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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 27 septembre 2016, n° 14/18000

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Filmop SRL (Sté), Distribution de Matériel Européen (Sasu)

Défendeur :

Concept Microfibre (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rajbaut

Conseillers :

Mme Auroy, Mme Douillet

Avocats :

Me Taze Bernard, Me Ughetto, Me Boccon-Gibod, Me de Candé

TGI Paris, du 3 juill. 2014, n° 12/11633

3 juillet 2014

Exposé du litige

La SAS Concept Microfibre, créée en 2007, exerce son activité dans le domaine du nettoyage et de l'hygiène, plus précisément dans la maîtrise de la contamination particulaire et biologique, spécialisée dans la microfibre professionnelle ;

Elle a déposé le 13 janvier 2008 deux demandes de brevets français sous les numéros FR 0 850 267 et FR 0 850 268 portant sur des bandeaux de nettoyage du sol destinés à être fixés sur une tête de balai adaptée ;

En réponse aux rapports de recherche préliminaire rendus par l'INPI, la SAS Concept Microfibre a déposé le 09 décembre 2008 un nouveau jeu de revendications pour chacune des deux demandes de brevet, se substituant au jeu initialement déposé ; les demandes de brevet ont été publiées le 17 juillet 2009 sous les numéros FR 2 926 204 et FR 2 926 205 et les brevets ont été délivrés le 03 août 2012 ;

La SAS Concept Microfibre commercialise un bandeau de nettoyage reprenant les enseignements de ces inventions sous l'appellation Mop EMR (pour Effet Mécanique Renforcé, termes par ailleurs déposés à titre de marque) et sous trois références différentes : MF 01146 (mop avec fixation Velcro), MF01346 (mop avec des poches de fixation) et MF01246 (mop avec des languettes de fixation) ;

Cette société expose avoir appris au mois de septembre 2010 qu'une centrale d'achats, la société RESO, proposait dans son catalogue un bandeau de nettoyage dénommé 'Puli Scrub' reproduisant selon elle les revendications de ses brevets FR 2 926 204 et FR 2 926 205 ;

La SAS Concept Microfibre a adressé à cette société une lettre de mise en connaissance de cause conformément aux dispositions de l'article L 615-1, alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle ;

Le 03 novembre 2010, la SASU Distribution de Matériel Européen (ci-après D. M.E.), auprès de qui la société RESO achetait ces bandeaux, répondait directement à la SAS Concept Microfibre en indiquant qu'il n'existait à son sens aucune atteinte aux revendications des brevets invoqués et que la démarche de la SAS Concept Microfibre constituait un acte de concurrence déloyale à son encontre ;

La SASU D. M.E. est la filiale de la société de droit italien Filmop Srl, spécialisée dans la production de matériels et de produits destinés au nettoyage industriel et assure depuis une douzaine d'années la distribution en France des produits créés par sa société mère ;

Il apparaît que la SASU D. M.E. commercialise ainsi quatre modèles différents de bandeaux 'Puli Scrub' sous les références 0807011/PN, 0804011/PN, 0803011/PN et 0803021/PN11 ;

Le 21 mars 2012 la SASU D. M.E. a fait assigner la SAS Concept Microfibre devant le tribunal de commerce de Rouen en concurrence déloyale, estimant qu'elle avait ainsi commis des actes de dénigrement à son encontre ; elle a été déboutée de ses demandes par jugement du 18 mars 2013, confirmé par arrêt de la cour d'appel de Rouen en date du 03 juillet 2014 ;

Autorisée par ordonnance présidentielle du 20 juin 2012, la SAS Concept Microfibre a fait procéder à des opérations de saisie contrefaçon dans les locaux de la SASU D. M.E. le 04 juillet 2012 avant de la faire assigner les 01 et 03 août 2012 avec la société Filmop devant le tribunal de grande instance de paris en contrefaçon de brevets et en concurrence déloyale ;

Reconventionnellement les sociétés D. M.E. et Filmop ont soulevé la nullité des revendications des deux brevets pour défaut de nouveauté, défaut d'activité inventive, insuffisance de description et absence de résultat technique ;

Par jugement contradictoire du 03 juillet 2014, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré les sociétés Filmop et D. M.E. irrecevables en leurs demandes de nullité des revendications 5, 6, 9, 10 et 11 du brevet FR 0 850 267 et des revendications 4 à 10 du brevet FR 0 850 268 dont la SAS Concept Microfibre est titulaire,

- déclaré sans objet la demande de la SAS Concept Microfibre tendant à voir écarter les pièces n° 24, 25, 26, 48, 49, 51, 55 et 56 versées aux débats par les sociétés Filmop et D. M.E.,

- débouté les sociétés Filmop et D. M.E. de leur demande de nullité de la revendication 1 et des revendications dépendantes 2, 3, 4, 7 et 8 du brevet FR 0 850 267 pour insuffisance de description, défaut de nouveauté et défaut d'activité inventive,

- déclaré nulles les revendications 1, 2 et 3 du brevet FR 0 850 268 dont la SAS Concept Microfibre est titulaire pour défaut de nouveauté,

- dit que sa décision une fois devenue définitive, sera transmise à l'INPI pour transcription au Registre national des brevets à la requête de la partie la plus diligente,

- déclaré irrecevable en conséquence les demandes en contrefaçon formées par la SAS Concept Microfibre sur le fondement du brevet FR 0 850 268 à l'encontre des sociétés Filmop et D. M.E.,

- dit que la société Filmop en exportant en France et la SASU D. M.E. en détenant, offrant en vente, vendant en France les produits dénommés 'Puli scrub' référencés 0807011, 0803021, 0803011 et 0804011 ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 3, 4, 7 et 8 du brevet FR 0 850 267 dont la SAS Concept Microfibre est titulaire,

- condamné solidairement les sociétés Filmop et D. M.E. à payer à la SAS Concept Microfibre la somme de 53.000 € en réparation du préjudice commercial et du préjudice moral subis du fait des actes de contrefaçon commis à l'encontre des revendication 1, 2, 3, 4, 7 et 8 du brevet FR 0 850 267,

- interdit aux sociétés Filmop et D. M.E. d'importer, d'offrir en vente et de vendre les 'Puli scrub' référencés 0807011, 0803021, 0803011 et 0804011, produits contrefaisant les revendications 1, 2, 3, 4, 7 et 8 du brevet FR 0 850 267, ce sous astreinte de 10 € par infraction constatée, l'astreinte commençant à courir dans les 15 jours suivant la signification de sa décision et courant pendant un an,

- ordonné aux sociétés Filmop et D. M.E. la remise des produits actuellement dans leurs stocks et ce, en vue d'une destruction sous contrôle d'huissier à leurs frais, dans les 8 jours suivant la signification de sa décision, et ce s'agissant de la seule remise des stocks sous astreinte de 150 € par jour de retard, l'astreinte commençant à courir dans le mois suivant la signification de sa décision et courant pendant six mois, se réservant la liquidation de ces astreintes,

- débouté la SAS Concept Microfibre de sa demande de publication judiciaire,

- débouté les sociétés Filmop et D. M.E. de leur demande fondée sur la possession personnelle de l'invention protégée par le brevet FR 0 850 267,

- ordonné l'exécution provisoire de sa décision, sauf en ce qui concerne la demande de nullité du brevet FR 0 850 268 et la mesure de destruction,

- condamné solidairement les sociétés Filmop et D. M.E. à payer à la SAS Concept Microfibre la somme de 40.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au remboursement des frais de saisie contrefaçon et aux entiers dépens ;

Les sociétés Filmop et D. M.E. ont interjeté appel de ce jugement le 27 août 2014 ;

Le 16 octobre 2014, la SAS Concept Microfibre a présenté une demande de limitation du brevet FR 0 850 267 qui a été acceptée par le directeur général de l'INPI le 09 janvier 2015 ;

Par leurs dernières conclusions, transmises par RPVA le 25 avril 2016, les sociétés Filmop et D. M.E. demandent :

- d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions leur faisant grief et de le confirmer pour le surplus,

- de condamner 'd'ores et déjà' la SAS Concept Microfibre à leur payer à chacune la somme de 50.000 € de dommages et intérêts pour abus de droit,

- de prononcer la nullité de la procédure de limitation et celle du brevet 2 926 204 (FR 0 850 267),

- subsidiairement, d'infirmer le jugement entrepris et de prononcer la nullité des revendications 1, 2, 5 et 6 du brevet 2 926 204 (FR 0 850 267) limité pour défaut de nouveauté, insuffisance de description et absence de résultat technique,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déclarées irrecevables en leur demande en nullité des revendications 3, 4, 7, 8 et 9 du brevet 2 926 204 (FR 0 850 267) limité et des revendications 4 à 10 du brevet 2 926 205 (FR 0 850 268),

- dire qu'elles sont bien fondées à bénéficier de l'exception de possession personnelle antérieure prévue à l'article L 613-7 du code de la propriété intellectuelle et qu'au surplus la contrefaçon des revendications alléguées n'est pas établie,

- d'infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il les a condamnées pour contrefaçon,

- de débouter la SAS Concept Microfibre de l'ensemble de ses demandes formées à leur encontre pour contrefaçon des brevets précités,

- d'ordonner à la SAS Concept Microfibre le remboursement de toutes les sommes qu'elle a perçues au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris,

- dire en tout état de cause que les dispositions du jugement par lesquelles le tribunal a prononcé la nullité des revendications 1, 2 et 3 du brevet 2 926 205 (FR 0 850 268) pour défaut de nouveauté sont définitives, faute pour la SAS Concept Microfibre d'en avoir relevé appel incident et, subsidiairement, de confirmer le jugement à cet égard en ce qu'il a débouté la SAS Concept Microfibre de ses demandes en contrefaçon de ces revendications,

- de prononcer de surcroît la nullité des revendications 4 à 10 du brevet 2 926 205 (FR 0 850 268),

- de condamner la SAS Concept Microfibre à payer de plus à chacune d'elles la somme de 50.000 € au titre du préjudice moral ainsi que la somme de 100.000 € au titre du préjudice commercial,

- de condamner la SAS Concept Microfibre à payer à chacune d'elles la somme de 30.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

en tout état de cause, de débouter la SAS Concept Microfibre de son appel incident,

- de condamner la SAS Concept Microfibre en tous les dépens de première instance et d'appel ;

Par ses dernières conclusions d'intimée n° 4, transmises par RPVA le 29 avril 2016, la SAS Concept Microfibre demande :

- de prendre acte de la limitation du brevet FR 0 850 267 intervenue le 09 janvier 2015,

- de confirmer le jugement entrepris et y ajoutant :

- de condamner in solidum les sociétés Filmop et D. M.E. à lui verser la somme de 87.952 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial et la somme de 22.837 € en réparation du préjudice moral,

- d'ordonner une mesure de publication judiciaire d'un communiqué dans trois journaux, magazines ou revues de son choix et sur la page d'accueil du site <www. dme. fr> aux frais solidaires des appelantes, dans la limite d'un budget global de 30.000 €, à titre de dommages et intérêts complémentaires s'il y a lieu,

- de condamner in solidum les sociétés Filmop et D. M.E. à lui verser la somme de 50.000 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2016 ;

Motifs de l'arrêt 

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;

Considérant qu'il sera en premier lieu relevé que le dispositif du jugement entrepris ayant déclaré sans objet la demande de la SAS Concept Microfibre tendant à voir écarter des débats les pièces 24, 25, 26, 48, 49, 51, 55 et 56 des sociétés Filmop et D. M.E. n'est pas critiqué par les parties et sera en conséquence confirmé par adoption des motifs des premiers juges ;

I : SUR LA VALIDITÉ DU BREVET N° FR 0 850 268 ET LES DEMANDES EN CONTREFAÇON DU DIT BREVET :

Considérant que la SAS Concept Microfibre indique en page 62 de ses conclusions ne pas revenir sur la décision prise par le tribunal de grande instance qui a annulé les revendications 1, 2 et 3 du brevet FR 0 850 268 pour défaut de nouveauté ; qu'elle n'est en effet pas appelante incidente du jugement entrepris de ce chef ;

Qu'en conséquence le jugement entrepris sera confirmé par adoption de ses motifs, en ce qu'il a prononcé la nullité des revendications 1, 2 et 3 du brevet FR 0 850 268 et en ce qu'il a, par voie de conséquence, déclaré irrecevables les demandes en contrefaçon formées par la SAS Concept Microfibre sur le fondement de ce brevet ;

Considérant que les sociétés Filmop et D. M.E. reprennent devant la cour leur demande d'annulation des revendications 4 à 10 de ce brevet au motif que leurs activités se situent exactement dans le domaine couvert par le brevet et qu'elle présente un lien de rattachement suffisant avec la demande en contrefaçon puisqu'elle concerne des revendications dépendantes de celles qui sont arguées de contrefaçon ;

Mais considérant qu'en première instance seules les revendications 1, 2 et 3 du brevet FR 0 850 268 étaient invoquées par la SAS Concept Microfibre au soutien de son action en contrefaçon de ce brevet, de telle sorte que la demande reconventionnelle des sociétés Filmop et D. M.E. en annulation des revendications 4 à 10 ne pouvait qu'être déclarée irrecevable par les premiers juges ;

Qu'en tout état de cause dans la mesure où l'annulation des revendications 1, 2 et 3 de ce brevet n'est pas contestée en appel, de même que l'irrecevabilité qui en découle des demandes en contrefaçon formées par la SAS Concept Microfibre sur le fondement de ce brevet, les sociétés Filmop et D. M.E. n'ont plus d'intérêt à solliciter à titre reconventionnel l'annulation des revendications 4 à 10 ;

Qu'en conséquence le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a déclaré les sociétés Filmop et D. M.E. irrecevables en leurs demandes de nullité des revendications 4 à 10 de ce brevet ;

II : SUR LA VALIDITÉ DU BREVET N' FR 0 850 267 :

Le domaine technique de l'invention :

Considérant que l'invention du brevet contesté est intitulée 'Bandeau de nettoyage à plusieurs compositions textiles et ensemble le comprenant' ;

Que l'invention concerne un bandeau de nettoyage destiné à être porté par un balai, permettant de nettoyer différentes surfaces, en particulier le sol, et concerne plus particulièrement un bandeau servant au nettoyage de surfaces en utilisant de l'eau et/ou un produit détergent aqueux ;

Considérant que l'invention vise à proposer de nouveaux bandeaux de nettoyage qui possèdent des propriétés de nettoyage améliorées ;

La solution préconisée par l'invention :

Considérant que pour ce faire, le bandeau présente une surface de nettoyage destinée à venir au contact du sol et comprenant une composition textile constituée de polyoléfine et une composition textile constituée de microfibres hydrophiles, de telle sorte que le bandeau permet à la fois de détacher les saletés (récurer) et de les absorber efficacement, ainsi que les différents fluides se trouvant sur la surface à nettoyer, tout en assurant une bonne longévité du bandeau ;

Que le brevet rappelle qu'il est communément défini par 'microfibres', des fibres textiles dont le titre est inférieur à 1 décitex (1g/10km) ;

Qu'il ajoute qu'une composition textile constituée de polyoléfine représentant de 5 % à 60 % (et de préférence de 25 % à 35 %) de la surface du bandeau de nettoyage accroissait l'efficacité du bandeau et la conservation de ses propriétés dans le temps ;

Que l'efficacité du bandeau de nettoyage tant pour détacher les saletés que pour absorber les fluides était encore meilleure lorsque les deux compositions textiles comportent chacune un fil s'étendant vers la surface de nettoyage avec un titre du fil de la composition textile constituée de polyoléfine supérieur au titre du fil de la composition textile constituée de microfibres hydrophiles car les fils de la composition textile constituée de polyoléfine sont ainsi plus résistants à la flexion et peuvent notamment produire un effet de raclage, de récurage et de décrochage des salissures adhérentes les plus tenaces tandis que les fils plus souples de la composition textile constituée de microfibres hydrophiles sont plus efficaces pour absorber des liquides ;

Que cette combinaison permet d'obtenir une action de récurage associée à une action d'absorption dans le nettoyage des surfaces et plus particulièrement des sols, nécessitant moins de passages, assurant ainsi un nettoyage plus rapide et efficace ;

Qu'une composition textile constituée de polyoléfine légèrement en retrait par rapport à celle constituée de microfibres hydrophiles améliore encore l'efficacité du nettoyage, une pression plus ou moins forte de l'utilisateur sur la tête du balai permettant soit aux microfibres absorbantes plus longues d'être majoritairement en contact avec le sol lorsque celui-ci n'est pas recouvert de saletés incrustées, soit à la composition textile en polyoléfine d'être en plus grand contact avec la surface et décoller plus efficacement les salissures ;

Que l'efficacité du nettoyage peut encore être améliorée par un titre du fil de la composition textile constituée de polyoléfine entre 100 et 1000 décitex (de préférence entre 400 et 600 décitex) et par un titre du fil de la composition textile constituée de microfibres hydrophiles entre 0,13 et 0,90 décitex, ces deux compositions textiles étant de préférence regroupées suivant des zones ;

Considérant que ce brevet a fait l'objet le 17 octobre 2014 d'une demande de limitation acceptée le

09 janvier 2015 par le directeur général de l'INPI et publiée au Registre national des brevets le 14 janvier 2015 ;

Considérant que le brevet tel que limité se compose de neuf revendications qui se lisent comme suit :

'1. Bandeau de nettoyage, en particulier de nettoyage de sol, destiné à être porté par un balai (3), ledit bandeau (2) présentant une surface de nettoyage (10) destinée à venir au contact du sol, ladite surface de nettoyage (10) comprenant une composition textile constituée de polyoléfine (8) et une composition textile constituée de microfibres hydrophiles (9), caractérisé en ce que :

- ladite composition textile constituée de polyoléfine (8) et ladite composition textile constituée de microfibres hydrophiles (9) comportent chacune un fil s'étendant vers la surface de nettoyage (10),

- le titre du fil de ladite composition textile constituée de polyoléfine (8) est supérieur au titre du fil de ladite composition textile constituée de microfibres hydrophiles (9),

- la première composition textile (8) définit des zones de récurage et la seconde composition textile (9) définit des zones d'absorption, et

- au niveau de la surface de nettoyage (10), la composition textile constituée de polyoléfine (8) est légèrement en retrait par rapport à la composition textile constituée de microfibres hydrophiles (9).

2. Bandeau de nettoyage selon la revendication 1, dans lequel la composition textile constituée de polyoléfine (8) représente de 5 % à 60 %, et de préférence de 25 % à 35 % de la surface de nettoyage.

3. Bandeau de nettoyage selon l'une quelconque des revendications 1 et 2, dans lequel le titre du fil de la composition textile constituée de polyoléfine (8) est compris entre 100 et 1000 décitex, et est de préférence compris entre 400 et 600 décitex.

4. Bandeau de nettoyage selon l'une quelconque des revendications 1 à 3, dans lequel le titre du fil de la composition textile constituée de microfibres hydrophiles (9) est compris entre 0,13 et 0,90 décitex.

5. Bandeau de nettoyage selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, dans lequel la polyoléfine (8) est du polypropylène.

6. Bandeau de nettoyage selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, dans lequel les microfibres hydrophiles (9) sont choisies parmi le polyester, le polyamide, le polyacrylique, et leurs mélanges.

7. Bandeau de nettoyage selon l'une quelconque des revendications 1 à 6, dans lequel les microfibres hydrophiles (9) sont un mélange de polyester et de polyamide comprenant de 65 % à 85 % de polyester et de 15 % à 35 % de polyamide.

8. Bandeau selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, dans lequel la composition textile constituée de polyoléfine (8) et la composition textile constituée de microfibres hydrophiles (9) sont regroupées suivant des zones (8, 9).

9. Ensemble comprenant un bandeau de nettoyage (2) selon l'une quelconque des revendications 1 à 8 et un balai (3) comportant un manche (4) et une tête (5) dotée d'une première face (5a) reliée au manche (4) par une articulation (6) et d'une deuxième face (5b) opposée à la première face (5a), ledit bandeau de nettoyage (2) étant fixé sur ladite tête (5) et la surface de nettoyage (10) du bandeau (2) s'étendant en correspondance de la deuxième face (5b) de la tête (5).'

La validité de la limitation du brevet :

Considérant que les sociétés Filmop et D. M.E. soutiennent que le droit à limitation dont la SAS Concept Microfibre a fait usage a été exercé de mauvaise foi dans le seul but de nuire à leurs droits légitimes de commercialiser des bandeaux de nettoyage concurrents et d'assurer leur défense dans la présente procédure en contrefaçon ;

Qu'elles font valoir que cette limitation a été demandée pour adapter le titre présenté afin de le faire échapper à l'annulation qui le menace et le mettre en harmonie avec les caractéristiques du produits qu'elles commercialisent ;

Qu'elles ajoutent qu'il ne s'agit pas d'une authentique limitation du brevet puisqu'en combinant la revendication 1 avec les revendications 2 et 4, elle ne fait qu'aboutir à réécrire, sans aucune raison technique objective, la revendication 4 dépendante ;

Qu'elles demandent en conséquence la nullité de cette procédure de limitation et du brevet ainsi obtenu en vertu du principe fraus omnia corrumpit ;

Considérant que la SAS Concept Microfibre réplique que la limitation a conduit à fusionner les revendications 1, 2 et 4 et que de ce fait, les anciennes revendications 3, 7 et 8, opposées aux appelantes, correspondent maintenant aux revendications 2, 5 et 6 et que cette limitation ne change rien à la portée du brevet ;

Considérant ceci exposé, que les articles L 613-24 et L 613-25 du code de la propriété intellectuelle permettent au propriétaire du brevet d'en limiter la porte en modifiant une ou plusieurs revendications, notamment dans le cadre d'une action en nullité, le brevet ainsi limité constituant l'objet de l'action en nullité engagée ;

Que le dernier alinéa de l'article L 613-25 sanctionne d'une amende civile la partie qui, lors d'une même instance, procède à plusieurs limitations de son brevet, de manière dilatoire ou abusive ;

Considérant qu'en l'espèce la limitation du brevet a conduit à fusionner les revendications 2 et 4 avec la revendication 1 sans que l'étendue de la protection conférée par le brevet en soit accrue, que de ce fait cette limitation n'apparaît pas abusive ou frauduleuse comme l'affirment les appelantes ; qu'elle n'apparaît pas davantage dilatoire dans la mesure où cette unique procédure de limitation a été engagée moins de deux mois après la déclaration d'appel et où cette limitation a été publiée dès le mois de janvier 2015 ; que les appelantes ont eu la possibilité de conclure au fond, sur la base de ce brevet tel que limité, étant rappelé que leurs dernières conclusions sont du mois d'avril 2016 et que l'ordonnance de clôture est intervenue le 24 mai 2016 ;

Qu'en conséquence les sociétés Filmop et D. M.E. seront déboutées de leur demande d'annulation de la limitation du brevet FR 0 850 267 et du brevet lui-même pour fraude, ainsi que de leurs demandes en dommages et intérêts sur ce fondement ;

Considérant que du fait de cette limitation, ce sont désormais les revendications 1, 2, 5 et 6 du brevet tel que limité qui sont opposées aux sociétés Filmop et D. M.E. par la SAS Concept Microfibre dans le cadre de son action en contrefaçon ;

La recevabilité de la demande en nullité des revendications non opposées aux sociétés Filmop et D. M.E. :

Considérant que les sociétés Filmop et D. M.E. invoquent également la nullité des revendications 3, 4, 7, 8 et 9 du brevet limité (anciennement 5, 6, 9, 10 et 11) au motif que ces revendications sont toutes dépendantes des revendications 1, 2, 5 et 6 et que de ce fait leur demande en nullité est recevable comme présentant un lien de rattachement suffisant au sens de l'article 70 du code de procédure civile ;

Considérant que la SAS Concept Microfibre réplique qu'elle n'oppose nullement les revendications 3, 4, 7, 8 et 9 du brevet limité qui dès lors ne peuvent faire l'objet d'une demande en nullité à titre reconventionnel ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile que la demande reconventionnelle en nullité formée en réponse à une demande en contrefaçon est un moyen de défense et s'inscrit donc dans le périmètre des droits que le demandeur principal en contrefaçon entend opposer à la partie défenderesse ; que dans la mesure où les revendications 3, 4, 7, 8 et 9 du brevet limité (correspondant aux anciennes revendications 5, 6, 9, 10 et 11) ne sont pas invoquées par la SAS Concept Microfibre au soutien de son action en contrefaçon du brevet FR 0 850 267, la demande reconventionnelle des sociétés Filmop et D. M.E. en annulation des dites revendications est irrecevable ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré les sociétés Filmop et D. M.E. irrecevables en leurs demandes de nullité des revendications 5, 6, 9, 10 et 11 (désormais 3, 4, 7, 8 et 9) du brevet FR 0 850 267 ;

La définition de l'homme du métier :

Considérant que l'homme du métier est celui qui possède les connaissances normales de la technique en cause et est capable, à l'aide de ses seules connaissances professionnelles, de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l'invention ;

Considérant qu'en l'espèce le problème que résout l'invention est de proposer un bandeau de nettoyage possédant des propriétés de nettoyage améliorées ;

Que dès lors c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que l'homme du métier est un technicien chargé de concevoir des produits industriels destinés au nettoyage des surfaces ;

La demande de nullité pour insuffisance de description :

Considérant que les sociétés Filmop et D. M.E. soulèvent d'abord la nullité de la revendication 1 au motif qu'elle n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète ; qu'elles soutiennent que la portée de cette revendication est indéterminable en raison de l'imprécision concernant le contenu de la deuxième composition censée constituer le bandeau protégé ('microfibres hydrophiles' étant une expression générique), que cette revendication est imprécise quant aux caractéristiques que devraient présenter la composition de polyoléfine et que l'homme du métier ne peut dès lors pas savoir quelle microfibre il doit utiliser ;

Considérant que la SAS Concept Microfibre réplique que l'homme du métier est à même de savoir ce qu'est une microfibre et de déterminer celles qui sont susceptible d'avoir une fonction hydrophile, la description du brevet précisant la nature des microfibres à utiliser le titre du fil de la composition textile ;

Considérant ceci exposé, que l'article L 613-25 b) du code de la propriété intellectuelle dispose que le brevet est déclaré nul " s'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter " ;

Qu'il s'ensuit que l'homme du métier doit trouver dans la description du brevet les moyens de reproduire l'invention par le jeu de simples opérations d'exécution à l'aide de ses connaissances professionnelles normales théoriques et pratiques, auxquelles s'ajoutent celles qui sont citées dans le brevet ; que pour apprécier la suffisance de description, il convient encore d'examiner si l'homme du métier peut s'aider de la description et des dessins ;

Considérant que selon la revendication 1, le bandeau de nettoyage présente une surface de nettoyage comprenant une composition textile constituée de polyoléfine et une composition textile constituée de microfibres hydrophiles ;

Que la description du brevet rappelle en page 1, lignes 27 à 29, qu''à toutes fins utiles, il est précisé qu'il est communément défini par «microfibres», des fibres textiles dont le titre est inférieur à un décitex (1g/10km)' ; que cette définition est connue de longue date, les microfibres étant apparues dans les années 1980 selon l'encyclopédie en ligne Wikipédia versée aux débats ;

Que le terme 'hydrophile' emporte en lui-même sa définition, et qu'enfin la description (page 4, lignes 14 à 16) précise que 'les microfibres hydrophiles sont choisies parmi le polyester, le polyamide, le polyacrylique, et leurs mélanges', de telle sorte que l'homme du métier, tel que défini plus haut, est en mesure de savoir quel type de microfibre utiliser ;

Que d'autre part la polyoléfine décrite dans la revendication ne peut pas être une microfibre comme le prétendent les sociétés Filmop et D. M.E., son caractère abrasif nécessitant un titrage plus élevé et la description indiquant d'ailleurs en page 3 (lignes 24 à 28) que de préférence le titre de ce fil est compris entre 100 et 1.000 décitex ; qu'enfin la description en page 4, ligne 13, précise que 'la polyoléfine est du polypropylène', de telle sorte que l'homme du métier est également en mesure de savoir quel type de polyoléfine utiliser ;

Que le brevet se trouve ainsi suffisamment décrit ;

La demande de nullité du brevet pour absence de nouveauté :

Considérant que les sociétés Filmop et D. M.E. soulèvent également la nullité de la revendication 1 pour défaut de nouveauté en faisant état de ce que le modèle de bandeau de nettoyage Puli Scrub argué de contrefaçon a été fabriqué et vendu dès la fin de l'année 2006 par la société coréenne B&H ;

Qu'elles font également état du modèle d'utilité coréen 20-0336386 déposé le 21 juillet 2003 et délivré le 24 décembre 2003, antériorisant entièrement la revendication 1 du brevet litigieux, de même que le brevet coréen 10-0718962 déposé le 19 juillet 2006 et le brevet WO 2005/110182 délivré le 24 novembre 2005 ;

Qu'elles font enfin état de ce que la société suédoise MN Produkter AB avait dès 2006, fabriqué un bandeau de nettoyage MN Heavy présentant toutes les caractéristiques du bandeau protégé par le brevet FR 0 850 267 ;

Considérant que la SAS Concept Microfibre conteste le caractère probant des pièces adverses, les attestations de la société B&H ne remplissant pas le degré de précision et de prise de conscience de leur signature et ayant été établies pour les besoins de la cause, n'étant étayées par aucun document contemporain de la prétendue divulgation en cause ;

Qu'elle ajoute que les courriels produits ne sont que des échanges à caractère confidentiel sur un projet non abouti et ne sauraient constituer une divulgation et que d'une façon générale aucun de ces documents ne prouve de façon certaine et pertinente que les sociétés B&H et Daego auraient commercialisé et vendu à la société Filmop dès 2006 un bandeau de nettoyage présentant des caractéristiques identiques à celles du produit Puli Scrub argué de contrefaçon ;

Qu'elle précise qu'il n'est également produit aucun exemplaire du bandeau MN Heavy qui aurait été commercialisé en 2006 par la société suédoise MN Produkter AB ;

Qu'elle invoque encore le défaut de pertinence du modèle d'utilité coréen 20-0336386 et du brevet coréen 10-0718962 qui ne constituent pas des antériorités de toutes pièces, ainsi que pour le brevet WO 2005/110182 qui ne propose pas les mêmes moyens dans le but de résoudre le même problème technique en leur faisant remplir une même fonction ;

Considérant ceci exposé, qu'en application des dispositions de l'article L 611-11 du code de la propriété intellectuelle une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique, lequel est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen ;

Que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver toute entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent, dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique ;

Considérant qu'en ce qui concerne la divulgation alléguée de l'invention par la société B&H, si les attestations du dirigeant de cette société produites aux débats indiquent que celle-ci commercialiserait dès 2006, notamment auprès de la société norvégienne Lilleborg, un produit identique aux revendications du brevet FR 0 850 267, sous la dénomination Puli Scrub, force est de constater que ces attestations, établies plus de six années après les faits qu'elles relatent, de sont pas corroborées par des éléments objectifs contemporains ;

Qu'en effet les exemplaires de bandeaux annexés à ces attestations n'ont pas date certaine et ne permettent pas d'établir de façon formelle et indiscutable qu'il s'agit bien des bandeaux commercialisés en 2006 et vendus notamment à la société Lilleborg ; qu'en outre la 'packing list' (colisage) correspondant à une vente par la société B&H à la société Lilleborg est datée du 05 février 2008, donc postérieure au brevet litigieux ;

Qu'il en est de même de l'attestation du dirigeant de la société B&H affirmant que le bandeau qui y est joint, destiné à une société danoise Stadsing, serait le même que celui effectivement commercialisé en 2006, cette attestation n'étant pas davantage corroborée par les éléments objectifs pertinents, l'attestation du 17 octobre 2014 à en tête de la société Stadsing étant rédigée en anglais et n'étant pas traduite, l'analyse qu'en font les appelantes en page 25 de leurs conclusions ne pouvant être considérée comme une traduction, même sommaire, l'impression d'écran informatique, au demeurant parfaitement illisible, de ce qui est présenté comme la page du catalogue 2006/2007 de cette société ne pouvant suppléer à la production de l'original ou tout au moins d'une photocopie de ce catalogue et les factures de fin 2006- début 2007 établies par la société Daego pour la société Stadsing (dont certaines sont produites plusieurs fois de suite) portent des références différentes de produits, ne permettant pas à la cour de déterminer quel produit correspondrait au bandeau Puli Scrub fourni à la même époque à la société Filmop, étant relevé que les références figurant sur les documents à destination de la société Stadsing ne sont pas les mêmes que celles figurant sur les documents à destination de la société Filmop ;

Que les échanges à caractère privé de courriels fin 2007 entre les sociétés B&H et Lilleborg ne font référence qu'à la préparation d'un projet dit Projet Siena sans permettre d'identifier les produits visés et en tout état de cause, ne constituent pas une divulgation au public au sens de l'article L 611-11 susvisé ;

Qu'il en est de même des courriels échangés fin 2005 entre les sociétés Daego et Filmop qui, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, portent essentiellement sur l'étiquette que le fournisseur doit fixer sur le produit et les renseignements par rapport au lavage du produit ;

Que les factures du mois de janvier 2006, émanant de la société Daego et les documents de voyage à destination de la société Filmop, au demeurant non traduits en français, font état de sept références différentes de produits, ne permettant pas à la cour de déterminer quel produit correspondrait effectivement au bandeau Puli Scrub ;

Que les attestations de MM Jean Jacques R. et Yves C., salariés de la société D. M.E., partie à l'instance, ne sont pas pertinentes quant à une prétendue divulgation au public de produit Puli Scrub antérieurement au dépôt du brevet litigieux puisque ces deux témoins indiquent que la commercialisation de ce produit n'a eu lien qu'à partir de 2009 ;

Qu'en effet il n'est pas justifié d'une commercialisation du produit Puli Scrub argué de contrefaçon antérieurement à l'année 2010 ainsi que cela résulte notamment des constatations de l'huissier lors des opérations de saisie contrefaçon du 04 juillet 2012 et des catalogues de la société Filmop ;

Considérant que si les sociétés Filmop et D. M.E. affirment que les bandeaux Puli Scrub auraient été antérieurement commercialisés depuis 2002 sous la dénomination Micro Activa, il apparaît que le bandeau Micro Activa n'est composé que de microfibres ainsi que cela ressort notamment des mentions figurant au catalogue 2007 de la société D. M.E. ; qu'au demeurant ce type de bandeau figure toujours aux catalogues 2010 et 2011 de la société D. M.E. aux côtés du bandeau Puli Scrub argué de contrefaçon et qu'il s'agit donc bien de deux produits différents ;

Considérant qu'en ce qui concerne le bandeau de nettoyage qui aurait été commercialisé dès 2006 par une société suédoise MN Produkter AB sous la dénomination MN Heavy et qui présenterait également toutes les caractéristiques du bandeau objet du brevet litigieux, le simple constat d'huissier effectué le 10 décembre 2015 sur le site Internet de cette société (www. mnprodukter. eu) - alors au demeurant que selon les appelantes cette société aurait aujourd'hui disparu sans toutefois en justifier - est insuffisant à justifier de la commercialisation en 2006 d'un bandeau MN Heavy ;

Qu'en effet la mention 'COPYRIGHT © 2006" ne signifie pas que l'ensemble de ce site se présente exactement comme il l'était en 2006, ni qu'elle s'applique à la totalité des éléments figurant en 2015 ; qu'à cet égard les constatations effectuées par huissier le 14 décembre 2015 consistant à relever une date de prise de vue d'une des photographies du produit MN Heavy figurant sur le site ne sont pas pertinentes ;

Qu'il ressort en effet d'un procès-verbal de constat d'huissier établi le 16 février 2016 à la requête de la SAS Concept Microfibre, que la mention de la date de prise de vue d'une telle image d'un site Internet, en effectuant un clic droit pour faire apparaître la fenêtre 'Propriétés' de cette image, peut en effet aisément être modifiée, l'huissier ayant pu remplacer la date du 19 janvier 2007 par une autre date au hasard (en l'espèce 07 février 1973) ; qu'en toute hypothèse une telle date est celle de la prise de vue de la photographie et non pas de la divulgation au public du produit ainsi photographié ;

Considérant que la réponse du directeur général de la SA DECITEX, M. Nils R., en réponse à une sommation interpellative qui lui a été notifiée le 10 décembre 2015 à la requête des sociétés appelantes n'apparaît pas plus pertinente dans la mesure où ce témoin indique n'être dans l'entreprise DECITEX que depuis juillet 2010 mais avoir reçu 'en mains propres' durant l'été 2008 (soit en tout état de cause postérieurement au dépôt de la demande de brevet), 'suite à un déplacement chez MN PRODUKTER' un échantillon du bandeau MN Heavy que cette société, selon ses dires, aurait commercialisé 'depuis au moins janvier 2007" ;

Qu'en effet ce témoin, entendu non pas à titre personnel mais en sa qualité de dirigeant de la SA DECITEX (la sommation interpellative étant notifiée à la personne morale représentée par son dirigeant), n'explicite pas à quel titre il se serait déplacé au sein de la société MN Produkter deux ans avant son entrée au sein de la SA DECITEX, ni à quel titre il aurait à cette occasion reçu cet échantillon, ni comment il peut certifier que cet échantillon, en tout état de cause reçu postérieurement au dépôt du brevet litigieux, correspondrait au produit MN Heavy commercialisé depuis janvier 2007 ;

Que l'échange de courriels en août et septembre 2008 entre M. Nils R. et le nommé Nader C., mentionné comme étant le directeur commercial et le chef de produit de la société MN Produkter ne justifie nullement de la commercialisation par cette société à partir de janvier 2007 d'un bandeau de nettoyage MN Heavy puisqu'au contraire c'est la société MN Produkter qui indique son intention de commander à la SA DECITEX un lot de 300.000 serpillières (au demeurant ni dénommées, ni référencées) et non pas l'inverse ;

Que l'échange de courriels en mars 2016 entre M. Nils R. et le nommé Nader C. - outre qu'il confirme que M. Nils R. ignorait personnellement la date exacte de commercialisation du bandeau MN Heavy par la société MN Produkter - ne peut davantage entraîner la conviction de la cour en particulier d'une part en raison de son extrême imprécision et d'autre part en raison du fait qu'il est fait référence à une ancienne page du site www. mnprodukter. se (ne pouvant donc par être la page du site www. mnprodukter. eu consultée par l'huissier) datant du mois de décembre 2007 et archivée par le site privé <www. web. archive. org>, service d'archive exploité par une personne privée sans autorité légale et dont les conditions de fonctionnement sont ignorées, ce qui ne permet pas de donner une force probante incontestable à la date de la page internet ainsi archivée, pas plus qu'à son contenu ;

Considérant qu'en ce qui concerne le modèle d'utilité coréen 20-0336386 et le brevet coréen 10-0718962 il sera relevé qu'aucune de ces deux antériorités ne divulguent la revendication 1 du brevet litigieux dans tous ses éléments caractérisants et en particulier d'une part que la première composition textile définit des zones de récurage et la seconde composition textile définit des zones d'absorption et d'autre part qu'au niveau de la surface de nettoyage, la composition textile constituée de polyoléfine est légèrement en retrait par rapport à la composition textile constituée de microfibres hydrophiles ;

Qu'il apparaît en effet que pour démontrer l'absence de nouveauté de la revendication 1 pour ces deux caractéristiques, les sociétés Filmop et D. M.E. sont amenées à combiner le modèle d'utilité 20-0336386, le brevet 10-0718962 et le brevet WO 2005/110182 alors qu'il sera rappelé que pour être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver toute entière dans une seule antériorité ;

Considérant dès lors qu'aucun de ces brevets ou modèle d'utilité ne constitue une antériorité de toutes pièces de nature à priver de nouveauté l'invention objet du brevet contesté ;

La demande de nullité du brevet pour absence d'activité inventive :

Considérant que les sociétés Filmop et D. M.E. affirment qu'il existait, antérieurement à 2008, de multiples exemples de balais associant dans un même bandeau de nettoyage une microfibre résistante et une microfibre ayant une capacité hydrophile, les antériorités précitées présentant de telles combinaisons ;

Qu'elles soutiennent qu'il découlait donc d'une manière évidente pour l'homme du métier d'associer une polyoléfine, polymère connu, à n'importe quelle microfibre hydrophile et d'agencer ces compositions de manière que le titre de l'une de ces compositions soit supérieur à l'autre ;

Qu'elles ajoutent qu'en présence du modèle d'utilité et du brevet coréens, l'homme du métier n'a aucune difficulté à concevoir une composition textile constituée de polyoléfine qui définit des zones de récurage et une composition textile constituée de microfibres hydrophiles qui définirait des zones d'absorption et qu'en présence de ces deux antériorités et du brevet WO 2005/110182, l'homme du métier n'a aucune difficulté à imaginer que la composition textile constituée de polyoléfine puisse être légèrement en retrait par rapport à la composition textile constituée de microfibres hydrophiles ;

Qu'elles font encore valoir que le brevet US 5 804 274 déposé le 08 septembre 1998 décrit un balai de nettoyage composé d'une composition constituée en microfibres de polyester et polyamide et une composition absorbante textile, agencées selon leur composition à des hauteurs distinctes ;

Considérant que la SAS Concept Microfibre réplique que l'état antérieur de la technique n'incite pas l'homme du métier à remplacer, dans un bandeau de nettoyage, des microfibres de polyamide ou de polyester ou du coton par des fibres de polyoléfine, qui présentent des propriétés opposées ;

Qu'elle affirme que les documents coréens ne décrivent pas un bandeau de nettoyage présentant des zones de récurage et des zones d'absorption mais ont pour objet de balayer et laver un sol, que les fibres dures et les fibres absorbantes des documents coréens sont de longueur identique et que le brevet WO 2005/110182 enseigne quant à lui un système radicalement opposé, de telle sorte qu'il n'était pas évident pour l'homme du métier de venir trouver dans ce dernier document l'enseignement selon lequel il est particulièrement utile de prévoir des fibres réalisées par un fil s'étendant vers la surface de nettoyage dont celles qui sont composées de polyoléfine sont légèrement en retrait par rapport à celles qui sont constituées de fibres hydrophiles ;

Qu'elle ajoute que le brevet US 5 804 274 enseigne un système qui se trouve à l'opposé de ce qui est décrit dans son brevet FR 0 850 267, à savoir un système dans lequel les fibres rigides sont plus longues que les fibres absorbantes ;

Considérant ceci exposé, qu'aux termes des dispositions de l'article L 611-14 du code de la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ;

Considérant que l'état de la technique le plus proche à sélectionner doit être pertinent, c'est-à- dire qu'il doit correspondre à une utilisation semblable et appeler le moins de modifications structurelles et fonctionnelles pour parvenir à l'invention revendiquée ;

Que cet état de la technique le plus proche doit donc viser à atteindre le même objectif ou à obtenir le même effet que l'invention ou au moins appartenir au même domaine technique que l'invention revendiquée ou à un domaine qui lui est étroitement lié ;

Considérant qu'il sera rappelé que le problème que se propose de résoudre l'invention, objet du brevet FR 0 850 267, est d'améliorer l'efficacité des bandeaux de nettoyage tant pour détacher les saletés (récurage) que pour absorber les fluides (nettoyage) en combinant une composition textile constituée de polyoléfine, matière hydrophobe (ainsi que rappelé dans l'encyclopédie en ligne Wikipedia), avec une composition textile constituée de microfibres hydrophiles ;

Considérant que le modèle d'utilité coréen 20-0336386 concerne un tissu tricoté ou circulaire contenant des fibres dures se composant de polypropylène ou de polyéthylène ayant une épaisseur de filament de 30 - 40 deniers et des fibres très absorbantes se composant de fibres mélangées de polyester ou de polyester/nylon superfines non supérieures à 1 denier, moyennant quoi les fibres dures sont concentrées dans des zones de fibres dures et les fibres très absorbantes sont concentrées dans des zones de fibres très absorbantes agencées d'une manière alternée, permettant de balayer et de laver simultanément un intérieur ;

Considérant que le brevet coréen 10-0718962 divulgue de même un tricot à bouclette ayant des zones de fibres dures comme le polypropylène et de fibres très absorbantes comme les microfibres de polyester super fines inférieures à 1 denier, les fibres dures étant concentrées dans les zones de fibres dures et les fibres très absorbantes étant concentrées dans les zones de fibres très absorbantes, agencées d'une manière alternée dans un tricot à bouclettes, caractérisé en ce que les fibres sont durcies afin de pouvoir être torsadées après le tissage et le traitement ;

Considérant que si ces deux documents ne remplissent pas exactement la même fonction que le brevet litigieux puisqu'ils décrivent un produit ayant pour objet de balayer (et non pas de récurer) et de laver simultanément des zones intérieures faiblement poussiéreuses, ils n'en appartiennent pas moins au même domaine technique que l'invention revendiquée, à savoir la conception de produits industriels destinés au nettoyage des surfaces ;

Considérant que le brevet WO 2005/110182 concerne quant à lui un tissu approprié pour appliquer une composition chimique, telle qu'une composition de vernis ou de polissage, sur une surface de substrat, contenant entre 1 % et 50 % de fibres rigides et entre 50 % et 99 % de fibres adsorbantes ou absorbantes ;

Que de même si ce document ne remplit pas la même fonction de récurage et d'absorption que le brevet litigieux, il n'en appartient pas moins à un domaine technique étroitement lié à celui de l'invention revendiquée tel que rappelé plus haut ;

Considérant que ces documents constituant l'état de la technique le plus proche divulguent un bandeau de nettoyage comprenant deux compositions constituées l'une de fibres dures telles que le polypropylène (étant rappelé que selon la description du brevet litigieux 'la polyoléfine est du polypropylène' : page 4, ligne 13) et l'autre de microfibres absorbantes, le titre du fil de la composition dure étant supérieur à celui de la composition absorbante ;

Qu'ainsi il était déjà connu de pouvoir combiner dans un même bandeau de nettoyage une composition textile constituée d'une matière hydrophobe telle que la polyoléfine avec une composition textile constituée de microfibres hydrophiles ;

Considérant que le brevet WO 2005/110182 indique quant à lui, que dans son invention les poils des fibres dures et des fibres absorbantes ne sont pas coupés à l'extrémité et sont plutôt torsadés et droits, ceci afin d'améliorer l'efficacité de nettoyage et prolonger la durée de vie de la lavette ;

Qu'il est encore enseigné que les fibres dures et les fibres absorbantes sont tassées et alternées à des largeurs prédéterminées, définissant ainsi des zones spécifiques ;

Considérant qu'en combinant le modèle d'utilité coréen 20-0336386 et/ou le brevet coréen 10-0718962 avec le brevet WO 2005/110182, il était évident pour l'homme du métier souhaitant améliorer l'efficacité des bandeaux de nettoyage tant pour détacher les saletés (récurage) que pour absorber les fluides (nettoyage) de parvenir à reprendre les éléments caractérisants de la revendication 1 du brevet litigieux en concevant un bandeau de nettoyage comprenant comme dans les documents coréens une composition textile constituée de fibres dures telles que la polyoléfine (pour récurer) et une composition textile constituée de microfibres hydrophiles (pour absorber les fluides), le titre des premières étant supérieur à celui des deuxièmes, définissant comme dans le brevet WO 2005/110182 des zones distinctes, les poils des fibres n'étant pas coupés mais constituant de ce fait un fil unique s'étendant vers la surface de nettoyage ;

Considérant enfin que le brevet US 5 804 274 concerne un chiffon de nettoyage pour nettoyer des surfaces comprenant un tissu de base ayant deux côtés avec des boucles de fil de chaque côté, un côté ayant des boucles de fil plus longues avec une finesse de fibre normale et des boucles de fil de microfilament plus courtes ayant une capacité d'absorption de saleté et de liquide importante et l'autre côté des boucles de fil de microfilament plus courtes avec une bonne capacité d'absorption de liquide ;

Considérant que ce document appartient également au même domaine technique que l'invention revendiquée, à savoir la conception de produits industriels destinés au nettoyage des surfaces et décrit donc également l'état de la technique ;

Que l'invention décrite dans ce brevet divulgue un chiffon de nettoyage caractérisé par un tissu de base ayant des boucles de fil de longueur différente selon leur destination (absorption de saleté avec un effet de brossage pour les boucles les plus longues et absorption de liquide pour les boucles les plus courtes), ceci afin d'améliorer l'efficacité d'un tel chiffon ;

Qu'il apparaît ainsi qu'en combinant les documents précédents de l'état de la technique avec le brevet US 5 804 274, il était également évident pour l'homme du métier souhaitant améliorer l'efficacité des bandeaux de nettoyage de prévoir des longueurs différentes des fibres de polyoléfine et des microfibres hydrophiles ;

Considérant qu'il en ressort que l'invention faisant l'objet de la revendication 1 du brevet FR 0 850 267 aurait pu être faite sans que cela nécessite davantage que l'exercice par l'homme du métier de ses capacités professionnelles d'exécutant et l'utilisation des enseignements de l'état de la technique ; qu'elle ne contrevient en effet à aucun préjugé, ne fait apparaître aucune rupture par rapport aux méthodes enseignées, ne résout aucune difficulté technique et ne procure aucun résultat surprenant ou inattendu ;

Considérant en conséquence que la revendication 1 de ce brevet sera annulée pour absence d'activité inventive ;

La demande de nullité des revendications dépendantes:

Considérant que la revendication dépendante 2 divulgue la proportion de la surface du bandeau de nettoyage composée de polyoléfine (de 5 % à 60 % et de préférence de 25 % à 35 %) ;

Mais considérant que le modèle d'utilité coréen 20-0336386 et le brevet coréen 10-0718962 revendiquent déjà pour la zone de fibres dures un rapport de surface situé entre 10 % et 50 %, de telle sorte qu'il était évident pour l'homme du métier, au vu de l'état de la technique, de retenir une telle proportion de la surface du bandeau de nettoyage composée de polyoléfine ;

Qu'ainsi la revendication 2 sera également annulée pour absence d'activité inventive ;

Considérant que la revendication 5 indique que la polyoléfine est du polypropylène mais qu'une telle revendication est dépourvue de nouveauté, la revendication 1 du brevet coréen 10-0718962 divulguant déjà des zones de fibres dures constituées de polypropylène ;

Qu'ainsi la revendication 5 sera également annulée pour absence de nouveauté ;

Considérant que la revendication 6 indique que les microfibres hydrophiles sont choisies parmi le polyester, le polyamide, le polyacrylique et leurs mélanges ;

Considérant cependant que la revendication 1 du modèle d'utilité coréen 20-0336386 et du brevet coréen 10-0718962 divulguent déjà des microfibres absorbantes composées de polyester ou d'un mélange de polyester/nylon, de telle sorte qu'il était évident pour l'homme du métier, au vu de l'état de la technique, de choisir notamment le polyester ou un mélange polyester/nylon pour réaliser les microfibres hydrophiles ;

Qu'ainsi la revendication 6 sera également annulée pour absence d'activité inventive ;

Considérant en conséquence que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté les sociétés Filmop et D. M.E. de leur demande de nullité des revendications 1, 2, 5 et 6 du brevet FR 0 850 267 tel que limité et qu'il sera prononcé la nullité des dites revendications pour défaut d'activité inventive et de nouveauté (pour la revendication 5) ;

III : SUR LES DEMANDES EN CONTREFAÇON DU BREVET N° FR 0 850 267:

Considérant que du fait de l'annulation des revendications 1, 2, 5 et 6 du brevet FR 0 850 267, invoquées par la SAS Concept Microfibre au soutien de son action en contrefaçon, celle-ci ne peut qu'être déclarée irrecevable en ses demandes en contrefaçon en l'absence de titre ;

Qu'en conséquence le jugement entrepris sera également infirmé en ce qu'il a condamné les sociétés Filmop et D. M.E. pour contrefaçon des revendications 1, 2, 5 et 6 du brevet FR 0 850 267 tel que limité ;

Considérant en outre que du fait de cette annulation, la demande subsidiaire des sociétés Filmop et D. M.E. fondée sur la possession personnelle de l'invention protégée par ce brevet, dont elles ont été déboutées en première instance, devient sans objet ;

IV : SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant que dans la mesure où la SAS Concept Microfibre est déclarée irrecevable en l'ensemble de ses demandes en contrefaçon, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande de publication judiciaire à titre de dommages et intérêts complémentaires, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de publication judiciaire de la décision de première instance ;

Considérant que pour leur part les sociétés Filmop et D. M.E. réclament chacune la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et abus de droit sur le fondement des articles 32-1 et 559 du code de procédure civile et 1382 du code civil, du fait du comportement procédural de la SAS Concept Microfibre consistant à modifier in extremis six ans après la date de dépôt de sa demande de brevet et deux ans après l'engagement de la procédure, les revendications principales de son brevet ;

Qu'elles réclament en outre chacune la somme de 50.000 € au titre du préjudice moral et celle de 100.000 € au titre du préjudice commercial en faisant valoir que les accusations de contrefaçon étaient manifestement dépourvues de tout fondement, que la SAS Concept Microfibre n'a pas hésité néanmoins à les dénigrer, ce qui a contraint la SASU D. M.E. à l'assigner devant le tribunal de commerce de Rouen pour concurrence déloyale ; que la saisie contrefaçon effectuée dans les locaux de la SASU D. M.E. n'avait aucune utilité dans la mesure où la SAS Concept Microfibre était déjà en possession des produits argués de contrefaçon et que cette mesure n'avait d'autre objectif que de tenter d'impressionner la SASU D. M.E. et d'obtenir un certain nombre de renseignements confidentiel ; qu'enfin la SAS Concept Microfibre n'a pas hésité à les assigner en contrefaçon de deux brevets dont la nullité était pourtant manifeste, témoignant ainsi d'une volonté de leur nuire ;

Considérant que la SAS Concept Microfibre réplique que les appelantes ne rapportent pas la preuve des prétendus actes de dénigrement allégués et qu'elles ont déjà engagé une procédure pour dénigrement dont elles ont été déboutées à Rouen, tant en première instance qu'en appel ;

Qu'elle ajoute qu'elle pouvait parfaitement procéder à une limitation de la portée de son brevet FR 0 850 267 en cours de procédure et que la procédure de saisie contrefaçon se justifiait pleinement ; qu'enfin elle n'a fait qu'exercer légitimement le droit de tout plaideur de s'adresser à la justice pour faire valoir l'existence d'une situation préjudiciable et d'en obtenir réparation ;

Considérant en premier lieu qu'il a été dit plus haut que la procédure de limitation du brevet FR 0 850 267 était valable et qu'en conséquence celle-ci ne peut être invoquée à faute par les sociétés Filmop et D. M.E. ; qu'en outre en ce qui concerne la demande pour procédure abusive il sera rappelé que les sociétés Filmop et D. M.E. ont été en première instance reconnues coupables d'actes de contrefaçon du brevet FR 0 850 267 et qu'une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient aux sociétés Filmop et D. M.E. de spécifier, constituer un abus de droit lorsque sa légitimité, même partielle, a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel ;

Considérant qu'en l'espèce la preuve de ces circonstances particulières, susceptibles de faire dégénérer en abus caractérisé, le droit de la SAS Concept Microfibre d'ester en justice, n'est pas rapportée par les sociétés Filmop et D. M.E., étant relevé en particulier que la procédure de saisie contrefaçon ne s'est pas déroulée dans des conditions abusives et n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune contestation ;

Qu'enfin les actes de dénigrement allégués avaient déjà été invoqués par la SASU D. M.E. devant le tribunal de commerce de Rouen qui, par jugement du 18 mars 2013, confirmé en appel le 03 juillet 2014, l'a déboutée de ses demandes en dommages et intérêts contre la SAS Concept Microfibre sur ce fondement ;

Considérant en conséquence que les sociétés Filmop et D. M.E. seront déboutées de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles en dommages et intérêts ;

Considérant que les sociétés Filmop et D. M.E. demandent que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elles ont versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire ;

Considérant cependant que le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution, qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu à statuer sur ce chef de demande ;

Considérant qu'il est équitable d'allouer aux sociétés Filmop et D. M.E. la somme globale de 30.000 € au titre des frais par elles exposés et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs infirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;

Considérant que la SAS Concept Microfibre sera pour sa part, déboutée de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la SAS Concept Microfibre, partie perdante en ses demandes, sera condamnée au paiement des dépens de la procédure de première instance et d'appel, le jugement entrepris étant par ailleurs infirmé en ce qu'il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;

Par ces motifs

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- déclaré les sociétés Filmop et D. M.E. irrecevables en leurs demandes de nullité des revendications 5, 6, 9, 10 et 11 du brevet FR 0 850 267 (désormais revendications 3, 4, 7, 8 et 9 du brevet tel que limité) et des revendications 4 à 10 du brevet FR 0 850 268 dont la SAS Concept Microfibre est titulaire,

- déclaré sans objet la demande de la SAS Concept Microfibre tendant à voir écarter des débats les pièces 24, 25, 26, 48, 49, 51, 55 et 56 versées par les sociétés Filmop et D. M.E.,

- déclaré nulles les revendications 1, 2 et 3 du brevet FR 0 850 268 dont la SAS Concept Microfibre est titulaire pour défaut de nouveauté,

- dit que sa décision une fois devenue définitive sera transmise à l'INPI pour transcription au Registre national des brevets à la requête de la partie la plus diligente,

- déclaré en conséquence irrecevables les demandes en contrefaçon formées par la SAS Concept Microfibre sur le fondement du brevet FR 0 850 268 à l'encontre des sociétés Filmop et D. M.E. ;

Dispositif

L'infirme pour le surplus, statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute les sociétés Filmop et D. M.E. de leur demande d'annulation de la procédure de limitation du brevet FR 0 850 267 et du brevet lui même pour fraude, ainsi que de leurs demandes en dommages et intérêts sur ce fondement ;

Annule la revendication principale 1 et les revendications dépendantes 2 et 6 du brevet FR 0 850 267 dont la SAS Concept Microfibre est titulaire pour absence d'activité inventive et la revendication dépendante 5 du dit brevet pour absence de nouveauté ;

Dit que le présent arrêt sera transmis à l'INPI pour transcription au Registre national des brevets à la requête de la partie la plus diligente ;

Déclare en conséquence irrecevables l'ensemble des demandes en contrefaçon formées par la SAS Concept Microfibre sur le fondement des revendications 1, 2, 5 et 6 du brevet FR 0 850 267 à l'encontre des sociétés Filmop et D. M.E. ;

Déclare de ce fait sans objet la demande des sociétés Filmop et D. M.E. fondée sur la possession personnelle de l'invention protégée par ce brevet ;

Déboute la SAS Concept Microfibre de sa demande de publication judiciaire à titre de dommages et intérêts complémentaires ;

Déboute les sociétés Filmop et D. M.E. de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles en dommages et intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;

Condamne la SAS Concept Microfibre à payer aux sociétés Filmop et D. M.E. la somme globale de TRENTE MILLE EUROS (30.000 €) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Déboute la SAS Concept Microfibre de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Concept Microfibre aux dépens de la procédure de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.