Cass. com., 17 juin 2003, n° 99-12.492
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de l'acquisition par la société Arcovim du fonds de commerce de la société JMG Immobilier, M. X... a, le 27 mai 1993, acquis 250 parts représentant 50 % du capital de la société Arcovim détenues par Mme Y..., épouse Z... ; que, par acte du même jour, M. X... a fait apport en compte courant dans la société Arcovim, dirigée par M. A..., d'une somme de 300 000 francs ; que la société Arcovim ayant été mise en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 14 septembre 1992, M. X... a assigné M. A... ainsi que Mme Z... en annulation des actes du 27 mai 1993 pour dol ; que la cour d'appel a confirmé la décision des premiers juges ayant prononcé la nullité de l'acte de cession des parts sociales du 27 mai 1993 ainsi que celle du second acte du même jour portant versement en compte courant et condamné d'une part, Mme Z... à rembourser à M. X... la somme de 200 000 francs représentant la valeur des parts sociales et, d'autre part, conjointement et solidairement Mme Z... et M. A... à rembourser à M. X... la somme de 300 000 francs représentant l'apport en compte courant ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / qu'il soutenait que durant les deux mois ayant précédé la cession, M. X... était employé par la société Arcovim, qu'il se trouvait en permanence au siège social de celle-ci, qu'il avait pu rencontrer à plusieurs reprises l'expert comptable et avoir accès à tous les documents utiles en vue de vérifier l'état de la société, qu'il avait ainsi eu la possibilité de connaître la situation exacte de l'entreprise et avait contracté en parfaite connaissance de cause ; que, dans ses propres conclusions, M. X... n'a nullement contesté avoir été l'employé de la société Arcovim, ni avoir rencontré l'expert comptable de la société et avoir eu accès aux documents sociaux se contentant d'affirmer que M. A... et Mme Z... lui avaient dissimulé les difficultés financières de la société Arcovim et son état de cessation des paiements depuis le 14 septembre 1992 ; que M. X... ne contestait donc pas la réalité des faits d'où M. A... déduisait qu'il avait nécessairement connaissance de la situation exacte de la société lors de la cession ; qu'en s'abstenant de rechercher si, quelles que soient les mentions de l'acte, l'acquéreur avait effectivement été induit en erreur sur la situation financière de la société Arcovim, la cour d'appel a privé de base légale a sa décision au regard de l'article 1116 du Code civil ;
2 / qu'il appartient, en tout état de cause, à celui qui se prévaut du dol de son cocontractant de le prouver ; qu'en se bornant pour retenir l'existence de manoeuvres dolosives consistant dans le silence gardé sur la réalité de la situation financière de la société Arcovim et dans la déclaration inexacte de l'acte notarié relative à son état de cessation des paiements, à relever l'absence de preuve que le bilan produit aux débats ait été porté à la connaissance de l'acquéreur et que ce dernier ait su l'état de cessation des paiements de la société, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que le bilan visé par l'acte de cession du 27 mai 1993 n'était pas annexé audit acte, lequel faisait expressément référence à toutes pertes "non provisionnelles" au 30 avril 1993 ; que la lettre adressée le 26 mai 1993 à la SARL Arcovim par le cabinet d'expertise-comptable AFI mentionnant l'envoi au notaire, ce même jour, d'une copie par "fax" de la situation provisoire des comptes de cette société ne démontre pas que le bilan produit aux débats ait été porté à la connaissance de l'acquéreur ; que le même acte notarié précise qu'aucun incident de paiement n'a été provoqué par la société alors qu'il ressort de l'extrait du journal d'annonces légales produit aux débats que la société Arcovim était en état de cessation des paiements depuis le 14 septembre 1992 et qu'aucune donnée précise ne justifie de la connaissance de cet état par M. X... ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, par la-même, fait ressortir le caractère volontaire de la rétention de documents comptables et d'informations sur la situation financière de la société Arcovim qu'elle impute aux manoeuvres dolosives de M. A... dans la cession des parts sociales de la société JMG Immobilier ; que le moyen n'est pas fondé en ses deux premières branches ;
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 1116 et 1842 du Code civil ;
Attendu que M. A... reproche à l'arrêt de l'avoir condamné conjointement et solidairement avec Mme Z... à payer 300 000 francs de dommages-intérêts à M. X... au titre du remboursement de l'apport fait en compte courant à la société Arcovim, selon acte du 27 mai 1993 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. A... n'était pas, à titre personnel, partie à l'acte critiqué, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. A... à payer à M. X... la somme de 300 000 francs, l'arrêt rendu le 14 octobre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.