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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 13 septembre 2018, n° 13/02159

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clozel-Truche

Conseillers :

Mme Pages, Mme Blanchard

T. com. Romans Sur Isère, du 24 avr. 201…

24 avril 2013

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Sollicité par Olivier S. DE C., Philippe D. a participé en 1995 à la création :

- d'une part de la société 1855

- d'autre part de la holding de la société 1855, la société civile du CONSEIL DES SAGES, qui est devenue la SARL à capital variable DE B..

A la suite d'un différend entre associés et managers de la société 1855, Philippe D., 'cédant', a conclu le 5 février 2002 avec Olivier S. DE C., 'acquéreur’, ‘un protocole d'accord transactionné l'au terme duquel le cédant a cédé à l'acquéreur l'intégralité de ses parts sociales (à savoir 4 parts) dans le capital social de la SARL DE B. aux conditions suivantes :

- prix de base de 21.000 Francs, payé le 5 février 2012

- complément de prix égal à 220.000 Francs 'si les actions de la société 1855 deviennent liquides soit par leur admission aux négociations à la cote d'un marché réglementé, soit par leur cession'.

Le complément de prix était fixé à 220.000 Francs si la valorisation boursière de 100% du capital de la société 1855 SA était égale à une valeur de référence de 100.000.000 Francs, avec un ajustement proportionnel si la valorisation était supérieure ou inférieure à ce montant.

Le 21 décembre 2006 les titres de la SA 1855 ont été introduits sur le marché ALTERNET depuis le 4 avril 2011 ces titres sont admis à la négociation en continu sur le marché de NYSE EURONEXT.

Par exploit du 17 août 2011 Philippe D. a fait citer Olivier S. DE C. devant le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISÈRE pour obtenir le paiement d'un complément de prix de 114.358 euros sur la base d'une valorisation boursière de la société 1855, estimée à 50.670.0000 euros.

Par jugement contradictoire en date du 24 avril 2013 le Tribunal a :

- constaté que le protocole transactionnel en date du 5 février 2002, portant cession des parts sociales de Philippe D. dans la SARL à capital variable DE B. au profit d'Olivier S. DE C., subordonne le paiement d'un complément de prix au profit de Philippe D. à la liquidité des actions de la société 1855 SA

- constaté que la condition de la liquidité des actions de la société 1855 SA était pleinement réalisée avec la première cotation en continu desdites actions sur ALTERNEXT à partir du 4 avril 2011

En conséquence

- condamné Olivier S. DE C. à payer à Philippe D. la somme de 98.984,83 euros au titre du complément de prix du par la prise en compte de la capitalisation boursière moyenne de l'action 1855 le premier mois suivant la première cotation en continu sur ALERNEXT, le 4 avril 2011, outre intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la mise en demeure adressée à Olivier S. DE C. chez la SCEA Domaine de la Séraphine

- condamné Olivier S. DE C. à payer à Philippe D. la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires

- condamné Olivier S. DE C. aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 13 mai 2013 Olivier S. DE C. a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

La mesure de médiation ordonnée par la cour le 4 juillet 2013 n'a pas permis d'aboutir à un accord.

Par conclusions notifiées le 16 juillet 2013 Olivier S. DE C. demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau

A titre principal de

- juger que la condition exigée par l'article 1.4 du protocole transactionnel du 5 février 2002 pour faire naître au profit de Philippe D. une créance éventuelle de complément de prix ne s'est toujours pas réalisée dès lors que les actions de la société 1855 SA ne font pas l'objet d'une cotation sur un marché réglementé au sens de la législation française et de la directive N°2004/CE dite MIF concernant les Marchés d'Instruments Financiers

Subsidiairement de

- juger que le complément de prix sollicité par Philippe D. en application du protocole transactionnel du 5 février 2002 n'est ni déterminé ni déterminable au sens de l'article 1591 du Code civil

En conséquence de

- débouter Philippe D. de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions

- condamner Philippe D. à lui payer une indemnité de procédure et aux entiers dépens, 'recouvrés comme il est prescrit par l'article 699 du Code de procédure civile'.

D'abord l'appelant soutient que la condition faisant naître un complément de prix n'est pas réalisée ; il reproche au Tribunal d'avoir décidé de modifier le sens des termes 'marché réglementé'.

Il développe qu'en 2002 existaient les marchés réglementés suivants :

- Bourse de PARIS

- Nouveau Marché

- MATIF

- MONEP.

Il se réfère aux dispositions des articles 421-1 et 421-4 du Code monétaire et financier.

Il souligne que depuis décembre 2006 les actions de la SA 1855 sont cotées sur le marché NYSE ALTERNEXT qui n'est pas un marché réglementé au sens de la législation française et de la directive MIF.

Ensuite, et à titre subsidiaire, Olivier S. DE C. fait valoir que le complément de prix des actions est indéterminé et reproche ainsi au Tribunal d'avoir fixé judiciairement un complément de prix en dehors de l'accord des parties.

Il fait observer que

- les parties au protocole n'ont pas indiqué le moment auquel devait s'apprécier la valorisation boursière de 1855 SA, qui est fluctuante, pour le calcul du complément de prix

- le Tribunal a fait dépendre le montant du complément de prix de la seule volonté de Philippe D..

Par conclusions notifiées le 16 septembre 2013 Philippe D. demande à la cour, confirmant le jugement entrepris de

- constater, en tant que de besoin dire et juger, que le protocole d'accord transactionnel du 5 février 2002, portant cession de ses parts sociales dans la SARL à capital variable SA B. au profit d'Olivier S. DE C. subordonne le complément de prix à la liquidité des actions de la SA 1855

- constater, en tant que de besoin dire et juger, que cette condition est pleinement réalisée depuis la première cotation en continu desdites actions sur le marché ALTERNEXT, à partir du 4 avril 2011

En conséquence

- condamner Olivier S. DE C. à lui payer à la somme de 98.984,83 euros au titre du complément de prix du par la prise en compte de la capitalisation boursière moyenne de l'action 1855 le premier mois suivant la première cotation en continu sur ALTERNEXT, le 4 avril 2011

- assortir le paiement des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la mise en demeure adressée à Olivier S. DE C. chez la SCEA Domaine de la Séraphine

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour ne retiendrait pas le premier mois suivant la première cotation en continu sur ALERNEXT, le 4 avril 2011, comme date de réalisation pleine et entière de la condition de la liquidité des actions de la société 1855 SA,

- constater, en tant que de besoin dire et juger, que la condition de liquidité des actions de la société 1855 SA est réalisée le premier mois suivant la cotation desdites actions sur le marché ALTERNEX, le 21 décembre 2006

En conséquence

- condamner Olivier S. DE C. à lui payer la somme de 89.768 euros au titre du complément de prix qui lui est due par la prise en compte de la capitalisation boursière moyenne de l'action 1855 SA le premier mois suivant la cotation sur ALTERNEXT

- assortir le paiement des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la mise en demeure adressée le 7 juillet 2011 à Olivier S. DE C. chez la SCEA Domaine de la Séraphine

- condamner Olivier S. DE C. à lui payer la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Philippe D. explique que le complément de prix prévu au protocole d'accord transactionnel n'était pas soumis à des conditions cumulatives mais à 2 conditions alternatives en raison de la liquidité des actions

- soit par leur admission aux négociations à la cote d'un marché réglementé

- soit en raison de leur cession.

L'intimé soutient qu'en visant dans le protocole d'accord transactionnel la cotation 'sur un marché réglementé' les parties n'ont pas voulu se référer 'à la notion de marché réglementé au sens technique' mais seulement écarter le cas où les actions feraient l'objet d'une cotation dite 'sauvage' sur le 'marché libre'.

Il rappelle qu'avant 2000 la Bourse de PARIS comprenait le premier marché, le second marché et le 'hors cote'; qu'en 2000 la gestion des marchés de la Bourse de PARIS a été confiée à EURONEXT qui l'a réorganisée en

- premier, second et nouveau marchés réunis au sein de la cote EUROLIST

- ALTERNEXT qui a été créé le 15 avril 2005, et qui est un système multilatéral organisé car il satisfait aux conditions posées par le Règlement de l'AMF.

Il ajoute que le marché libre a été conservé sous le nom de 'marché libre et valeurs radiées du marché réglementé'.

Il considère qu'ALTERNEXT puis NYSE ALTERNEXT répondent parfaitement à la notion de marché réglementé au sens du protocole et que le Tribunal qui devait interpréter le protocole d'accord a fait une exacte analyse de la commune intention des parties en 2002.

Ensuite Philippe D. ajoute que les actions de la SA 1855 qui ont été admises à la cotation en continu sur le marché ALTERNEXT à compter du 4 avril 2011 sont devenues liquides.

Il souligne sur ce point que dès 2010 la société 1855 a conclu 'un contrat de liquidité'.

S'agissant du montant du complément de prix du au moment où les actions de la SA 1855 sont devenues liquides, il développe que celui-ci a été fixé par les parties, le Tribunal s'étant limité à interpréter le contrat.

Il conteste toute fixation potestative du cours des actions et l'indétermination alléguée du complément de prix.

Une ordonnance en date du 5 avril 2018 clôture la procédure.

SUR CE

Attendu qu'ensuite de dissensions nées entre associés (Philippe D. et Olivier S. DE C.) et managers (Thierry M. et Emeric S. DE C.) de la société 1855 SA, ces personnes ont conclu le 5 février 2002 un protocole d'accord transactionnel aux termes duquel :

- Philippe D. a accepté de céder à Olivier S. DE C. , à titre de transaction définitive, la totalité des parts, soit quatre parts, de la holding SARL DE B., dont il était propriétaire (article 1.1)

- cette cession était consentie par le cédant pour un prix de base de 20.000 Francs payé par chèque le jour de l'acte, ce dont Philippe D. cédant a donné bonne et quittance valable à l'acquéreur (article 1.3) ;

Que l'article 1.4 de ce protocole d'accord est ainsi libellé :

'Le prix sera susceptible d'être augmenté si les actions de la société 1855 deviennent liquides soit par leur admission aux négociations à la cote d'un marché réglementé, soit par leur cession'. Le complément de prix (ci-après le Complément de Prix) sera alors égal à deux cent vingt mille (220.000) francs si la valorisation de 100% du capital de la Société est égale à cent millions (100.000.000) de francs étant entendu que si la valorisation était supérieure ou inférieure à cette valeur de référence de 100.000.000 de francs, le montant du complément de Prix serait ajusté proportionnellement';

Qu'à l'article 1.6 les Managers s'engageaient à tenir le Cédant informé de la survenance d'un fait de nature à 'leur' permettre de recevoir en tout ou partie le Complément de prix.

Qu'à l'article 2 du protocole en contrepartie du Prix des Parts et de l'éventuel Complément de Prix le Cédant se déclarait rempli de tous ses droits ;

Attendu que s'il incombe au juge d'interpréter la commune intention des parties il ne saurait dénaturer les termes clairs de leur convention ;

Que selon le protocole signé entre Philippe D. et Olivier S. DE C. l'exigibilité d'un complément de prix au profit du cédant était soumise soit à l'admission des titres de la société 1855 aux négociations à la cote d'un marché réglementé, soit par à leur cession ; qu'en 2002 existaient des marchés réglementés ;

Que l'article L424-1 du Code monétaire et financier dans sa version en vigueur du 12 décembre 2001 au 2 août 2003 précise que la reconnaissance de la qualité de marché réglementé d'instrument financiers est décidée par arrêté du ministre chargé de l'économie sur la proposition du conseil des marchés financiers et après avis de la commission des opérations de bourse ainsi que de la Banque de France ; que l'article L421-4 du Code monétaire et financier dispose désormais que la reconnaissance de la qualité de marché réglementé d'instrument financiers est décidée par arrêté du ministre chargé de l'économie sur la proposition de l'Autorité des marchés financiers ;

Que c'est donc à tort que les premiers juges ont considéré qu'il convenait de s'affranchir des termes précis employés dans la convention et de considérer que les parties avaient en réalité voulu éviter la cotation sur un marché libre et faire référence non à un marché réglementé mais à 'un marché sous surveillance de la COB ' qui a été remplacée par l'AMF ;

Que le marché ALTERNEXT qui a été créé en mai 2005, est un système multilatéral de négociation organisée ; qu'il s'agit ainsi d'un marché régulé aux exigences réglementaires assouplies ; qu'il n'est toutefois pas un marché réglementé selon la législation française et la directive N°2004/CE dite MIF; que le marché NYSE EURONEXT n'est pas non plus un marché réglementé ;

Qu'ainsi aucune conclusion quant à l'exigibilité d'un complément de prix ne peut être tirée de ce que :

- à compter de décembre 2006 les actions de la SA 1855 ont été cotées sur le marché ALTERNEXT

- le 13 octobre 2010 la SA1855 a signé un contrat de liquidité

- à compter du 4 avril 2011 les actions de la SA 1855 ont été sont admises à la négociation en continu sur le marché NYSE EURONEXT ;

Qu'il convient donc d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant à nouveau de débouter Philippe D. de toutes ses demandes ;

Attendu que les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de Philippe D. dont les prétentions ont été rejetées ;

Qu'aucune considération d'équité ne conduit à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit d'Olivier S. DE C. ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant, publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 avril 2013 ;

Statuant à nouveau,

Déboute Philippe D. de toutes ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de quiconque ;

Condamne Philippe D. aux dépens et autorise contre lui et au profit de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE, Maître G. avocat, le droit de recouvrement direct prévu par l'article 699 du Code de procédure civile.