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Décisions

Cass. com., 11 mai 2017, n° 15-25.301

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Metz, du 18 juin 2014

18 juin 2014

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 18 juin 2014), que M. Armand, dit aussi Emile, et Mme Mireille Y... (les consorts Y...), gérants et associés de la SARL Y... et de la société anonyme de droit luxembourgeois Y... (la SA Y...) ont cédé, le 27 décembre 2004, la totalité des actions de la seconde ainsi que des véhicules et remorques appartenant à la première aux sociétés Herbrich express, devenue Herbrich finance, et Herbrich logistique, moyennant un prix global, révisable en fonction des capitaux propres de la SA Y... et de la valeur des matériels roulants figurant au bilan arrêté au 31 décembre suivant par un expert-comptable désigné d'un commun accord ; qu'une convention de garantie d'actif et de passif a été signée ainsi qu'un acte de cession de remorques entre la SARL Y... et la SARL Herbrich logistique ; qu'estimant avoir été victime de manoeuvres dolosives de la part des consorts Y..., la société Herbrich finance les a assignés en payement de diverses sommes en application de la convention de garantie de passif et de dommages-intérêts ; que devant la cour d'appel, elle a demandé l'annulation du protocole d'accord du 27 décembre 2004 pour dol et subsidiairement réclamé le paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Herbrich finance fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande d'annulation du contrat alors, selon le moyen, que le juge doit en toute circonstance faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office que la demande de la société Herbrich France en annulation de la cession de parts sociales litigieuse était irrecevable s'agissant d'une demande nouvelle en cause d'appel, cependant que M. et Mme Y... n'avaient pas conclu à l'irrecevabilité de cette demande, la cour d'appel, qui n'a pas invité les parties à s'expliquer sur cette fin de non-recevoir relevée d'office, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la société Herbrich finance ayant fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que sa demande d'annulation se rattachait par un lien suffisant à sa demande originaire de dommages-intérêts pour dol et qu'elle entendait, en tant que de besoin, interjeter appel incident sur ce point, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait, sans méconnaître le principe de la contradiction, la question de la recevabilité étant dans le débat ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Herbrich finance fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires alors, selon le moyen :

1°/ qu'est constitutif d'un dol le fait pour le vendeur de laisser croire qu'un bien serait inclus dans une vente, bien qu'il n'en soit pas propriétaire ni qu'il ait l'intention de l'acquérir pour l'inclure dans la vente, avant de conclure néanmoins celle-ci ; qu'en affirmant que les consorts n'avaient pas commis de dol en raison de l'absence d'inclusion dans le protocole d'accord du 27 décembre 2004 des actions Marne fret, après avoir relevé, d'abord, que les consorts Y... avaient présenté à plusieurs reprises à la société Herbrich finance la cession de contrôle de la SA Y... comme incluant les actions de la société Marne fret, ensuite, qu'ils savaient que ces actions n'appartenaient pas à la SA Y... et qu'ils n'avaient jamais eu l'occasion d'acquérir ces actions pour le compte de cette dernière, enfin, qu'au moment de la conclusion de ce protocole, les parties avaient entendu faire entrer ces actions dans le calcul du prix global de la cession, cependant qu'elles n'étaient pas incluses dans cette dernière, au demeurant conclue pour un prix similaire à celui de la dernière proposition des consorts Y... qui incluait ces actions dans la cession proposée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations dont il résultait que les consorts Y... avaient sciemment dissimulé que les actions de la société Marne fret n'appartenaient pas, au moment de la cession de contrôle de la SA Y..., à cette dernière, cependant que la société Herbrich France était convaincue du contraire, a violé l'article 1116 du code civil ;

2°/ que le caractère déterminant du dol sur le consentement d'une partie n'est pas une condition de l'action en responsabilité civile fondée sur l'erreur provoquée ; qu'en déboutant la société Herbrich finance de son action en responsabilité civile fondée sur le dol commis par les consorts Y..., au prétexte que le caractère déterminant de la cession des actions Marne fret dans l'engagement de la société Herbrich finance n'était pas établi, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil ;

3°/ que la preuve du caractère déterminant du dol est libre ; qu'il n'est pas exclu du seul fait que l'acte argué de dol n'ait pas fait mention de l'élément sur lequel l'erreur a porté ; qu'en affirmant au contraire que si la société Herbrich finance avait fait de la cession des actions Marne fret un élément déterminant de son engagement, elle n'aurait pas manqué de le faire apparaître dans le protocole d'accord du 27 novembre 2004, après avoir relevé qu'au moment de la conclusion de ce protocole, les parties avaient entendu faire entrer ces actions dans le calcul du prix global de cession, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil ;

4°/ que le dol rend toujours excusable l'erreur provoquée ; que pour affirmer que le dol imputé aux consorts Y... n'était pas établi, l'arrêt attaqué a encore énoncé qu'il était aisé pour la société Herbrich finance, rompue aux affaires, de découvrir avant même la conclusion du protocole d'accord du 27 novembre 2004 que la SA Y... ne détenait pas de titres dans la société Marne fret ; qu'en statuant ainsi, quand un dol rend toujours excusable l'erreur provoquée, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil ;

5°/ que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter ; que l'arrêt attaqué a affirmé que la circonstance que les consorts Y... n'aient pas signalé à la SARL Herbrich finance que la SA Y... était redevable envers la SARL Y... de la somme de 196 963, 10 euros ne pouvait être constitutive d'une manoeuvre ou d'une réticence dolosive, dès lors que cette dette figurait dans le compte dettes fournisseurs et comptes rattachés de la SA Y... au 31 décembre 2004 et avait fait l'objet d'un redressement fiscal le 19 décembre 2001 ; qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que le montant de cette dette avait été arrêté au 31 décembre 2004 cependant que le protocole d'accord de cession avait été conclu le 27 décembre 2004, sans rechercher si, au jour de la conclusion de ce dernier, la SARL Herbrich finance avait pu avoir connaissance de cette dette à l'examen des comptes sociaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

6°/ qu'un dol rend toujours excusable l'erreur provoquée ; que pour affirmer que le dol imputé aux consorts Y... n'était pas établi, l'arrêt attaqué a encore énoncé que la société Herbrich finance n'avait pas demandé à connaître le détail du compte dettes fournisseurs et comptes rattachés figurant au passif de la SA Y... au 31 décembre 2004 avant le paiement du prix ; qu'en statuant ainsi, quand un dol rend toujours excusable l'erreur provoquée, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, d'abord, que ce n'est que par la signature du protocole, le 27 décembre 2004, que les parties ont finalisé leur accord et fixé le prix de cession des activités et actifs des sociétés Y..., de sorte que seul ce protocole fait la loi des parties s'agissant de la cession des actions de la société Y... SA ; qu'après avoir constaté que la société cédée n'avait jamais détenu de titres dans le capital de la société Marne fret, l'arrêt relève ensuite que la société Herbrich finance, rompue aux affaires, était en mesure de connaître avant la signature du protocole cette circonstance et qu'aucun élément du débat n'établit que les cédants aient cherché, lors des pourparlers et de la conclusion du protocole, à lui dissimuler la réalité de la situation ; qu'il en déduit que l'intention de tromper des cédants n'est pas démontrée ; qu'il relève encore que l'absence d'information spécifique quant à l'existence d'une dette de la SA Y... envers la SARL Y... au 31 décembre 2004 et au règlement d'une dette fiscale de la seconde par la première, par compensation, ne caractérise pas une manoeuvre ou une réticence dolosive ; qu'en l'état de ces seules constatations et appréciations, la cour d'appel a pu écarter la demande indemnitaire fondée sur la faute dolosive des consorts Y... ; que le moyen, inopérant en ses quatrième, cinquième et sixième branches, qui critiquent des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.