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Décisions

Cass. crim., 8 décembre 1971, n° 70-93.020

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rolland

Rapporteur :

M. Pucheus

Avocat général :

M. Reliquet

Avocat :

Me Boré

Bordeaux, du 17 nov. 1970

17 novembre 1970

REJET ET AMNISTIE SUR LE POURVOI DE X... (HENRI), CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX, EN DATE DU 17 NOVEMBRE 1970 QUI, POUR ABUS DE BIENS SOCIAUX L'A CONDAMNE A QUATRE MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS ET 5 000 FRANCS D'AMENDE ET L'A DEBOUTE DE SON ACTION CIVILE CONTRE Y... ET Z... LA COUR, VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;

SUR LES DEUX MOYENS DE CASSATION REUNIS, ET PRIS : LE PREMIER, DE LA VIOLATION DES ARTICLES 34, 38 ET SUIVANTS DE LA LOI DU 7 MARS 1925, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE REPONSE AUX CONCLUSIONS VISEES PAR LE PRESIDENT, DEFAUT ET CONTRADICTION DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE LE DEMANDEUR COUPABLE D'ABUS DE BIENS SOCIAUX ;

AUX MOTIFS D'UNE PART QU'IL A SIGNE PERSONNELLEMENT 10 TRAITES D'UN MONTANT DE 210 000 FRANCS, TIREES PAR L'UNEFA SUR LA BAC ET QUI, D'APRES LES EXPERTS A... ET B..., N'ETAIENT PAS CAUSEES PAR DES AFFRETEMENTS OU DES LIVRAISONS EFFECTIVES DE MARCHANDISES ;

D'AUTRE PART, QUE SI LA CORRESPONDANCE PRODUITE PAR L'INTERESSE REVELE QU'IL ETAIT OPPOSE AU MARCHE GABONAIS, C'EST-A-DIRE PROBABLEMENT A L'ACHAT PAR LA BAC A LA CFN DES PERMIS FORESTIERS, CETTE CORRESPONDANCE N'EST NULLEMENT EN CONTRADICTION AVEC LES CONSTATATIONS DES EXPERTS ET QUE D'AILLEURS DIVERSES MISSIVES ECHANGEES ENTRE X... ET Z... ETABLISSENT NON SEULEMENT QUE X... ETAIT AU COURANT DE L'OPERATION TRIANGULAIRE, MAIS QUE CELLE-CI MARCHAIT DEPUIS PAS MAL D'ANNEES AVEC LA BENEDICTION DE TOUT LE MONDE, QU'IL APPARAIT DES LORS QUE X... A PARTICIPE EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE A LA CREATION DES TRAITES DE COMPLAISANCE ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE LA COUR A LAISSE SANS REPONSE LE CHEF PEREMPTOIRE DES CONCLUSIONS QUI FAISAIT ETAT DU TEMOIGNAGE CAPITAL DE C..., ANCIEN DIRECTEUR ADMINISTRATIF DE LA BAC ET DES DOCUMENTS REMIS PAR LUI AUX EXPERTS D... ET E..., TEMOIGNAGE ET DOCUMENTS DESQUELS IL RESULTAIT QUE LA PREMIERE TRAITE DE COMPLAISANCE SE SITUAIT A LA DATE DU 24 MAI 1960, DONC POSTERIEUREMENT A LA SIGNATURE D'EFFETS PAR X..., ET QUE CELUI-CI N'AVAIT D'ABORD PAS ETE AVISE DE L'EXISTENCE DE CES TRAITES PREPAREES A PARIS PAR Y... ET Z..., ET A, PAR LA SUITE, TOUT MIS EN OEUVRE, MAIS VAINEMENT, POUR S'Y OPPOSER, QUE LA COUR N'A PAS DAVANTAGE REPONDU AUX CONCLUSIONS QUI SOUTENAIENT QUE LA CORRESPONDANCE VERSEE AUX DEBATS ETAIT ANTERIEURE AUX FAITS OBJETS DE LA POURSUITE ET NE S'Y REFERAIT PAS ;

ALORS, EN SECOND LIEU, QUE DE CE DERNIER CHEF L'ARRET EST ENCORE ENTACHE D'UNE CONTRADICTION ENTRE LES MOTIFS DE FAIT POUR AVOIR CITE A L'APPUI DE LA DECISION UN PASSAGE D'UNE LETTRE QUI, FAISANT ALLUSION A UN GENRE DE CAVALERIE AYANT DURE DES ANNEES, NE POUVAIT MANIFESTEMENT SE RAPPORTER AUX TRAITES LITIGIEUSES, D'APRES LES AUTRES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE ET DU JUGEMENT ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE LE DELIT D'ABUS DE BIENS SOCIAUX SUPPOSE QUE LE MANDATAIRE SOCIAL A AGI CONTRAIREMENT A L'INTERET DE LA SOCIETE QU'IL ADMINISTRE, DANS UN BUT PERSONNEL OU POUR FAVORISER UNE AUTRE SOCIETE DANS LAQUELLE IL ETAIT INTERESSE DIRECTEMENT OU INDIRECTEMENT ;

ET QUE L'ARRET ATTAQUE N'A PAS CONSTATE QUE LE DEMANDEUR AIT EU L'INTENTION DE FAVORISER Z..., ENCORE MOINS QU'IL AIT EU UN INTERET QUELCONQUE DANS LES SOCIETES ADMINISTREES PAR CE DERNIER, QUE, TOUT AU CONTRAIRE, IL RESSORT DES ENONCIATIONS DU JUGEMENT ET DE L'ARRET ATTAQUE QUE LE DEMANDEUR A TOUJOURS AGI DANS L'INTERET DE LA BAC, SOIT EN ETANT OPPOSE AU MARCHE GABONAIS QUI, CONSENTI PAR Y... AVEC UN PAYEMENT ANTICIPE DES PERMIS FORESTIERS, ETAIT L'ORIGINE DE TOUTES LES OPERATIONS SUBSEQUENTES, SOIT EN ETANT L'INSTIGATEUR DE LA CREATION DES TRAITES TIREES PAR LA BAC SUR LA CFN, DESTINEES A ASSURER LE REMBOURSEMENT PAR LA CFN DE SA DETTE A L'EGARD DE LA BAC ET DONC TIREES DANS L'INTERET EXCLUSIF DE CETTE DERNIERE, SOIT EN PROTESTANT FIN 1960 CONTRE L'EXISTENCE DE LA CAVALERIE, QU'AINSI SE TROUVE CONTREDITE PAR LES ELEMENTS DE LA CAUSE LA PARTICIPATION VOLONTAIRE DU DEMANDEUR A LA CREATION DES TRAITES DE COMPLAISANCE OBJET DE LA POURSUITE ;

LE SECOND, DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1382 DU CODE CIVIL, 2, 3 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIF ET MANQUE DE BASE LEGALE, EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DEBOUTE LE DEMANDEUR DE SA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE ;

AU MOTIF QU'IL A ETE RECONNU COUPABLE DES FAITS AYANT CAUSE LE DOMMAGE DONT IL PRETEND AVOIR ETE LA VICTIME ;

ALORS QUE L'ADMISSION DU PREMIER MOYEN RELATIF A LA DECLARATION DE CULPABILITE DU DEMANDEUR DEVRA AVOIR POUR CONSEQUENCE LA CASSATION DE LA DISPOSITION LE DEBOUTANT DE SA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE ;

ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE ET DE CELLES DU JUGEMENT DONT IL A ADOPTE LES MOTIFS NON CONTRAIRES QUE, DANS LE COURANT DES ANNEES 1960 ET 1961, X..., CO-GERANT, AVEC Y..., DE LA SARL DENOMMEE BOIS AFRICAINS CONTREPLAQUES (BAC) A PARTICIPE A LA MISE EN CIRCULATION DE TRES NOMBREUSES TRAITES DE COMPLAISANCE AU PROFIT DE LA SOCIETE ANONYME DITE UNION D'EXPLOITATIONS FORESTIERES AFRICAINES (UNEFA) DONT Z... ETAIT LE PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL ;

QUE SI Y..., GERANT MAJORITAIRE DE LA SOCIETE BAC, A ACCEPTE SOUS SA SIGNATURE LA PLUS GRANDE PARTIE DES EFFETS TIRES SUR CETTE SOCIETE PAR L'UNEFA, X... A PERSONNELLEMENT SIGNE DIX TRAITES POUR UN MONTANT TOTAL DE 210 000 FRANCS ;

QUE TOUS CES EFFETS ONT ETE ESCOMPTES A SON PROFIT PAR L'UNEFA QUI, MALGRE L'IMPORTANCE DU FINANCEMENT AINSI OBTENU, A ETE DECLAREE EN FAILLITE ;

QUE LA SOCIETE BAC A DU REGLER LE MONTANT DES TRAITES QUI SE TROUVAIENT ENTRE LES MAINS DES TIERS PORTEURS ET A SUBI, DE CE FAIT, UN PREJUDICE CERTAIN ;

ATTENDU QUE, REPONDANT AUX CONCLUSIONS PAR LESQUELLES X... ENTENDAIT FAIRE JUGER QUE LA CIRCULATION DES TRAITES DE COMPLAISANCE ETAIT NEE ET S'ETAIT DEVELOPPEE A SON INSU, PUIS CONTRE SA VOLONTE, LES JUGES DU FOND ENONCENT QUE LA CORRESPONDANCE ECHANGEE ENTRE CE PREVENU ET Z..., DE 1957 A 1960, DEMONTRE, AU CONTRAIRE, QUE X... A ETE L'INSPIRATEUR ET L'ORGANISATEUR DE CE TRAFIC ;

QUE LES CONCLUSIONS DES EXPERTS-COMPTABLES JUDICIAIRES ONT ETABLI QUE LES DIX TRAITES SIGNEES PAR LUI N'AVAIENT PAS PLUS DE CAUSE COMMERCIALE REELLE QUE TOUS LES AUTRES EFFETS QUI ONT ETE ACCEPTES PAR Y... ;

QUE CES ACCEPTATIONS D'EFFETS AU PROFIT DE L'UNEFA N'ONT SERVI EN AUCUNE MANIERE LES INTERETS DE LA SOCIETE BAC, Z..., QUI A BENEFICIE DU PRODUIT DE L'ESCOMPTE, N'AYANT JAMAIS UTILISE LES FONDS AINSI OBTENUS POUR REMBOURSER A CETTE DERNIERE SOCIETE UNE CREANCE QU'ELLE POSSEDAIT SUR UNE AUTRE ENTREPRISE DIRIGEE PAR CE MEME Z..., LA COMPAGNIE FINANCIERE DU NAMBO (CFN) ;

QU'EN REALITE, EN AGISSANT AINSI, Y... ET X... ONT VOULU FAVORISER Z... EN DIFFICULTES FINANCIERES, EN RAISON DES LIENS D'AMITIE QUI LES UNISSAIENT ;

ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES ENONCIATIONS QUI RELEVENT L'ENSEMBLE DES ELEMENTS CONSTITUTIFS DU DELIT D'ABUS DES BIENS OU DU CREDIT DE LA SOCIETE BAC DONT X... A ETE DECLARE COUPABLE, LES JUGES DU FOND ONT JUSTIFIE LEUR DECISION TANT SUR L'ACTION PUBLIQUE QUE SUR L'ACTION CIVILE ;

QU'EN EFFET, LE DELIT SUSVISE EST CARACTERISE DES LORS QUE LE GERANT OU L'ADMINISTRATEUR D'UNE SOCIETE, D'UNE PART, A FAIT PAR SA VOLONTE FRAUDULEUSE, DU CREDIT DE LA SOCIETE, UN USAGE QUI EXPOSAIT L'ACTIF DE CELLE-CI A UN RISQUE DE PERTE, RISQUE QUI S'EST D'AILLEURS REALISE EN L'ESPECE ET QUE, D'AUTRE PART, IL A POURSUIVI UN INTERET PERSONNEL, CELUI-CI POUVANT ETRE AUSSI BIEN MORAL QUE MATERIEL ET RESULTER, NOTAMMENT, DU SOUCI DE MAINTENIR ET D'ENTRETENIR DES RELATIONS D'AMITIE AVEC UN TIERS ;

D'OU IL SUIT QUE LES MOYENS NE SAURAIENT ETRE ACCUEILLIS ;

ET ATTENDU QUE L'ARRET EST REGULIER EN LA FORME ;

REJETTE LE POURVOI ET ATTENDU QUE PAR L'EFFET DU PRESENT ARRET LA CONDAMNATION PENALE EST DEVENUE DEFINITIVE ;

QU'ELLE ENTRE DANS LES PREVISIONS DE L'ARTICLE 8 DE LA LOI DU 30 JUIN 1969 DECLARE L'INFRACTION AMNISTIEE.