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Décisions

Cass. com., 12 juin 2012, n° 11-12.513

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Petit

Rapporteur :

M. Le Dauphin

Avocats :

SCP Baraduc et Duhamel, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard

Paris, du 19 nov. 2010

19 novembre 2010

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 2010), que Patricia X..., qui avait reçu, aux termes d'un acte de partage du 26 juin 1998, 42 014 actions émises par la société Louis Vuitton Moët Hennessy (LVMH) a, le 7 août 1998, ouvert un compte-titres auprès de la banque Neuflize Schlumberger, devenue Neuflize OBC (la banque), et y a fait inscrire ces actions ; que, sur l'ordre de Patricia X..., celles-ci ont été vendues les 23 septembre 1998, 4 et 5 janvier 1999 ; qu'après son décès, survenu le 30 juin 2004, M. X..., son conjoint survivant, faisant notamment valoir que la banque avait manqué à son obligation d'information et de conseil quant aux risques financiers encourus, l'a fait assigner en paiement d'une indemnité correspondant à l'écart entre le cours des titres lors de l'ouverture du compte et celui constaté lors des ventes ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que la banque, professionnelle de la finance, qui a ouvert deux mois auparavant un compte de titres à un nouveau client, ne peut se borner à exécuter les ordres de vente massive et à perte de ce dernier, entraînant une moins-value de 1.293.920,45 euros, sans attirer préalablement son attention sur la circonstance que le cours de l'action dont la vente massive était demandée était alors au plus bas et sur l'importance de la perte dès lors encourue ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que si la réception sans protestation ni réserve des avis d'opéré et des relevés de compte fait présumer l'existence et l'exécution des opérations qu'ils indiquent, elle n'empêche pas le client, pendant le délai convenu ou, à défaut, pendant le délai de prescription, de reprocher à leur auteur un manquement à son obligation d'information et de conseil lors de l'exécution de ces opérations ; qu'en se fondant, pour écarter la responsabilité de la banque pour manquement à son obligation d'information et de conseil relative aux ordres litigieux, sur la circonstance que Mme X... avait été rendue destinataire de l'ensemble des avis d'opéré et des relevés de compte relatifs aux opérations contestées, intervenues entre le 23 septembre 1998 et le 5 janvier 1999, lesquels faisaient clairement apparaître la vente des titres en cause, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

3°/ que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'un acte manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; qu'elle ne peut se déduire de la seule inaction ou du silence de son titulaire ; que le silence et l'inaction de M. et Mme X... après la réception des relevés annuels adressés à l'épouse par la banque aux fins de rédaction de la déclaration de revenus, faisant apparaître les pertes subies en 1998 et 1999 pour un montant respectif de 6.535.655 francs pour l'année 1998 et 1.820.127 francs pour l'année 1999, n'était pas de nature à caractériser leur renonciation à demander la réparation du préjudice résultant de la faute de cette banque à l'origine de la perte subie ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

4°/ qu'il appartient à la banque qui s'est abstenue d'exécuter son obligation d'information et de conseil de démontrer que son client était un opérateur averti et avait passé les ordres de vente en connaissance de cause du cours particulièrement bas des actions dont la vente était demandée et de l'importance de la perte encourue ; qu'en se bornant à affirmer que Mme X... n'était pas profane dans le domaine financier, sans qu'il résulte de ses constatations qu'elle était un opérateur averti et avait effectivement une connaissance précise du cours des actions dont elle avait sollicité la vente et de l'importance de la perte qui allait en résulter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

5°/ que les compétences du client doivent être appréciées à la date de l'ouverture du compte ou au plus tard à la date de l'ordre de vente litigieux, de sorte qu'en se déterminant sur le fondement du comportement postérieur de Mme X... qui, une fois la perte subie, a employé une partie du prix de la vente au profit de ses enfants et procédé à la déduction fiscale de la moins-value, conséquence nécessaire des pertes subies, sans caractériser les compétences particulières de Mme X... au plus tard à la date des ventes litigieuses, ni sa volonté délibérée à ce moment de réaliser une importante moins-value, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

6°/ qu' en statuant comme elle l'a fait après avoir constaté que Mme X... avait hérité des actions LVMH dans la succession de son père, qu'elle avait été contrainte d'ouvrir un compte titres pour y déposer ces actions, ce dont il résulte qu'elle ne disposait d'aucun compte titres auparavant, et qu'elle avait cédé ces titres deux mois seulement après l'ouverture de ce compte, ce dont il résulte qu'elle n'était pas une habituée de la gestion d'un portefeuille de titres et ne pouvait avoir de compétence en la matière, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1147 du code civil, qu'elle a ainsi violé ;

Mais attendu, en premier lieu, que, sauf convention contraire, le prestataire de services d'investissement qui tient un compte-titres n'est pas tenu, en l'absence d'opérations spéculatives, de mettre en garde son client contre les risques de pertes inhérents à l'évolution du cours des titres financiers objets des ordres de vente dont ce dernier prend l'initiative ;

Attendu, en deuxième lieu, que la cour d'appel, qui ne s'est référée à la circonstance visée par la deuxième branche qu'à titre d'élément de preuve de la volonté de Patricia X... de vendre ses actions LVMH, même à perte, n'a pas dit que M. X... avait renoncé à son droit de demander réparation du préjudice résultant, selon lui, de la faute imputée à la banque ;

Et attendu, enfin, que dès lors que la banque n'était pas tenue de l'obligation invoquée à l'appui de la demande, il importait peu que Patricia X... n'ait pas eu la qualité d'opérateur averti ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en ses trois dernières branches, qui critiquent un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.