Cass. 2e civ., 22 octobre 2020, n° 19-16.347
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pireyre
Rapporteur :
Mme Leroy-Gissinger
Avocat général :
M. Girard
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Piwnica et Molinié
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 13 mars 2019), la SCP de notaires L... O... et G... V... (la SCP), dans laquelle est associé M. V..., prétendant être créancière d'une certaine somme à l'égard de ce dernier, a obtenu le 27 mars 2017 du juge de l'exécution d'un tribunal de grande instance l'autorisation de pratiquer des saisies conservatoires sur les parts détenues par celui-ci dans la SCP et dans plusieurs sociétés civiles immobilières ainsi que sur les comptes bancaires ouverts par lui auprès de plusieurs banques. Ce juge a également autorisé la SCP, par ordonnances du même jour, à prendre une hypothèque judiciaire provisoire, notamment, sur les biens immobiliers appartenant à trois de ces sociétés civiles, la société Vano 44, la société AHL et la société Yayajan.
2. M. et Mme V... et les sociétés Vano 44, AHL et Yayajan ont assigné la SCP devant un juge de l'exécution en sollicitant, à titre principal, la mainlevée de ces mesures conservatoires et, à titre subsidiaire, que soit ordonnée la mainlevée de toutes les mesures autres que celles portant sur les parts sociales de M. V... dans la SCP et les sociétés 2L2T et Yayajan.
3. M. et Mme V... ainsi que les sociétés Vano 44, AHL et Yayajan ont interjeté appel du jugement qui les a déboutés de toutes leurs demandes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, ainsi que sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
5. M. et Mme V... ainsi que les sociétés Vano 44, AHL et Yayajan font grief à l'arrêt de les débouter de l'ensemble de leurs demandes et de confirmer les ordonnances n° 17/22, 17/23 et 17/24 rendues le 27 mars 2017 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Montbéliard, alors :
« 1°/ que le juge de l'exécution, saisi par le débiteur d'une demande de mainlevée d'hypothèques judiciaires provisoires sur des immeubles appartenant à des sociétés au sein desquelles ce dernier est associé, n'a pas compétence pour se prononcer sur le caractère prétendument fictif de ces sociétés et ne peut, pour ce seul motif, refuser d'en ordonner la mainlevée ; qu'en l'espèce, pour refuser d'ordonner la mainlevée des hypothèques judiciaires provisoires, au profit de la SCP, sur les biens immobiliers appartenant aux SCI Yayajan, Vano 44 et AHL, au sein desquelles M. G... V... et son épouse sont associés, et approuver le premier juge d'avoir autorisé la SCP à prendre ces mesures conservatoires, la cour d'appel a retenu que ces trois sociétés seraient des sociétés fictives qui auraient répondu à des fins frauduleuses ; qu'en se prononçant ainsi sur le caractère prétendument fictif des SCI Yayajan, Vano 44 et AHL, quand une telle appréciation relevait de la seule compétence du juge du fond, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°/ qu'à supposer même que le juge de l'exécution, saisi par le débiteur d'une demande de mainlevée d'hypothèques judiciaires provisoires sur des immeubles appartenant à des sociétés civiles immobilières au sein desquelles il est associé, ait compétence pour se prononcer sur le caractère prétendument fictif de ces sociétés, la seule existence de liens familiaux entre les associés d'une société civile immobilière, la faiblesse de leurs apports et le fait que les assemblées générales n'aient pas été tenues depuis sa création ne suffisent pas à établir le caractère fictif de cette société ; qu'en se contentant de relever en l'espèce, en considération des seules affirmations de la SCP, pour estimer que la SCI Yayajan mais aussi les SCI Vano 44 et AHL étaient fictives, que ces sociétés avaient été constituées avec des apports symboliques, qu'elles comportaient comme seuls associés les époux V..., mariés sous le régime de la communauté de biens, qui détenaient le capital social, que chacun des époux était gérant ou cogérant et que les assemblées générales n'auraient jamais été tenues de même que les registres sociaux, tout en constatant par ailleurs que deux de ces trois sociétés, les sociétés Vano 44 et AHL, avaient procédé à des acquisitions immobilières, et donc à la réalisation de leur objet, la cour d'appel, qui s'est bornée à suspecter la fictivité de ces trois sociétés, dont la SCI Yayajan, du fait de leur nature familiale, sans aucunement la caractériser, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1832, 1833, 1844-10 et 1844-15 du code civil. »
Réponse de la Cour
6. En premier lieu, c'est par une exacte application de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, qui dispose que le juge de l'exécution autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, que la cour d'appel, pour déterminer si l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire pouvait être prise sur des biens appartenant aux sociétés Vano 44, AHL et Yayajan, afin de garantir la créance de la SCP à l'égard de M. V..., a examiné si ces sociétés pouvaient être considérées comme fictives.
7. En second lieu, ayant relevé, par motifs adoptés, que ces sociétés civiles immobilières sont exclusivement détenues par M. V... et son épouse, commune en biens, avec laquelle il partage leur direction, et que deux d'entre elles avaient été utilisées pour dissimuler les acquéreurs réels des biens, au mépris des obligations déontologiques de M. V... et, par motifs propres, que les assemblées générales annuelles n'ont jamais été tenues, de même que les registres sociaux, la cour d'appel, qui ne s'est pas bornée à relever le caractère familial de ces sociétés, a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.