Cass. com., 26 mai 2009, n° 08-15.980
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Defrenois et Levis, SCP Vincent et Ohl
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte du 2 mai 1997, M. Y... Y... s'est engagé à céder à M. X... la majorité des actions composant le capital de la société Z... (la société) ; que cette société a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 7 septembre 1998 et 14 janvier 1999 ; qu'à la suite d'une dénonciation par le commissaire aux comptes d'inexactitudes affectant les comptes de la société, un arrêt définitif a condamné M. Y... Y... du chef de présentation de comptes infidèles, mais l'a relaxé de celui d'escroquerie ; qu'invoquant un dol dont il aurait été victime lors de la cession des titres de la société, M. X... a fait assigner M. Y... Y... aux fins d'obtenir l'annulation de la cession ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que M. Y... Y... fait grief à l'arrêt d'avoir jugée recevable la demande de M. X..., alors, selon le moyen :
1° / que seule une partie à un contrat peut invoquer la nullité pour dol ; que la cour d'appel, pour déclarer recevable M. X... à agir en nullité pour dol de la cession d'actions régularisée le 8 juillet 1997, a seulement constaté que M. X... et M. Y... Y... étaient parties au protocole d'accord du 2 mai 1997, mais n'a aucunement vérifié s'ils étaient parties à la cession d'actions de la société Z..., telle que régularisée le 8 juillet 1997 ; que ce faisant, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 31 du code de procédure civile, 1116 et 1134 du code civil ;
2° / que dans ses conclusions laissées sans réponse, M. Y... Y... faisait valoir que seule la partie à un contrat pouvait invoquer sa nullité pour dol et que M. X... tout comme M. Y... Y... n'étaient pas parties (ni cessionnaire pour le premier, ni cédant pour le second) à la cession des actions telle que régularisée le 8 juillet 1997, et que par conséquent, l'action de M. X... en nullité pour dol de la cession intervenue le 8 juillet 1997 n'était pas recevable ; que la cour d'appel, en se contentant de constater que M. X... et M. Y... Y... étaient parties au protocole d'accord du 2 mai 1997, pour en déduire la qualité d'acheteur d'actions de M. X... et celle de vendeur d'actions de M. Y... Y... à la cession d'actions régularisée le 8 juillet 1997, et en conclure à la recevabilité de l'action en nullité pour dol de M. X..., n'a pas répondu aux conclusions déterminantes de M. Y... Y..., violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que M. Y... Y... ne produisait pas aux débats l'acte notarié du 8 juillet 1997 permettant d'établir que divers actionnaires, dont la société HV Conseils, avaient cédé les titres de la société au profit de la société JLP, l'arrêt retient que M. X..., en sa qualité d'acheteur des actions, résultant du protocole d'accord du 2 mai 1997, était recevable à agir en nullité de la cession pour dol à l'encontre de M. Y... Y..., en sa qualité de vendeur de ces mêmes actions ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées, à légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi principal :
Vu l'article 1116 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X..., l'arrêt, après avoir relevé que la cour d'appel de Grenoble avait condamné M. Y... Y... du chef de présentation de comptes infidèles mais l'avait relaxé du chef d'escroquerie, aucune manoeuvre frauduleuse n'étant établie à son encontre lors de la présentation de ces comptes à M. X..., retient que l'autorité de chose jugée attachée à cette décision définitive s'opposait à ce que ces mêmes faits puissent être invoqués par M. X... au titre du dol, dans la mesure où ce dernier supposait l'existence de telles manoeuvres ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la présentation de comptes infidèles peut constituer, indépendamment des manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie, un dol au sens de l'article 1116 du code civil, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen principal :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mars 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée.