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Décisions

Cass. crim., 22 octobre 2014, n° 13-86.783

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Avocat :

SCP Vincent et Ohl

Basse-Terre, du 10 sept. 2013

10 septembre 2013

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 121-1, 121-3, 122-4, 432-13 et 432-17 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Yanick Y...coupable de l'infraction prévue et réprimée à l'article 432-13 du code pénal et, en répression, l'a condamné à une amende de 10 000 euros ainsi qu'à l'interdiction de toute activité professionnelle au sein de la société Semsamar pendant trois ans ;

" aux motifs qu'aux termes de l'article 432-13 du code pénal, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire ou agent d'une administration publique, dans le cadre des fonctions qu'elle a effectivement exercées, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseils ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant la cessation de ses fonctions ; qu'en l'espèce, aux termes de déclarations du prévenu, corroborées par les éléments recueillis par les enquêteurs, il est établi que ce dernier, alors qu'il exerçait les fonctions de chef du service aménagement et développement durable au sein de la préfecture de Saint-Martin depuis janvier 2008, était en charge du contrôle de la légalité des projets des actes d'urbanisme de la collectivité de Saint-Martin, dont la société Semsamar était le mandataire et l'interlocuteur habituel de l'administration préfectorale représentée par M. Y..., et qu'il émettait aussi un avis sur les demandes de subventions les accompagnant ; à cet égard, au cours de son audition, le prévenu a reconnu avoir rédigé un avis favorable sur le projet de la médiathèque mais aussi d'avoir établi un contrôle sur la légalité du permis de construire du lotissement « la colline de Spring », déposé par la société Semsamar et mandatée à cet effet par la collectivité de Saint-Martin, a poursuivi la régularisation du projet et la poursuite des travaux depuis son embauche au sein de la société Semsamar en mai 2011 (non repris dans l'acte de poursuite) et ne conteste pas davantage être intervenu sur le contrôle de l'exécution des travaux relatifs à la réhabilitation de la rue de Hollande (non repris dans l'acte de poursuite) et de la route départementale 208 ; il est également démontré qu'il a établi un contrôle de légalité sur la cité scolaire, l'abattoir, le bâtiment administratif de Galisbay, la réparation du pont de Sandy Ground, la cuisine centrale et la restauration scolaire puis en a assuré un suivi direct ou indirect ensuite en qualité d'agent de la société Semsamar ; que M. Y..., qui a signé le 9 février 2011 le contrat d'embauche que lui a proposé la directrice générale de la société d'économie mixte Semsamar dès le 24 janvier 2011, ne peut alors se retrancher derrière l'avis favorable de M. Z...et de M. A..., successivement préfet en exercice à Saint-Martin, ni non plus du rejet de la saisine de la commission de déontologie, directement consécutive aux avis de ces derniers corroborant sa propre déclaration sur l'honneur du 28 février 2011 « de ne pas avoir été chargé de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par l'une de ces entreprises la société Semsamar de formuler un avis sur de telles décisions », alors que les éléments ci-dessus établissent sa participation directe à des prises de décision par les avis qu'il adressait à l'autorité décisionnelle ; d'ailleurs, le prévenu le sait si bien que, sur interrogation de Mme X...dans le cadre de l'instruction préalable à l'éventuelle saisine de cette commission de déontologie, il évoque des dossiers d'ingénierie dont la mise en oeuvre cesse, d'après ses dires, en 2006, soit bien endeçà du délai minimum de trois ans légalement requis, et en omettant sciemment les opérations rappelées ci-dessus et, ne serait-ce que la convention d'utilité sociale passée par l'Etat et la société Semsamar pour laquelle il n'a pas manqué de donner directement son avis, même si ce point ne fait l'objet d'aucune poursuite ; il est ainsi incontestable qu'il a agi en pleine connaissance de cause et de manière délibérée alors qu'il était informé des limites à ne pas dépasser à tout le moins depuis l'établissement de son dossier de mise en disponibilité à l'occasion de la signature de son attestation sur l'honneur ; dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge, constatant la réunion des éléments constitutifs de l'infraction rappelée ci-dessus, a déclaré M. Y...coupable de la commission de cette infraction pour les faits visés dans la prévention ; que le jugement déféré sera confirmé de ce chef ;

" 1°) alors que nul ne peut être puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi ; que toute infraction doit être définie dans des termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire ; que selon l'article 432-13, 1er alinéa, du code pénal est puni le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que fonctionnaire ou agent d'une administration publique, dans le cadre des fonctions qu'elle a effectivement exercées, soit d'assurer la surveillance ou le contrôle d'une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l'autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseils ou capitaux dans l'une de ces entreprises avant l'expiration d'un délai de trois ans suivant la cessation de ses fonctions ; que selon l'alinéa 3 de ce même texte, est assimilée, pour l'application du 1er alinéa, à une entreprise privée, toute entreprise publique exerçant son activité dans un secteur concurrentiel et conformément aux règles du droit privé ; que toutefois, en raison tant de l'imprécision de la notion de secteur concurrentiel que de l'ambivalence de l'expression « exerçant son activité dans un secteur concurrentiel et conformément aux règles du droit privé », l'article 432-13, pris en son troisième alinéa applicable à la société Semsamar, qui ne constitue pas une entreprise privée, ne saurait servir de fondement à une poursuite pour prise illégale d'intérêt, de sorte qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 111-3 du code pénal ;

" 2°) alors en toute hypothèse que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments de l'infraction qu'il réprime ; qu'en statuant comme elle a fait, sans préciser en quoi la société Semsamar, société d'économie mixte, aurait constitué une entreprise privée ou, à défaut, une entreprise publique exerçant son activité dans un secteur concurrentiel et conformément aux règles du droit privé, la cour d'appel, faute d'avoir caractérisé tous les éléments du délit, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 432-13 du code pénal ;

" 3°) alors encore, et en toute hypothèse, que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments de l'infraction qu'il réprime ; qu'en se fondant sur le fait que M. Y...était en charge du contrôle de la légalité des projets des actes d'urbanisme de la collectivité de Saint-Martin, qu'il émettait un avis sur les demandes de subventions les accompagnant, enfin, qu'il avait établi un contrôle de légalité sur divers projets, permis de construire et ouvrages tout en constatant que la société Semsamar n'était que le mandataire de la collectivité de Saint-Martin, la cour d'appel qui n'a pas davantage fait ressortir en quoi M. Y..., dans le cadre des fonctions qu'il avait effectivement exercées, aurait dû être regardé comme ayant proposé à l'autorité compétente des décisions « relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions », a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 432-13 du code pénal " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. Y..., après avoir été fonctionnaire à la préfecture de Saint Martin, est entré au service de la société d'économie mixte SEMSAMAR dès sa mise en disponibilité ;

Attendu que, pour dire établi le délit de prise illégale d'intérêts, l'arrêt retient notamment que le prévenu, dans ses fonctions anciennes, était en charge du contrôle de la légalité des projets et des actes d'urbanisme de la collectivité de Saint-Martin dont la société SEMSAMAR était le mandataire et l'interlocuteur habituel ;

Attendu que qu'en prononçant ainsi, et dès lors qu'il n'importe, pour la caractérisation du délit, qu'il s'agisse d'une société d'économie mixte, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche et qui, pour le surplus, revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;


Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Sur le pourvoi formé le 13 septembre 2013 :

Le déclare IRRECEVABLE ;

Sur le pourvoi formé le 12 septembre 2013 :

Le REJETTE ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux octobre deux mille quatorze ;