : SUR LA VALIDITÉ DU BREVET N' FR 2 843 142 :

Le domaine technique de l'invention :

Considérant que l'invention du brevet contesté est intitulée 'Faux plafond à double paroi' ;

Considérant que le breveté rappelle qu'on a développé depuis quelques années des faux plafonds constitués par une toile, notamment en PVC, qui est tendue par sa périphérie à l'aide d'une bordure en forme de crochet qui vient s'encastrer sur des lisses support fixées dans les parois d'un local ;

Qu'afin de masquer ces lisses aux yeux de l'utilisateur, on a proposé de mettre en oeuvre des lisses présentant la particularité d'assurer le maintien de la toile tendue non pas par des moyens d'encastrement mais en mettant l'extrémité libre de la bordure en simple appui contre un élément de lisse spécifique prévu à cet effet ce qui, outre un avantage esthétique, autorise un montage et un démontage particulièrement facile de la toile ;

Que par ailleurs on a mis à profit le caractère translucide de certaines toiles pour réaliser des faux plafonds dits 'lumineux', en disposant dans sa partie supérieure, au-dessus de la toile tendue, des moyens d'éclairage ;

Qu'on a alors constaté dans ce dernier type d'installation qu'en cours d'utilisation, de petites particules ainsi que des insectes attirés par les moyens d'éclairage, venaient se déposer sur la toile translucide avec pour conséquence de former des taches d'ombre indésirables sur la paroi 'lumineuse' ;

Considérant que l'invention se propose de remédier à ces inconvénients en proposant un faux plafond en mesure d'éviter tout dépôt d'éléments indésirables sur la face interne de la toile tendue ;

La solution préconisée par l'invention :

Considérant que pour parvenir à l'invention, le brevet propose un faux plafond constitué de toile tendue sur des lisses fixées sur les parois d'un local, constituées d'un élément profilé comprenant une paroi verticale comportant à ses parties supérieure et inférieure des moyens d'accrochage permettant d'assurer le maintien sous tension de deux éléments de toile respectifs superposés, caractérisé en ce qu'il comporte entre ces deux éléments de toile des éléments d'éclairage de la toile inférieure ;

Considérant que le brevet se compose de cinq revendications dont seule est invoquée la revendication 1 qui se lit comme suit :

'1. Faux plafond constitué de toile (5, 5') tendue sur des lisses (1, 1') fixées sur les parois (3) d'un local, dans lequel les lisses sont constituées d'un élément profilé comprenant une paroi verticale (7, 7') comportant à ses parties supérieure et inférieure des moyens d'accrochage permettant d'assurer le maintien sous tension de deux éléments de toile respectifs superposés, à savoir une toile supérieure (5) et une toile inférieure (5'), caractérisé en ce qu'il comporte entre les deux toiles (5, 5') des éléments d'éclairage (34) de la toile inférieure (5').'

Considérant que la SARL BREVETIX soutient que son invention couvre un faux plafond comprenant d'une part un cadre formé de lisses sur lesquelles sont tendues deux éléments de toile et d'autre part des éléments d'éclairage placés dans l'espace fermé délimité par les lisses formant le cadre et les deux éléments de toiles ;

Qu'elle ajoute qu'il est incontestable que dans le domaine des faux plafonds, le terme 'fausse paroi' est utilisé tant pour définir un faux plafond qu'une fausse paroi murale et qu'une dalle constitue bien une fausse paroi (mur ou plafond) constituée de toile tendue sur des lisses (les lisses étant des profilés) fixées sur les parois (mur ou plafond) d'un local;

Considérant que la SAS NEWMAT réplique que la seule et unique caractéristique de la partie caractérisante est que le faux plafond comporte des éléments d'éclairage de la toile inférieure, situés entre les deux toiles ;

Qu'elle relève que la SARL BREVETIX se prévaut de caractéristiques ne faisant pas partie de la revendication principale du brevet qui ne revendique nullement l'existence d'un cadre rigide, ni le fait que la source lumineuse serait placée dans un espace fermé, constitué par le cadre rigide et deux toiles souples ;

Considérant ceci exposé que la description, au préambule de la revendication 1 du brevet, d'un faux plafond constitué de toile tendue sur des lisses fixées sur les parois d'un local, comportant sur un élément profilé des moyens d'accrochage à ses parties supérieure et inférieure permettant d'assurer le maintien sous tension d'une toile supérieure et d'une toile inférieure, correspond à l'état de la technique, le seul élément caractérisant étant que ce faux plafond comporte entre ces deux toiles, des éléments d'éclairage de la toile inférieure ;

La définition de l'homme du métier :

Considérant que l'homme du métier est celui qui possède les connaissances normales de la technique en cause et est capable, à l'aide de ses seules connaissances professionnelles, de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l'invention ;

Considérant qu'en l'espèce le problème que résout l'invention est d'éviter qu'un faux plafond lumineux constitué d'une toile translucide se dégrade par le dépôt sur la toile de particules ou d'insectes morts formant des taches d'ombre sur la toile ;

Considérant dès lors que l'homme du métier est un spécialiste des faux plafonds ayant des connaissances en matière de faux plafonds tendus ;

La demande de nullité du brevet pour absence d'activité inventive :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L 611-14 du code de la propriété intellectuelle (reprenant l'article 56 de la Convention de Munich), une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ;

Considérant que la SAS NEWMAT indique que l'art antérieur le plus proche est constitué par le document Bally, brevet français déposé le 30 juillet 1963 sous priorité d'une demande allemande du 30 juillet 1962, délivré le 19 mai 1964 sous le numéro 1 364 959 et publié le 26 juin 1964 relatif à un 'Plafond éclairant' ;

Qu'elle expose que ce document divulgue un faux plafond lumineux utilisant deux toiles tendues superposées entre lesquelles peut être disposée la source lumineuse, la seule différence étant que ce faux plafond est formé par des dalles constituées de toiles tendues sur un cadre autoporteur, suspendues et juxtaposées les unes à côté des autres et non un faux plafond d'une seule pièce constitué par une toile tendue sur des lisses, elles-mêmes fixées aux murs de la pièce ;

Qu'elle invoque également le document Ruhlmann, demande de brevet français déposée le 21 mars 1997 et publiée le 13 mars 1998 concernant un procédé de confinement et/ou d'isolation de zones polluées mais également applicable dans le domaine de la rénovation et de l'isolation, lequel enseigne un dispositif formé d'une lisse double fixée au mur, permettant de tendre deux toiles, l'une au-dessus de l'autre, exactement de la même manière que dans le brevet litigieux ;

Qu'elle en conclut qu'en partant du document Bally et connaissant déjà le principe des faux plafonds tendus lumineux, l'homme du métier trouvait immédiatement dans le document Ruhlmann le moyen d'adapter la solution décrite dans le document Bally aux faux plafonds tendus fonctionnant avec des lisses et que la solution objet du brevet ne présente donc pas un quelconque caractère inventif au vu de la combinaison de ces deux documents ;

Considérant que la SARL BREVETIX réplique que le document Ruhlmann ne concerne pas la finalité de son invention et n'inciterait nullement l'homme du métier à réaliser un faux plafond lumineux tel que décrit et protégé par son brevet ;

Qu'elle ajoute que le document Bally divulgue un faux plafond de type 'dalle' et que l'homme du métier cherchant à doter un faux plafond de moyens d'éclairage serait dissuadé d'aller chercher un quelconque enseignement dans des documents relatifs à des 'dalles' qui n'ont rien à voir avec des faux plafonds constitués de toiles tendues sur des lisses fixées sur les parois d'un local ;

Qu'elle fait valoir que le document Bally concerne des éléments qui ne forment pas directement un plafond, mais nécessite un assemblage complexe de plusieurs éléments adjacents, reliés par un système de rainures et de languettes et que le passage d'un tel élément de petite dimension à un faux plafond monolithique, se heurte à des doutes sur la faisabilité technique et à des préjugés ;

Qu'elle en conclut qu'il n'est pas naturel pour l'homme du métier de transposer la solution proposée par le document Bally à un plafond tendu ;

Qu'elle ajoute que le délai extrêmement long qui s'est écoulé entre le moment où l'homme du métier avait connaissance de cet enseignement, et le moment de l'invention du brevet litigieux constitue un indice permettant de conclure que l'invention ne découle par de manière évidente de l'état de la technique ;

Qu'elle fait encore valoir qu'il n'était pas évident pour l'homme du métier de consulter le document Ruhlmann, qui ne concerne pas les faux plafonds mais un dispositif de confinement et d'isolation de zone polluée, et encore moins de le combiner avec le document Bally, relatif à des dalles n'ayant aucun rapport avec des faux plafonds constitués de toiles tendues sur des lisses fixées sur les parois d'un local ;

Qu'elle demande donc l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la revendication 1 de son brevet pour absence d'activité inventive ;

Le document Bally :

Considérant que le document Bally a pour objet un plafond éclairant constitué par au moins un élément translucide plat et a pour but de réaliser un plafond peu coûteux et léger constitué d'un cadre sur lequel est tendu sur son côté inférieur, un film translucide et sur son côté supérieur, un film protecteur translucide permettant que les impuretés inévitables qui tombent en majeure partie du plafond n'atteignent pas le film d'éclairage, de sorte que d'en bas on ne peut pratiquement pas les déceler ;

Qu'à titre d'exemple de réalisation, ce document décrit un plafond éclairant constitué par plusieurs éléments présentant chacun un cadre formé de barres profilées, suspendu à l'aide d'étriers à des baguettes porteuses fixées au plafond ;

Considérant que ce document vise à atteindre le même objectif que le brevet litigieux et constitue donc bien l'état de la technique le plus proche ;

Considérant que si ce document ne divulgue pas un faux plafond tendu d'une seule pièce mais des éléments destinés à être juxtaposés, il ne s'agit que d'une différence de structure ne constituant pas un obstacle pour l'homme du métier, qui connaît les différents types de faux plafonds tendus ;

Qu'en effet la SARL BREVETIX ne démontre pas autrement que par ses seules affirmations tirées de l'ancienneté du document Bally, que le passage d'un faux plafond composé d'éléments juxtaposables à un faux plafond tendu d'une seule pièce de tissu (qui ne saurait au demeurant être qualifié de 'monolithique', c'est-à- dire constitué d'un seul bloc solide) se heurterait à des préjugés insurmontables pour l'homme du métier ;

Qu'ainsi l'enseignement du document Bally suggère à l'homme du métier de reproduire de manière évidente les caractéristiques de l'invention, compte tenu du problème à résoudre qui est suggéré par l'enseignement de ce document ;

Le document Ruhlmann :

Considérant que le document Ruhlmann concerne le domaine du confinement de zones polluées, en particulier par des poussières, et a pour objet un procédé de confinement et/ou d'isolation de zones polluées, en particulier par des poussières ;

Qu'il divulgue un dispositif constitué par au moins un profilé solidarisé avec le support susceptible de former une pollution, s'étendant sur toute la périphérie de la surface à délimiter et comportant au moins une gorge de fixation du bord du moyen de délimitation de l'espace, ledit profilé étant muni d'un moyen de suspension ou d'accrochage à distance au support, ainsi que d'au moins un moyen de solidarisation avec un support convergeant avec le support ;

Que ce document décrit encore un moyen de délimitation d'un espace étanche devant le support, constitué par une toile tendue dans un plan parallèle au support, la tension de ladite toile étant réalisée par accrochage sur le profilé périphérique ;

Considérant que ce document précise que l'invention est également applicable dans le domaine de la rénovation et de l'isolation, qu'ainsi ce document appartient au même domaine technique que l'invention revendiquée ou tout au moins à un domaine qui lui est étroitement lié et fait bien partie de l'état de la technique le plus proche dont l'homme du métier a connaissance pour parvenir à la solution du problème que l'invention se propose de résoudre ;

Considérant en conséquence qu'en combinant le document Bally avec le document Ruhlmann, il était évident pour l'homme du métier souhaitant empêcher des impuretés ou des insectes tombant du plafond, d'altérer l'apparence d'un faux plafond lumineux translucide, de parvenir à reprendre les éléments caractérisants de la revendication 1 du brevet FR 2 843 142 en ayant recours aux deux toiles superposées entre lesquelles est installé le dispositif d'éclairage divulguées par le document Bally et en les tendant d'une seule pièce sur toute la surface à couvrir grâce au système de lisse double permettant de superposer deux toiles tendues divulgué par le document Ruhlmann ;

Considérant qu'il en ressort que l'invention faisant l'objet de la revendication 1 du brevet FR 2 843 142 aurait pu être faite sans que cela nécessite davantage que l'exercice par l'homme du métier de ses capacités professionnelles d'exécutant et l'utilisation des enseignements de l'état de la technique ; qu'elle ne contrevient en effet à aucun préjugé, ne fait apparaître aucune rupture par rapport aux méthodes enseignées, ne résout aucune difficulté technique et ne procure aucun résultat surprenant ou inattendu ;

Considérant en conséquence que c'est à juste titre que les premiers juges ont annulé la revendication 1 du brevet FR 2 843 142 pour défaut d'activité inventive ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Considérant que dès lors il n'y a pas lieu à examiner les autres causes de nullité invoquées à titre subsidiaire par la SAS NEWMAT ;

III : SUR LA CONTREFAÇON :

Considérant que dès lors que la revendication 1 du brevet FR 2 843 142 est annulée, la SARL BREVETIX ne dispose plus de titre à l'appui de ses demandes en contrefaçon de cette revendication, que le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la SARL BREVETIX de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;

IV : SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA SAS NEWMAT :

Considérant que la SAS NEWMAT demande à la cour de porter à 100.000 € le montant des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour saisie contrefaçon abusive en faisant valoir que par ce biais la SARL BREVETIX a pu avoir accès et obtenir des photographies d'un prototype de dalle de son principal concurrent sans aucun rapport avec les produits sur lesquels devait porter la saisie contrefaçon selon les termes de la requête et de l'ordonnance ;

Qu'elle réclame en outre la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en soutenant que la présente procédure n'a été introduite que dans le seul but de lui nuire et qu'en relevant appel du jugement la SARL BREVETIX ne fait que réaffirmer le caractère abusif de son action, persistant ainsi dans sa volonté de nuire à ses intérêts et de porter atteinte à sa réputation ;

Considérant que la SARL BREVETIX réplique que son action ne présente aucun caractère abusif et que les allégations de la SAS NEWMAT relève du simple procès d'intention ; qu'elle conclut au débouté de la SAS NEWMAT de ce chef ;

Qu'elle conclut également à l'infirmation du jugement entrepris qui l'a condamnée pour saisie contrefaçon abusive en soulevant l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la SAS NEWMAT de ce chef au motif que les critiques formulées à l'encontre de la requête ne pouvaient l'être que dans le cadre d'une procédure de référé rétractation ;

Qu'elle ajoute qu'en tout état de cause elle a agi en toute bonne foi en présentant cette requête aux fins de saisie contrefaçon et que la SAS NEWMAT ne rapporte la preuve d'aucun préjudice ;

Considérant ceci exposé, qu'il a été exposé précédemment que la SAS NEWMAT était recevable à soulever la nullité des opérations de saisie contrefaçon et qu'elle est donc tout aussi recevable à présenter une demande en dommages et intérêts pour saisie contrefaçon abusive ;

Que c'est par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que la SARL BREVETIX a agi avec une légèreté blâmable en faisant référence dans sa requête à la revendication initiale et non pas à la revendication de son titre tel que délivré, amenant l'huissier à procéder à la recherche de lisses dont les références étaient expressément mentionnées dans la requête et l'ordonnance, et de documentation sur l'exploitation commerciale de telles lisses pourtant insusceptibles de caractériser, à elles seules, une contrefaçon ;

Qu'il sera ajouté que bien que n'ayant pas trouvé ces lisses, l'huissier a néanmoins poursuivi ses opérations en procédant à une saisie description des dalles alors que l'ordonnance ne l'autorisait à constater que 'la fabrication, (...) la détention, (...) l'offre à la vente et/ou de la vente des lisses incriminées de contrefaçon' ;

Considérant que ces faits, par leur caractère particulièrement intrusif, ont causé à la SAS NEWMAT un préjudice notamment moral et qu'au vu des éléments de la cause, les premiers juges ont fait une exacte évaluation du préjudice ainsi subi à la somme de 10.000 € et que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la SARL BREVETIX à payer à la SAS NEWMAT ladite somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par cette saisie contrefaçon fautive ;

Considérant en revanche que la SARL BREVETIX a pu légitimement se méprendre sur la portée de ses droits en engageant la présente instance et en usant des voies de recours prévues par la loi, qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait ainsi fait dégénérer en abus son droit d'ester en justice ; qu'en conséquence la SAS NEWMAT sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs ;

V : SUR LES AUTRES DEMANDES 

Considérant que dans la mesure où la SARL BREVETIX est déboutée de l'intégralité de ses demandes, elle ne peut qu'être également déboutée de sa demande de publication judiciaire de l'arrêt à intervenir à titre de mesure réparatrice complémentaire ;

Considérant qu'il est équitable d'allouer à la SAS NEWMAT la somme complémentaire de 50.000 € au titre des frais par elle exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;

Considérant que la SARL BREVETIX sera pour sa part, déboutée de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la SARL BREVETIX, partie perdante en son appel, sera condamnée au paiement des dépens d'appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;

Dispositif

P A R C E S M O T I F S

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Déboute la SAS NEWMAT de sa demande en dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs ;

Déboute la SARL BREVETIX de sa demande de publication judiciaire du présent arrêt;

Condamne la SARL BREVETIX à payer à la SAS NEWMAT la somme complémentaire de CINQUANTE MILLE EUROS (50.000 €) au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens ;

Déboute la SARL BREVETIX de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL BREVETIX aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.