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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 21 mars 2017, n° 16/12869

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Urssaf Ile-de-France, Selafa MJA (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hébert-Pageot

Conseillers :

Mme Rohart-Messager, M. Bedouet

TGI Paris, du 12 mai 2016, n° 16/04546

12 mai 2016

Par acte du 16 mars 2016, l'Urssaf d'Ile de France a assigné M. K., exerçant la profession de chirurgien-dentiste, pour voir ouvrir une procédure de liquidation judiciaire, et subsidiairement de redressement judiciaire, en faisant état d'une créance de 55.652 euros au titre de cotisations impayées pour la période du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2015.

Par jugement du 12 mai 2016, le tribunal de grande instance de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de M. K. et a désigné la Selafa MJA, prise en la personne de Maître L., ès-qualités de mandataire liquidateur, la date de cessation des paiements étant fixée provisoirement au 12 novembre 2014.

M. K. a relevé appel de cette décision selon déclaration du 10 juin 2016 et demande à la cour, dans ses conclusions signifiées le 26 août 2016, d'infirmer le jugement, de constater qu'il n'est pas dans l'impossibilité manifeste de faire face à son passif exigible, de dire n'y avoir lieu à ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, de condamner l'Urssaf au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.

Le 4 octobre 2016, la procédure a été clôturée et l'affaire plaidée, le délibéré étant fixé au 22 novembre 2016.

En cours de délibéré l'avocat de M. K. a notifié à la cour et aux parties l'acte de décès de son client, survenu le 13 octobre 2016.

Le 25 novembre 2016, la cour a, par mention au dossier, ordonné la réouverture des débats.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 janvier 2017, la Selafa MJA, prise en la personne de Maître L., ès-qualités de mandataire liquidateur, demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de dire que les dépens seront employés en frais de justice, à titre subsidiaire, et dans l'hypothèse d'une infirmation du jugement de liquidation judiciaire, de condamner l'appelant au paiement de la somme de 3.000 euros TTC conformément aux dispositions de l'article R. 633-18 du code de commerce.

Dans ses écritures signifiées le 30 décembre 2016, l'Urssaf Ile de France demande à la cour de constater que M. K. se trouve en état de cessation des paiements, de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. K. de toutes ses demandes, y compris de celle qui tend à l'octroi d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, statuer ce que de droit quant aux dépens.

SUR CE

M.K. est décédé le 13 octobre 2016, après la clôture des débats, alors que la décision de la cour se trouvait en délibéré.

Il résulte de l'article L640-3 du code du commerce que le décès du débiteur ne fait pas obstacle à l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, dès lors que l'état de cessation des paiements est avéré au jour du décès. L'action du débiteur étant transmissible à ses héritiers, le décès de M.K., survenu après l'ouverture des débats, n'a pas interrompu l'instance, conformément à l'article 371 du code de procédure civile et la cour peut rendre son arrêt sans que la mise en cause de ses héritiers ne soit nécessaire, ainsi que l'indiquent les intimés.

Pour ouvrir une procédure de liquidation judiciaire, le tribunal a tenu pour acquis l'état de cessation des paiements et le fait qu'un redressement était manifestement impossible, compte tenu d'une probable cessation d'activité, M. K. ayant quitté son local professionnel, <adresse>

M. K. soutenait dans ses conclusions, que l'assignation avait été délivrée le 16 mars 2016 à l'adresse <…>, qu'il avait quittée le 3 juin 2014, ce dont l'Urssaf était informée et que le tribunal ne s'étant pas assuré des diligences accomplies, il n'a pas eu connaissance de la procédure et n'a pu disposer du temps nécessaire à la préparation de sa défense.

Cependant, l'Urssaf réplique à juste titre, que si M.K. a déménagé son cabinet de chirurgien-dentiste, il lui appartenait d'effectuer les démarches nécessaires, les changements d'état des praticiens devant être adressés par ceux-ci à la CPAM qui se charge de prévenir les différents organismes auxquels le cotisant est affilié, que M. K. n'ayant jamais effectué cette démarche, l'assignation a, en application de l'article R.600-1 du code de commerce, régulièrement été délivrée à l'adresse déclarée comme étant celle de l'activité du débiteur.

Le moyen pris du non-respect du principe du contradictoire sera en conséquence rejeté.

M. K. faisait ensuite valoir, que le tribunal, au lieu de s'appuyer sur une absence d'informations quant aux revenus, à l'actif, à l'existence d'une créance certaine, liquide et exigible et quant au lieu d'exercice de son activité, aurait dû ordonner une enquête, comme le prévoit l'article L621-1 du code de commerce, ajoutant que selon le dernier relevé de l'Urssaf, les sommes dues étaient de 24.444,99 euros et non 55.652,03 euros et que la poursuite de son activité était attestée par les différents justificatifs d'inscription à l'Ordre.

La Selafa MJA, ès-qualités, réplique que M. K. n'a jamais produit d'éléments relatifs à sa situation financière et à son activité, qu'il n'a pas contesté dans ses dernières écritures "devoir certaines sommes", qu'il n'a pas développé de moyen de contestation concernant l'augmentation du montant de la créance de l'Urssaf qui s'élève désormais à 65.585,91 euros et que l'état de cessation des paiements est constitué en l'absence d'actif disponible pour faire face au passif exigible.

L'Urssaf soutient que sa créance est liquide, certaine et exigible, qu' elle est justifiée par les contraintes versées aux débats, que depuis 2011 les cotisations et contributions sont calculées sur des bases taxées d'office, que la créance a été régulièrement déclarée, que l'état de cessation des paiements est justifié par les tentatives de recouvrement forcé demeurées infructueuses, que M. K., bien que reconnaissant devoir "certaines sommes", ne verse aux débats aucune pièce comptable ni aucune liasse fiscale qui pourraient permettre de revoir la taxation appliquée et, enfin, que les perspectives de redressement sont inexistantes.

Aux termes de l'article L 640-1 du code de commerce une procédure de liquidation est ouverte à l'égard de tout débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible.

La notion de cessation des paiements est prévue par l'article L 631-1 du même code qui la définit comme l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, cette situation devant s'apprécier en l'espèce au jour du décès de M.K..

Il ressort des pièces du débat que l'Urssaf d'Ile de France a déclaré une créance de 65.032 euros, dont 22.561 euros à titre privilégié, 37.471 euros à titre chirographaire et 5.000 euros à titre provisionnel, au titre des cotisations dues du 4éme trimestre 2012 au 3éme trimestre 2015 et que la société Biosmile a déclaré une créance de 553.91 euros à titre chirographaire.

Il n' est fait état d'aucun actif disponible pour faire face à ce passif exigible.

Ainsi, il n'est pas établi que M. K. était en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible au jour des débats devant la cour, ni davantage à la date de son décès, 9 jours plus tard. Exerçant à titre individuel, son décès a mis un terme à toute poursuite d'activité, de sorte qu'un redressement est manifestement impossible.

Il s'ensuit que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de M. K..

Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective. Aucune considération d'équité ne justifie de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 12 mai 2016,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.