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Décisions

Cass. com., 4 décembre 2001, n° 00-10.926

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Metivet

Rapporteur :

Mme Gueguen

Paris, 5e ch. C, du 22 oct. 1999

22 octobre 1999

Attendu, selon l'arrêt attaqué que par acte sous seing privé du 27 octobre 1994, les consorts C... E... ont cédé à Mme F... et à M. A... les cinq cents parts sociales composant le capital social de la SARL Nait Frères, exploitant l'hôtel restaurant "Le Chalet" à Saint-Maur des Fossés ; que cette cession a eu lieu au prix de 1 franc, les cessionnaires s'engageant en contrepartie à prendre en charge le passif de la société ; que le 20 septembre 1995, la Direction départementale de la sécurité publique a notifié à M. A..., gérant de la société, la fermeture administrative immédiate de l'hôtel, décision confirmée par le maire de la commune le 29 novembre suivant ; que, le 4 janvier 1996, Mme F... et M. A..., prétendant avoir été trompés sur les qualités substantielles de la chose vendue, ont assigné les consorts C... E... en annulation de la vente des parts sociales et au paiement d'une somme de 400 000 francs à titre de dommages-intérêts ; que par jugement du 10 avril 1996, le tribunal de commerce de Créteil a annulé la cession et a condamné les consorts C... E... à payer la somme de 1 franc aux demandeurs ; que les consorts C... E... et Mme F... ont fait appel de cette décision ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que les consorts C... E... font grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement annulant la cession des parts sociales, et ajouté à celui-ci en condamnant les cédants au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :

1 / qu'ils faisaient valoir que les activités d'hôtellerie étaient mineures, l'activité principale consistant dans l'exploitation du fonds de restaurant laquelle n'était pas affectée par l'arrêté ; qu'en affirmant qu'il importe peu que le secteur d'activité de la société touchée par l'arrêté, l'hôtellerie essentiellement, ait été minoritaire, motif pris que les activités d'hôtellerie et de restauration du chalet, seul bien de la société, étaient entièrement liées et garanties par l'acte de cession des parts sociales, la cour d'appel, qui ne précise nullement en quoi ces activités, de nature différente, étaient liées a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / qu'ils faisaient valoir que les activités d'hôtellerie étaient mineures, l'activité principale consistant dans l'exploitation du fonds de restaurant ; qu'en affirmant qu'il importe peu que le secteur d'activité de la société touchée par l'arrêté, l'hôtellerie essentiellement, ait été minoritaire, motif pris que les activités d'hôtellerie et de restauration du chalet, seul bien de la société, étaient entièrement liées et garanties par l'acte de cession des parts sociales, la cour d'appel qui n'indique pas en quoi le fait que ces activités étaient garanties par l'acte de cession des parts sociales était de nature à caractériser une erreur substantielle des cessionnaires lors de la conclusion du contrat, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1110 du Code civil ;

3 / que si l'indisponibilité d'un élément essentiel de l'actif immobilisé de la société, dont les parts sociales font l'objet d'une cession, peut lorsque le cessionnaire n'en avait pas connaissance, constituer une erreur substantielle, une telle immobilisation affectant un actif non essentiel ne caractérise pas une telle erreur ; qu'en relevant, comme ils le faisaient valoir, que l'immobilisation affectait l'activité d'hôtellerie, laquelle était minoritaire, la cour d'appel qui, cependant, retient qu'était démontrée l'erreur sur les qualités substantielles des parts sociales, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations dont il ressortait que l'actif immobilisé n'était pas essentiel et a violé l'article 1110 du Code civil ;

4 / qu'ils faisaient valoir avoir informé verbalement, antérieurement à la cession, les cessionnaires de la situation administrative de l'hôtel, invitant la cour d'appel à constater qu'il ressortait d'une lettre du conseil du gérant de la société, M. A..., contresignée par ce dernier, par ailleurs cessionnaire de parts, en date du 11 mai 1995, que les cessionnaires avaient bien parfaite connaissance de cette situation ; qu'il résultait de cette lettre du conseil des cessionnaires, adressée à la banque en vue de justifier les échéances impayées, la demande d'un nouvel échéancier "compte tenu des difficultés rencontrées pour la remise en état des lieux et de la reprise de l'exploitation ainsi que des améliorations apportées audit établissement" ; qu'en ne se prononçant pas sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que dans leurs conclusions d'appel signifiées le 11 octobre 1996, puis resignifiées le 17 septembre 1997, qui sont versées aux débats, les consorts B... E... n'ont pas fait valoir qu'il y avait lieu de distinguer les activités d'hôtellerie proprement dites des activités de restauration, qui auraient été beaucoup plus importantes, et n'auraient pas été affectées par la fermeture administrative de l'établissement ; d'où il suit que les première et deuxième branches du moyen manquent par le fait sur lequel elles se fondent ;

Attendu, en second lieu, que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les appelants dans le détail de leur argumentation, a, ainsi que le rappelle expressément le moyen lui-même, retenu par motifs adoptés des premiers juges, que les consorts C... E... ne produisaient aucun commencement de preuve du fait qu'ils auraient informé les cessionnaires de l'existence d'un arrêté de fermeture administrative préalablement à l'acte de cession du 27 octobre 1994, quant à lui, totalement silencieux sur ce point ; que l'absence de révélation de cet arrêté est d'autant plus grave que l'exploitation de l'hôtel restaurant "Le Chalet" constituait l'unique activité de la société, et que l'interdiction d'exploiter frappant l'établissement paralysait la société, et, par là même, affectait l'usage des parts sociales cédées ; que, par ce seul motif, la décision de la cour d'appel se trouve justifiée, indépendamment du motif erroné, mais surabondant, concernant l'importance respective des secteurs d'activités, de sorte qu'elle a pu statuer comme elle a fait ;

Qu'il s'ensuit que le moyen, qui manque par le fait sur lequel il se fonde en ses première et deuxième branches, n'est pas fondé en ses troisième et quatrième branches ;

Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1315 du Code civil ;

Attendu que pour condamner solidairement les consorts C... E... à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts à M. A... en conséquence de l'annulation de la cession des parts sociales, la cour d'appel a retenu qu'il avait supporté sur ses fonds propres des frais de valorisation du fonds de commerce, dont il devait être indemnisé, et dont il faisait la preuve qui manquait en première instance en produisant des factures et acomptes payés ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi sans préciser d'où il ressortait que M. A... avait financé sur ses fonds propres des factures établies au nom de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et en sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la condamnation solidaire des consorts C... E... à payer à titre de dommages-intérêts une certaine somme à M. A..., l'arrêt rendu le 22 octobre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.