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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 8 juillet 2020, n° 16/25380

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Immobilier Pour l'Entreprise (SAS)

Défendeur :

Tokheim Services France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chaumaz

Conseillers :

Mme Morlet, Mme Dabosville

T. com. Meaux, du 22 nov. 2016, n° 20150…

22 novembre 2016

FAITS et PROCÉDURE

La SCI FEPYFA (groupe BERTO), "sous couvert" de la SAS TOKHEIM SERVICES FRANCE, a le 24 janvier 2014 en qualité de maître d'ouvrage conclu avec la SAS IMMOBILIER POUR L'ENTREPRISE (IPE) une "Convention de Contractant Général" pour la construction d'un bâtiment industriel, une aire de lavage poids lourds et une aire de distribution de carburant à [...], pour un prix de 1.719.132,70 euros HT. Selon ce contrat, les bâtiments devaient être livrés le 31 juillet 2014.

Le chantier a été déclaré ouvert le 17 février 2014 (DROC).

Des travaux supplémentaires ont été prévus.

Les bâtiments n'ont pas été livrés le 31 juillet 2014.

La société FEPYFA, maître d'ouvrage, a déclaré selon procès-verbal du 23 septembre 2014 procéder à la réception des travaux du site, avec réserves, avec la société TOKHEIM, "entreprise générale".

La société IPE a le 30 septembre 2014 adressé à la société TOKHEIM une proposition de décompte général définitif (DGD) pour une somme totale de 1.813.427,60 euros HT, mentionnant des acomptes versés à hauteur de 1.576.706,29 euros, laissant un solde dû de 236.721,31 euros HT, soit 284.065,57 euros TTC.

La société TOKHEIM, pour le groupe BERTO, a le 21 novembre 2014 accusé réception de la remise en mains propres du dossier des ouvrages exécutés (DOE) et des contrats de maintenance de la station-service.

En l'absence de paiement du solde de son marché, le conseil de la société IPE a par courrier recommandé du 19 décembre 2014 mis en demeure la société TOKHEIM de lui régler la somme de 284.065,57 euros TTC.

Faute pour les parties de parvenir à un accord sur le solde des sommes dues au titre du programme de construction et des pénalités de retard et sur leur paiement, la société IPE a par acte du 22 mai 2015 assigné la société TOKHEIM en paiement devant le tribunal de commerce de Meaux.

Par jugement du 22 novembre 2016, le tribunal de commerce de Meaux a :

- reçu la société IPE en sa demande et l'a dite en partie bien fondée,

- condamné la société TOKHEIM à payer à la société IPE la somme de 67.489,70 euros TTC, avec intérêts au taux contractuel de trois fois le taux légal à compter du 22 mai 2015, date de l'assignation,

- reçu la société TOKHEIM en sa demande au titre des pénalités et l'a dite partiellement bien fondée,

- dit que la société IPE est redevable à l'égard de la société TOKHEIM de la somme de 22.280,40 euros TTC au titre des pénalités contractuelles de retard, avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2014, date de la livraison effective,

- reçu la société TOKHEIM en sa demande au titre du remboursement des actes d'huissiers et l'a dite bien fondée,

- condamné la société IPE à payer à la société TOKHEIM la somme de 1.045,61 euros TTC au titre des frais de constat d'huissier,

- ordonné la compensation des créances réciproques,

- condamné la société IPE à payer à la société TOKHEIM la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- dit que les dépens resteront à la charge de la société IPE.

La société IMMOBILIER POUR L'ENTREPRISE (IPE) a par acte du 16 décembre 2016 interjeté appel de ce jugement, intimant la société TOKHEIM devant la Cour.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 19 juin 2019, la société IMMOBILIER POUR L'ENTREPRISE (IPE) demande à la Cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il n'a retenu que partiellement sa demande en paiement et lui a imputé des pénalités de retard et la prise en charge de préjudices annexes,

Statuant à nouveau,

- dire et juger son action en paiement parfaitement recevable et fondée,

- débouter la société TOKHEIM de toutes ses prétentions (au titre de pénalités de retard, d'un préjudice financier, de non-conformités, réserves non levées, travaux non réalisés, de prise en charge de constat d'huissier, d'un préjudice subi du fait d'une procédure dénigrante de frais irrépétibles et dépens),

- débouter par conséquent la société TOKHEIM de sa demande de règlement de la somme de 91.057,39 euros TTC au titre des pénalités de retard du fait des deux mois de retard, de la malfaçon du caniveau, des travaux de candélabres et du remplacement des plantations,

- condamner pour les causes sus-énoncées la société TOKHEIM à lui payer la somme principale de 104.855,30 euros TTC, outre la somme de 2.532,52 euros au titre des intérêts contractuels arrêtés au 31 décembre 2015, en deniers ou quittances,

- dire et juger que la société TOKHEIM devra s'acquitter des intérêts contractuels à la date du paiement définitif de la créance,

- décerner acte à la société TOKHEIM du règlement de la somme de 30.000 euros venant en déduction du solde de 104.855,30 euros TTC, reçu le 2 juin 2015,

- condamner la société TOKHEIM à lui payer la somme de 4.747 euros HT, soit 5.696,40 euros TTC, correspondant à l'avenant n°6 du 5 mars 2015, avec intérêts au taux contractuel à compter de la date d'exigibilité,

- décerner acte à la société TOKHEIM du règlement de la somme de 5.696,40 euros TTC au titre de l'avenant n°6, reçu le 2 juin 2015,

- débouter la société TOKHEIM de sa demande de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour dénigrement et actions destinées à nuire ainsi que de sa demande de frais irrépétibles et de prise en charge des dépens de première instance et d'appel,

- débouter la société TOKHEIM de toute autre prétention,

- condamner la société TOKHEIM au paiement d'une indemnité de 6.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

La société TOKHEIM, dans ses dernières conclusions signifiées le 7 mai 2019, demande à la Cour de :

- constater qu'elle s'est acquittée de la somme totale de 1.755.079518 [sic] euros HT, soit 2.106.954,22 euros TTC au titre du prix du contrat et des six avenants,

- constater que le prix de l'avenant n°6 a été payé pour 4.747 euros HT, soit 5.696,40 euros TTC à la société IPE à la date du 30 mai 2015,

- déclarer irrecevables et mal fondées les demandes de la société IPE à son encontre,

En conséquence,

- rejeter l'appel interjeté par la société IPE,

- rejeter les demandes formées par la société IPE en toutes fins qu'elles comportent,

Sur son propre appel incident,

- confirmer le jugement en ce qu'il a accueilli ses demandes reconventionnelles pour :

. 18.567 euros HT, soit 22.280,40 euros TTC au titre des pénalités contractuelles de retard, outre les intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2014,

. 1.045,61 euros TTC au titre du remboursement des frais des constats d'huissier,

. 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- constater que sa créance s'élève à 75.881,39 euros HT, soit 91.057,66 euros TTC au titre des préjudices subis du fait des retards et des malfaçons,

En conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes fondées sur les préjudices subis du fait du retard de livraison des ouvrages et du fait des malfaçons ainsi que des dénigrements,

- condamner la société IPE à lui payer la somme de 75.881,39 euros HT, soit 91.057,66 euros TTC,

- condamner la société IPE à lui payer les sommes de :

. 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour dénigrement et actions destinées à lui nuire,

. 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la compensation des créances réciproques et connexes,

- condamner la société IPE en tous dépens de première instance et d'appel.

La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 16 juin 2020.

Conformément aux termes de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covi-19 et de l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, le conseil de la société TOKHEIM, par acte du 1er juin 2020, et le conseil de la société IPE, par acte du 16 juin 2020, ont consenti à ce que la procédure se déroule sans audience de plaidoiries pour le compte des parties qu'ils représentent et ont déposé leur entier dossier devant la Cour.

MOTIFS

Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention (article 9 du code de procédure civile). Ce principe fondamental en procédure civile est repris en matière contractuelle par l'article 1353 du code civil qui dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Sur la demande en paiement du solde du marché de la société IPE

Les premiers juges, rappelant que le prix des travaux était fixé à forfait ont, sur la base des points communs des conclusions de chacune des parties, estimé la créance de la société IPE justifiée à hauteur de 56.241,42 euros HT, soit 67.489,70 euros TTC.

La société IPE, rappelant que la société TOKHEIM a validé les avenants de travaux supplémentaires, estime sa demande en paiement recevable et justifiée à hauteur de 104.855,30 euros TTC, outre les intérêts au taux contractuel.

La société TOKHEIM s'oppose aux demandes de suppléments de prix, qu'elle estime irrecevables en application du principe du marché à forfait, de l'inopposabilité des devis unilatéraux pour suppléments de prix et son acceptation sans délai de six avenants. Elle fait valoir l'absence de preuve de la créance alléguée par la société IPE et considère que l'intégralité des paiements dus à l'entreprise lui ont été versés, ajoutant qu'aucun intérêt de retard n'est dû à l'entreprise depuis le 30 septembre 2014.

Sur ce,

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi (article 1134 du code civil en sa version applicable en l'espèce, antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations).

L'article 1793 du code civil dispose que lorsqu'un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'œuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit et le prix convenu avec le propriétaire.

1. sur le contrat initial

Au terme d'une convention de contractant général du 24 janvier 2014, la société IPE s'est engagée à réaliser la construction d'un bâtiment industriel, une aire de lavage de poids lourds et une aire de distribution de carburant (une station-service).

Cette convention a été conclue avec la société FEPYFA, propriétaire et maître d'ouvrage, "sous couvert" de la société TOKHEIM. Celle-ci fait état d'un contrat d'entreprise générale confié par la société FEPYFA, mais ne le produit pas aux débats. La société TOKHEIM est seule partie à l'instance, défenderesse assignée devant les premiers juges par la société IPE. La Cour retient qu'elle représente le maître d'ouvrage, la société FEPYFA.

L'article 2.2 de la convention du 24 janvier 2014 désigne les constructions concernées. Il s'agit d'une station-service telle que décrite dans la notice descriptive réalisée par la société IPE et sur les plans de Monsieur G., annexés. L'article 6.1 prévoit que "le CONTRACTANT GENERAL s'engage à faire réaliser le programme de travaux moyennant le prix forfaitaire, ferme et définitif, hors la TVA de : 1.719.132,70 euros HT". Il est précisé que "la présente Convention étant à prix forfaitaire, le CONTRACTANT GENERAL ne pourra prétendre postérieurement à sa signature, à un quelconque supplément à l'exception des travaux complémentaires imposés en cas de recours des tiers ou de retrait si le MAITRE DE L'OUVRAGE avait requis le CONTRACTANT GENERAL de commencer les constructions avant le terme du délai de purge desdits recours". L'article 6.3 alinéa 3 du contrat énonce que "si contrairement aux prévisions du CONTRACTANT GENERAL, l'opération se soldait pour ce dernier par un dépassement du prix convenu à l'article 6.1, quel qu'en soit le montant, celui-ci s'oblige à prendre à sa charge ce dépassement, le prix étant stipulé forfaitaire, définitif et non révisable".

La société IPE, dans son projet de DGD du 30 septembre 2014, mentionne, pour les divers lots concernés par le marché, la somme de 1.702.896,70 euros HT, puis au titre des modifications apportées à l'offre une somme de 16.216 euros HT (tenant compte d'une déduction de 50.000 euros pour la "suppression de la station de gazoil"), soit la somme totale de 1.719.132,70 euros HT correspondant au contrat signé précité. La société TOKHEIM, dans sa proposition financière du 7 mars 2014, validée le 15 décembre 2014 et adressée à l'entreprise le 18 février 2015, reprend au titre des divers lots la somme de 1.652.896,70 euros HT (déduisant ici la somme de 50.000 euros au titre de la "station carburant"), puis au titre des modifications la somme de 66.236 euros HT, soit la même somme totale de 1.719.132,70 euros HT.

2. sur les avenants

L'article 1793 du code civil relatif au marché à forfait n'entraîne pas de facto l'irrecevabilité d'une demande de prix supplémentaire. Des travaux non initialement prévus et expressément autorisés par le maître d'ouvrage selon un prix accepté de part et d'autre peuvent donner lieu à une facturation au-delà du prix forfaitaire convenu. Les modifications et travaux supplémentaires sont ainsi prévus à l'article 5.2 du contrat du 24 janvier 2014, possibles selon des avenants signés par les parties.

L'avenant n°1 évoqué par les parties n'est produit aux débats d'aucune part. Selon la société IPE, cet avenant reprend les devis n°2b du 2 mai 2014 pour des travaux d'électricité de 11.760 euros HT (soit 14.112 euros TTC), n°3 du 6 mai 2014 pour un châssis vitré coulissant de 1.650 euros HT (soit 1.980 euros TTC) et n°4 du 12 mai 2014 pour la couverture d'une fosse pneumatique de 13.348 euros HT (soit 16.017,60 euros TTC), représentant une somme totale de 26.758 euros HT (soit 32.109,60 euros TTC). Les devis communiqués n°2b, 3 et 4 ne sont pas signés pour accord par le maître d'ouvrage. La société TOKHEIM admet dans ses écritures avoir accepté l'avenant n°1 moyennant un prix de 38.918 euros HT, qui correspond selon sa proposition financière datée du 7 mars 2014 (antérieure aux trois devis précités) et présentée à la société IPE le 18 février 2015, non seulement à des travaux divers d'électricité pour 11.760 euros HT, un châssis vitré coulissant pour 1.650 euros HT et la couverture d'une fosse pneumatique pour 13.348 euros HT, mais également à des caméras pour 10.000 euros HT et des travaux de "GBA" [glissière de béton armé '] pour 2.160 euros HT. Il est pris acte de cette acceptation par la société TOKHEIM, représentant le maître d'ouvrage, de l'avenant n°1 pour 38.918 euros HT.

Cet avenant n°1 et les sommes correspondantes sont repris de façon identique par la société IPE, dans sa proposition de DGD du 30 septembre 2014 et par la société TOKHEIM dans sa proposition financière du 7 mars 2014, validée le 15 décembre 2014 et adressée à l'entreprise le 18 février 2015, à hauteur de ladite somme de 38.918 euros HT, qui sera donc retenue par la Cour.

L'avenant n°2 est annoncé par la société IPE en pièce communiquée n°56. Celle-ci est constituée d'un bordereau d'envoi du 29 juillet 2014 faisant état dudit avenant et d'un mail adressé à la société TOKHEIM le même jour faisant état de l'avenant en pièce jointe, mais cette pièce jointe n'est pas communiquée à la Cour. La société IPE ne mentionne pas non plus le montant de l'avenant n°2 dans ses propres conclusions. La société TOKHEIM a le 23 juillet 2014 signé pour validation un document du 17 juillet 2014émanantde la société IPE et portant "SUIVI DES DEVIS/AVENANTS", acceptant les devis de la société IPE n°8 du 24 janvier 2014 pour des travaux divers de 1.959,36 euros HT, n°9 du 24 juin 2014 pour la vidéo-surveillance et des travaux d'électricité de 19.385 euros HT, n°10 du 30 juin 2014 pour la réalisation d'un local lavage de 2.245 euros HT et n°12 du 1er juillet 2014 pour une gâche électrique de 1.450 euros HT, soit une somme totale de 25.039,36 euros HT. Il doit être pris acte de cette signature, valant acceptation des devis mentionnés. Les devis correspondants sont communiqués, mais non signés pour acceptation. Si le devis n°12 du 1er juillet 2014 concernant une gâche électrique évoque une prestation de 450 euros HT (soit 540 euros TTC), la société TOKHEIM l'a validé à hauteur de 1.450 euros HT en apposant le 23 juillet 2014 sa signature sur le document précité de la société IPE.

Cependant cet avenant n°2 et les sommes correspondantes, mentionnant notamment le coût de la gâche électrique à hauteur de 450 euros HT (et non 1.450 euros HT), sont repris de façon identique par la société IPE, dans sa proposition de DGD du 30 septembre 2014 et par la société TOKHEIM dans sa proposition financière du 7 mars 2014, validée le 15 décembre 2014 et adressée à l'entreprise le 18 février 2015, à hauteur de la somme totale de 24.039,36 euros HT, qui sera retenue.

L'avenant n°3 du 4 septembre 2014 est versé aux débats par la société IPE. Il concerne divers travaux d'électricité pour la somme de 4.200 euros HT, soit 5.040 euros TTC. Le document n'est pas signé pour acceptation par la société TOKHEIM. Aucun devis correspondant, et a fortiori aucun devis accepté, n'est versé aux débats. Mais la société TOKHEIM dans ses conclusions admet avoir accepté ledit avenant à hauteur de la somme mentionnée. Il est pris acte de cet accord, à hauteur de 4.200 euros HT.

Cet avenant n°3 et la somme correspondante sont repris de façon identique par la société IPE, dans sa proposition de DGD du 30 septembre 2014 et par la société TOKHEIM dans sa proposition financière du 7 mars 2014, validée le 15 décembre 2014 et adressée à l'entreprise le 18 février 2015, à hauteur de ladite somme de 4.200 euros HT, qui sera retenue.

L'avenant n°4bis évoqué par les parties n'est pas produit aux débats. Il est mentionné par la société IPE dans son projet de DGD du 30 septembre 2014, au titre de la démolition et la réfection d'une allée, de travaux de terrassement, de la remise en état des espaces verts, de la réalisation d'une allée en béton et de la fourniture et la mise en place d'une canalisation de gaz. La société IPE présente alors une somme correspondante de 9.238 euros HT. La société TOKHEIM, qui reproche à la société IPE des "prix exorbitants attribués à des prestations contractuelles érigées en « devis-avenants » non acceptés" (caractères gras des conclusions), mentionne ce seul exemple pour illustrer ce grief. Un mail du 7 janvier 2015 de Monsieur Gilles B. (de la société IPE) adressé à la société TOKHEIM fait état, concernant cet avenant, d'un "accord sur le montant de 4000€". La société TOKHEIM admet dans ses écritures avoir accepté cet avenant pour 4.000 euros HT, somme d'ailleurs reprise dans sa proposition financière du 7 mars 2014, validée le 15 décembre 2014 et adressée à l'entreprise le 18 février 2015.

Aucun élément du dossier ne permettant de retenir un accord du maître d'ouvrage pour des prestations supplémentaires au titre de cet avenant n°4bis au-delà de la seule somme de 4.000 euros HT, cette somme seule pourra être retenue de ce chef.

L'avenant n°5 évoqué n'est communiqué d'aucune part. Selon la proposition financière du 7 mars 2014 de la société TOKHEIM (adressée le 18 février 2015 à la société IPE), cet avenant concerne la modification d'un réseau d'air comprimé pour 3.750,54 euros HT (selon devis n°15 du 17 juillet 2014), l'alimentation électrique d'un compresseur pour 510 euros HT (selon devis n°16 du 23 juillet 2014), le déplacement et l'ajout d'une prise pour 1.068 euros HT (selon devis n°17 du 4 septembre 2014), le déplacement d'un candélabre pour 7.809 euros HT (selon devis n°19 du 4 septembre 2014), la réalisation d'un massif pour 1.450 euros HT (selon devis n°19 du 11 septembre 2014), la dépose et la repose de l'abri vélo pour 1.800 euros HT (selon devis n°20 du 12 septembre 2014) et l'ajout de deux arrivées d'eau pour 1.512 euros HT (selon devis n°21 du 12 septembre 2014), soit la somme totale de 17.899,54 euros HT. Les devis correspondants, versés aux débats, ne sont pas signés pour accord par le maître d'ouvrage. Mais la proposition financière de la société TOKHEIM laisse apparaître que ces prestations et leurs coûts ont été validés, à l'exception du déplacement du poste dépose et repose de l'abri vélo, validé pour 900 euros HT (et non 1.800 euros HT), soit un accord du maître d'ouvrage à hauteur de la somme totale de 16.999,54 euros HT, somme reprise par la société TOKHEIM dans ses écritures et qui, au regard des chiffres mentionnés et contrairement à ses affirmations, n'exclut pas le déplacement d'un candélabre pour 7.809 euros. Il est pris acte de l'accord de la société TOKHEIM à hauteur de la somme de 16.999,54 euros HT au titre de cet avenant.

Cet avenant n°5 et les sommes correspondantes sont mentionnés par la société IPE, dans sa proposition de DGD du 30 septembre 2014 à hauteur de la somme totale de 17.899,54 euros HT euros HT. Aucun élément du dossier ne permet cependant de retenir un accord du maître d'ouvrage pour des prestations supplémentaires à hauteur au-delà de la seule somme de 16.999,54 euros HT, seule d'ailleurs reprise par la société TOKHEIM dans sa proposition financière du 7 mars 2014, validée le 15 décembre 2014 et adressée à l'entreprise le 18 février 2015. Faute de justifier de l'accord du maître d'ouvrage au-delà, seule la somme de 16.999,54 euros HT pourra être retenue de ce chef.

L'avenant n°6 du 5 mars 2015, concernant les "frais liés à l'annulation d'une partie des prestations d'espaces verts par le client, sans avertissement préalable" pour 4.747 euros HT (soit 5.696,40 euros TTC) a été signé, pour accord, par la société TOKHEIM. Il en est pris acte.

Cet avenant n°6 est postérieur au projet de DGD de la société IPE du 30 septembre 2014 et à la proposition financière de la société TOKHEIM du 7 mars 2014, validée le 15 décembre 2014 et adressée à l'entreprise le 18 février 2015. Il convient d'en tenir compte, à hauteur de 4.747 euros HT, au titre de frais expressément acceptés par le maître d'ouvrage.

Au-delà du marché forfaitaire initial conclu pour la somme de 1.719.132,70 euros HT, il apparaît ainsi que la société TOKHEIM a accepté six avenants à hauteur de la somme totale de 38.918 + 24.039,36 + 4.200 + 4.000 + 16.999 + 4.747 = 92.903,36 euros HT, venant s'ajouter à la somme forfaitaire posée par le contrat initial, soit une somme totale pour les travaux confiés à la société IPE de 1.719.132,70 + 92.903,36 = 1.812.036,06 euros HT.

3. sur la réception et les réserves

L'article 1792-6 du code civil décrit la réception comme l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve, acte en tout état de cause prononcé contradictoirement. Ainsi, si la réception est bien un acte unilatéral d'acceptation des ouvrages par le maître d'ouvrage, elle reste un acte contradictoire impliquant le maître d'ouvrage et l'entreprise à laquelle les travaux ont été confiés.

Alors que le maître d'ouvrage de l'opération est la société FEPYFA et que la société TOKHEIM a conclu avec celle-ci un contrat d'entreprise générale (certes non produit aux débats, mais non contesté d'aucune part), la réception des travaux est intervenue entre ces deux parties.

Le directeur des achats du groupe BERTO, pour la société FEPYFA, maître d'ouvrage, a en effet selon procès-verbal du 23 septembre 2014 procédé à la réception des travaux du site en cause, avec réserves, en présence du représentant de la société TOKHEIM, "entreprise générale". La société IPE, à laquelle les travaux ont été confiés selon convention de contractant général du 24 janvier 2014, n'était ni ne présente ni représentée lors de la signature du procès-verbal du 23 septembre 2014.

La société IPE, contractante générale à laquelle la société TOKHEIM a confié les travaux, ne justifie pas de son côté avoir reçu livraison des prestations confiées à d'autres entreprises. Les documents portant "POINTS SUR LES RESERVES", datés des 13 et 24 octobre et 3 novembre 2014, établis à partir de la liste des réserves émises lors de la signature du procès-verbal du 23 septembre 2014 par les sociétés FEPYFA et TOKHEIM, ne comportent aucune signature, aucun visa, et n'ont aucune valeur probante.

Il n'est pas justifié de la levée des réserves. La pièce n°26 de la société TOKHEIM, annoncée comme étant la "levée des réserves du 14 avril 2015" n'est pas un acte intervenu entre la société FEPYFA et la société TOKHEIM, mais un "QUITUS D'INTERVENTION" de l'entreprise ANDREU (pour un "pb WC Sani H RdC" et une "tige de déclenchement"), daté du 14 avril 2015, ne constituant pas un acte de levée des réserves. Les pièces portant "POINT SUR LES RESERVES" communiquées par la société IPE, précitées, n'ont pas de valeur probante et ne peuvent établir la réalité de la levée desdites réserves.

4. sur les paiements et le solde dû à la société IPE au titre de ses travaux

L'article 7 de la convention de contractant général conclue le 24 janvier 2014 entre la société TOKHEIM et la société IPE prévoit le paiement de 20% du prix du marché à la signature du contrat, le paiement des situations mensuelles suivant l'avancement des travaux et le paiement du solde à la réception. Il est précisé que "les règlements feront l'objet d'une retenue de garantie de 5% de leur montant jusqu'à la fin de la période de parfait achèvement (')".

Le marché conclu entre la société TOKHEIM, représentant la société FEPYFA, maître d'ouvrage, et la société IPE porte sur les sommes de 1.719.132,70 euros HT au titre du contrat initial, et de 92.903,36 euros HT au titre des travaux supplémentaires convenus par six avenants, soit une somme totale de 1.812.036,06 euros HT.

La réception des travaux par le maître d'ouvrage, la société FEPYFA, est admise au 23 septembre 2014, avec réserves. Le sort de ces réserves n'est pas établi en l'espèce. Mais la période de la garantie de parfait achèvement (article 1792-6 alinéa 2 du code civil) s'est achevée le 23 septembre 2015. La société TOKHEIM, représentant le maître d'ouvrage, ne peut plus se prévaloir d'une retenue de garantie de 5%.

La société TOKHEIM n'apporte aucune pièce probante justifiant des règlements intervenus.

Dans sa proposition de DGD du 30 septembre 2014, la société IPE reconnaît avoir reçu des acomptes de la société TOKHEIM à hauteur de la somme totale de 1.576.706,29 euros HT. Dans un tableau récapitulatif des paiements de la société TOKHEIM faisant état du marché initial et des six avenants (pièce n°34 de la société IPE), la société IPE reconnaît avoir reçu de nouveaux paiements à hauteur de 74.496,45 + 104.713,82 + 30.000 + 5.696,40 = 214.906,67 euros TTC, soit 179.088,89 euros HT. Elle admet ainsi avoir reçu le règlement de la somme totale de 1.576.706,29 + 179.088,89 = 1.755.795,18 euros HT.

La société IPE établit en conséquence une créance contre la société TOKHEIM, au titre du contrat initial et des six avenants acceptés, à hauteur de 1.812.036,06 - 1.755.795,18 = 56.240,88 euros HT, soit 67.489,05 euros TTC.

Force est de constater que ladite somme correspond, or les centimes, à la créance de la société IPE telle que retenue par les premiers juges, à hauteur de 56.241,42 euros HT, soit 67.489,70 euros TTC. Il n'y a donc pas lieu d'infirmer le jugement de ce chef.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société TOKHEIM à payer à la société IPE la somme arrondie de 67.489 euros TTC.

5. sur les intérêts de retard

L'article 7 de la convention de contractant général signée le 24 janvier 2014 par la société TOKHEIM et la société IPE prévoit, au titre du règlement du prix, que "tout retard de paiement du MAITRE DE L'OUVRAGE par rapport à la date d'exigibilité donnera lieu, de plein droit et après envoi d'une mise en demeure de paiement restée sans effet dans un délai de 10 jours, à la perception d'intérêts de retard calculés à 3 fois le taux d'intérêt légal à compter de sa date d'exigibilité".

La proposition de DGD de la société IPE, adressée le 30 septembre 2014 à la société TOKHEIM rappelle ces pénalités de retard.

La société IPE a par courrier du 19 décembre 2014 mis en demeure la société TOKHEIM de lui régler une somme alors calculée à hauteur de 284.065,57 euros TTC, "hors pénalités de retard". La société TOKHEIM ne justifie pas de paiements intervenus dans les 10 jours de cette interpellation.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts de retard à la date de l'assignation du 22 mai 2015, ceux-ci étant dus à compter de leur date d'exigibilité, soit 10 jours au plus tard après mise en demeure, le 29 décembre 2014.

Statuant à nouveau, la Cour assortira la condamnation à paiement de la société TOKHEIM des intérêts contractuels de retards, selon le taux contractuel de trois fois le taux d'intérêts légal, à compter du 29 décembre 2014, conformément aux termes du contrat liant les parties.

Sur les demandes indemnitaires de la société TOKHEIM

Les premiers juges ont accédé à la demande de la société TOKHEIM au titre des pénalités de retards dues entre le 31 juillet et le 23 septembre 2014 sur 54 jours à hauteur de 18.567 euros HT, soit 22.280,40 euros TTC et au titre des frais de constat d'huissier à hauteur de 1.045,61 euros TTC. Ils ont en revanche rejeté toute demande au titre du remboursement de deux mois de loyers payés au groupe BERTO, au titre des malfaçons et du déplacement des candélabres et enfin au titre du dénigrement.

La société TOKHEIM fait valoir plusieurs créances, non seulement du chef de pénalités contractuelles de retard due par l'entreprise à hauteur de 18.567 euros HT, mais également de la perte de loyers de 25.000 euros, du coût des malfaçons et travaux non réalisés (au titre du caniveau non conforme pour 10.000 euros HT, du déplacement du candélabre pour 7.809 euros HT, du remplacement des arbres morts pour 14.505 euros HT) et considère donc avoir trop versé à la société IMMOBILIER POUR L'ENTREPRISE la somme de 19.640,51 euros HT. Elle présente enfin une demande de dommages et intérêts à hauteur de 20.000 euros, reprochant à la société IPE de l'avoir dénigrée et décrédibilisée.

La société IMMOBILIER POUR L'ENTREPRISE constate qu'il n'est pas démontré que le maître d'ouvrage (la société FEPYFA) ait imposé des pénalités de retard à la société TOKHEIM, fait valoir n'être à l'origine d'aucun retard, affirme que ses prestations ne souffrent pas de non-conformités, de réserves ni de non-façons et conteste les comptes présentés par la société TOKHEIM, estimant qu'il lui reste dû un solde de 74.855,30 euros TTC, outre les intérêts contractuels (qui continuent à courir).

Sur ce,

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, doivent être exécutées de bonne foi et se résolvent en dommages et intérêts à raison de l'inexécution ou de la mauvaise exécution par le débiteur de son obligation (articles 1134 et 1147 du code civil en sa version applicable en l'espèce, antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations).

Les demandes indemnitaires se situant en dehors des relations purement contractuelles des parties sont examinées sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle posée par l'article 1240 du code civil, selon lequel tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

1. sur les pénalités de retard

L'article 8.1.2 de la convention de contractant général signée le 24 janvier 2014 par les sociétés TOKHEIM (pour la société FEPYFA) et IPE prévoit que "le CONTRACTANT GENERAL réalisera les travaux de construction de l'immeuble et procédera à la livraison des ouvrages le 31/07/2014, sous réserve d'un démarrage de chantier au plus tard le 17/02/2014".

L'article 9 de la même convention stipule qu'"à défaut de livraison à la date prévue ci-dessus à l'article 8.1.2, le CONTRACTANT GENERAL sera redevable au MAITRE DE L'OUVRAGE de pénalités forfaitaires et définitives, fixées ainsi qu'il suit :

Le CONTRACTANT GENERAL paiera au MAITRE DE L'OUVRAGE une pénalité de 1/5000ème du montant du contrat par jour calendaire de retard sans préjudice de tous autres droits et actions du MAITRE DE L'OUVRAGE de ce chef".

Le chantier a bien démarré le 17 février 2014, selon les dires concordants des parties.

(1) sur la réalité des retards des travaux

Pour fixer le délai de réalisation de la station-service, les parties au moment de la signature de la convention du 24 janvier 2014 n'ont pas tenu compte d'éventuels travaux supplémentaires.

Des travaux modificatifs supplémentaires sont autorisés par l'article 1793 du code civil et la convention précitée du 24 janvier 2014, à condition d'être sollicités et approuvés par le maître d'ouvrage, selon un prix convenu et un avenant définissant leurs conséquences sur le délai de livraison (article 5.2 de la convention).

Or six avenants au contrat initial ont été rédigés. S'ils n'ont pas été expressément acceptés par la société TOKHEIM, pour le compte du maître d'ouvrage, qui n'a pas signé les cinq premiers avenants (mais seulement le 6ème), il a pu être relevé plus haut que toutes les prestations prévues dans ces avenants ont été acceptées par la société TOKHEIM (à l'exception de quelques points de l'avenant n°4bis).

La société TOKHEIM n'a pas signé pour accord les devis n°2b du 2 mai 2014, n°3 du 6 mai 2014 et n°4 du 12 mai 2014 mais en a nécessairement eu connaissance et les a acceptés, d'une part en signant le 23 juillet 2014 le document de la société IPE daté du 17 juillet 2014 portant "SUIVI DES DEVIS/AVENANTS" et d'autre part en les faisant apparaître sur sa proposition financière du 7 mars 2014 adressée le 18 février 2015 à la société IPE. Conformément aux dispositions de l'article 5.2 de la convention du 24 janvier 2014, les devis font état du prix des prestations prévues et de leurs conséquences sur le délai de livraison des travaux (devis n°2B : "délai complémentaire : 1 semaine", devis n°3 : "délai complémentaire : sans objet" et devis n°4 : "délai complémentaire : 2 semaines", mots soulignés dans les devis). La validation le 23 juillet 2014 de ces premiers devis entraîne de facto la validation de nouveaux délais d'exécution et d'une livraison retardée d'autant. Cette validation est en outre intervenue tardivement au regard des délais de réponse figurant sur les devis, de l'avancée des travaux et de la date initialement prévue pour la livraison des bâtiments.

Le raisonnement est le même pour les devis suivants présentés avant le 31 juillet 2014 (devis n°8 du 24 juin 2014 : "délai complémentaire : sans objet", devis n°9 du 24 juin 2014 : "délai complémentaire : 2 semaines" et "délai de réalisation : 2 semaines", devis n°10 du 30 juin 2014 : "délai complémentaire : 1 semaine", devis n°12 du 1er juillet 2014 : "délai complémentaire : 1 semaine" et "délai de réalisation : 1 semaine", devis n°15 du 17 juillet 2014 : "délai de réalisation : 1 semaine" et "délai complémentaire : 1 semaine", devis n°16 du 23 juillet 2014 : "délai de réalisation : 2 semaines" et "délai complémentaire : 2 semaines") et les derniers devis présentés après le 1er septembre 2014 (devis n°17 du 4 septembre 2014 : "délai de réalisation : 1 semaine" et "délai complémentaire : 1 semaine", devis n°18 du 4 septembre 2014 : "délai de réalisation : 2 semaines" et "délai complémentaire : 2 semaines" et devis n°19 du 11 septembre 2014 : "délai de réalisation : 1 jour" et "délai complémentaire : 3 jours").

La société TOKHEIM ne peut affirmer que les travaux supplémentaires prévus par ces devis n'ont pas eu d'impact sur le délai de livraison alors même que des délais supplémentaires étaient mentionnés sur les devis ayant donné lieu à avenants. La société IPE reconnaît certes avoir réalisé les prestations sans même attendre leur validation, mais le démarrage des travaux avant leur validation par le maître d'ouvrage n'a aucun effet sur le délai nécessaire pour leur réalisation. Les travaux supplémentaires ont nécessairement nécessité des nouveaux délais et retardé l'échéance du chantier, ainsi qu'ont pu le constater les représentants du groupe BERTO (maître d'ouvrage) dans divers mails adressés à la société IPE ou encre Monsieur Olivier F. dans un rapport d'audit du 4 août 2014 (audit dressé non contradictoirement, à la demande unilatérale du maître d'ouvrage). Un huissier de justice requis par la société TOKHEIM a par procès-verbal du 18 août 2014 constaté qu'à cette date le chantier n'était pas terminé.

Au regard des travaux supplémentaires acceptés et des délais de réalisation de ceux-ci, la société TOKHEIM ne peut se prévaloir d'aucun retard de chantier imputable à la société IPE.

(2) sur l'incidence des congés contractuels de la société IPE

La convention de contractant général du 24 janvier 2014 prévoyait en outre expressément que les semaines 32, 33, 34 (correspondant aux trois premières semaines d'août) et les semaines 51 et 52 (fin d'année) sont "réputées comme non travaillées". Ce point était donc contractuellement accepté. Signant le 23 juillet 2014 la fiche de "SUIVI DES DEVIS/AVENANTS" dressée le 17 juillet 2014 par la société IPE et acceptant ainsi fin juillet 2014 des travaux supplémentaires au titre des devis n°8, 9, 10 et 12, pour un peu plus de 25.000 euros HT, et admettant en conséquence ainsi des nouveaux délais de réalisation des travaux, la société TOKHEIM a nécessairement reculé la date de livraison du chantier au-delà du mois d'août 2014.

Contrairement à ce qu'affirme la société TOKHEIM le "planning recalé" (du reste illisible en sa version communiquée à la Cour) de la société IPE faisant état d'une réception au 1er septembre 2014 (avant la première semaine de congé de l'entreprise) ne date pas du 8 juillet 2014 puisqu'il est joint à un mail du représentant de l'entreprise, adressé un mois plus tôt, le 10 juin 2014, aux entreprises intervenant sur le chantier et aux représentants de la société TOKHEIM.

Le compte-rendu de réunion de chantier du 24 juillet 2014 dressé par la société IPE laisse certes entendre que les bâtiments seraient livrés en semaine 31 (début août 2014). Il n'est cependant pas établi qu'à cette date, la société IPE avait effectivement été destinataire de sa fiche de suivi des devis et avenant (document précité du 17 juillet 2014), signée par la société TOKHEIM le 23 juillet 2014 pour acceptation.

Par ailleurs, dans son mail du 3 août 2014, le représentant de la société IPE indique à un représentant du groupe BERTO (maître d'ouvrage) que "l'objectif est que vous puissiez emménager comme convenu" sans mentionner de date de référence ni citer l'accord en cause.

Enfin, le tableau de "contrôle de levés d'observations" communiqué par la société TOKHEIM (sa pièce n°12) ne permet pas d'identifier le rédacteur du document, établi sous l'en-tête de la société TOKHEIM. Ce tableau ne mentionne certes pas les congés de la société IPE, mais fait état de travaux prévus en suite de ces congés, à partir du 15 août 2014.

La société TOKHEIM ne prouve ainsi aucunement l'absence de lien entre le retard des travaux et les congés annuels contractuels de la société IPE, alors que celle-ci établit que l'acceptation le 23 juillet 2014 de travaux supplémentaires pour 25.000 euros rendait impossible une livraison de ceux-ci dès le 31 juillet 2014, date initialement prévue pour la livraison.

(3) sur les retards de paiement de la société TOKHEIM

La société TOKHEIM ne justifie certes pas de la date exacte de ses règlements entre les mains de la société IPE.

Si les retards de paiements sont réels, les premiers juges et la Cour observant que la société TOKHEIM reste à ce jour débitrice envers la société IPE d'une somme de plus de 65.000 euros, le tableau des règlements de la société TOKHEIM, dressé de la seule main de la société IPE ne permet cependant pas de démontrer un lien entre les retards de paiement et le retard pris par le chantier. La société IPE ne justifie pas de l'envoi ni a fortiori de la date d'envoi à la société TOKHEIM de ses factures et situations. Les échanges de mails entre les parties ne permettent pas d'apporter la lumière sur ces points. Les dates exactes de paiements déjà opérés par la société TOKHEIM ne sont pas établies.

Les éléments du dossier sont insuffisants pour établir un lien entre des retards de paiement par la société TOKHEIM et le retard pris par le chantier.

(4) sur la réalité d'un abandon de chantier

Le représentant de la société IPE a certes par mail du 19 septembre 2014 indiqué au représentant de la société TOKHEIM que l'entreprise n’effectuerait «plus aucun travaux". Contrairement à ce qu'affirme la société TOKHEIM, il ne peut cependant s'agir un abandon de chantier, alors qu'à cette date l'entreprise attendait une "réponse de tokheim sur le paiement de [ses] situations en retard et sur les multiples avenants non signés" (même mail) et que les premiers juges et la Cour de céans ont constaté que l'entreprise restait effectivement créancière de la société TOKHEIM. Celle-ci ne peut donc alléguer qu'elle avait à ce moment réglé l'intégralité des travaux réalisés. Un procès-verbal de constat d'huissier du 22 septembre 2014 révèle que le chantier n'était pas terminé, sans laisser apparaître un inachèvement définitif. La société FEPYFA a d'ailleurs accepté de recevoir les travaux le 23 septembre 2014, en l'état (mais avec réserves).

Les relations entre les sociétés TOKHEIM et IPE se sont poursuivies au-delà du 19 septembre 2014, ainsi que le démontrent la poursuite des échanges entre les parties, notamment par mails, laissant apparaître l'intervention d'entreprises à la demande du contractant général pour la reprise et la levée des réserves.

La société TOKHEIM ne peut donc prétendre que la société a abandonné le chantier le 19 septembre 2014.

Les travaux n'ont pas été livrés le 31 juillet 2014, ainsi que cela était prévu dans la convention de contractant général conclue le 24 janvier 2014 entre les parties. La société FEPYFA, maître d'ouvrage, n'a réceptionné les travaux, avec réserves, que près de deux mois plus tard, le 23 septembre 2014.

Mais quand bien même la société IPE ne démontre pas le lien entre des retards de paiement de la société TOKHEIM et les retards du chantier, il a pu être établi que ces retards n'étaient pas imputables à l'entreprise, que des avenants portant travaux et délais supplémentaires (certains validés fin juillet 2014 quelques jours avant les congés contractuels de l'entreprise) avaient nécessairement reculé l'échéance du chantier, que l'entreprise restait créancière du maître d'ouvrage et qu'aucun abandon de chantier ne pouvait lui être reproché.

Les premiers juges ont en conséquence à tort appliqué des pénalités de retard à la société IPE. Le jugement sera infirmé de ce chef et, statuant à nouveau, la Cour déboutera la société TOKHEIM de sa demande à ce titre.

2. sur les frais d'huissier

La société TOKHEIM a à ses frais requis les services d'un huissier de justice pour constater l'état des lieux. Alors que les procès-verbaux n'ont pas été utiles à la solution du litige, les frais d'huissier ne constituent pas un préjudice indemnisable et ne peuvent être mis à la charge de la société IPE.

Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point et, statuant à nouveau, la Cour déboutera la société TOKHEIM de sa demande de ce chef.

3. sur la perte de loyers

Du fait du retard de chantier, la société FEPYFA (groupe BERTO), maître d'ouvrage, n'a pu intégrer les lieux le 31 juillet 2014, ainsi que cela était initialement prévu, mais seulement le 23 septembre 2014.

Il a cependant été retenu que ce retard n'était pas imputable à la société IPE.

La société TOKHEIM établit certes avoir consenti à la société FEPYFA une "REMISE COMMERCIALE" de 25.000 euros, selon facture (dressée de sa propre main) adressée au maître d'ouvrage pour l'échéance du 30 mars 2016. La Cour rappelle cependant que la société TOKHEIM ne justifie à aucun moment du contrat et la liant à la société FEPYFA et des conditions contractuelles y contenues. Il n'est aucunement démontré que cette remise commerciale, accordée près d'un an et demi après la réception, corresponde à deux mois de loyers abandonnés par la société TOKHEIM au profit du groupe BERTO en conséquence du retard de livraison de la station-service.

Les premiers juges ont en conséquence à juste titre débouté la société TOKHEIM de sa demande d'indemnisation de ce chef et leur jugement sera confirmé sur ce point.

4. sur la reprise des désordres et réserves non levées

(1) sur le caniveau

La liste des réserves annexée au procès-verbal de réception du 23 septembre 2014 intervenu entre les sociétés FEPYFA et TOKHEIM indique certes, au point 57 que "la largeur du caniveau semble insuffisante [sic]". Cette seule assertion, émanant du maître d'ouvrage et inscrite au procès-verbal en l'absence de la société IPE, ne vaut pas preuve d'une non-conformité aux attentes contractuelles ni aux règles de l'art. Elle est en outre rédigée en termes dubitatifs.

Le cahier des charges posant la largeur attendue du caniveau n'est pas versé aux débats. La Cour n'est donc pas renseignée sur les prescriptions contractuelles sur ce point.

La largeur du caniveau effectivement réalisé n'a pas été contradictoirement établie. La non-conformité n'est donc pas établie.

Le document portant "POINT SUR RESERVES AU 13/10/14", produit aux débats par la société IPE et manifestement établi par celle-ci à partir de la liste de réserves annexée au procès-verbal de réception, porte la mention manuscrite, en marge de ce point 57 : "commande de nouvelle grille effectuée". Cette mention, dont l'auteur n'est pas identifié, ne vaut pas reconnaissance d'un défaut ou d'une non-conformité, ni engagement de reprendre ce point. La société IPE a d'ailleurs par courrier du 13 mars 2015 indiqué à la société TOKHEIM que "la prestation de mise en place de caniveau a été réalisée conformément à [son] marché et à [ses] plans" et lui a présenté le devis du 12 mars 2015 de la SAS LAERI pour la modification du caniveau suivant la demande du maître d'ouvrage.

En l'absence de manquement de l'entreprise à ses obligations contractuelles démontré, les premiers juges ont à juste titre débouté la société TOKHEIM de sa demande de reprise d'une non-conformité au titre du caniveau. Le jugement sera confirmé de ce chef.

(2) sur les espaces verts

La société TOKHEIM a par courrier du 26 février 2016 indiqué à la société IPE qu'elle avait pu constater, à la suite des travaux en cause, "que de nombreux arbres et arbustes sont déjà morts" et l'a mise en demeure de "faire les reprises nécessaires sous huit jours" (remplacement de 34 arbres tiges et de 180 arbustes haies).

Ce seul courrier, émanant de la société TOKHEIM elle-même ne peut bien entendu valoir preuve des désordres allégués et n'établit en aucun cas un manquement de la société IPE à ses obligations contractuelles. La cause et l'origine du désordre, seulement allégué, ne sont pas établies.

En l'absence d'élément, les premiers juges ont à juste titre débouté la société TOKHEIM de sa demande d'indemnisation du chef de la reprise des espaces verts. Le jugement sera confirmé à ce titre.

(3) sur le déplacement du candélabre

La liste des réserves annexée au procès-verbal de réception indique, au point 65 : "mettre en place le candélabre central avec sa protection". Cette réserve a été émise lors de la réception par la société FEPYFA des travaux confiés à la société TOKHEIM, en l'absence de la société IPE.

Il n'est pas démontré que le candélabre en cause n'a pas été posé selon les prévisions contractuelles, la Cour n'étant pas renseignée sur celles-ci.

Le déplacement d'un candélabre a été proposé par la société IPE selon devis n°18 du 4 septembre 2014 pour la somme de 7.809 euros HT, soit 9.370,80 euros TTC. Ce devis n'a pas été signé pour accord par la société TOKHEIM. Mais la société IPE l'a bien intégré dans sa proposition de DGD du 30 septembre 2014 (point D de l'avenant n°5) et la société TOKHEIM l'a également intégré et validé, pour ladite somme de 7.809 euros HT, dans sa proposition financière du 7 mars 2014 présentée à la société IPE par courrier du 18 février 2015.

La société TOKHEIM ne démontre donc pas qu'une somme de 7.809 euros HT lui soit aujourd'hui due par la société IPE.

Les premiers juges ont en conséquence à bon droit débouté la société TOKHEIM de sa demande d'indemnisation au titre de frais de déplacement d'un candélabre. Le jugement sera confirmé de ce chef.

5. sur l'indemnisation du dénigrement

Le représentant de la société IPE a par mail du 22 septembre 2014 indiqué au représentant du groupe BERTO, maître d'ouvrage, que la société TOKHEIM ne s'était pas acquittée de sommes dues à hauteur de 661.879,25 euros TTC. Quand bien même la société IPE ne démontre pas sa créance à hauteur de ladite somme, la société TOKHEIM s'avère belle et bien débitrice à son égard. L'affirmation n'est pas exacte, mais ne peut être considérée comme une fausse accusation et un acte délibéré de dénigrement, étant rappelé que la bonne foi est présumée et constaté qu'en l'espèce la mauvaise foi, et notamment l'intention maligne, n'est pas démontrée.

Dans ce même mail du 22 décembre 2014, la société IPE annonce au groupe BERTO que la livraison du site ne pourra avoir lieu avant le 6 janvier 2015. La société TOKHEIM ne peut affirmer avoir ainsi été décrédibilisée auprès de la société FEPYFA (groupe BERTO), alors même que la société IPE a effectivement dû engager une procédure judiciaire afin d'obtenir paiement du solde de son marché.

La société TOKHEIM ne démontre pas la réalité d'actes de la société IPE en vue de lui nuire délibérément.

Il est ajouté que la société TOKHEIM ne justifie d'aucun préjudice particulier distinct de celui que lui cause la nécessité d'engager des frais de défense en justice.

Les premiers juges ont donc justement débouté la société TOKHEIM de sa demande de dommages et intérêts pour dénigrement.

Sur les dépens et frais irrépétibles

S'il n'est pas intégralement fait droit à la demande en paiement de la société IPE, telle que présentée contre la société TOKHEIM, cette dernière reste néanmoins débitrice de la première. Aucune demande d'indemnisation de la société TOKHEIM contre l'entreprise, par ailleurs, ne prospère.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement qui condamne la société IPE aux dépens et à indemnisation des frais irrépétibles engagés par la société TOKHEIM.

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement, la Cour condamnera la société TOKHEIM, qui succombe, aux dépens de première instance et d'appel, conformément aux dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile. Le conseil de la société IPE ne sollicite pas la distraction des dépens. Il en est pris acte.

Tenue aux dépens, la société TOKHEIM sera également condamnée à payer à la société IPE la somme équitable sollicitée de 6.000 euros en indemnisation des frais engagés en première instance et en cause d'appel pour faire valoir ses droits et non compris dans les dépens, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La COUR,

Vu le jugement du tribunal de commerce de Meaux du 22 novembre 2016 (RG n°2015007579),

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil en sa version antérieure au 1er octobre 2016,

Vu l'article 1793 du code civil,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu l'article 9 du code de procédure civile et l'article 1353 du code civil,

Vu les articles 696 et suivants et 700 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la SAS TOKHEIM SERVICES FRANCE à payer à la SAS IMMOBILIER POUR L'ENTREPRISE (IPE) la somme arrondie de 67.489 euros TTC, mais l'INFIRME en ce qu'il a retenu le point de départ des intérêts au 22 mai 2015,

Statuant à nouveau de ce dernier chef,

DIT que la somme due par la SAS TOKHEIM SERVICES FRANCE portera intérêts au taux contractuel de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 29 décembre 2014,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la SAS TOKHEIM SERVICES FRANCE de ses demandes formulées au titre du remboursement de pertes de loyers, de l'indemnisation de malfaçons, non-façons ou non-conformités, de l'indemnisation du fait d'un dénigrement,

INFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la SAS IMMOBILIER POUR L'ENTREPRISE (IPE) à indemniser la SAS TOKHEIM SERVICES FRANCE du chef d'un retard de livraison, de frais de constat d'huissier, de ses frais irrépétibles et l'a condamnée aux dépens de première instance,

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

DEBOUTE la SAS TOKHEIM SERVICES FRANCE de l'ensemble des demandes présentées contre la SAS IMMOBILIER POUR L'ENTREPRISE (IPE),

CONDAMNE la SAS TOKHEIM SERVICES FRANCE aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE la SAS TOKHEIM SERVICES FRANCE à payer à la SAS IMMOBILIER POUR L'ENTREPRISE (IPE) la somme de 6.000 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.