CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 10 avril 2014, n° 13/09885
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
PSP (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franchi
Conseillers :
M. Picque, Mme Picard
Avocats :
Me Teytaud, SCP Grappin, Me De Maria, Me Lestrade
La SNC PSP est constituée le 21 octobre 2009, entre Mme Katia ESTRELLA pour 249 parts, la SARL LP BIVOUAC, dont Monsieur Lucien PONSOT est le dirigeant, pour 501 parts et la société CHILD & FAMILY dont Monsieur DENIS-SENEZ est gérant pour 250 parts. Elle a pour objet la création puis l'exploitation d'un hôtel de Cannes.
Nommé gérant lors de la constitution, Monsieur DENIS-SENEZ démissionnait le 8 avril 2011.
Estimant que Monsieur DENIS-SENEZ avait commis des actes de gestion anormaux et des manquements préjudiciables à ses intérêts, la société PSP saisissait le tribunal de commerce de Paris en demandant réparation de son préjudice né des fautes suivantes :
- tenue de comptabilité irrégulière,
- embauche de salariés au mépris des dispositions statutaires limitant ses pouvoirs,
- utilisation de fonds sociaux au profit de sociétés contrôlées par lui
- et autres décisions prises en contradiction avec ses pouvoirs.
Par jugement réputé contradictoire assorti de l'exécution provisoire rendu le 22 février 2013, le tribunal de commerce de Paris a condamné Monsieur DENIS-SENEZ à verser à la société PSP les sommes de 195.800 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'embauche prématurée de salariés et 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et a débouté PSP de ses autres demandes.
Le tribunal a retenu que l'embauche de nouveaux salariés devait donner lieu, selon les statuts, à autorisation des associés et qu'il en est résulté un préjudice pour la société constitué par le versement prématuré de salaires. Pour ce qui concerne les autres préjudices dont se prévalait la société PSP le tribunal a considéré qu'ils n'étaient pas constitués.
Monsieur Eric-André DENIS, dit DENIS-SENEZ, a interjeté appel de cette décision le 16 mai 2013.
Dans ses dernières conclusions transmises par RPVA le 16 décembre 2013, Monsieur DENIS-SENEZ demande à la cour d'appel de :
Vu les articles 112 et s., 117 et s., 651 et s. du code de procédure civile,
-Constater qu'au moment où le concluant a été assigné en la forme d'un PV de recherches infructueuses, son adresse, à laquelle le jugement de condamnation lui sera d'ailleurs signifié, était parfaitement connue ;
-Constater qu'à la date à laquelle l'affaire a été appelée pour la première fois devant le Tribunal de commerce de PARIS le 5 juillet 2012, deux autres dossiers opposant les sociétés du concluant à la société PSP étaient appelés, avec représentation régulière par un avocat, dont le Conseil de PSP ne pouvait ignorer l'existence ;
-Constater que ce n'est que le 6 décembre 2012 que la société PSP a demandé la mise en délibéré du présent dossier, toujours sans qu'aucune information ne soit donnée à l'avocat de M. SENEZ de l'existence de cette procédure ;
-Dire et juger nulle et de nul effet l'assignation délivrée dans de telles conditions ;
-Renvoyer en conséquence la société PSP à se pourvoir ;
-La condamner aux dépens de l'incident ;
-La condamner à payer au concluant la somme de 3.000 € sur le fondement de l'art. 700 C.P.C.
Très subsidiairement et pour la moralité du débat,
-Donner acte au concluant de ce que M. Lucien PONSOT s'est comporté comme le dirigeant de fait de la société PSP, signant les marchés, les ordres de service, visant les bons à payer, rencontrant l'intégralité du personnel, à une époque où Eric SENEZ, appelant, était gérant de la société, l'immixtion de M. PONSOT mettant à néant toutes les critiques formulées contre le concluant ;
-Statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel incident de la société PSP.
-Constater que le Tribunal de Commerce a parfaitement répondu à l'argumentaire qui avait été présenté par l'intimée appelante à l'origine.
-Débouter la société PSP de ses demandes, fins et conclusions ;
-La condamner en ce cas à payer au concluant la somme de 3.000 € sur la base de l'art. 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises par RPVA le 27 février 2014 la SNC PSP demande à la cour de :
-Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 22 février 2013 en ce qu'il a condamné M. Eric DENIS-SENEZ au paiement de la somme de 195 800€ en réparation du préjudice lié à l'embauche prématurée de salariés,
- Débouter M. Eric DENIS-SENEZ des fins de son argumentation et demandes,
-Réformant pour le surplus la décision dont appel,
-Dire que Monsieur Eric-Denis SENEZ a commis dans le cadre de son mandat de gestion de nombreuses fautes de nature à engager sa responsabilité,
-Dire que les fautes ainsi commises par Monsieur Eric-Denis SENEZ, en sa qualité d'ancien gérant de la société PSP sont à l'origine de divers préjudices subis par la société PSP et dont il doit réparation,
-Condamner, dès lors, Monsieur Eric-Denis SENEZ à payer à la société PSP les sommes suivantes :
- Le préjudice lié aux refus de remboursement de crédit TVA par l'administration fiscale : 43.885,55 Euros
- Le préjudice lié aux conséquences du contrôle fiscal : 96.103 Euros
- Les préjudices complémentaires : 400.000 Euros
-Condamner Monsieur Eric-Denis SENEZ à relever et garantir la société PSP du montant des sommes mises à sa charge au profit de la société LAURENCE PHITOUSSI COMMUNICATION par jugement en date du 14 mai 2013, soit la somme totale de 12.122,72 euros,
-Vu le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 31 janvier 2014 qui n'est pas définitif, condamner Monsieur Eric-Denis SENEZ à relever et garantir indemne la société PSP de toutes les condamnations prononcées à son encontre par ledit jugement au profit de B.V.S HOLDING, ainsi que celles qui pourraient être prononcées à l'encontre de PSP dans le cadre d'un éventuel appel,
-Condamner M. SENEZ au paiement des sommes réclamées par chacune des sociétés, à parfaire au regard des décisions à intervenir, soit :
- 740 000 Euros pour la société BVS et
- 44.322 Euros pour la société LAURENCE PHITOUSSI COMMUNICATION
-Condamner Monsieur Eric-Denis SENEZ à verser à la société PSP la somme de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
SUR CE,
Sur la régularité de la procédure
Monsieur DENIS-SENEZ soulève la nullité de l'assignation qui a saisi le tribunal de commerce de Paris, l'huissier ne l'ayant pas recherché et l'ayant assigné à une ancienne adresse en la forme d'un PV de recherches infructueuses alors que la société PSP connaissait sa véritable adresse avant la délivrance de l'assignation et que plusieurs affaires étaient déjà pendantes devant le tribunal de commerce mettant en cause trois sociétés dont il était le gérant, PSP n'ayant pas jugé utile d'en informer son avocat, également avocat de ces sociétés. C'est d'ailleurs à une bonne adresse que le jugement dont appel a été signifié. L'avocat de PSP a fait délivrer les 12 et 15 juin 2012 deux assignations à la bonne adresse et le 20 juin à une adresse dont il savait qu'elle n'était pas exacte.
La société PSP fait valoir que Monsieur DENIS-SENEZ a été assigné à sa dernière adresse connue telle qu'elle figure sur le Registre du commerce et des sociétés, que l'huissier a recherché sur le site internet des pages blanches un abonnement à son nom en vain et que rien n'établit que Monsieur DENIS SENEZ était domicilié à la même adresse que ses trois sociétés, les sociétés CHILD AND FAMILY, NOLWENN et HAKUNA MATATA, toutes trois assignées le même jour que lui devant le tribunal de commerce et représentées à ces autres audiences. La société PSP soutient qu'en tout état de cause il appartient à Monsieur DENIS-SENEZ de prouver le grief que lui cause cette irrégularité, ce qu'il ne fait pas.
La cour relève que Monsieur DENIS SENEZ a été assigné [...], qui est sa dernière adresse connue et son adresse telle qu'elle figure en sa qualité de gérant sur les extraits Kbis du registre du commerce et des sociétés, des sociétés CHILD & FAMILY, HAKUNA MATATA et NOLWENN.
L'huissier chargé de l'assignation a effectué toutes les diligences nécessaires en recherchant une autre adresse où délivrer l'assignation sur les pages blanches de l'annuaire téléphonique et, n'en ayant trouvé aucune, il a établi un procès-verbal de recherches infructueuses.
Il résulte de ces éléments que Monsieur DENIS SENEZ qui n'a pas jugé utile de modifier son adresse sur le registre du commerce ne peut reprocher à la société PSP de n'avoir pas délivré l'assignation régulièrement.
Il convient en conséquence de le débouter de sa demande.
Sur le fond
La société PSP reproche à Monsieur DENIS SENEZ d'avoir violé les statuts et d'avoir commis plusieurs fautes de gestion.
Sur la gestion de fait de Monsieur PONSOT
Monsieur DENIS SENEZ fait valoir qu'il a démissionné le 6 avril 2011 en raison de l'immixtion de Monsieur PONSOT dans la gestion de la société, ce dernier étant le véritable gérant de fait de PSP.
La cour considère que les pièces produites par Monsieur DENIS SENEZ sont insuffisantes à établir une gestion de fait de Monsieur PONSOT. Les documents produits montrent qu'en sa qualité d'associé majoritaire Monsieur PONSOT se tenait informé de la vie de la société mais aucune pièce n'est communiquée qui établirait une véritable gestion de fait et notamment des prises de décisions en toute indépendance à la place du gérant de droit.
Il convient en conséquence de rejeter ce moyen de défense.
Sur les fautes alléguées
La société PSP reproche à Monsieur DENIS SENEZ d'avoir violé l'article 18 3) des statuts aux termes duquel 'Dans les rapports entre associés, à titre de mesure d'ordre intérieur non opposable aux tiers, le ou les gérants ne pourront :
'procéder, s'il est gérant-associé, à tout paiement par la société d'une somme supérieure à dix mille euros (10.000 euros) sans la double signature de l'un (ou plusieurs des associés représentant seul ou ensemble en cas de pluralité) au moins 501 parts du capital social.
-procéder s'il est gérant non associer, à tout paiement par la société d'une somme supérieure à cinq mille (5.000 euros) sans la double signature de l'un ou plusieurs des associés représentant seul (ou ensemble en cas de pluralité) au moins 751 parts du capital social.
Toute contravention aux dispositions ci-dessus motive la révocation du ou des gérants contrevenants ainsi que leur condamnation à tous dommages et intérêts.'
Les actes effectués en contravention avec les statuts sont, selon la société PSP le contrat avec l'agence ZED pour la création du logo, le contrat avec l'agence Laurence PHITOUSSI COMMUNICATION qui a donné lieu à une condamnation de PSP par le tribunal de commerce, l'affiliation commerciale à Preferred Hôtel Group d'un coût de 25.000 euros et l'embauche de salariés.
La cour constate qu'aucune pièce n'est produite relativement au contrat avec l'agence ZED. Cette demande sera en conséquence rejetée.
Pour ce qui est des contrats conclus avec l'agence PHITOUSSI, il convient de noter que la condamnation prononcée à l'encontre de la société PSP est fondée sur la non-exécution du contrat par PSP. La société PSP qui n'établit pas avoir subi un préjudice résultant de la conclusion de ce contrat verra en conséquence sa demande rejetée.
La société PSP n'établit pas non plus avoir subi un préjudice du fait de l'affiliation avec Preffered Hotel et cette demande sera également rejetée.
La société PSP demande également garantie à Monsieur DENIS SENEZ des sommes qu'elle a été amenée à payer à la société BVS au titre de contrefaçon de marques et de logo.
La cour relève, à la lecture du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 31 janvier 2014 que la marque 'FIVE' avait été déposée en 2007 par une autre société et qu'il ne peut donc être reproché à Monsieur DENIS SENEZ de ne pas l'avoir déposée lors de la constitution de la société en 2009 et que les atteintes portées à la marque l'ont été après la démission de Monsieur DENIS SENEZ.
En l'absence de faute de Monsieur DENIS SENEZ cette demande sera rejetée.
L'article 18 2) des statuts stipule que 'les gérants ne pourront, sans avoir été préalablement autorisés par décision ordinaire de la collectivité des associés (...)' conclure des contrats de travail d'un montant excédant 40.000 euros de salaire brut annuel.
En l'espèce, Monsieur DENIS SENEZ a embauché sans consultation des associés quatre employés dont la rémunération excède 40.000 euros, Madame Kim ROUSSEAU, directrice d'exploitation le 1er juillet 2010, Monsieur Grégor MAYOUSSIER, directeur adjoint d'exploitation le 1er juillet 2010, Madame Nathalie ANGENOST manageuse de SPA en janvier 2011 et Monsieur Hervé AUDIERNE, directeur de la restauration, en janvier 2011.
Monsieur DENIS SENEZ a également embauché en février 2011 Madame Carine CACHORRO, responsable développement intuitions dont le contrat de travail n'est pas produit aux débats et le 1er juillet 2010 Monsieur Stéphane GIONO, chef de cuisine dont la rémunération est inférieure au seuil de l'article 18 2) des statuts.
Monsieur DENIS SENEZ ne produit aucune pièce qui établirait que ces embauches ont été faites après accord de Monsieur PONSOT.
Ces employés ont été recrutés et payés alors que l'hôtel n'a ouvert ses portes au public que le 18 juin 2011 et le SPA en mai 2012 de sorte que leur présence n'était pas justifiée avant le 1er juin 2011 pour cinq d'entre eux et le 1er mai 2012 pour Madame ANGENOST.
Cette faute de Monsieur DENIS SENEZ a entraîné un préjudice pour la société PSP qui s'établit, selon les pièces produites, à la somme de 195.800 euros.
Le jugement sera en conséquence confirmé sur ce point.
La société PSP reproche encore à Monsieur DENIS SENEZ des fautes dans la tenue de la comptabilité et de déclaration de TVA, ces fautes ayant entraîné un contrôle fiscal.
Pour ce qui concerne la TVA la société PSP fait valoir que plusieurs demandes de remboursement de TVA ont été rejetées par l'administration fiscale en raison d'erreurs commises par Monsieur DENIS SENEZ et qu'à la suite de ces refus elle a rencontré des difficultés de trésorerie ayant entraînées des frais financiers à hauteur de 43.885, 55 euros.
La cour relève avec les premiers juges qu'il n'est pas établi que ces frais financiers résultent du retard de remboursement de la TVA mais qu'ils sont la conséquence de la situation globale de la trésorerie dont Monsieur DENIS SENEZ ne peut être tenu comme responsable.
Pour ce qui est du contrôle fiscal la société PSP fait valoir que son préjudice est constitué par une amende de 11.613 euros et le refus de déductibilité d'une somme de 84.490 euros. Enfin, des mouvements non justifiés sont apparus à l'occasion du contrôle.
La cour considère que l'absence de déductibilité de la TVA ne peut être reprochée à Monsieur DENIS SENEZ et ne constitue en tout état de cause pas un préjudice subi par PSP, ces sommes ne pouvant être déduites quelle qu'ait été la déclaration de Monsieur DENIS SENEZ.
Quant à l'amende de 11.613 euros pour absence de déclaration à la TVA d'acquisitions intercommunautaires, la cour estime que ces erreurs, dans un domaine particulièrement complexe, comme l'a relevé le tribunal de commerce, ne peuvent constituer une faute de gestion de nature à mettre en cause la responsabilité de Monsieur DENIS SENEZ.
Enfin, la cour relève que la société PSP n'établit pas que les mouvements mentionnés dans la note de synthèse du cabinet Trintignac pour un montant de 148.387, 99 euros soient injustifiés et constituent des fautes de gestion de Monsieur DENIS SENEZ.
La société PSP reproche encore à Monsieur DENIS SENEZ une quantité de préjudices complémentaires qu'elle évalue à la somme globale de 400.000 euros qui seraient à l'origine de difficultés de trésorerie de la société, tels la sous-évaluation de travaux, le choix de certaines entreprises ou le non suivi d'un chantier.
La société PSP ne produit aucune pièce susceptible d'établir une faute de la part de Monsieur DENIS SENEZ dans la survenance de ces préjudices.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
La société PSP sollicite le paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur DENIS SENEZ sollicite le paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur DENIS SENEZ appelant principal et succombant dans son appel, il paraît équitable de le condamner à verser à la société PSP la somme de 3.000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 22 février 2013,
Condamne Monsieur Éric-André DENIS, dit DENIS-SENEZ, à payer la société SNC PSP la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne Monsieur Éric-André DENIS, dit DENIS-SENEZ, aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.