Cass. com., 10 décembre 2003, n° 01-17.802
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 octobre 2001), que la société Lavipharm a acquis le 28 avril 1997 90 % du capital de la société Inocosm laquelle avait trois secteurs d'activité, un secteur "mélange de poudres", un secteur consacré à la recherche et un secteur destiné à la fabrication et à la commercialisation de produits naturels ; que le même jour, était signée une promesse d'achat et de vente portant sur les 10 % du capital par M. X..., ancien président directeur général de la société Inocosm ; qu'après la découverte d'une fraude dans la commercialisation des produits naturels et de synthèse relevant du secteur "mélange de poudres", les nouveaux dirigeants ont arrêté l'activité de cette société et ont déclaré l'état de cessation des paiements, laquelle a conduit au prononcé de la liquidation judiciaire, le 6 août 1997 ; que la société Lavirpharm a assigné l'ensemble des anciens actionnaires de la société Inocosm en annulation des différents contrats et en restitution du prix de vente des actions ; que la cour d'appel, sur le fondement de l'erreur sur les qualités substantielles des actions, a prononcé la nullité des contrats de cession d'actions et condamné l'ensemble des cédants à restituer le prix de cession des actions à la société Lavipharm ;
Sur les premier et deuxième moyens, pris en leurs diverses branches, réunis :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à restituer le prix des actions de la société Inocosm et à payer des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°) que le dol n'est pas une cause de nullité de la convention que lorsqu'il a eu pour effet de provoquer chez le cocontractant une erreur ; qu'en l'espèce, il soutenait, dans ses écritures d'appel, que, s'agissant des "mélanges poudres", la société Lavipharm International avait reçu des cédants l'intégralité des documents descriptifs des procédures et protocoles dextraction des substances à base de produits naturels mis au point par les chercheurs de la société Inocosm, et que nulle part dans ces protocoles ne figurait un document concernant les vitamines B d'origine naturelle, ce qui conduisait nécessairement la société Lavipharm International à en déduire Qu'inoscosm n'était pas capable d'extraire des vitamines B ; qu'il appuyait ces allégations d'une attestation établie par Mme Y... ingénieur chimiste et responsable de fabrication dans la société Inocosm au moment des faits ; qu'en se bornant à écarter une argumentation reposant sur des éléments comptables, sans rechercher si, eu égard à la documentation technique qui lui avait été remise, la société Lavipharm International n'avait pas pris conscience de l'incapacité de la société Inocosm d'extraire des vitamines B à partir de produits naturels de sorte qu'elle n'aurait commis aucune erreur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
2°) qu'en s'abstenant de répondre à ses conclusions selon lesquelles, compte tenu de la communication à Lavipharm International des documents descriptifs des procédures et protocoles d'extraction des substances à base de produits naturels, cette société savait nécessairement, au moment de la cession, qu'Inocosm n'était pas capable d'extraire des vitamines B à partir de produits naturels, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
3°) qu'en tout état de cause il s'était prévalu dans ses conclusions d'appel, de l'article 1.3 (V) du contrat de cession d'actions selon lequel l'existence des procédés développés par la société Inocosm, dont notamment des méthodes d'extraction de la gliadine, était un élément déterminant de la volonté d'acquérir de Lavipharm International, qu'il en déduisait qu'en revanche, la composition des "mélanges poudres" n'était pas un élément déterminant du consentement de la société acquéreuse ; qu'en se bornant à affirmer le caractère déterminant du secteur "mélange poudres" dans la décision de la société Lavipharm International d'acquérir 90 % des actions de la société Inoscosm sans constater que, si les manoeuvres alléguées par la société Lavipharm International n'avait pas existé, cette société n'eût pas contracté, et sans s'expliquer sur la signification de la clause susvisée quant aux éléments qui avaient déterminé la société Lavipharm à conclure des contrats litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ;
4°) que la cour d'appel n'a caractérisé ni l'existence de l'erreur alléguée par la société Lavipharm International ni, à supposer qu'une telle erreur ait été commise, son caractère déterminant du consentement de la société Lavipharm International (supra, premier moyen de cassation) ; qu'elle a ainsi privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1110 du Code civil ;
5°) que l'erreur sur la valeur des actions n'est pas une cause de nullité de la cession ; qu'il n'y a erreur sur les qualités substantielles des actions que si la société émettrice est, par l'effet d'un événement ignoré de l'acheteur, privée de l'essentiel de son actif ou mise dans l'impossibilité de réaliser son objet ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à relever une erreur sur la possibilité de poursuivre dans des conditions régulières l'activité dominante de la société Inocosm, sans caractériser une privation de l'essentiel de son actif ou l'impossibilité de réaliser son objet ; que l'arrêt attaqué est donc dépourvu de base légale au regard de l'article 1110 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le secteur d'activité "mélange de poudres" de la société Inocosm, lequel représentait plus de 60 % du chiffre d'affaires et était en constante progression avait été déterminant de la décision d'acquérir les actions de cette société et que seuls les agissements dolosifs découverts après cette acquisition, commis par M. X..., lequel n'avait pas révélé lors de la cession des actions que la société Inocosm n'était pas en mesure de fournir à ses clients des vitamines naturelles, avaient entraîné l'arrêt de l'activité du secteur "mélange de poudres", la déclaration de l'état de cessation des paiements et la liquidation judiciaire de la société ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu déduire, après avoir caractérisé les manoeuvres dolosives dont s'était rendu coupable M. X... que la nullité de la cession de la totalité des actions était acquise, l'erreur sur la qualité substantielle des actions ayant empêché la société Lavipharm de poursuivre, dans des conditions régulières, l'activité économique constituant l'objet principal et dominant de la société Inocosm ; qu'elle a ainsi, répondant aux conclusions prétendument délaissées et par des motifs pertinents, légalement justifié sa décision et pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à garantir M. Z... de la condamnation prononcée contre ce dernier, alors selon le moyen :
1°) que M. Yves Z..., dans ses conclusions d'appel sollicitait que M. X... fût condamné à le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées son encontre "en sa qualité d'unique garant de la cession intervenue" ; que la cour d'appel a fondé sa condamnation sur un autre moyen, soulevé d'office et non soumis à débat contradictoire, tiré de ce que l'annulation de la cession d'actions consentie par M. Z... avait pour origine une erreur de la société Lavipharm International causée par ses manoeuvres dolosives ; qu'elle a ainsi violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
2°) qu'en cas de pluralité de vendeurs, la loi n'institue aucune obligation de garantie d'un cédant à l'égard de ses co-cédants ; que les restitutions consécutives au prononcé d'une nullité ont pour objet de remettre les parties en l'état initial ; que si le dol peut être source de responsabilité délictuelle, celle-ci suppose l'établissement d'un préjudice et d'un lien de causalité entre celui-ci et les manoeuvres dolosives ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pas constaté que l'annulation du contrat de cession laissait subsister, à la charge de M. Yves Z..., un préjudice égal au prix de cession de ses actions et a, de ce fait, violé les articles 1108 et 1382 du Code civil ;
Mais attendu que dès lors que les condamnations prononcées contre M. Z... dont celui-ci demandait à être garanti par M. X... avaient pour origine la nullité de l'acte de cession en ce qui concerne ses propres actions en raison de l'erreur commise par la SA Lavipharm International sur la qualité substantielle de ces actions, erreur qui était la conséquence des manoeuvres dolosives commises par M. X..., la cour d'appel qui n'a soulevé d'office aucun moyen, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.