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Décisions

Cass. com., 11 mai 2017, n° 15-14.239

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Ortscheidt, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Spinosi et Sureau

Paris, du 2 déc. 2014

2 décembre 2014


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 2014), que par acte sous seing privé du 23 décembre 2010 rédigé par la société MPM patrimoine, société en conseil et gestion de patrimoine, M. X...a cédé à Mme Y..., au prix de 60 000 euros, cent cinquante parts de la société Agora patrimoine, société à responsabilité limitée dont les associés avaient décidé la transformation en société par actions simplifiée le 25 décembre 2009 ; que prétendant avoir été trompée sur la véritable situation comptable de la société Agora patrimoine dont le bilan, arrêté au 31 décembre 2009, aurait révélé un exercice déficitaire, Mme Y... a assigné M. X..., la société Agora patrimoine et la société MPM patrimoine en annulation pour dol de la cession de parts sociales ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la cession litigieuse pour dol alors, selon le moyen :

1°/ que manque à son obligation de contracter de bonne foi et commet ainsi un dol par réticence le cédant qui, sachant que les comptes de la société étaient déficitaires pour le dernier exercice, omet de porter cette information au cessionnaire, l'incitant ainsi à s'engager ; qu'en rejetant néanmoins la demande de nullité de la cession litigieuse, après avoir pourtant constaté l'absence de toute référence faite par le cédant aux résultats déficitaires pour l'exercice 2009, établissant ainsi une réticence dolosive, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1116 du code civil, ensemble l'article 1134, alinéa 3, du même code ;

2°/ que le cessionnaire qui a contracté au vu d'un bilan falsifié ou tronqué est en droit d'invoquer le dol du cédant ; qu'en retenant qu'aucune référence n'était faite aux résultats déficitaires pour l'exercice 2009, tout en refusant de rechercher si, comme elle y était invitée, Mme Y... n'avait pas été trompée par les mentions figurant au bilan de la société Agora patrimoine et si cette absence d'information n'établissait pas l'existence d'une réticence dolosive de la part du cédant l'ayant déterminée à souscrire cet engagement qu'elle n'aurait pas pris si elle avait connu la situation financière exacte de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt constate, d'abord, que Mme Y... disposait d'une évaluation de la valeur des parts de la société réalisée par un cabinet d'expertise comptable sur la base des résultats nets des exercices 2006, 2007 et 2008, dont l'exactitude n'est pas contestée, s'élevant respectivement à 38 000 euros, 15 000 euros et 14 000 euros ; qu'il relève, ensuite, que la cessionnaire, titulaire d'un diplôme de notaire et ingénieur patrimonial et financier, dirigeait une société exerçant une activité de conseil et gestion de patrimoine identique à celle de la société dont des parts sociales lui étaient cédées et dans les locaux de laquelle elle disposait d'un bureau depuis le mois de février 2009 ; qu'il relève, enfin, que Mme Y..., professionnelle expérimentée, a, en toute connaissance de cause, expressément déclaré dans l'acte de cession avoir une parfaite connaissance de tous les éléments fiscaux et financiers relatifs à la société et renoncé à toute réclamation d'informations dans ce domaine envers le cédant ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches invoquées par la seconde branche que ses constatations rendaient inopérantes, a pu retenir l'absence de réticence dolosive du cédant sur les résultats de l'exercice 2009 et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de la cession litigieuse pour cause d'erreur alors, selon le moyen, qu'en présence d'une erreur obstacle portant sur l'objet même du contrat, ce dernier est frappé de nullité ; qu'en rejetant la demande de nullité de la cession litigieuse sur le terrain de l'erreur après avoir pourtant constaté, d'une part, que l'acte de cession en date du 23 décembre 2010 faisait état de la cession de parts sociales et, d'autre part, que la transformation de la société Agora patrimoine en société par actions simplifiée avait eu lieu dès le 25 décembre 2009, ce dont il résultait que Mme Y... pensait acquérir des parts sociales tandis que la société Agora patrimoine cédait des actions, caractérisant ainsi une erreur obstacle portant sur l'objet même du contrat, la cour d'appel qui n'a déduit les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 1110 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte des conclusions d'appel de Mme Y... qu'elle se bornait à invoquer un dol ayant entraîné une erreur sur la substance de la chose vendue ; que le moyen, en ce qu'il invoque une erreur-obstacle portant sur l'objet même du contrat, est nouveau et mélangé de fait et de droit, et comme tel irrecevable ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande contre la société MPM patrimoine en tant que rédacteur de l'acte alors, selon le moyen :

1°/ qu'en retenant par une pétition de principe que les demandes dirigées contre le rédacteur de l'acte à raison d'un manquement au devoir de conseil et de vérification ne sauraient prospérer dès lors qu'en l'absence de vice de consentement de Mme Y..., il n'est aucunement démontré qu'une éventuelle négligence de la société MPM patrimoine a occasionné un préjudice, sans rechercher comme elle y était invitée, si la société MPM patrimoine n'avait pas commis une faute, lui causant un préjudice, indépendamment même du vice de consentement invoqué par ailleurs dans la relation entre les seules parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'en rejetant, par une pétition de principe, l'action en responsabilité engagée à l'encontre de la société MPM patrimoine, sans rechercher si le rédacteur d'un acte de cession ne commet pas une faute en ne prenant pas soin de se renseigner quant à l'objet même du contrat, et en rédigeant un acte de cession de parts sociales qui n'existaient plus au lieu et place d'un acte de cession d'actions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

3°/ qu'un tiers rédacteur qui accepte dans l'exercice de ses activités juridiques d'établir un acte de cession de droits sociaux pour le compte d'autrui, est tenu, en sa qualité de rédacteur, d'informer et d'éclairer de manière complète les parties sur les effets et la portée de l'opération projetée ; qu'en refusant de retenir la responsabilité de la société MPM patrimoine, sans rechercher si cette dernière avait bien éclairé Mme Y... sur les effets et la portée de l'acte de cession et après avoir pourtant constaté l'absence de référence aux résultats de l'exercice 2009 déficitaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des faits et circonstances de la cause, relevé qu'en l'absence de vice du consentement de Mme Y..., il n'était aucunement démontré qu'une éventuelle négligence de la société MPM patrimoine lui aurait occasionné un préjudice, la cour d'appel a pu retenir que la société MPM patrimoine n'avait pas engagé sa responsabilité à son égard ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.