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Décisions

Cass. 1re civ., 14 octobre 2009, n° 08-14.978

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bargue

Rapporteur :

Mme Pascal

Avocat général :

M. Chevalier

Avocats :

SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 10 janv. 2008

10 janvier 2008

Attendu que par acte du 18 janvier 2007, la société de Construction de systèmes de réfrigération (CSR) et la Société tunisienne de réfrigération électrique (SATRE) ont fait pratiquer une saisie attribution au préjudice de la Ligue des Etats arabes sur un compte ouvert à son nom à la Société Générale, en vertu de deux jugements déclarant exécutoires en France deux jugements du Tribunal de première instance de Tunis des 18 novembre 1993 et 16 février 1994 qui condamnaient celle-ci à leur payer diverses sommes sur le fondement d'un contrat de bail portant sur un immeuble situé à Tunis ; que la Ligue des Etats arabes – Bureau de Paris a fait assigner les sociétés CSR et SATRE devant le juge de l'exécution en mainlevée de la saisie, au motif qu'en raison de son statut d'organisation internationale jouissant d'une immunité d'exécution consacrée par un accord d'établissement conclu avec le gouvernement français le 26 novembre 1997, entré en vigueur le 1er juillet 2000, ces deux décisions ne pouvaient être exécutées ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les sociétés SATRE et CSR font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2008) d'avoir ordonné la mainlevée de la saisie attribution et de la saisie de valeurs mobilières pratiquées le 18 janvier 2007 au préjudice de la Ligue des Etats arabes – Bureau de Paris, alors, selon le moyen que :


1°/ le jugement ordonnant l'exequatur sert, indissociablement avec la décision étrangère objet de l'exequatur, de fondement aux poursuites ; que le juge de l'exécution ne peut modifier ni le dispositif du jugement objet de l'exequatur, ni celui du jugement ordonnant l'exequatur ; qu'il ne peut suspendre et a fortiori arrêter l'exécution de ces deux jugements ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 8 du décret du 31 juillet 1992 et L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;

2°/ en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée par les jugements des 26 avril 2006 et 5 juillet 2006 qui, en ordonnant l'exequatur des décisions tunisiennes qui condamnaient la Ligue des Etats arabes à payer diverses sommes aux sociétés SATRE et CSR et ce, après avoir écarté le moyen tiré de l'immunité d'exécution, les rendaient exécutoires sur les biens de la Ligue des Etats arabes en France ; que la cour d'appel a ainsi violé l'article 1351 du code civil.

Mais attendu que l'exequatur n'est pas, en lui-même, un acte d'exécution pouvant exclure l'immunité d'exécution d'une organisation internationale ; que c'est donc à bon droit, et sans modifier les termes du jugement d'exequatur, que la cour d'appel a jugé qu'il ne s'était pas prononcé sur la possibilité de saisir tous les biens de la Ligue des Etats arabes en France ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis, pris en leurs diverses branches :

Attendu que les sociétés SATRE et CSR font encore grief à l'arrêt d'avoir ordonné la mainlevée des saisies pratiquées le 18 janvier 2007, alors que, selon les moyens, que :

1°/ il résulte de l'accord du 26 novembre 1997 signé entre le gouvernement de la République française et la Ligue des Etats arabes publié par décret du 18 septembre 2000, que l'immunité d'exécution n'a pas lieu en cas d'action civile fondée sur une obligation de la Ligue des Etats arabes résultant d'un contrat ; que l'accord ne distingue pas selon que l'obligation en cause est la conséquence de l'activité de la Ligue des Etats arabes en France et des conventions passées pour cette activité ou selon qu'elle aurait une autre cause, comme celle d'une condamnation pécuniaire par une juridiction hors de France, provenant d'une obligation contractuelle étrangère à l'activité du Bureau lui-même, qui n'a pas de personnalité juridique distincte de celle de la Ligue des Etats arabes ; qu'en décidant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les articles 1, 4, 6 de l'accord du 26 novembre 1997 et 1er alinéa 3 de la loi du 9 juillet 1991.

2°/ les Etats étrangers et les organismes qui en constituent l'émanation ne bénéficient de l'immunité de juridiction ou d'exécution qu'autant que l'acte qui donne lieu au litige participe, par sa nature et par sa finalité, à l'exercice de la souveraineté et n'est pas un acte de gestion ; que le contrat de bail conclu entre les sociétés SATRE et CSR bailleresses et la Ligue des Etats arabes locataire qui donne lieu au litige ne constitue pas un acte de souveraineté, mais une opération de gestion relevant du droit privé, et ne pouvant par conséquent bénéficier de l'immunité d'exécution ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les principes relatifs à l'immunité d'exécution et l'accord du 26 novembre 1997 ;

3°/ en faisant application d'une immunité d'exécution qui au regard des circonstances de l'espèce, ne répond pas à un but légitime, est disproportionnée par rapport au but poursuivi, et porte atteinte au droit d'accès aux tribunaux en sa substance même, la cour d'appel a violé l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Mais attendu qu'ayant relevé que les cas dans lesquels les biens de la Ligue des Etats arabes, mis à la disposition du bureau, pouvaient être saisis, étaient expressément limités par les dispositions de l'accord du 26 novembre 1997 aux conséquences des conventions passées pour l'activité du bureau et à celles des accidents causés par un véhicule du bureau, c'est sans violer l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, que la cour d'appel a pu en déduire que ces biens étaient protégés par une immunité d'exécution, l'obligation de la Ligue ayant une autre cause, dès lors d'une part, que la condamnation prononcée sanctionnait une obligation contractuelle étrangère à l'activité du bureau lui même et d'autre part, que les demanderesses, qui disposaient d'autres voies pour faire exécuter cette condamnation, n'étaient pas privées d'un accès au juge ; que les moyens ne sont pas fondés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.