Cass. com., 18 juin 2002, n° 99-16.488
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Betch
Avocat :
SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 mars 1999), qu'en février 1998, M. Y..., président-directeur général de la société NMG, est entré en pourparlers avec M. Z..., dirigeant la société Alizée, et lui a exprimé son intention d'acquérir la branche d'activité "réseaux et télécommunication" de la société Alizée ; que, le 8 avril 1998, la société NMG a établi une lettre d'intention fixant l'offre de reprise de cette branche d'activité sous certaines conditions suspensives qui n'ont pas été approuvées par M. Z..., lequel a alors proposé de céder la société Alizée dans son entier ; que, le 22 mai 1998, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Alizée ; que, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 mai 1998, le dirigeant de la société NMG a confirmé à M. Z... l'arrêt définitif du projet de reprise de la société Alizée ; que, sur assignation pour rupture abusive des pourparlers de reprise, le tribunal a rejeté l'ensemble des demandes de la société Alizée ; que la cour d'appel a infirmé ce jugement et a condamné la société NMG à payer à la société Alizée la somme de 500 000 francs à titre de dommages-intérêts pour rupture tardive et fautive des pourparlers de reprise ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que la société NMG fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / qu'elle faisait valoir dans ses conclusions que la rupture tardive des pourparlers étaient imputables à M. Z..., dirigeant de la société Alizée, qui avait par deux fois relancé sur de nouvelles bases les négociations en abandonnant le principe d'une partie variable du prix à percevoir par la société Alizée au fur et à mesure de la concrétisation des projets commerciaux en cours au profit d'une formule variable de commissionnements de M. Z... à titre personnel et en proposant le 6 avril 1998 de vendre à la société NMG non plus la branche réseaux et télécommunications d'Alizée mais la société toute entière (conclusions de la société NMG, p. 34 et suivantes) ; qu'en considérant que la société NMG avait commis une faute en rompant tardivement les pourparlers avec la société Alizée sans répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que la mise en redressement judiciaire d'une société devant être reprise, modifiant les prévisions d'un éventuel repreneur justifie que celui-ci rompe les pourparlers ; qu'en faisant grief à la société NMG d'avoir attendu la mise en redressement judiciaire de la société Alizée soit le 22 mai 1998 pour rompre les pourparlers de reprise de la branche d'activité réseaux et télécommunications Alizée par une lettre du 29 mai 1998, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
3 / que les pourparlers peuvent être rompus librement sauf à voir la responsabilité de l'auteur engagée en cas de faute ayant causé un préjudice ; qu'un éventuel repreneur peut envisager de racheter une société en difficulté avant qu'elle ne soit déclarée en état de cessation des paiements et après l'ouverture d'une procédure collective dans le cadre d'un plan de redressement ; qu'en considérant comme fautif, le fait que la société NMG n'ait pas rompu les pourparlers avec la société Alizée dès le 8 avril 1998, date où elle aurait eu connaissance de l'état alarmant de la société Alizée devant nécessairement conduire à l'ouverture d'une procédure collective qui n'a été ouverte que le 22 mai 1998, sans constater que la société Alizée était effectivement à cette date en état de cessation des paiements et que la société NMG avait connaissance de cet état et aurait néanmoins poursuivi les pourparlers pour des motifs illégitimes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ensemble 1134 du même Code ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'à partir du 8 avril 1998, M. Y... connaissait l'état alarmant dans lequel se trouvait la société Alizée ; que, le 17 avril 1998, il a été informé par ses conseils juridiques que la reprise de la société était aléatoire et que la société risquait de faire l'objet d'une procédure collective ; qu'il savait que la comptabilité n'était plus tenue et que la société n'était pas à jour de ses règlements auprès des différents organismes sociaux ; qu'ainsi, tout en n'ignorant pas que la situation de la société était désespérée et ne pouvait conduire qu'à la déclaration de son état de cessation des paiements, M. Y... a cependant poursuivi des négociations de reprise jusqu'au 29 mai 1998, après le prononcé du redressement judiciaire, entretenant de manière illusoire l'espoir d'une cession, alors que les motifs invoqués dans la lettre de rupture lui étaient connus depuis la mi-avril et auraient dû être portés beaucoup plus tôt à la connaissance de la société qui a perdu de ce fait une chance, fût-elle ténue, de trouver un autre repreneur ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a répondu en les écartant aux conclusions invoquées par la première branche qui faisaient état de propositions de M. Z... antérieures à la mi-avril 1998, a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.