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Décisions

Cass. 2e civ., 10 décembre 2020, n° 19-10.801

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pireyre

Rapporteur :

Mme Dumas

Avocat général :

M. Aparisi

Avocats :

SCP Ortscheidt, SCP Alain Bénabent, SCP Foussard et Froger

Paris, du 24 mai 2018

24 mai 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mai 2018) et les productions, se fondant sur une sentence arbitrale exécutoire en France, prononcée à l'encontre de la République du Panama, M. D... a fait pratiquer, le 15 novembre 2016, une saisie-attribution entre les mains de la succursale parisienne d'une banque, la société Standard Chartered Bank (la banque), ayant son siège social à Londres, à l'encontre de l'État du Panama et de l'Autorité du canal de Panama (l'ACP).

2. La banque a, d'abord, informé l'huissier de justice qu'elle ne détenait aucun compte ouvert au nom du débiteur, puis elle lui a indiqué que la succursale new-yorkaise de la banque détenait des fonds pour le compte de l'Autorité du canal de Panama.

3. La banque et l'ACP ayant saisi un juge de l'exécution d'une contestation, une cour d'appel a confirmé le jugement qui avait ordonné la mainlevée de la saisie et rejeté une demande de dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. D... fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 15 novembre 2016 par lui au préjudice de l'État du Panama et de l'Autorité du Canal de Panama entre les mains de la Standard Chartered Bankalors alors « que si le principe de territorialité des procédures civiles d'exécution interdit aux agents d'exécution français d'intervenir matériellement sur le sol d'un État étranger, il ne fait pas obstacle à l'exercice d'une saisie-attribution de créances, entre les mains d'une personne morale étrangère, fussent-elles localisées à l'étranger, qui dispose d'un établissement en France, lequel est susceptible de déclarer l'étendue des obligations de la personne morale à l'égard du débiteur, dès lors qu'aucune intervention matérielle n'est exercée sur le territoire d'un autre État et qu'aucune atteinte à sa souveraineté n'est ainsi caractérisée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, soit en estimant que le principe de territorialité des voies d'exécution faisait obstacle à ce qu'une saisie-attribution pratiquée auprès d'une succursale située en France de la Standard Chartered Bank puisse appréhender une créance de l'Autorité du Canal de Panama, motifs pris que cette créance résulte de l'ouverture de comptes bancaires par l'Autorité du Canal du Panama dans la succursale new-yorkaise de la Standard Chartered Bank dont le siège est à Londres et que la saisie-attribution à un effet attributif immédiat sur des créances détenues à l'étranger par de l'Autorité du Canal de Panama, la cour d'appel a violé les articles L. 211-1 et L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution et les principes qui gouvernent le droit international privé.»

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.

6. Dès lors qu'une telle mesure suppose l'exercice d'une contrainte sur le tiers saisi, il résulte de la règle de territorialité des procédures d'exécution, découlant du principe de l'indépendance et de la souveraineté des Etats, qu'elle ne peut produire effet que si le tiers saisi est établi en France.

7. Est établi en France le tiers saisi, personne morale, qui soit y a son siège social, soit y dispose d'une entité ayant le pouvoir de s'acquitter du paiement d'une créance du débiteur saisi à son encontre.

8. C'est par une exacte application de ces principes que la cour d'appel, après avoir constaté que la créance résultait de l'ouverture de comptes bancaires par l'ACP dans la succursale newyorkaise de la banque, dont le siège social est à Londres, a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée en France auprès d'une succursale dans laquelle aucun compte n'était ouvert au nom du débiteur saisi.

9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

10. M. D... fait encore le même grief à l'arrêt alors:

« 2°/ que si l'article R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers, l'article 690 du code de procédure civile précise que la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement ; qu'en décidant que le procès-verbal de saisie-attribution avait été irrégulièrement signifié à la succursale française de la Standard Chartered Bank dès lors que la succursale ne détenait pas les comptes du débiteur saisi, la cour d'appel a violé les articles R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution et 690 du code de procédure civile ;

3°/ que l'article 694 du code de procédure civile dispose que la nullité des notifications est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure ; que pour les vices de forme, l'article 114 du code de procédure civile subordonne le prononcé de la nullité à la preuve d'un grief causé par l'irrégularité ; qu'au cas d'espèce, à supposer que la signification du procès-verbal de saisie à la succursale française de la Standard Chartered Bank soit irrégulière, il ne pouvait s'agir que d'une irrégularité de forme ne pouvant entraîner sa nullité qu'à charge pour la banque de prouver le grief qu'elle lui causait ; qu'en statuant comme elle l'a fait, motif pris que le procès-verbal de saisie-attribution avait été irrégulièrement signifié dès lors que la succursale ne détenait pas les comptes du débiteur saisi, sans constater aucun grief, la cour d'appel a violé les articles R. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution et 114, 690 et 694 du code de procédure civile.»

Réponse de la Cour

11. Le moyen est inopérant en ce qu'il s'attaque à des motifs surabondants de l'arrêt, relatifs aux modalités de signification de l'acte de saisie-attribution, dès lors que c'est pour des motifs de fond, tirés de l'impossibilité de pratiquer une mesure d'exécution auprès d'un établissement bancaire en France ne détenant aucun compte ouvert au nom du débiteur saisi, que la mainlevée de la mesure a été ordonnée.

12. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.