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Décisions

Cass. soc., 21 octobre 2020, n° 19-12.980

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Farthouat-Danon

Rapporteur :

Mme Gilibert

Avocat général :

Mme Grivel

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Amiens, du 15 janv. 2019

15 janvier 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 15 janvier 2019), Mme E... a été engagée le 11 avril 1973 par la société Revco, spécialisée dans la conception et la fabrication de matériaux destinés à l'industrie automobile et a exercé son activité sur le site d'[...].

2. Par suite de cessions et restructurations, la société Revco est devenue successivement Gurit Essex et Dow Automotive France. Le 2 février 2009, cette dernière a cédé le fonds de commerce lié au site de [...] à la société Revocoat, devenue Axson France.

3.Trois arrêtés ministériels sont intervenus les 24 avril 2002, 25 mars 2003 et 10 mai 2013 afin de classer les sites de l'entreprise sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA).

4. La salariée, qui a cessé ses fonctions le 30 novembre 1987 a, le 22 juillet 2014, saisi la juridiction prud'homale de demandes en réparation de son préjudice d'anxiété à l'encontre de la société Axson France aux droits de laquelle est venue la société Revocoat France.

5. La société Axson France a pris la dénomination de Sika Automotive France le 7 janvier 2019.

Examen du moyen

Sur le moyen pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. Les sociétés Sika Automotive France anciennement dénommée Axson France et Revocoat France font grief à l'arrêt de les condamner solidairement à payer à Mme E... une somme en réparation du préjudice d'anxiété, alors « que l'acte de cession de fonds de commerce du 2 février 2009 ne comporte aucune stipulation le soumettant au régime des scissions ; que l'article 2.4 du contrat de cession stipule expressément que « l'activité ne comprendra pas les responsabilités du vendeur, à l'exception de celles expressément visée par l'article 2.3 » et que l'article 2.3 précise que les obligations à la charge du repreneur concernent uniquement (i) l'utilisation et l'exploitation des équipements transférés à compter de la date de réalisation de l'opération, (ii) les commandes passées par le vendeur avant la clôture et qui sont des contrats transférés et (iii) les contrats de travail transférés à compter du jour de la clôture ; qu'en énonçant néanmoins que les sociétés Axson France et Revocoat France seraient, en vertu de ce contrat, tenues des obligations liées au travail au sein de l'établissement d'[...] et de [...] d'une salariée dont le contrat de travail avait cessé avant 2009 et dont elles n'ont jamais été l'employeur, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de cession du 2 février 2009, en violation de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

7. Pour condamner solidairement la société Axson France et la société Revocoat France à payer aux salariés une somme au titre de leur préjudice d'anxiété, l'arrêt retient qu'il ressort de l'acte réitératif du 2 février 2009 que la société Dow France a cédé à la société Revocoat un fonds de commerce exploité dans un établissement situé [...] , qu'il est spécifié la liste des actifs incorporels cédés ainsi que la liste des actifs corporels cédés, qu'il est mentionné que des passifs relatifs au fonds cédé seraient pris en charge par l'acquéreur (congés payés, RTT, indemnités de départ à la retraite et médailles du travail), qu'aucune mention n'apparaît, non plus que dans l'acte de cession d'actif original, sur l'exclusion de l'obligation résultant du risque lié à l'amiante pour les salariés encore en exercice au moment de la cession, qu'il en résulte qu'à défaut de dérogation expresse prévue par les parties dans le traité, la cession emporte la transmission à l'acquéreur des droits et obligations dépendant de la branche d'activité dont dépendait le fonds de commerce, de sorte que les obligations nées des activités d'Ozouer-le- Voulgis, transférées préalablement à [...], ont été cédées à la société Revocoat le 2 février 2009, indépendamment des obligations nées des contrats de travail en cours d'exécution.

8. En statuant ainsi, alors que le contrat de cession d'actifs du 2 février 2009 stipule en son article 2-4 que l'activité transférée ne comprendra pas les responsabilités et obligations du vendeur, à l'exception des responsabilités expressément visées à l'article 2-3, que l'article 2-3 mentionne que l'acquéreur reprendra et libérera le vendeur de toutes les obligations et responsabilités résultant des contrats de travail transférés à compter de la date de réalisation, ainsi que toutes les médailles du travail, indemnités de départ en retraite, congés payés et réduction du temps de travail des salariés transférés accumulés à la date de réalisation, la cour d'appel, qui a dénaturé cet acte, a violé le principe susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.