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Décisions

Cass. 3e civ., 30 juin 1998, n° 96-11.883

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beauvois

Rapporteur :

M. Nivôse

Avocat général :

M. Weber

Avocats :

SCP Rouvière et Boutet, Me Baraduc-Benabent, Me Brouchot, Me Roger

Amiens, 1re et 5e ch. civ. réun., du 18 …

18 septembre 1995

Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi provoqué de M. C..., ès qualités de syndic à la liquidation des biens de la société Paul Moreau, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 18 septembre 1995), statuant sur renvoi après cassation, que la société civile immobilière Cité des Fleurs (SCI), assurée par l'Union des assurances de Paris (UAP), a fait construire, avec la participation de la société Paul Moreau, promoteur, déclaré en liquidation des biens avec M. C... comme syndic, de la société Robert, entrepreneur de gros-oeuvre, assurée par la compagnie La Protectrice, du bureau d'études Séchaud et Bossuyt et de M. Z..., architecte, un immeuble vendu en l'état futur d'achèvement, dont la réception a été prononcée le 24 février 1976;

qu'invoquant l'insuffisante largeur de la rampe d'accès au garage, les copropriétaires et le syndicat des copropriétaires ont assigné en réparation la SCI, qui a appelé en garantie les locateurs d'ouvrage et les assureurs ;

Attendu que la SCI et M. C... font grief à l'arrêt de retenir le caractère apparent du désordre de la rampe d'accès au garage et de condamner l'architecte à garantir la SCI, seulement à hauteur de la moitié de la condamnation prononcée, alors, selon le moyen, "1°/ que le défaut apparent de l'ouvrage au jour de la réception ne permet d'éluder le jeu de la garantie décennale des architectes et entrepreneurs que si le maître de l'ouvrage a pu en connaître l'ampleur et les conséquences;

qu'en se bornant à relever à cet égard que M. D..., copropriétaire, avait dénoncé, avant la réception des travaux, l'étroitesse de la rampe d'accès au parking en sous-sol de la résidence et que l'architecte M. Z... et la SCI Cité des Fleurs, maître de l'ouvrage, en avait discuté, sans rechercher précisément si les assurances données à cette occasion par l'architecte au maître de l'ouvrage, quant au respect des plans et descriptifs n'avaient pas empêché ce dernier d'appréhender l'ampleur et les conséquences du dommage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du Code civil;

2°) que subsidiairement le vice apparent laisse subsister la responsabilité contractuelle de droit commun des architectes et entrepreneurs;

qu'ayant relevé en l'espèce, que l'architecte M. Z..., auquel incombait exclusivement le vice de conception de l'ouvrage, avait manqué à son devoir d'assistance du maître de l'ouvrage, lors de la réception, la cour d'appel n'a pu, sans violer l'article 1147 du Code civil, limiter à la moitié du montant du dommage la garantie due par ledit architecte" ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté qu'il était établi par les circonstances de fait, le signalement par un copropriétaire et des correspondances, que le désordre des rampes d'accès au garage, était connu avant réception et faisait partie des préoccupations du maître de l'ouvrage et de l'architecte, la cour d'appel en a déduit à bon droit que ce désordre, apparent à la réception, faisait obstacle à l'action en garantie décennale et que l'architecte ne pouvait être condamné sur ce fondement ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que l'architecte qui avait le devoir d'assister le maître de l'ouvrage lors de la réception des travaux, avait failli à ses obligations contractuelles, en laissant la réception être prononcée sans réserve, la cour d'appel a pu retenir, qu'en raison des responsabilités propres de la SCI qui était aussi au courant des désordres, il y avait lieu de dire que l'attitude fautive de l'architecte l'obligeait à garantir la SCI des condamnations prononcées contre elle, dans une proportion qu'elle a souverainement appréciée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de M. Z... :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de le condamner à garantir la SCI, à hauteur de la moitié de la condamnation prononcée contre elle envers le syndicat des copropriétaires, alors, selon le moyen, "1°/ que le prononcé sans réserve de la réception par le maître de l'ouvrage en l'état d'un vice apparent, ne caractérise pas nécessairement un manquement de l'architecte à son obligation;

qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé, par fausse application, l'article 1147 du Code civil;

2°/ qu'il appartient au maître de l'ouvrage d'établir le manquement de l'architecte à son obligation de conseil à l'occasion de la réception, faute de lui avoir révélé un vice ou un défaut de conformité dont il aurait ignoré l'existence ou les conséquences;

que l'arrêt attaqué a constaté que, par lettre du 3 février 1976, le maître de l'ouvrage avait demandé à l'architecte de vérifier si la rampe était conforme aux plans déposés chez le notaire;

qu'il fallait prendre ce problème de front;

que la cour d'appel a omis de reproduire la suite de cette phrase ainsi conçue "... et chercher sans retard et par tous les moyens, la possibilité de remédier à ces défauts qui risquent de nous amener à des litiges graves avec certains copropriétaires";

qu'en s'abstenant de déduire de cette lettre que le promoteur avait pleine conscience des conséquences d'un défaut de conformité de l'ouvrage, dont l'existence lui était confirmée par lettre de l'architecte le 18 février 1976, lorsqu'il a prononcé, le 24 février 1976, la réception sans réserve, la cour d'appel a dénaturé par omission la lettre du 3 février 1976, en violation de l'article 1134 du Code civil et entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil;

3°) que l'arrêt attaqué, qui n'a pas constaté qu'ait été prononcée la double réception provisoire puis définitive prévue par le contrat de l'architecte, auquel il reproche d'y avoir manqué, a violé l'article 1147 du Code civil;

4°) que le vice de conception, à le supposer établi, est couvert par la réception sans réserve, en quoi l'arrêt attaqué a violé l'article 1792 du Code civil" ;

Mais attendu, qu'ayant relevé à bon droit que le vice affectant les rampes d'accès du garage, apparent à la réception, était couvert par la réception sans réserve et n'entrait pas dans le cadre de la garantie décennale, et retenu que les faits démontraient que l'architecte avait commis un manquement contractuel au regard de sa mission d'assistance du maître de l'ouvrage pour les réceptions, tant provisoire que définitive, la cour d'appel a caractérisé sans dénaturation le comportement fautif de l'architecte et souverainement retenu que la faute de l'architecte et celle de la SCI, avaient concouru au dommage, chacune pour la moitié ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.