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Décisions

CA Versailles, 16e ch., 3 décembre 2020, n° 19/04251

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Nérot

Conseillers :

Mme Pages, Mme Deryckere

Avocats :

Me Persidat, Me Benitah, Me Rouch, Me Ibghi

JEX Pontoise, 24 mai 2019, n° 19/00124

24 mai 2019

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement assorti de l'exécution provisoire du 8 juillet 2016, le tribunal de grande instance de Pontoise a condamné M. X à payer à M. Y la somme de 16.666 Euros à titre de remboursement d'un prêt et celle de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le jugement a été signifié à M. Z. le 17 août 2016.

Par acte en date du 22 novembre 2018, M. C. a procédé à la saisie-attribution des actions détenues par M. X dans le capital de la société Zenco.

Statuant par jugement du 24 mai 2019, sur la contestation par M. et Mme Z. de cette saisie par assignation du 21 décembre 2018, le juge de l'exécution de Pontoise a rendu la décision suivante :

« DECLARE recevable la contestation formée par Monsieur X et Madame X à l'encontre de la saisie de droits d'associé et de valeurs mobilières pratiquée le 19 novembre 2018 entre les mains de la S.A.S ZENCO, à la demande de Monsieur Y ;

DECLARE régulière la saisie susvisée ;

En conséquence,

DEBOUTE Monsieur X et Madame X de leur contestation ;

DEBOUTE Monsieur X et Madame X de leur demande de délais de paiement ;

DEBOUTE Monsieur X et Madame X de leur demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur X et Madame X à payer à Monsieur Y la somme de 700 € (sept cents euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE Monsieur X et Madame X aux dépens ».

M. X et Mme X ont interjeté appel selon déclaration du 11 juin 2019.

Aux termes de leurs dernières conclusions, en date du 3 novembre 2020, les appelants demandent à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu'il a

Déclaré la saisie régulière,

Débouté les requérants de leur contestation,

Débouté les requérants de leur demande de délais de paiement,

Débouté les requérants de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné les requérants à payer à M. C. la somme de 700€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamné les requérants aux dépens,

Jugeant à nouveau :

Leur donner acte de ce qu'ils ont réglé leur dette envers M Y,

Dire qu'en conséquence la saisie des titres de la SAS Zenco pratiquée le 19 novembre 2018 est désormais dépourvue de cause,

Vu les articles R232-2 et R 232-5 du code des procédures civiles d'exécution,

Déclarer irrégulière la procédure de saisie attribution pratiquée et dénoncée par M. C.,

Vu le Code des procédures civiles d'exécution,

Ordonner la mainlevée de la saisie des titres appartenant aux époux Z., et la distraction des titres saisis, sous astreinte de 200 € à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

Condamner M. C. à leur payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Ils reprennent les contestations qu'ils avaient développées devant le premier juge, à savoir que l'acte en vertu duquel la saisie est pratiquée ne serait pas un titre exécutoire parce que le procès verbal de saisie ne fait mention que de la notification du jugement à avocat et que le saisissant ne peut justifier de la signification à partie à posteriori, que la société Zenco n'aurait pas fait connaître à l'huissier de justice le nom du mandataire chargé de la tenue des comptes et que la secrétaire n'avait pas compétence pour donner des informations à l'huissier, que les titres saisis sont des biens communs des époux mariés sans contrat et ne pouvaient être saisies pour une dette propre de l'époux de sorte que Mme Z. peut en demander la distraction et ce, d'autant que la saisie ne lui a pas été dénoncée.

Par ailleurs, informant la cour que le 24 mars 2020, ils ont réglé les sommes dues, soit au total 21 464,09 € en 3 chèques CARPA transmis au conseil de M C., ils soutiennent que la saisie est sans cause, que le créancier n'en a toujours pas donné mainlevée, ce qui justifie leur demande d'astreinte.

M. Y a conclu en dernier lieu le 23 octobre 2020, demandant à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1832 et suivants du code de procédure civile [sic],

Vu les dispositions des articles R 221-51 et R 232 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

Vu la jurisprudence,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de Grande instance de Pontoise le 8 juillet 2016,

Vu les pièces versées aux débats,

Dire cet appel non fondé et injustifié ;

Confirmer le jugement entrepris ;

En conséquence, débouter M. et Mme Z. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires, accueillir les demandes reconventionnelles de M. Y,

Et y faisant droit, condamner M. et Mme Z. à verser à M. Y la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure particulièrement abusive, condamner M. et Mme Z. à verser à M. Y la somme de 5.000 €uros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les condamner aux entiers dépens.

Il répond que jugement fondant la saisie a été signifié à avocat le 27 juillet 2016 et à partie le 17 août 2016 et que rien n'impose que l'acte de saisie mentionne l'existence de cette signification ; que l'article R232-2 du code des procédures civiles d'exécution ne s'applique que dans les cas où un mandataire chargé de la tenue des comptes a effectivement été nommé par la société et que d'ailleurs, il n'est toujours pas démontré qu'un tel mandataire ait effectivement été désigné; qu'en application de l'article R231-1dudit code, l'huissier était fondé en l'espèce à s'adresser à Mme G., assistante de direction; que la saisie n'avait pas à être dénoncée à Mme Z. qui n'était pas débitrice; que cette dernière confond le titre et la finance, alors que les actions appartenant à un époux marié sous le régime de la communauté n'entrent dans cette communauté que pour leur valeur patrimoniale, et qu'elles font partie du gage des créanciers de chaque époux.

Quoi qu'il en soit, après avoir contesté de mauvaise foi la saisie et multiplié les recours, ils ont réglé leur dette, ce qui démontre leur parfaite mauvaise foi ayant fait dégénérer leur procédure en abus dont ils doivent réparation.

La clôture, après révocation de l'ordonnance de clôture du 3 mars 2020 pour prise en compte des conséquences du règlement intégral des causes de la saisie intervenu postérieurement, a été prononcée à nouveau par ordonnance du 3 novembre 2020.

Par conclusions du 4 novembre 2020, M C. a demandé que la clôture soit à nouveau révoquée pour lui permettre de justifier de la mainlevée de la saisie du 19 novembre 2018 à laquelle il a été procédé, puisque M et Mme Z. remettent en cause ce fait, sans que la clôture survenue juste après qu'ils ont conclu ne lui permette de répondre sur ce point.

L'affaire n'ayant pu être évoquée à l'audience du 1er avril 2020, elle a été rappelée à l'audience du 27 mai 2020. A cette date, au moins l'une des parties s'étant opposée à ce que l'affaire soit retenue dans les conditions prévues par l'article 8 de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, les plaidoiries ont été fixées au 4 novembre 2020. Puis le prononcé de l'arrêt a été annoncé au 3 décembre 2020 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nouvelle demande de révocation de l'ordonnance de clôture

La cour observe qu'en page 8 de ses conclusions du 23 octobre 2020, reconnaissant que les causes de la saisie ont été réglées par le débiteur, M c. a indiqué que mainlevée en avait été donnée. Par conséquent, dès ce moment il était en mesure de justifier de l'acte de mainlevée.

Par ailleurs, la mainlevée n'étant qu'une conséquence du paiement intervenu indépendamment de la saisie, l'acte de mainlevée n'est pas en soi une pièce nécessaire à la solution du litige relatif à la contestation de la saisie.

Il n'y a donc pas lieu de révoquer l'ordonnance de clôture.

Sur l'existence d'un titre exécutoire

Aux termes de l'article L231-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie et à la vente des droits incorporels, autres que les créances de sommes d'argent, dont son débiteur est titulaire.

En l'espèce, ce titre est matérialisé par le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pontoise le 8 juillet 2016 assorti de l'exécution provisoire, devenu à ce jour définitif, et signifié à avocat le 27 juillet 2016 et à M. Z. le 17 août 2016 selon les modalités prévues aux articles 656 et 658 du Code de procédure civile, en l'absence du domicile du destinataire de l'acte, ce qui n'est pas contesté.

L'article R. 232-5 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le créancier procède à la saisie par la signification d'un acte qui contient à peine de nullité, notamment, l'indication du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée.

C'est donc à juste titre que le juge de l'exécution a considéré que la mention de la signification du titre exécutoire dans le procès-verbal de saisie n'est pas prescrite par les dispositions de l'article R. 232-5 précité, seule étant requise la mention du titre lui-même, dès lors que son caractère exécutoire puisse être démontré par des actes extérieurs.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a dit que le moyen tiré de l'absence de caractère exécutoire du jugement du 8 juillet 2016 n'est pas fondé et est rejeté.

Sur le nom du mandataire chargé de tenir les comptes

Aux termes de l'article R231-1 du code des procédures civiles d’exécution, les droits d'associé et les valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire sont saisis auprès de la Société ou de la personne morale émettrice. Aux termes de l'article R232-2 du code des procédures civiles d'exécution les valeurs mobilières nominatives dont les comptes sont tenus par un mandataire de la société sont saisies auprès de ce mandataire et la société est tenue de faire connaître à l'huissier de justice le nom du mandataire chargé de la tenue de ses comptes.

L'article R211-3 du Code Monétaire et Financier dispose :

« Lorsque la tenue des comptes-titres ou l'inscription de titres dans un dispositif d'enregistrement électronique partagé incombe à l'émetteur et que ce dernier désigne un mandataire à cet effet, il publie au Bulletin des annonces légales obligatoires la dénomination et l'adresse de son mandataire, ainsi que la catégorie de titres financiers qui fait l'objet du mandat ».

Il en résulte que la nomination d'un mandataire chargé de la tenue des comptes n'est pas une obligation, et que la saisie peut donc être signifiée soit à la personne morale émettrice des titres, soit au mandataire de la société émettrice s'il s'agit de valeurs mobilières nominatives dont les comptes sont tenus par celui-ci. C'est seulement dans ce cas que la personne morale est tenue de faire connaître à l'huissier le nom du mandataire chargé de la tenue des comptes.

En l'espèce, les statuts de la société ne prévoient pas une telle nomination et aucune publicité au Bulletin des Annonces Légales Obligatoires du nom d'un mandataire de la S.A.S. Zenco désigné pour tenir les comptes n'a été effectuée. En s'adressant à l'assistante de direction représentant la personne morale, l'huissier a donc valablement procédé à la saisie. En tout état de cause, comme l'a souligné le juge de l'exécution, les dispositions de l'article R232-2 du code des procédures civiles d'exécution ne sont pas prescrites à peine de nullité et ne sont pas d'ordre public et M. et Mme Z. ne justifient d'aucun grief au sens de l'article 114 du code de procédure civile.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté le moyen de nullité.

Sur la demande de distraction des biens saisis par Mme X

Il est constant que la dette a été contractée par M. Z. pour les besoins de sa profession mais qu'en application de l'article 1413 du code civil, cette dette peut être poursuivie sur les biens communs.

L'article R232-6 du Code des procédures civiles d'exécution dispose que : « La saisie est portée à la connaissance du débiteur par acte d'huissier ».

Dès lors, M. C. n'était pas tenu de dénoncer la saisie à Mme Z. qui n'était pas sa débitrice. En outre, les actions appartenant à un époux marié sous le régime de la communauté légale n'entrent dans cette communauté que pour leur valeur patrimoniale. Les actions détenues par M. Z. dans la société Zenco étaient donc saisissables et Mme Z. n'est pas fondée à en demander la distraction en se fondant sur l'article R221 -51 du code des procédures civiles d'exécution qui dispose que le tiers qui se prétend propriétaire d'un bien saisi peut demander au juge de l'exécution d'en ordonner la distraction. Elle ne pourra, le cas échéant, que se prévaloir d'une récompense due à la communauté. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de mainlevée

Il est constant, que tout en maintenant leurs contestations de la saisie, les époux Z. ont réglé les causes de la saisie. D'une part, ils ne peuvent soutenir que celle-ci est dépourvue de cause, puisque leur paiement constitue l'aveu de la reconnaissance du bien-fondé de cette cause. D'autre part, la mainlevée indépendante du bien-fondé ou mal fondé de la saisie mais consécutive au paiement de la dette en est l'issue normalement attendue de la part du créancier désintéressé, qui offrait d'ailleurs d'en justifier à la faveur d'une révocation de l'ordonnance de clôture. Il n'y a donc pas lieu de l'ordonner sous astreinte.

Sur les demandes accessoires

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, si la reconnaissance tardive du droit du créancier par le paiement des sommes dues aurait permis de s'attendre à un désistement plutot qu'à un maintien de toutes les contestations opposées à la saisie, et même si au vu des réponses apportées par le premier juge aucune d'elle n'était sérieusement fondée, il en résulte pas la manifestation caractérisée d'un abus dans l'exercice de l'action en justice. Et l'eut-elle été, M C. ne démontre pas le préjudice spécifique qui en est résulté qui soit distinct de l'obligation dans laquelle il a été contraint de défendre en justice par deux fois et qui est couverte par l'article 700 du Code de procédure civile.

La demande de dommages-intérêts sera donc rejetée.

Partie perdante, les appelants ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doivent supporter les dépens.

Enfin, l'équité commande d'accorder à M C. une indemnité de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 3 novembre 2020 ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Constate la reconnaissance conjointe par les parties de l'extinction de la créance issue du jugement du 8 juillet 2016, par le paiement des causes de la saisie le 24 mars 2020 ;

Déboute M. X et Mme X de leur demande de mainlevée de la saisie sous astreinte ;

Condamne M. X et Mme X à payer à M. Y une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M Y de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamne M. X et Mme X aux dépens de l'appel.