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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 22 mai 2018, n° 17/04756

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Maréchaux (SCI)

Défendeur :

Bébé à Bord (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chauve

Conseillers :

Mme Defrasne, Mme Zagala

TGI Lyon, du 12 juin 2017, n° 2017/01002

12 juin 2017

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 30 septembre 2011, la SCI LES MARECHAUX a donné à bail commercial à la S.A.R.L. BEBE A BORD, pour une durée de neuf années à compter du 1er novembre 2011, un local situé [...], moyennant un loyer annuel initial de 15.600 €, payable par mensualités d'avance.

Le 24 juin 2016, un sinistre dégât des eaux s'est déclaré dans les locaux loués, suite à une infiltration de la toiture terrasse du bâtiment. Le preneur a déclaré ce sinistre auprès de son assureur, la compagnie ALLIANZ, qui l'a indemnisé de ses pertes de marchandises.

Le 28 octobre 2016, la S.A.R.L. BEBE A BORD a mis en demeure le mandataire de la bailleresse, la société ARAVIS GESTION, de faire procéder aux réparations nécessaires.

Le 27 novembre 2016, un nouveau sinistre dégât des eaux s'est produit dans les lieux loués. L'expertise amiable initiée par l'assureur devait relever des causes identiques : infiltrations d'eaux pluviales au travers de l'étanchéité de la toiture terrasse couvrant l'arrière du local commercial.

Par courrier recommandé du 21 février 2017, la société ALLIANZ à enjoint à la société ARAVIS GESTION de procéder aux travaux de réparation dans le mois.

Le 03 mai 2017, un troisième sinistre s'est déclaré à cause des infiltrations d'eau, lesquelles ont atteint le tableau de distribution électrique, en occasionnant un court-circuit.

Par courrier recommandé du 09 mai 2017, la société ALLIANZ a mis à nouveau en demeure le mandataire de la bailleresse d'effectuer les travaux de réparation en lui indiquant que l'assuré se trouvait contraint d'interrompre son activité dans les lieux loués.

Par mail du même jour, la société ARAVIS GESTION a répondu qu'une intervention était prévue le 12 mai suivant, tandis que le représentant de la SCI LES MARECHAUX a fait savoir à son mandataire qu'il contestait toute responsabilité dans le sinistre.

Dans ce contexte et en l'absence de réparations, la S.A.R.L. BEBE A BORD, par acte du 19 mai 2016, a fait assigner la SCI LES MARECHAUX devant le juge des référés du tribunal de grande instance de LYON, pour voir désigner un expert avec mission de déterminer l'origine des désordres et de chiffrer ses préjudices, pour avoir paiement de la somme provisionnelle de 5.000 € et pour être autorisée à interrompre le paiement des loyers jusqu'aux réparations définitives.

Par ordonnance réputée contradictoire, en date du 12 juin 2017, la SCI LES MARECHAUX n'ayant pas comparu, le juge des référés a :

' ordonné une expertise confiée à monsieur M.,

' condamné la SCI LES MARECHAUX à payer à la S.A.R.L. BEBE A BORD la somme provisionnelle de 3.000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

' autorisé la S.A.R.L. BEBE A BORD à interrompre le règlement des loyers à la bailleresse jusqu'à la possibilité de reprise de jouissance paisible du local commercial,

' condamné la SCI LES MARECHAUX aux dépens ainsi qu'au paiement de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 27 juin 2017, la SCI LES MARECHAUX a interjeté appel de cette décision.

L'appelante demande à la cour :

' d'infirmer l'ordonnance querellée et de débouter la S.A.R.L. BEBE A BORD de ses prétentions,

' incidemment, de condamner la S.A.R.L. BEBE A BORD à lui régler la somme de 6.447,65 € au titre des loyers échus et impayés entre juin 2017 et septembre 2017,

' de condamner la S.A.R.L. BEBE A BORD aux dépens ainsi qu'au paiement de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

' que l'expertise judiciaire n'a plus lieu d'être, du fait de l'exécution par elle, après l'ordonnance de référé, des travaux nécessaires de nettoyage et d'étanchéité sur la toiture terrasse des lieux loués,

' qu'il n'est pas démontré par la S.A.R.L. BEBE A BORD une impossibilité d'exploiter son activité dans les lieux loués et qu'ainsi, il n'est pas justifié d'un motif de suspension du paiement des loyers,

' qu'il n'est rapporté la preuve d'un préjudice ni dans son principe ni dans son quantum.

La S.A.R.L. BEBE A BORD demande, de son côté, à la cour :

' de confirmer l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions et de débouter la SCI LES MARECHAUX de ses prétentions,

' de condamner la SCI LES MARECHAUX aux dépens ainsi qu'au paiement de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

' que l'expertise sollicitée repose sur un motif légitime, compte tenu des trois sinistres successifs et de l'inaction de la bailleresse et que cette expertise demeure utile, ne serait-ce que pour évaluer les préjudices subis par le preneur,

' que la suspension du paiement des loyers était justifiée en première instance compte tenu de l'inaction du propriétaire, de la dangerosité des risques électriques à l'égard des personnes et du bâti et compte tenu aussi de la contrainte de fermeture du magasin et de la perte d'exploitation due à la diminution de la surface du local commercial,

' que depuis l'exécution des travaux de réparation, elle a repris le paiement des loyers,

' que son préjudice est constitué par les frais de remise en état du local restés à sa charge, par la perte de stocks, par le trouble de jouissance et par la perte d'exploitation durant la fermeture du magasin.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur l'expertise

Attendu que la SCI LES MARECHAUX justifie par la production d'une facture de la société SAS ETANCHEITE SERVICE de l'exécution des travaux de réparation de la toiture terrasse (étanchéité) du bâtiment, début juillet 2017, et que la S.A.R.L. BEBE A BORD indique que ces réparations sont satisfactoires ;

Qu'il s’ensuive que l'expertise judiciaire ordonnée n'a plus d'intérêt probatoire sur le plan technique ;

Que cette expertise n'apparaît pas non plus nécessaire à l'évaluation des préjudices invoqués par le preneur et qui peuvent être démontrés par lui-même, sans qu'il soit besoin de procéder à des investigations particulières ;

Que l'ordonnance querellée sera donc réformée sur ce point, en raison de l'évolution du litige ;

2/ Sur la suspension des loyers

Attendu que le juge des référés peut ordonner la suspension des loyers, prévus au bail commercial, à condition que le preneur se trouve dans l'impossibilité absolue d'exploiter son fonds de commerce dans les lieux loués en raison des manquements du bailleur à ses obligations de délivrance ou d'entretien ;

Attendu qu'il résulte en l'espèce des pièces produites, en particulier la note d'information de l'expert mandaté par la compagnie d'assurance, que le sinistre du 03 mai 2017 ayant affecté l'installation électrique, a nécessité la fermeture du magasin, que l'électricien intervenu le 06 mai 2017 estimait alors qu'il y avait un danger à l'ouverture du magasin dans ces conditions, puis que le 11 mai 2017, le courant électrique a pu être remis en service, un contrôle restant à réaliser, mais que l'exploitant a préféré refermer son établissement ;

Que la preuve n'est pas rapportée que la S.A.R.L. BEBE A BORD était dans l'impossibilité réelle d'exploiter son fonds de commerce en juin 2017, à l'époque la procédure de première instance et quand elle a décidé d'interrompre le paiement des loyers ;

Qu'en outre, la cessation effective de l'activité pendant toute la période comprise entre mai 2017 et la réalisation des travaux début juillet 2017 n'est pas démontrée ;

Attendu, en conséquence, que l'ordonnance querellée doit être réformée en ce qu'elle a autorisé la S.A.R.L. BEBE A BORD à suspendre le règlement des loyers

3/ Sur l'arriéré de loyer

Attendu qu'au vu de ce qui précède, la S.A.R.L. BEBE A BORD est tenue de régler l'intégralité des loyers convenus au bail et qu'il convient de faire droit à la demande formée par la SCI LES MARECHAUX devant la cour, aux fins d'avoir paiement de la somme de 6.447,65 €, correspondant aux loyers échus entre juin et septembre 2017, selon le décompte produit ;

4/ Sur le préjudice

Attendu qu'il ressort des constatations et des correspondances versées aux débats que les trois sinistres survenus dans les locaux loués ont dégradé des stocks du magasin, contraint le preneur à remettre en état son local et généré pour ce dernier un préjudice de jouissance partielle ;

Que le premier juge a alloué, à bon droit, à la S.A.R.L. BEBE A BORD une provision de 3.000 € à valoir sur l'indemnisation de ces préjudices et que sa décision sera confirmée de ce chef ;

5/ Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que les dispositions de l'ordonnance querellée concernant les dépens et les frais irrépétibles de première instance doivent être également confirmées ;

Que la SCI LES MARECHAUX supportera les dépens d'appel et devra régler en cause d'appel à la S.A.R.L. BEBE A BORD la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, compte tenu des circonstances du litige ;

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance querellée sauf en ce qu'elle a ordonné l'expertise judiciaire et la suspension du paiement des loyers,

Statuant à nouveau de ce chef,

Vu l'évolution du litige, dit désormais sans objet la demande d'expertise,

Déboute la S.A.R.L. BEBE A BORD de sa demande de suspension du paiement des loyers,

Y ajoutant,

Condamne la S.A.R.L. BEBE A BORD à payer à la SCI LES MARECHAUX la somme provisionnelle de 6.447,65 € au titre des loyers échus et impayés pour la période de juin 2017 à septembre 2017,

Condamne la SCI LES MARECHAUX à payer à la S.A.R.L. BEBE A BORD la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI LES MARECHAUX aux dépens d'appel qui seront recouvrés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande.